Eventually, everything connects - Yulian

Le vol était définitivement trop long et il s’est allongé davantage quand j’ai vu un vieillard s’asseoir à côté de moi, tantôt trop bavard, tantôt trop envahissant. Autant dire que je suis ravi de toucher le sol slave et dans mon esprit, cette vérité sonne comme une trahison à moi-même tant je peux détester les slaves; enfin, un slave en particulier en fait -Il faut que j’évite de faire des amalgames-.

Je traîne ma pauvre valise autant que ma carcasse et le monde qui m’entoure met rapidement mes nerfs à vif parce que je déteste me sentir étouffer comme je le suis actuellement. Alors, je presse le pas en prenant la direction de la sortie tout en jetant un regard attentif autour de moi pour éviter de louper Maggy. Et je la vois enfin, perchée sur des talons et une gueule que je peine à reconnaître parce que ça fait longtemps et aussi parce qu’il faut l’admettre, elle a un peu vieilli, ne gâchant néanmoins en rien la beauté qu’elle est. On avance l’un vers l’autre et je crois deviner sur son visage un semblant de joie alors que sur le mien, un sourire se dessine. Ca faisait tellement longtemps que je n’avais pas vu quelqu’un de ma famille que j’ai l’impression de retrouver seulement une vieille pote d’enfance avec qui on s’éclatait bien. J’écarte les bras presque naturellement pour la laisser s’insérer entre et presse légèrement son dos pour lui signifier que ça fait vraiment du bien de la voir. Salut cousine. Je me défait de l’étreinte avant elle et la regarde de haut en bas. Putain, t’es canon ! Tout ça pour moi ? Elle pourra pas en dire autant de mon accoutrement, avec le vieux bonnet que je porte et le jean que j’ai jamais raccommodé.

Ca me semble tellement bizarre d’être accroché aussi intensément à une personne de ma famille que l’étreinte qui nous unis dans cet aéroport me paraît être à dix mille lieues de ma personnalité. Mais franchement, après tout ce qu’il s’est passé en 2018, ça fait un bien fou de retrouver quelqu’un qui me connaît et qui, je sais, sera toujours là pour moi. Je me détache d’elle et lui fait un compliment parce qu’après ma mère, Maggy est surement la deuxième femme de ma vie maintenant que j’ai supprimé Eden de l’organe qui me sert de coeur. Je souris, véritablement content de la voir, presque même excité. Tu t’es pas faite draguée ?! C’est surement parce que les gens sont trop pressés, ou parce que tu leur fais peur. Il faut dire que Maggy est quelqu’un d’impressionnant, grande, belle à crever et elle transpire une notoriété qu’on sent à des kilomètres. Quoi ? T’aimes pas comment je m’habille ? Je fais l’air vexé mais je sais pertinemment que j’ai pas le sens de l’esthétique avec les vêtements, alors je remets les mêmes choses des millions de fois et les jette seulement quand ils ne sont plus du tout portables. J’ai quand même fait un effort aujourd’hui, en ressortant du placard un manteau noir, un peu plus long que les vestes que j’ai l’habitude de mettre. C’est sûrement l’association avec mon bonnet qui ne lui convient pas ? Eh oh, deux petites minutes, j’ai pas envie de faire les boutiques ! Le vol a duré quatorze heures et les conditions dans lesquelles j’étais étaient plutôt pénibles. Je me mets en route quand même parce que Maggy emboite le pas et je la suis jusqu’à ce qu’on se retrouve à l’extérieur. Je regarde tout autour de moi pour m’apercevoir qu’en réalité, Sarajevo n’a pas l’air si terrible que ça, du moins, pas d’ici. Va falloir que tu me fasses une visite guidée. J’espère que c’est prévu.

Ma cousine a toujours été de ces femmes qui attirent les hommes comme elle peut les repousser, c’est dingue et franchement, j’aurais aimé avoir le même pouvoir sur les femmes même si je dois dire que je suis pas le plus à plaindre. C’est sûrement le côté italien que je n’ai pas qui fait ça. Je sais, je sais cousine. J’ai un léger rire en repensant à toutes les histoires que Maggy a bien pu me raconter sur les hommes qu’elle a refoulés.

