Les sommets immaculés - Slavina

​Dans la voiture, les sourcils froncés, je m'assure que Slavenko ne se fait pas mal, du moins autant que je peux parce que je n'y vois pas grand chose. Mais dès qu'il se redresse, j'ai mon téléphone en main et je suis prête à le prendre en photo, avec son air épuisé, son nez rougi par le froid et son bonnet sur le crâne. Depuis le Noël orthodoxe j'ai pris la résolution de prendre des photos plus souvent, c'était un peu difficile pour moi parce que toutes nos photos d'avant sont restées au fond d'une boîte quand il est parti, mais je m'efforce de nous créer de nouveaux souvenirs, malgré ma peur qu'ils ne volent en éclats une nouvelle fois. Je lui souris quand il me rejoint dans la voiture, je n'ai pas eu trop froid, je ne dirais pas que j'ai chaud non plus mais l'intérieur a eu le temps de chauffer. Merci, moja duša. Et je pose ma tête sur son épaule jusqu'à ce qu'on arrive à destination.

J'ai un peu de mal à marcher dans la neige, j'ai les bottes pour, mais ma jambe blessée est toujours douloureuse et je boîte pas mal. Je voulais pas d'un quatre étoiles, t'en fais pas. Je n'aspirais qu'à m'éloigner un peu, avec lui, au calme. Depuis qu'on est proches de la montagne, la vue de la neige m'émerveille -c'est qu'il n'y en a pas beaucoup en Louisiane figurez-vous !- et ça n'a rien à voir avec la neige new-yorkaise non plus. Ici l'hiver c'est autre chose, et là nous sommes à la montagne ! Je suis aux anges, enchantée, le regard brillant d'une lueur enfantine et pourtant boudeuse parce qu'avec ma jambe je ne pourrais pas vraiment skier... Il ouvre enfin la porte du chalet, spartiate en effet, plutôt vieillot aussi, mais je ne perds pas mon sourire pour autant. Ok, mission numéro une : faire un feu ! Un énorme feu. Y a des chauffages en plus ? Faut tout chauffer à bloc là... T'as bien acheté de quoi nous faire des chocolats chauds, mh ? Et des pancakes ? Des gâteaux ?​ Je lui avais fait une liste, mais je me méfie toujours !

J'ai un sourire attendri, une lueur éperdument amoureuse dans le regard, pas seulement parce qu'il a pensé à ma liste de courses, mais parce qu'il a bien voulu m'emmener ici. Je sais que les risques qu'on se déchire subitement sans réelle raison apparente sont toujours bien présents, mais j'ai bon espoir qu'on parvienne à s'entendre cette fois. Je suis prête en tout cas à faire des efforts pour prendre sur moi. Dans l'entrée, j'abandonne mes bottes pleines de neige pour marcher en chaussettes épaisses dans la maison. Évoluant comme toujours avec ma démarche de petite vieille boîtillante, je fais le tour du rez-de-chaussée, et la chambre est rapidement choisie. Il n'y en a que deux à cet étage, l'une avec des lits une place, l'autre avec un lit deux places. Je jette donc mon dévolu sur celle qui nous permet de dormir ensemble, tout en notant mentalement que si on en vient à se battre, on pourra toujours faire chambre à part ! Je garde ma plaisanterie pour moi, je doute qu'elle l'amuse beaucoup.

Tandis qu'il s'active, je me charge de ranger nos courses dans les placards de la cuisine. Tout est d'une seule pièce, cuisine, salon et salle à manger, ce qui fait que je peux l'observer du coin de l'œil pendant qu'il lance la cheminée. C'est parfait, Slavenko, un coin tranquille et de la neige, c'est exactement ce que je voulais... Tu remercieras ton cousin. En prime, le fait que ce soit très rustique me dissuade de faire la comparaison avec le Chalet de NY, et c'est une bonne chose. Je l'ai rencontré quand on a fêté Noël ? Je ne me souviens pas... Il faut dire aussi qu'il m'a présenté beaucoup de monde en très peu de temps. Tu veux un chocolat ? J'en prépare d'office un pour moi une fois les affaires rangées, et je viens ensuite me poser sur le canapé, juste à côté de lui, un sourire aux lèvres. Avant que je vienne vivre ici... Tu voyais souvent ta famille, ou même tes amis, les jours où tu bossais pas ? On pourrait tu sais...? Les inviter à manger ou à... Faire une sortie.

