I Can't Taste My Lips, Can You Taste Them For Me ? - Maleo

Après quelques sms échangés, Leo et moi avons convenu de nous retrouver au Street Food Festival. Ma fille est arrivée à la maison, occupant la chambre de mon petit appartement tandis que je prends le canapé, et Leo a son frère chez elle. Il est donc difficile de nous voir en toute intimité comme lors de cette soirée tv chez elle, et cette semaine, en y ajoutant mes heures de nuit et son travail à elle essentiellement nocturne, nous n'avons pu nous voir qu'au groupe.

Ce soir c'est notre premier rencard depuis LA soirée. Je n'ai cessé de retourner la scène dans la tête. A force d'y penser, j'ai réalisé qu'elle était troublante de naturel. Ce qui est encore plus perturbant parce que je ne sais toujours pas quoi penser de ce baiser, ni surtout je ne sais pas comment va se passer la suite. Il avait beau conclure parfaitement la soirée si douce, je ne sais pas ce qu'il en découle. Je suis en complète Terra Incognita. Je pensais qu'au cours de la soirée, lors de notre discussion à table, nous avions convenu de rester amis et de laisser les choses évoluer à leur rythme. Alors ce baiser est-ce juste un baiser amical ? Je peux déjà répondre que non, les amis ne s'embrassent pas sur la bouche. C'est évident. Il semble que Leo ait décidé qu'elle voulait plus qu'une amitié où les protagonistes cultivent leur amour secret, mais quelque chose de plus concret. Je sais que je suis déjà profondément amoureux de Leo et que ce qui me retient est d'une part la peur pure et stupide, et d'autre part nos différences.

Bref, je suis nerveux comme un adolescent ce soir, ne sachant pas comment agir et quand Leo apparait dans mon champ de vision. Je m'avance vers elle, pose une main sur son épaule sans oser faire plus, parce qu'on sait tous que c'est déjà énorme pour moi alors que je meurs d'envie de l'embrasser. "Bonsoir Leo, tu vas bien ? " Pour masquer ma nervosité, j'agite le programme que j'ai en main. "j'ai le plan du festival et la liste de tous les ateliers auxquels on peut participer et les dégustations ! Par quoi tu veux commencer ?" On fait quelques pas, et je me hasarde à prendre la main de Leo dans la mienne. Autour de nous, le début des stands qui s'étirent sur toute la rue diffusent leurs odeurs exotiques et appétissantes. "Humm ça sent très bon !"

Je n’ai de cesse de recréer la scène du baiser avec Malic et depuis ce jour, mes nuits sont écourtées par des pensées intrusives qui me mitraillent chaque soir. Quand je me concentre et que je repense à tout ça, je sens encore ses lèvres sur les miennes et nos souffles s’entrechoquer quand nos bouches se sont séparées. Le moment était intense et je ne cesse de me répéter que tout est bien mieux qu’un coup de foudre, plus fort, plus brûlant encore. Nous sommes comme deux adolescents qui découvrent l’amour pour la première fois et il y a dans ce fait une poésie douce et enchanteresse qui nous pousse tous les deux à continuer de nous dissimuler sous un tas de questionnements rendant l’acheminement de notre relation parfois un peu bancale.

Nous ne nous sommes aperçus seulement au groupe de soutien et la vie a continué comme elle aurait du continuer. Je n’ai pas réfléchis longtemps avant d’accepter de sortir avec le policier et j’ai profité de mon seul soir de libre pour que nous sortions au festival de street food. Comme je suppose qu’il n’y a pas besoin de fioritures pour cette soirée, j’ai passé une robe à volants très estivale et misé sur les bijoux afin d’être présentable aux côtés de Malic. Je m’approche de lui immédiatement lorsque je le vois et un sourire radieux illumine mon visage, c’est si bon de le voir ! Je crains par ailleurs qu’il soit atteint du même syndrome que moi ! Celui qui nous fait perdre nos moyens quant à la manière dont on doit se dire bonjour. J’accueille sa main néanmoins chaleureusement et ne perds pas de temps avant de répondre: Bonsoir, oui ! Ca va et toi ? Mes yeux fixent immédiatement le dépliant qu’il se met à agiter nerveusement devant moi. Il ne peut rien me cacher, je sais pertinemment qu’il est on ne peut plus anxieux, je vais d’ailleurs tâcher de le détendre. Cette chaleur me donne une soif d’enfer, alors si on commençait par se prendre une bière ? Je lui offre un sourire démesuré et regarde nos mains quand il attrape la mienne. Je rougis un peu, le coeur débordant d’émotions, les mêmes que la dernière fois. Mes doigts se resserrent contre les siens et nous nous mettons en route. Oh oui franchement ça donne faim… Mes yeux curieux balayent les stands et je ralentis la cadence à chaque fois que la nourriture semble appétissante et du coup, on n’avance plus tellement ! Miro te passe le bonjour au fait et aussi il voulait absoooolument que je te demande si tu voulais bien qu’un soir Mira vienne chez nous pour qu’ils regardent une série ensemble. Il m’a aussi donné la permission de sortir avec toi ce soir-là, il est mignon, non ? Je ris un peu et resserre la main du blond, encore attendrie par les propos de Miro sur notre relation naissante dont il imagine tout. Je sais que le policier n’acceptera pas vraiment et j’en joue. A sa place, je ne suis pas sûre que je laisserais mon adolescente passer la soirée seule à seul avec un garçon de son âge !