T’es dégueulasse, tu pourrais être pouilleuse que je serais toujours fier de marcher à côté de toi, moi. J’ai un soupir de soulagement. Ah, j’ai cru que tu voulais y aller maintenant ! Après tout t’es une femme et j’te connais, tu serais capable de me faire courir les boutiques n’importe quand. J’ai beaucoup réfléchis au temps que je resterai pendant mon vol et j’en suis venu à la conclusion que ça dépenderait de Maggy, de Nina et de la ville en général. Je ne me suis pas donné de date limite parce que j’imagine que ça ne peut pas être pire que le Bronx et qu’ici, j’ai la solitude en moins. Mhh, j’sais pas. J’ai encore rien décidé. Je verrai. T’aimerais que je reste ? Je lui lance un regard amusé doublé de bienveillance tout en marchant.

Je ris un peu aux propos de ma cousine, Maggy a toujours eu une répartie de malade et y’a eu des tas de fois où ça nous a fait mourir de rire. Je dois admettre que t’es toujours sublime… Je ne lésine pas sur les compliments parce qu’elle fait partie de ma famille mais n’importe qui sait que je suis toujours très réservé sur ce genre de douceurs orales, Maggy a droit donc à cette exception.

J’sais pas, c’est pas le cas ? J’pensais que c’était plus un cliché, que c’était avéré. On entre dans sa voiture après être passé à la borne de paiement et Maggy se met en route. Merci mais tu sais, je veux pas vous déranger ton mari et toi. Puis, tu sais, c’est compliqué. Elle est bien sûr au courant de tous les antécédents que j’ai avec les russes dont je préfère largement éviter la compagnie. Je me demande ce qu’ont les femmes à préférer les mecs dangereux, Maggy, Nina sans oublier Eden, toutes ont connus des mecs imbus de leur personne, machos et presque psychopathes. Tandis que les gars bienveillants comme moi restent toujours sur la touche, je trouve ça abusé pour une partie de la population masculine. J’ai déjà réservé une chambre pour ce soir, t’inquiète pas. Je lui esquisse un sourire rassurant avant de bailler aux corneilles et me frotter le visage, complètement asthénié de toutes ces heures de vol.

Je matte l’intérieur de la voiture de Maggy tout en étant presque jaloux du tas d’options qu’elle a, des sièges en cuir qui m’accueillent confortablement et de la beauté du tableau de bord tout électronique. La mienne, je l’ai revendue pour une bouchée de pain à New-York, ce qui m’a permis, entre autre, de payer mon billet d’avion. J’ai ensuite un regard pour Maggy, sincèrement content d’être là pour le moment; les émotions qui s’entremêlent dans mon esprit qui me laissent quand même nostalgique de ma ville natale quand je regarde la ville par la fenêtre.

Ah. Que je m’exprime quand elle me parle de son mari. Je ne l’ai jamais vu mais de ce que je sais, il est loin d’être tendre, comme tous ceux qui font parti de la Bratva de toute façon. Maggy en est un membre aussi mais c’est un sujet qu’on n’a jamais réellement abordé elle et moi, surtout parce qu’elle sait que ça attiserait ma haine. Je ris à sa remarque. Non, j’ai pas réservé de restau mais… Ouais, ça me ferait vraiment plaisir qu’on mange ensemble. Tu m’as vraiment manqué. Je me mords l’intérieur de la joue, jamais été habitué à être si viscéral et sentimental dans mes propos. Tu sais quoi ?! Je t’invite au restau, choisis en un, un truc qui te fera plaisir, c’est pour moi. Ouais, y’a ce côté rassurant qu’elle a qui me fait profondément penser à ma mère et peut-être que c’est immoral d'interpréter notre relation comme telle mais c’est intimement hors de ma portée actuellement.

C’est étrange mais j’étais persuadé qu’elle allait me sortir ça concernant le choix du restau et ça ne me déplaît pas non plus étant donné que la cuisine italienne est ma préférée, comme Maggy. Ok, ça me va. C’est quand la brune me parle de l’hôtel que je me rends compte que je ne me rappelle même plus le nom de ce dernier. C’est pourquoi j’attrape mon téléphone portable pour y rechercher ma réservation. Hum… Ouais, ça s’appelle Hotel Ruža et c’est dans la vieille ville près du théâtre apparemment. Je fronce les sourcils en essayant de lire l’adresse exacte mais j’écorche les mots, le serbe n’étant pas ma langue de prédilection. Tu vois où c’est ? Au pire je mettrai le GPS. Il a bien fallu que je m’achète un téléphone un peu plus performant pour pouvoir voyager, manière d’avoir au moins de quoi voir une carte sur internet.