Assis en tailleur devant la cheminée, sur le sol froid de dalles de pierre, je m'affaire à installer les buches et le papier pour faire du feu. Je réponds à Nina en jetant parfois un coup d’œil par dessus mon épaule pour voir ce qu'elle fait.

"Je préfère un café s'te plait srce. Je dirais à mon cousin que ça t'as plu, ça lui fera plaisir. On se voit un peu, mais pas tant que ça. On a parfois des repas de famille, pour Noël, la Slava ou un anniversaire. Et j'ai un ou deux petits cousins éloignés qui font partis des Tigrovi mais ils sont plus de l'âge de Camenko. On a croisé Dragan à la messe, c'est un cousin par alliance, c'est le mari de ma cousine, et le père de Heyda, la petite fille que j'ai rendu à sa sœur.

Mes amis, je les vois plus puisque ce sont tous des Tigrovi quasiment... Je les vois toujours ! Est-ce que tu crois que tu aimerais sortir avec eux ? J'veux dire humm...on n'est pas très "délicat" ... 'fin à coté les gars du Bronx étaient des anges, ha! " Je suis au regret de l'admettre mais j'ai un peu peur de la réaction de Nina face à nos comportements de slaves grande gueule, macho, qui sortent en bande. Vous voyez le topo ? Je ne risque pas de remonter dans son estime si je l'emmène trainer avec mes compagnons bourrins un soir où on se lâche.

​Sur la table basse en bois, je pose sa tasse de café, et mon mug de chocolat chaud, rempli à ras-bord. J'ai même ajouté de la crème et de la cannelle, je ne sais pas pourquoi mais depuis que j'ai emménagé à Sarajevo et qu'il y fait si froid, je suis dans un méga-trip à vouloir foutre beaucoup de sucre et d'épices partout, comme si j'avais été contaminée par Noël alors que les fêtes sont terminées ! Je me souviens de la petite, oui... Pas vraiment de son père. J'avoue dans une grimace désolée. Il y avait beaucoup de monde ce soir-là, surtout à la messe où il n'y avait pas que des membres de sa famille ! J'espère que j'aurais l'occasion de les recroiser, c'est important pour moi. En réalité, ça l'a toujours été. Déjà quand sa mère est décédée et qu'on est venus pour l'enterrement, j'étais heureuse de rencontrer sa famille.

J'arque un sourcil, amusée par ses précautions. Parce que tu crois que les types avec qui je traînais en Louisiane étaient délicats ? J'imagine assez bien comment vous êtes, Slavenko, t'en fais pas. Et oui, ça me plairait de sortir avec vous, vraiment. Et ça me dérangerait pas que tu sortes avec eux sans moi aussi, tu sais ? Je veux pas que tu cesses de faire ce que tu faisais parce que je suis là... Sauf pour ce qui est de coucher avec des putes, évidemment, est-ce nécessaire de le préciser ? Mais je ne voudrais pas qu'il se coupe de ses amis, qu'il ne les voit plus en-dehors du QG. Et j'aimerais bien inviter Camenko à la maison, enfin s'il veut toujours me voir après l'épisode du kidnapping, ahem...

"C'est normal zlato, y avait tellement de monde à cette fête. Tu peux pas te souvenir de tous ! Dimanche, c'est la Slava, pour la Saint Sava, qu'on va fêter. Tout le monde sera là mais pas forcément en même temps. Il y a une grosse fête le 27 janvier et une autre le 27 avril. C'est le Saint de la famille. Si on s'était marié à l’Église orthodoxe, ce serait le tien aussi." et si on n'avait pas divorcé bien sur mais je me contente d'expliquer nos traditions, sans amertume cette fois. "Les femmes héritent du saint de leur mari. Et la Slava des Tigrovi, c'est le 23 avril et le 03 novembre pour la Saint Jergis, la Saint George. Humm tu suis ? " Je souris, parce que ça lui semble toujours infiniment compliquées nos histoires et j'imagine que ça l'est, toutes ces traditions et ces codes pour qui n'a pas baigné dedans.

J'ai un rire amusé quand elle me dit qu'elle sait à quel point nous ne sommes pas "délicat", partons sur cet euphémisme. "Srce, on parle de slaves avec de la vodka entre les mains...Mais je te rassure, les femmes ne sont pas cantonnées à la maison, elles peuvent venir, tu peux venir. Rarement les femmes officielles, soyons honnêtes, mais quelques régulières, maitresses ou amoureuses des premiers temps, oui ça arrive très souvent puisque les Tigrovi ont envie de s'amuser de toutes les façons possibles : alcool, sexe, adrénaline & co. " En plus, je n'ai pas l'impression de me priver de sorties. Parfois quand je les regrette c'est parce qu'on vient de s'engueuler avec Nina, mais je crois qu'elle prendrait mal le fait que je sorte précisément à ce moment là. Elle pourrait s'imaginer que je m'en vais joyeusement la tromper !

