Get out - Bosnie ville de Pâle - Eliza

C'était prévisible. C'était foutrement prévisible mais c'est ce qu'on aime non ? Plonger dans les emmerdes à pieds joints et surtout jouer des poings. Dans la cellule grise et froide, je déplore de ne pas avoir mes clopes, confisquées avec tout le reste même ma veste, et je me caille grave en tee-shirt désagréable de transpiration séchée. Mes compagnons sont dans d'autres cellules et je ne les vois pas parce qu'elles sont closes hormis une toute petite fenêtre ornée de barreaux face à moi. Je m'assieds sur le banc-lit de fer et j'attends. J'attends Markovic, avocat attitré des Tigrovi, il a été prévenu dès qu'on s'est fait embarqué à la suite du meeting politique de la SDS.

On était là-bas - à Pâle en pleine RS à quelques kilomètres de Sarajevo - pour ça, les chauffer et que ça dégénère, casser l'ambiance du meeting, casser les têtes des partisans, faire partir en vrille la sortie et foutre le bordel. Oh, on a bien réussi. Mais les flics ont débarqué très vite et ont fait un joli coup de filet. J'imagine que la présence des observateurs internationaux les motivent à faire leur job pour une fois. Bon j'exagère, c'est pas la première fois que je me fais arrêter mais d'habitude, un peu de thune et ça se règle rapidement. Pas cette fois. Peut-être parce que le flic qui m'a arrêté est bosniaque. Peut-être parce qu'on a eu des insultes et des menaces à l'égard de son peuple. Bah c'était l'adrénaline... Parce que ce soir c'était un problème serbo-serbe, alors il aurait mieux fait de se mêler de ses affaires et de nous laisser régler les nôtres. Je touche mon arcade sourcilière qui tiraille mais le sang a séché, ça tient du bobo.

Dans le bureau, seule le bruit des touches de mon ordinateur ponctues le silence qu'il y règne. La maison familiale est toute aussi silencieuse à cette heure de la nuit. Je finalise un dossier sur lequel je travaille depuis quelques mois. Un rachat d'entreprise à New-York par un consortium d'homme d'affaire serbe. Je regarde l'horloge de mon ordinateur et calcule les six heures de décalage avec la grosse pomme tout en appuyant sur Envoyer de mon mail. La soirée ne faisait que commencer pour eux. J'enlève mes lunettes de vue pour me frotter les yeux.

La sonnerie du téléphone fixe de la maison me fait sursauter et je décroche un peu maladroitement en faisant transfert l'appel dans le bureau où je me trouve. Si c'était en pleine journée, j'aurai laissé Ana, la gouvernante de la maison décrocher, mais il était minuit passée et je suis la seule encore debout.

Non, il est couché répondis-je dans un serbes sans accent tout en fronçant les sourcils au ton agacé de mon interlocuteur. Puis une note de surprise tinte la voix de la prochaine question surprise. Avec un sourire que mon interlocuteur ne voit pas, je confirme mon identité. Il s'agit de Jelenko Drazavic, un vieil ami de mon Père. Enfant, je l'appelais Oncle Jelenko. C'était bien avant que je découvre ses activités et la raison de son emprisonnement de 20 ans. Mon père avait contribué à sa libération récente.

Je peux peut-être t'aider ?
Il finit par me dire ce qu'il attend de moi. Je note les informations et noms qu'il me donne.
Je vais faire le nécessaire …

Une fois raccrochée, je compose un numéro interne à la maison. Sans préambule, j'annonce. Je dois me rendre à Pâle.... Oui tout de suite.... Bip bip bip.
Un quart d'heure plus tard, je sors de la propriété assise à l'arrière d'une berline sombre. Igor, l'un de mes gardes du corps a titré me sert de chauffeur. Il a encore les cheveux en bataille d'avoir été tiré du lit en pleine nuit. Je croise son regard dans le rétroviseur intérieur de la voiture. Tout en étant au téléphone avec un contact dans la Police, je lui adresse une excuse.