J’crois que c’est là. Que je m’exclame quand on passe devant une grande bâtisse aux insignes lumineuses, un peu vieillotte mais aux allures d’hôtel quand même. Dans tous les cas, je suis habitué aux endroit miteux et il me semble que celui-ci va s’ajouter à la longue liste que je connais. Maggy se gare un peu plus loin et nous marchons côte à côte pour rentrer dans le hall de l’hôtel où attend un gars derrière un comptoir usé. Bonsoir, j’ai réservé au nom de Tymochenko. Le mec baragouine un truc que je ne comprends pas et me tend une clef que je m’empresse de prendre. On se dirige finalement vers le numéro de chambre indiqué sur le porte-clef et je finis par l’ouvrir laissant la dame qui m’accompagne passer la première. “Putain…” Que je m’exprime à la vue de la chambre. Cette dernière est minuscule, mansardée et il y a de la moquette aux murs… de la moquette aux murs ! J’pourrais pas ramener de meuf ici, c’est certain. Que je lance d’un air désappointé. Je ne vois pas pourquoi je suis surpris puisque je paie cette chambre une bouchée de pain, ce qui m’arrange plutôt bien finalement étant donné l’état de mon compte en banque actuellement. Bon, j’me change et on se casse d’ici. Je me débarrasse de ma veste et de mon pull pour attraper un truc un peu plus élégant parce que j’ai aucune envie de faire honte à ma cousine.  

J’ai choisi l’hôtel à la va vite, en prenant en compte seulement le quartier parce que je n’ai jamais eu une vie de luxe et que par conséquent, ça ne m’a jamais manqué. Du coup, avoir cette chambre ne changera rien à ma vie. Je suis même plutôt content de payer si peu cher pour avoir un toit, c’est déjà ça. Merci Maggy mais cette chambre là est vraiment suffisante, je t’assure. Je boutonne une chemise en jean assez décontractée mais plus à même de me rendre présentable au restaurant et jette dans un coin ma valise que je rangerai plus tard. Je sais que je dois trouver un boulot, je vais chercher t’inquiète pas et même si je parle pas un mot de slave, y’a bien un truc que je puisse faire nan ? Toi, tu parles la langue ? Si c’est le cas, je compte sur elle pour m’apprendre les bases.

Quand j’ai fini de me préparer, nous redescendons et Maggy nous conduit jusqu’au restaurant qu’elle a choisi qui, je dois bien l’avouer, ne paye pas de mine de l’extérieur. Elle ouvre la marche mais avec un souci de galanterie, je lui tire la porte pour que Maggy s’engouffre la première à l’intérieur. Les effluves de nourriture me parviennent jusqu’aux narines et m’ouvrent l’appétit quasiment immédiatement; je n’ai fait que grignoter dans l’avion, sans vraiment prendre de vrai repas, ce qui fait que présentement, j’ai une vraie faim de loup. J’arrive même pas à me souvenir de la dernière fois que j’ai mangé italien... Putain, je rêve de gnocchis faits maison là… On s’installe l’un en face de l’autre et je commence déjà à regarder la carte que l’on vient de nous déposer. Tu sais déjà ce que tu veux manger ?

Un air suspicieux se glisse sur mon visage. Après tout, Maggy n’a pas besoin de me regarder comme ça, on ne parle pratiquement jamais de son boulot ou même des choses que ça implique. On n’a jamais trop parlé des langues qu’elle pouvait connaître d’ailleurs, c’est un détail futile quand nos discussions tournent presque toujours autour des choses qui nous font le plus de mal. J’ai jamais eu de difficulté à me confier à Maggy, c’est bien d’ailleurs la seule personne à m’avoir vu dans des états pitoyables, bien que nous étions très éloignés l’un de l’autre, on a toujours réussi à s’appeler au moins une fois toutes les deux semaines, parfois plus. Me regarde pas comme ça ! J’en sais rien, c’est un truc qui m’a échappé ou alors on en n’a jamais parlé. Enfin soit, c’est cool, tu pourras me donner des cours alors. Un large sourire vient orner mes lèvres, comme si j’étais un enfant qui demanderait à ses parents de lui acheter des bonbons. Maggy est la seule personne avec qui je me permets de relâcher, d’être parfois un peu gamin et écervelé parce que toute ma vie j’ai dû endosser un rôle qui n’aurait pas du m’incomber en oubliant sans cesse que j’étais seulement un gosse qui aurait dû vivre une vie de gosse.