"On peut inviter Cam, oui. Il t'en veut pas, il n'est pas rancunier. Il était contrarié parce que c'est un stratège et il aime bien que ses plans se déroulent sans accro ! On va dire que tu ne lui as pas facilitéla tâche."

Il parle de la Slava et mon regard s'assombrit bien malgré moi, mon visage se fermant face à son enthousiasme que je trouve soudain extrêmement déplacé. Je sais très bien quelle est la date de la Slava... Il a la mémoire courte, ou sélective, mais c'est lors de la fête de la Slava du Klan, au mois d'avril, que j'ai appris que j'étais enceinte. J'avortais seulement quelques jours plus tard, dévastée, tandis qu'il planifiait déjà son départ j'en suis sûre. Je me pensais malade le jour de cette fête, ​nauséeuse depuis quelques jours déjà, je n'imaginais pas en y allant que ma vie toute entière s'apprêtait à être bouleversée. Je ne dis rien de plus, je ne veux pas le blesser ou repartir sur une nouvelle dispute, ce n'est clairement pas le but de ce séjour, bien au contraire ! Si c'est le Saint de la famille, je suis censée venir quand même ? Dimanche ? Je ne parle pas de celle du mois d'avril, je sais déjà que je n'irais pas.

J'acquiesce dans un sourire. Il en faut plus pour m'effrayer. Je viendrais. Si tu veux que je vienne... Je précise malgré tout rapidement, ce n'est pas parce que je suis autorisée à venir qu'il aura spécialement envie que je le fasse. Je réalise que je n'en sais trop rien, finalement, nos relations restent assez floues, comme ce qu'on est censés faire ensemble ou pas d'ailleurs. Je ne me sens plus vraiment légitime nulle part à ses côtés.

Je hausse les épaules nonchalamment. Il saura pour les prochaines fois que si je fais partie du plan... Ben y a plus vraiment de plan. Principalement si la sécurité de mon mari est en jeu, bien-sûr... Mais de façon plus générale, je suis assez mauvaise élève, très réticente face à l'autorité, j'ai un mal fou à obéir aux règles quand je ne suis pas d'accord avec ces dernières, et je suis incapable de garder mon opinion pour moi. Bon sang, j'aurais fait un très mauvais soldat ! ​

Je ne percute pas à ma maladresse, continuant mes explications pour Nina. "Bien sur tu peux venir si tu as envie, tu sais bien que je t'impose rien srce. Le principe c'est qu'il n'y a pas de liste d'invités, la maison est ouverte à la famille et aux amis, c'est tout. Je n'ai pas pensé à demander à mon père où ça se fait cette année. Normalement ça devrait être chez lui, parce qu'il est l'ainé, mais l'année passée c'était chez mon oncle. Il a une villa en RS qu'il n'utilise quasiment jamais. Faut dire qu'il est rarement là. Je pense que ce sera la même chose cette année, alors on peut passer manger un bout dans la journée si ça te va."

Quant à la question des sorties, je hausse les épaules "hé bien je ne sors plus beaucoup mais oui mon ange, on peut se prévoir une sortie avec mes camarades Tigrovi. Il y a en a toutes les semaines au moins !" Le feu allumé, je me lève pour me laver les mains noires de suie. La cheminée est à feu ouvert avec une grille en guise de pare-feu devant. C'est rustique

"Il n'y aura pas de prochaine fois et tant mieux parce que tu vas le rendre fou avec ton raisonnement ! Je suis pas d'accord, quand on cambriolait des bijouteries, tu suivais très bien le plan." On l'élaborait à deux, elle la partie technique pour les coffres et les alarmes, moi la partie gestion du temps, gros bras et porte de sortie. Ça fonctionnait bien. J'aimais bien ces sorties spéciales. Je reviens m'asseoir près de Nina pour prendre mon café encore chaud. Ensuite je tends le bras pour caresser son épaule et son dos d'un geste de réconfort, comme pour la réchauffer, c'est surtout parce que je ne résiste pas à sa présence toute proche et l'envie de la toucher. "Tu te réchauffes moj andjeo ?"