La porte s'ouvre sur un homme qu'on vient de sortir de son lit inconfortable et un gardien. Je range mon portable dans ma poche. J'attends patiemment qu'on installe mon client que je dévisage un instant sans bouger puis fait signe au gardien de nous laisser. Slavenko ne tarde pas à manifester son mécontentement. Son air renfermé me replonge malgré moi dans un souvenir. J'ai 15-16 ans. Je suis une ado trop gâtée et à la recherche de sensation. Lui 20-21 ans, déjà touché par la violence dans le monde dans lequel nous vivons. Je porte ma main devant ma bouche pour cacher le sourire que j'ai, mais ne peux m'empêcher d'éclater de rire.

Pardon finis-je par dire devant son expression. C'est ta faute ... Tu verrais ta tête …

Je m'approche de la table et me penche tout en appuyant dessus à l'aide de mes mains. Je l'examine de plus près avec un air plus sérieux à la recherche de blessure visible. Il ne semble pas trop amoché a par une cicatrice à l'arcade.

Je ne suis pas très fleur Bleu, mais je m'attendais au moins à un “ho Eli t'es superbe ? Je suis trop content de te voir “ . Mon ton est moqueur, car ce n'est pas le genre du Serbe de dire ce genre de truc. Je hausse les épaules. Ok je te l'accorde, l'endroit ne s'y prête pas, mais dans ce cas au moins un “merci” de m'occupe de te sortir de là après avoir merdé …

Je me redresse et croise les bras. J'avais repris une expression plus professionnelle.
Montre-moi tes mains... L'arcade c'était pendant le meeting ou pendant l'arrestation ?

Je note mentalement de lui faire voir un médecin.

Je reprends mon air moqueur tout en haussant les épaules et dit sur un ton “l'air de rien”.
J'aime crée la surprise …

La reprise de certaines affaires de mon père n'avaient pas été salués par certains de ses clients un peu trop conservateurs ou trop misogynes. Certain homme n'aime pas mettre leurs affaires entre les mains d'une femme.
Je travaille pour mon père depuis un moment à Londres. Mais il a décidé de prendre sa retraite alors je prends la relève pour ce qui concerne les affaires en Europe de l'est.

Apparemment ni son père, ni son oncle n'avait pas pris la peine de l'informer de cela. Alors qu'il vient de répondre à mes questions concernant son arrestation je jette un œil à la caméra dont le voyant brille dans la pénombre. Je hausse la tête affirmativement à sa dernière question.
Pour toi, pas trop mal

Je me retourne pour toquer à la vitre sans tain.
Tes amis seront libérés demain … enfin ce matin après le changement de garde.

On toque à la porte qui s'ouvre immédiatement après. Un policier en uniforme pose les affaires de Salvenko sur la table. Je remercie l'homme d'un signe de tête.
Rassemble tes affaires qu'on quitte cet endroit..

Je lui accorde qu'entendre que mon père prend sa retraite est amusant. Faire de la politique ? Je suis certaine qu'il avait étudié la question à un moment ou un autre de sa carrière. Mais la raison qui le pousse à me laisser les rennes de ses affaires est bien plus personnelle. J'ai bien conscience qu'il continuera à tirer quelques ficelles dans l'ombre aussi longtemps qu'il le pourra.

Qui sait avec lui

Il récupère ses affaires et signe les papiers de sortie sans manquer de narguer les agents qui nous entourent. Si je n'étais pas en train de bosser, j'aurais surement soupiré et lever les yeux au plafond. Ha les mecs, toujours a en rajouter.

Une fois dehors, j'aperçois Igor qui nous attend près de la voiture. Je lui avais envoyé un sms pour lui donner le top départ. Je montre à Salvenko la voiture qui nous attend.

Je vais décliner ton offre … j'ai une grosse journée qui m'attend dans quelques heures et il vaut mieux que j'ai quelques heures de sommeil pour tenir. Mais je vais te déposer avant.

Igor ouvre la portière pour moi comme à son habitude et je m'installe sur la banquette arrière. J'attends que Salvenko s'installe à son tour pour reprendre la conversation. Je sors de mon sac une carte de visite que je tends a Salvenko.

Va te faire examiner par ce médecin. Je le préviendrais de ta venue.

Igor prend le volant et démarre. Je me mets à jouer avec mon alliance que je porte toujours malgré que je sois veuve. Je ne peux me résoudre à l'enlever.

Ton père a demandé que je te dépose après t'avoir libéré..