Enfin installés, je regarde la carte rapidement parce que mon estomac crie franchement famine et l’eau me coule à la bouche quand ma cousine m’assure qu’elle me fera des gnocchis maison. Ah ouais, excellent ! Tu me diras quand je peux venir alors. Je ne compte pas m’incruster chez elle, ni même prendre trop de place dans sa vie parce que je sais qu’elle est déjà assez compliquée comme ça. Mais retrouver Maggy est sûrement la chose la plus heureuse qui m’arrive depuis des lustres. Alors, la fatigue a vite été balayée par l’euphorie. Mhhh… Ouais, je vais prendre une bière pour l’apéro puis on se commandera du vin en mangeant. Ca te va ?

Généralement, savoir que Maggy était dans la Bratva m’aurait mis hors de moi et j’aurais certainement décrété ne plus jamais vouloir lui parler mais quand je l’ai su, je ne me doutais pas de tout ce que ça impliquait et je ne me rendais pas forcément compte de ce que c’était vraiment. C’était bien avant que je sache pour mon père et bien avant le décès de ma mère. Aujourd’hui, je ne peux pas arrêter de la côtoyer pour ça, Maggy est la seule personne de ma famille qui daigne me parler et je l’admets, à qui je veux bien parler aussi.

Si t’avais pas été ma cousine, je t’aurais dit que je te payais en nature mais bon, je suis pas très inceste alors est-ce que mon exceptionnelle présence ici ne suffirait pas ? Je plaisante, bien évidemment. Ma cousine est une femme extrêmement belle et elle représente tout de la femme parfaite que tous les hommes rêveraient d’avoir, elle sait à quel point je l’adule.

Le serveur arrive et Maggy se charge de la commande, pour ma part ce sera des lasagnes, la brune m’ayant mis l’eau à la bouche quelques secondes avant.
J’ai toujours eu besoin de repère, peu importe là où je me suis trouvé dans ma vie. Au départ, quand je suis parti de chez mes parents, j’avais la drogue et la vente qui me faisait avancer, et ce jusqu’à y’a pas si longtemps. Ensuite, y’a eu Eden qui me guidait et pour laquelle j’aurais tout lâché puis finalement elle est partie et j’ai perdu tous mes repères d’un coup. Il y a eu Nina mais c’était différent, à cet instant, c’était plutôt moi son repère. Et pour finir, j’ai eu besoin de venir ici pour retrouver Maggy et me retrouver en quelqu’un.

C’est bon, fais pas comme si t’étais choquée. Je lui souris d’un sourire large. Maggy me connaît, elle sait que je ne suis jamais très sérieux mais aussi que mes blagues sont le plus souvent bien pourries. On attend nos boissons et dès lors qu’elles arrivent, je lève mon verre en direction de la jeune femme. A nos retrouvailles ? Et nous trinquons.

Je déglutis rapidement quelques gorgées de bière et fronce légèrement les sourcils, juste en signe de concentration. Bah, j’étais avec une fille, tout se passait bien et du jour au lendemain elle a décidé de faire le tour du monde, sans moi. Puis y’en a eu une autre avec laquelle j’me suis fait un peu trop d’illusions, elle est partie aussi, elle devait rejoindre son mari qui est, tiens toi bien, ici, à Sarajevo ! Et pour tout t’avouer, j’en avais un peu marre d’être toujours dans la même routine, voir les mêmes personnes tous les jours, leur vendre ma came et me donner envie de recommencer continuellement alors que j’essaie de ne plus toucher à rien... C’est tous les jours un peu moins dur mais ça reste douloureux et terriblement difficile physiquement. La douleur est névralgique, c’est tous les muscles qui se tendent, comme si l’entièreté du corps n’était plus que courbature et le cerveau ne semblant plus répondre de rien dans les instants les plus incontrôlables. Et le Bronx me rappellera toujours que c’est là le début de ma déchéance. Alors, c’est certainement radical mais j’ai préféré le quitter définitivement. Et toi ? Quoi de neuf ?

C’est finalement triste de savoir qu’à presque 30 ans j’arrive toujours pas à avoir une vie stable avec une femme fixe et parfois ça me fait réellement chier de me réveiller toujours seul le matin et passer mes soirées à flirter au lieu de faire des projet.