​Je crois que c"est une bonne chose qu'il ne relève pas ma remarque. Bien-sûr ça me blesse, parce que je réalise une fois de plus à quel point cet événement a peu compté pour lui alors qu'il a complètement changé ma vie... Mais d'un autre côté, ça ne plombe pas l'ambiance et je crois que c'est tout ce dont on a besoin aujourd'hui. Je veux à tout prix éviter un drame inutile. Je fronce le nez. Je sais que tu ne m'imposes pas... Mais est-ce que tu as envie que je vienne, c'est surtout ça. J'ai encore un peu de mal à comprendre ce qu'il attend de moi, de nous. Forcément, la perspective que ce soit chez Mirko me refroidit, mais je ne me laisse pas démonter. Si j'espère me faire accepter un jour, je ne peux pas perpétuellement jouer les fantômes, il va bien falloir que je me montre !

J'avale une gorgée de chocolat qui me brûle la langue et je m'enfonce un peu mieux dans le canapé, croisant les jambes pour m'asseoir en tailleur et être plus confortable. J'ai mis une robe avec des collants en laine, épais, et si j'ai ôté ma veste, je porte encore un long gilet en laine par-dessus, dans les manches duquel j'ai emmitouflé mes mains. Dodelinant de la tête, je le contredis. Je suivais bien le plan parce que c'était plus ou moins mon plan, surtout, j'avais fait les repérages et je savais ce que je voulais. Mais je ne suis pas douée pour exécuter les plans des autres, on va dire ! Sauf les tiens, je pense que je t'obéirais si l'occasion se présentait... Mais si je te sens en danger, j'aurais toujours du mal à t'écouter. Disons que l'autorité naturelle de mon ma... De Slavenko est la seul à laquelle je suis, potentiellement, réceptive. Et encore, si je suis dans de bonnes dispositions !

Je relève le museau vers lui dans un sourire quand il s'installe à côté de moi, hoche la tête en désignant mon chocolat, puis la cheminée. Oui, ça commence... Il va faire bon à l'intérieur je crois... Dommage que je sois pas vraiment en état d'aller dans la neige, j'aurais bien aimé qu'on aille se balader.​

"Srce moje, ça me ferait plaisir que tu viennes avec moi." Cette fois, je suis assez serein pour réaliser que l'énoncer simplement peut désamorcer une catastrophe dont on a le secret. C'est terrible qu'elle pense à chaque fois être de trop. A la Noël, on était bien ensemble non ? Je pensais avoir réglé la question mais Nina est du genre à se torturer.

Je secoue la tête entre entêtement et amusement "Tu devrais pourtant écouter Camenko, il est plus doué que moi pour monter des opérations." Après tout il a été à l'école, à étudier l'art de la guerre et de la stratégie quand moi je suis plus brut dans ma démarche.

Je me hisse pour cueillir un baiser sur ses lèvres chocolatées avant de rire "Mais on peut se balader mon ange ! Il y a assez de neige pour qu'on prenne la luge. Tu n'auras qu'à t’emmitoufler dans des couvertures et moi je pousserais, je risque pas d'avoir froid ! Mais il ne faut pas partir trop tard pour être rentrés avant la tombée de la nuit."

​Je hoche la tête dans un sourire, un peu gêné sans doute parce que je vois bien que mes doutes lui paraissent complètement irrationnels. Je sais bien que je ne peux pas constamment ramener ça sur le tapis, croyez-moi j'en suis bien consciente, mais il n'en reste pas moins que son départ m'a forcément placée dans une position d'insécurité constante. J'essaie de travailler là-dessus, mais ça prend du temps et nos disputes constantes n'aident pas vraiment à avancer je dois l'admettre.

Je hausse négligemment les épaules. Une chance que je ne bosse pas pour Camenko, alors. C'est l'une des principales raisons pour lesquelles j'ai toujours préféré travailler seule, d'ailleurs. Je connais mes forces et mes faiblesses, et je sais pertinemment que le travail d'équipe n'est pas fait pour moi. Il n'y a guère qu'avec Slavenko que je m'entende réellement, et il est le seul que j'accepte avec plaisir à mes côtés si je monte un coup. Legence également, mais pour d'autres raisons... Disons que je tolère sa présence parce qu'il a toujours de sacrés bons plans, en fait.

​Sa proposition me fait froncer le nez, d'amusement et d'un certain scepticisme également. Tu veux me pousser dans une luge ? Je crois que j'aurais légèrement l'impression de t'exploiter quand même !

Je hausse les épaules d'un air décontracté. Nous n'avons pas la même façon de fonctionner, pas du tout. Je sais quand obéir, je sais obéir. Tandis qu'elle, c'est une solitaire doublée d'une rebelle. Bien sur qu'elle ne suivra jamais les ordres. C'est la différence fondamentale entre nous je crois. De là découlent nos difficultés à nous comprendre. Je ne me pose pas de questions comme elle le fait, je suis le courant tandis qu'elle cherche à tout analyser.

Sa surprise me tire un nouveau rire et je prends un air entre le moqueur et le rusé "M'exploiter ? Pourquoi m'exploiter ? Tu croyais que je le ferais pour rien ? Oh que non moje srce, tu vas me payer en nature. Humm une balade contre du sexe, c'est équitable je trouve."

​Evidemment, sa réponse m'arrache un rire, clair, tandis que je secoue la tête, le regard brillant d'amusement. Oh je ne suis pas dupe de ses manœuvres pour m'amadouer, on sait bien l'un comme l'autre qu'il n'a pas besoin de me faire le moindre chantage, ou de m'offrir quoi que ce soit en échange de faveurs sexuelles ! Mais je joue le jeu malgré tout, d'une part parce que je ne voudrais pas le braquer, ensuite parce que je trouverais ça vraiment dommage d'être ici et de ne pas en profiter pour faire un tour dans la neige. Humm tu ne crois quand même pas que tu vas pouvoir me pousser dans une vulgaire luge ? Non, non, il me faut au moins... Un carrosse. Avec des diamants sur les côtés, tout ça... Je lui tire la langue, amusée, avant de me pencher pour voler un baiser sur ses lèvres chaudes.

Je n'ai pas entendu son rire aussi joli et clair depuis des lustres et l'envolée joyeuse me fait lui jeter un regard de pure adoration. Mais qu'est-ce que j'aime quand elle rit. Je me jette dans ce baiser qu'elle m'offre, mes mains l'enveloppant. "Des diamants ? t'es bien ma voleuse toi... Je n'ai pas de diamant à t'offrir mais un thermos de chocolat chaud et des marshmallow. Ça aussi ça mérite des bonus." Je bécote doucement sa bouche, joueur mais déjà frémissant. Je ronronne contre sa bouche, mes déjà glissant pour essayer de fouiner dans le tas de vêtements dont elle s'est emmitouflée - je sens bien que ça va me rendre gentiment fou... "Je crois que je vais me faire payer en avance."

Mon baiser, supposé être au départ un bref smack joueur, se transforme en baiser langoureux, voluptueux sous son impulsion. Parce que ses mains se déploient sur moi, que sa chaleur m'enveloppe malgré les vêtements qui nous séparent, que j'ai la sensation de pouvoir sentir son rythme cardiaque s'emballer. Je ronronne contre sa bouche, la voix vibrante du désir qu'il fait naître en moi, sans cesse renouvelé. T'as de la chance, j'accepte de troquer les diamants contre du sucre... Mais c'est bien parce que c'est toi. Sous ses caresses je m'alanguis déjà, avec l'envie de m'allonger et de me laisser dévorer lentement. Mes doigts remontent doucement dans ses cheveux. En avance...? Humm si j'abandonne l'idée des diamants tu crois pouvoir faire quelque chose pour mon carrosse...?

Je papillonne des cils, fais mine de marchander seulement parce que je pressens des négociations... Intéressantes. Je passe mes bras autour de son cou, l'attire irrésistiblement vers moi tout en dépliant les jambes pour me laisser aller dans le canapé. Je me sens d'humeur joueuse, et surtout je sais qu'aujourd'hui on a le temps, qu'il ne devra pas aller bosser et moi non plus. L'air de rien, je remonte ma jambe valide pour la presser contre sa hanche. Si tu commençais par me réchauffer...?

L'intérieur de mon ventre se liquéfie brutalement quand elle s'alanguit, si sensuelle que j'en ai des bouffées de chaleur. Des vagues de désir ondulent sous ma peau tandis qu'elle plonge ses mains dans mes cheveux. Je rampe, m'étire pour accompagner ses gestes, prédateur sur ma proie consentante ou est-ce moi la proie ? Ca n'a pas d'importance. "Un carrosse ? Est-ce qu'une luge avec une tonne de couettes ça fait carrosse ? Avec un cocher, moi ! Tu seras encore mieux que dans un carrosse"

J'ai réussi à glisser ma main sous sa robe, me heurte à son collant de laine. "Réchauffer mais tu es toute chaude moj andjeo tu dois même mourir de chaud sous toute cette laine, c'est pas possible autrement." Mon regard pétille malgré mon bougonnement qui n'est que jeu. Je ne donne pas cher de ses collants s'ils m'agacent trop. Je pose une paume enveloppante sur son sexe, franchement, par dessus tout le tissu dans un geste massant prometteur alors que je l'embrasse à nouveau, la surplombant, mon corps si proche du sien qu'il rêve déjà de le rejoindre.