Ce serait mentir que d’avouer que j’ai fait le voyage pour Nina. En réalité, je crois que c’est beaucoup plus pour Maggy que pour la femme de Slavo bien que peut-être que je me mens à moi-même mais soit, je suis content d’avoir fait ce voyage et de retrouver ma cousine. Mouais… T’as sûrement raison. Eden, pas faite pour moi ? Certainement. En y repensant, notre relation était plutôt houleuse, d’un côté moi, très amoureux d’elle et de l’autre, elle, attachée mais peut-être pas si amoureuse que ça. Il est si facile de tout remettre en question maintenant alors que je ne l’aurais certainement jamais fait auparavant. Elle revenait souvent à NY, alors oui, on se voyait de temps en temps. Mon ton est assez posé, comme si parler de ça ne me faisait vraiment rien et pourtant, j’aime assez Nina pour dire que ça m’a vraiment foutu un coup qu’elle s’en aille elle aussi. J’ai pas fait le voyage pour elle Maggy… Tu sais très bien que c’est pour toi. J’ai un sourire rassurant et sincère parce que plus que jamais, j’ai envie d’être proche de la dernière personne qui fait encore partie de ma famille. Je ne réponds pas quand elle me dit qu’elle est fière de moi parce qu’au même moment il y a cette petite pointe qui titille ma poitrine, personne ne m’ayant jamais dit ce genre de chose. Ouais, je m’en doute… En tout cas, t’es vraiment courageuse de faire ce que tu fais et d’être avec lui, j’imagine que c’est qu’une question d’habitude… Je n’ai jamais eu les détails de sa vie professionnelle, ni sentimentale mais des rumeurs que j’ai cru entendre, ces vies là ne semblent pas des plus simples. Des nouvelles de mon oncle et de ma tante ? Je demande simplement par pure curiosité. La dernière fois que je les ai vu, on était mômes et même si je ne les ai jamais particulièrement porté dans mon coeur, Agata était quelqu’un d’authentiquement gentil, en tout cas, j’avais cette impression.

Si je suis ici c’est un tout, il n’y a pas plus de raisons qui incombent plus Maggy ou Nina, c’est une volonté de changement tout simplement et ma cousine semble l’avoir bien cerné. C’est ça, c’est plutôt le courage qu’il m’a fallu. Au final, c’est pas si terrible que ça, une fois qu’on est lancé c’est bon. C’est plutôt toutes les questions qui se posent avant le voyage qui sont pénibles. Comme le fait de trouver un endroit où dormir, quel boulot faire, comment s’en sortir etc… C’était une longue réflexion, j’ai mis plus d’un mois et demi à me décider quand même.

Je sais qu’il est difficile de parler de son mariage avec Maggy parce qu’on sait tous les deux que son mec est un connard fini mais en regardant bien, ça n’a pas vraiment l’air de l’affecter alors je ne vois pas pourquoi je prends des précautions, au final. J’ai bien l’impression qu’on a tous une épée de Damoclès au dessus de notre tête. Maggy, elle, c’est en lien avec son boulot. Sa mère, tout le monde sait qu’elle a été infidèle et être infidèle à un gars de la Bratva quand on est une femme, c’est considéré comme une crime, alors qu’à l’inverse, ça n’a aucun impact. Elle fait bien de se cacher en Grèce au final. En y réfléchissant bien, j’ai moi-même certainement des mecs qui me recherchent activement pour avoir buté mon propre père et ce type responsable de la mort prématurée de ma mère. Je ne m’attends pas à ce qu’on me saute dessus à chaque coin de rue mais j’crois qu’un jour tout ça me retombera dessus. J’ai le coeur léger, je me fiche de mourir demain après avoir pu venger ma mère et tout ça, c’est que du bonus. Tiens, en parlant de Moscou, tu sais si grand-mère Svetlana est toujours en vie ? Je pensais à ça la dernière fois, me demande pas pourquoi. Je crois que c’est parce que j’étais en train de manger des raviolis et que je me disais que ça n’avait rien à voir avec les pelmenis de notre grand-mère. Svetlana c’est la seule personne que j’appréciais dans la famille de mon père, sûrement parce que la pauvre vieille subissait tout et qu’elle n’osait jamais rien dire, sauf à quel point elle aimait ses petits-enfants.