​La lueur mutine qui éclaire mon regard change, mes prunelles s'assombrissant sous les ondes de désir qui enflent dans le creux de mon ventre. ​Je suis certaine que ta luge sera très confortable... De mes dents, je m'accroche à sa lèvre inférieure, tire doucement sur cette dernière dans un soupir à peine contenu. Mais même ensevelie sous les couvertures, je crois que j'aurais froid loin de tes bras... Vous n'imaginez pas la torture que représentent ces balades, pourtant agréables, quand je ne peux pas goûter à sa peau comme je l'entends.

Je m'attendais à ce qu'il joue plus longtemps, me fasse languir un peu, et le contact de sa main contre mon sexe me fait prendre une brusque inspiration de surprise, mon souffle se bloquant dans ma gorge. Je ne sais soudain plus quel jeu je cherchais à jouer, il suffit que ses lèvres trouvent les miennes pour que je perde la notion de lieu et de temps. Je soulève mon bassin pour me presser contre sa paume, noue ma langue à la sienne avec une avidité que je ne cherche même pas à dissimuler. Non c'est vrai, tu as raison... Je mords sa bouche un peu plus fort, fourre mes mains sous son pull qui subitement me gêne puisqu'il me prive de sa chaleur. Je lape ses lèvres d'un coup de langue. Je brûle déjà, tu sens comme j'irradie moja duša ?

 Le désir me mord les tripes, me tient plus fermement entre ses griffes et ma gorge se noue à sa phrase si romantique qu'elle m'étonne. De nous deux, c'est moi qui ait des accès de guimauverie. Ça me fait fondre. "Moja princeza" Je le souffle, émerveillé de ressentir tant d'amour pour elle.

Je rugis bas contre sa bouche, frémissant de la sentir réagir si fortement que ça m'excite davantage. Mon sang rush, délicieuse sensation. Nos langues jouent, se cherchent, nos baisers sont déjà avides et possessifs. Je ne cherche pas à ralentir le jeu, mon baiser se fait plus voluptueux, ma main entre ses cuisses masse et frotte le tissu le temps de ce baiser. "t'es brûlante zlato, ça me plait... Laisse moi faire srce..." Je tends les bras pour qu'elle m'ôte mon pull parce que je suis brûlant, je crève de chaud. Ma peau est violacée de la veille et mes gestes un peu raides, mais j'oublie tout ça dès que le désir s'est emparé de moi. Je me redresse pour pouvoir ôter les collants de Nina avec un soin presque patient parce qu'elle est blessée et que je ne veux pas lui faire mal. Après ça, je me contente de retrousser sa robe avant d'approcher mon visage de mon objectif. Le sang battant aux tempes, je trouve qu'il est temps de jouer un peu et la dentelle restante est un excellent prétexte.

Avec les dents, je tente de l'ôter mais le but est surtout des baisers marqués, des coups de langue mouillés, des mordillements doux. Mes mains caressent autour, tiennent les cuisses écartées, flattent la peau douce et blanche du ventre tandis que je me repais de son sexe, de son goût, de sa chair délicieuse et tendre. Je ne cherche pas à la faire jouir , juste à faire monter la pression très fort. Je veux ses mains dans mes cheveux et qu'elle se cambre vers moi, j'adore quand elle fait ça, quand elle se donne, s'offre totalement. Ça me rend complètement fou d'elle. "srce, jebote scre, t'es tellement bonne..."

A quel point est-ce grave si je vibre de contentement et de bonheur quand il m'appelle moja princeza avec ce regard adorateur qui me donne la sensation d'être la chose la plus précieuse au monde ? Pourtant il entre également une part de peur dans les émotions qui m'agitent, parce que je ne sais que trop bien à quel point il est douloureux de tomber de ce haut piédestal sur lequel il m'élève. La sensation est ancrée dans ma chair, de ce vide que son absence et son indifférence peuvent creuser dans ma poitrine. Et pourtant je ne peux m'empêcher d'avoir envie d'y croire, de le laisser reprendre la place qu'il avait autrefois dans ma vie. Je tremble contre lui, d'espoir et de crainte mêlés, le cœur battant à tout rompre.

Mais comme souvent, l'angoisse se dilue peu à peu dans le désir grandissant, laissant la place à tous les autres sentiments délicieux qui font vibrer ma peau sous ses doigts. Je sais qu'elle ressurgira plus tard, quand mes sens seront apaisés, mais je profite de l'instant de répit qu'il m'offre. Déjà fébrile, je retire son pull, son tee-shirt quand il m'y incite, pour dévoiler sa peau marbrée d'ecchymoses dont la vue me fait froid dans le dos. L'envie de prendre soin de lui, de le soulager de la douleur me reprend, mais je n'ai pas le temps de me tendre vers lui qu'il plonge déjà entre mes cuisses ouvertes. Je rends les armes sans même chercher à me battre, il m'a trop manqué pendant qu'il préparait cette escapade pour que je sois capable de la moindre maîtrise.

Je tends la main sur le côté, accroche l'assise du canapé dans un gémissement en me tendant vers lui, le souffle bien plus court. Sous ses attouchements, le désir monte vite et fort, et ma peau frémit violemment à son passage. Je finis, inévitablement, par fourrer une main dans ses cheveux plus longs auxquels je m'accroche. Mes doigts glissent sur son visage, se nichent dans sa nuque quand je l'appelle d'une voix implorante. Slavenko... Molim te... Tu m'as manqué, tu me manques encore... Zelim te.

 Il y a quelque chose de bien trop satisfaisant à l'entendre gémir sous mes attentions pour que ce ne soit pas malsain, je veux bien le concéder. C'est une satisfaction très primitive et je dois avouer que je n'ai jamais ressenti ça qu'avec Nina. C'est ce sentiment là qui me lie indéfectiblement à elle et je serais bien incapable de l'analyser. Si je m'y essaye, je crois qu'il entre une grande part de besoin de posséder, d'ego viril mais aussi ce besoin irrépressible de lui plaire, de compter pour quelqu'un autrement qu'en étant un pion sur un échiquier. Mais je sais qu'il n'y a pas que ça, sinon ça marcherait avec d'autres et ce n'est pas le cas. Nina déclenche en moi quelque chose d'unique. Pourquoi elle, restera toujours le mystère de ma vie.

Je gronde non seulement de joie mais aussi d'une forme de réprobation de dominant à sa phrase. Je me redresse pour l'observer, me repaitre de sa vue comme un prédateur de sa proie. Dieu qu'elle est belle ainsi soumise aux affres du désir. Je m'écarte pour retirer tout à fait sa culotte, glissant le tissu le long de ses jambes à la peau de soie. Je remonte mais stoppe à nouveau au niveau de son ventre pour en embrasser la chair si douce. Je remonte sa robe plus haut sur ses hanches que je pétris au passage, ramène le tissu plus haut jusqu'à ce qu'elle m'aide à lui ôter gilet et robe d'un même mouvement empêtré.

Je suis légèrement désemparée de le voir se lever, me surplomber, me dévorer du regard avec cette lueur affamée au fond des yeux. Je m'attendais, naïvement, à ce qu'il cède, se contente d'ouvrir sommairement sa braguette pour mettre fin à la tension qui nous tiraille tous les deux, je le sais. Au lieu de ça il me jauge, et la seule profondeur de son regard noir suffit à me clouer au canapé. Dieu que ça a pu me manquer ! S'il savait combien de fois j'ai rêvé, à m'en rendre malade, qu'il posait à nouveau sur moi ce regard là, possessif, propriétaire, intransigeant. Ce regard qui me déclare sienne envers et contre tout, envers et contre moi aussi. Celui qui me donne le sentiment de ne pas avoir d'autre choix que de m'en remettre à lui corps et âme, et qui me donnait pourtant parfois envie de me rebeller, seulement pour qu'il me mâte à nouveau. Je ne crois pas l'avoir vu dans ses yeux depuis que nous nous sommes retrouvés, et cette fois je n'ai aucune envie de riposter ou de désobéir, bien au contraire. Sa façon de me regarder me paralyse, me fait trembler d'anticipation, de satisfaction, d'espoir retrouvé aussi, et de mille autres choses que je n'analyse pas bien.

Je frémis violemment, tétanisée, quand il fait glisser le sous-vêtement le long de mes jambes, remonte le long de mon corps, sa bouche goûtant ma peau. Mes gestes sont fébriles, impatients aussi quand je l'aide à me déshabiller tout à fait. Et lorsque, enfin, son corps nu épouse le mien, je tends les mains vers lui, pour qu'il les prenne dans les siennes, les emprisonne, me touche encore. Ja sam tvoj... Je suis à toi... Je murmure d'une voix rauque, vibrante d'adoration pure, d'une forme de supplication aussi.

 Elle a raison, je crois que j'ai passé le cap de la docilité pour lui complaire, pour qu'elle me pardonne, pour qu'elle reste. Peu à peu je redeviens moi-même - finalement peut-être bien que nos engueulades ne servent qu'à ça, à trouver un nouvel équilibre - et je cesse d'obéir, de me plier à tous ses caprices même si elle a toujours ce pouvoir de princesse sur moi. En fait, je cesse de me plier à ses caprices par peur, je le fais pour lui faire plaisir, c'est très différent dans la démarche.

Nu contre elle, enfin ! Je serre ses mains dans les miennes, je glisse une main nouée près de son visage et alors que je lui octroie un long baiser, je m'enfonce dans le même temps dans son corps accueillant. Je bois son gémissement, lui réponds sur le même temps tandis que je me cale plus loin en elle d'un coup de rein plus brusque. Je commence à la baiser comme ça, entre lenteur et brusquerie, baisers voluptueux à l'appui. Je me perds dans le temps, dans le plaisir infini et renouvelé à chaque coup de reins qui nous porte l'un vers l'autre. "volim te zlato, volim te..." J'arrive à le souffler entre deux sarabandes de nos langues, deux mordillements. Je grogne mon plaisir à la soumettre dans le sexe et la volupté, essayant de faire durer pour une fois, encore, encore un peu..."Jebote..."

Mes doigts emmêlés aux siens, sa main brûlante contre ma tempe, je m'accroche à lui désespérément, me noyant dans ce baiser qui me liquéfie. J'étouffe un couinement de plaisir brut contre ses lèvres quand il plonge en moi, enroule tout à fait ma jambe valide autour de lui, haut sur sa hanche. Mon front posé contre le sien, nos regards noirs ne se lâchant pas, je me repais de son souffle brûlant, de sa respiration haletante qui nourrit mes propres gémissements. Je n'ai plus suffisamment de souffle pour lui parler, mais je sais que je n'en ai pas besoin, chacun de mes gestes, chacune de mes inspirations n'est que l'expression de l'amour inconditionnel qui me submerge et me porte vers lui.

La lutte est perdue d'avance, nos volontés ne sont pas de taille face au désir et au plaisir qui se mêlent, enflent dans nos corps enlacés. Une onde brûlante se déploie dans mon ventre, flashe ma conscience dans un cri, tétanisant mes membres qui se referment plus fort autour de lui. Je le ramène jalousement contre moi, ou bien est-ce moi qui m'enfouis contre lui ? Le canapé est trop étroit pour qu'il puisse se glisser à côté de moi mais le poids de son corps, brûlant, sur le mien, ne me dérange pas. J'embrasse au hasard sa peau moite de sueur, le feu qui brûle dans la cheminée ayant largement réchauffé la pièce.

 Nos corps n'ont de cesse de se rejoindre, aller chercher ensemble ce plaisir qui nous rattrape de concert, me faisant m'effondrer sur elle dans un ultime grondement. Ses baisers me réchauffent (pas mon corps, ça j'en ai clairement pas besoin je brûle littéralement.) mais mon âme, mon besoin de son amour comblé juste parce qu'elle parcourt ma peau comme pour l'apprendre par cœur. c'est le genre de truc qui me surprend et me fait vibrer de cette drôle de sensation viscérale.

Je me redresse sur un douce pour la libérer d'un peu de mon poids et je caresse ses cheveux tendrement, les repoussant en arrière. Je bécote avec lenteur sa joue, l'ovale de son visage, son menton, sa bouche, son front avant de redescendre dans son cou. Je hume son odeur, si suave si enivrante. Ce moment est à moi quand je peux, les affres du désir calmés, toucher et caresser sa peau blanche. Je frotte mon nez entre ses seins, mes joues râpeuses sur leurs doux renflements. C'est délicieux. J'embrasse une pointe rosée et fondante si belle dans ces blancheurs neigeuses. Un bout de langue goûte sa peau saline avant je n'appuie plus fort ma bouche contre sa chair. Je continue mon bout de chemin sur son corps, sans me lasser.