Un rire cristallin s’échappe de mes lèvres et je souris tout en balançant mon bras qui tient la main de Malic  Franchement, la nourriture exotique me plait beaucoup, enfin, je n’ai jamais vraiment testé non plus mais je sais que j’aime le sucré/salé et les épices, donc je suppose que ça devrait aller ! Puis je suis sûre que tu es dur avec toi même, tu ne dois pas être si mauvais que ça ! Mais je t’aiderais avec plaisir. Je ne suis pas sûre d’être meilleure que le blond mais force est de croire que je donne l’impression que oui ! Je me tourne légèrement vers le policier, un sourire moqueur et espiègle aux lèvres. Je sais, je lui ai déjà dit que ce ne serait pas possible, je voulais juste t’embêter. Je lui concède un sourire plus franc et ajoute : Je lui ai expliqué pourquoi gentiment et puis il a compris. On essayera de se voir tous les quatre avant que Mira ne retourne chez sa maman alors. Je ne remarque pas le détail qu’il essaie de me faire passer et je suis juste heureuse de pouvoir passer du temps avec Mira et encore plus avec Malic, évidemment.

On finit par s’installer à une table et le fait de quitter la main de l’homme me rend un peu nerveuse, comme si la sensation de ne rien n’avoir à toucher est devenu anxiogène. Je triture les bagues qui enserrent mes doigts pendant que nous regardons ensemble le dépliant. Il n’y a que lorsque la confidence de Malic souffle dans mes oreilles que je relève les yeux sur lui, remplie d’un sentiment de bien-être qui m’englue complètement. Je comprends… Pour moi aussi c’était compliqué… J’essaie de trouver toujours quelqu’un qui puisse rester avec Miro quand je pars travailler mais mes horaires ne sont pas pratiques du tout… D’autant plus qu’elles ne sont pas du tout fixes non plus ! Parler de mon travail est toujours dérangeant quand je suis face à Malic mais j’ai l’impression que maintenant, nous n’avons plus besoin d’avoir de sujet tabou et mon métier en fait certainement parti. Et… J’aurais aimé te voir avant aussi. Que j’ajoute, un peu timidement. Je bois dans ma canette de bière et sort machinalement mon paquet de cigarettes pour proposer un peu de toxicité à mon partenaire. Je finis par allumer le rouleau pendant que je regarde les festivités croître autour de nous. J’adore l’été pour cette ambiance, ça n’a vraiment rien à voir avec le reste de l’année...

"Humm je sais faire les basiques, tu jugeras un de ces soirs , de là à dire que je peux m'essayer à la grande cuisine française, c'est autre chose. Tandis que tu t'es sortie avec brio de la recette de la moussaka juste en regardant sur internet, je suis admiratif de ton talent." Cela ne fait que un an que je dois cuisiner pour moi, et je ne le fais que rarement puisque souvent, je suis au travail à manger sur le pouce. Mais si je n'ai jamais eu trop de temps pour ça, la cuisine m'attire. J'aime beaucoup essayer des recettes, mon problème étant sans doute de réfréner mes accès de créativité intempestifs qui rendent la recette originelle immangeable !

J'ai un sourire de compréhension quand je me rends compte qu'elle me taquine à propos de nos deux adolescents "Ah, quel soulagement ! Tu n'es pas très charitable avec le père que je suis ! Déjà que Mira m'en fait voir de toutes les couleurs, tu pourrais avoir une once de pitié pour moi. On se fera une soirée en ce cas." Ce qui nous permettra de nous voir encore cette semaine, j'aimerais bien ne pas laisser une semaine à chaque fois pour qu'on se voit. Cela me donne beaucoup trop de temps à cogiter à tout ce qui nous sépare. Dont son travail. La mention de ses soirées me met mal à l'aise. Je la revois ce soir là, si belle, apprêtée pour plaire à cet homme se pavanant avec elle à son bras. Je ressens un picoti froid au creux du ventre mais je préfère le mettre sur le compte de la faim. Après quelques secondes de flottement, je décide de ne pas me soucier de ce problème pour l'instant. "Si tu veux que je le garde un soir où je ne suis pas de service et où tu travailles, dis-le moi. N'hésite pas."

"C'est vrai que c'est agréable. J'en regretterais presque mon ancienne maison, c'est tellement mieux qu'un appartement quand on peut profiter du jardin. Il y avait souvent des repas informels entre voisins. Je crois que c'est une des choses qui me manquent. " Après un instant de réflexion j'ajoute "mais pas le reste."

Mais… C’était vraiment pas compliqué la moussaka, je t’assure. Bon alors si tu m’invites à venir manger chez toi, je veux bien faire l’effort de goûter à ta cuisine. Je suis attendrie par la manière dont Malic a le chic pour me mettre sur un piédestal et je crois n’avoir rien vu de si mignon depuis une éternité. Je sais que les hommes ont certainement moins la fibre culinaire que les femmes ou bien ce n’est qu’une idée reçue, mais force est de constater que je connais bien plus de femmes qui cuisinent excellemment, que d’hommes. De toute manière, même si les talents de Malic s’avèrent être aussi inexistants qu’il le prétend, je serai ravie de goûter à son plat rien que pour avoir la chance d’être en sa compagnie.

Je ricane en haussant les épaules. J’aime beaucoup te taquiner… Mais tu sais, j’ai la même vision des choses que toi et je me mets beaucoup à ta place. Je ne suis pas sortie avant l’âge de dix-huit ans et je fréquentais d’ailleurs aucun garçon jusque-là. Ce n’est que quand je suis partie à l’université que j’ai pu avoir un peu plus de liberté, sinon avec notre grand-mère, c’était très compliqué. Les plus grosses sorties qu’on faisait avec Miro, c’était à l’église ! Donc bon… Ce qui a bien changé désormais avec tous ces péchés que j’accumule à mesure que le temps passe sans que je n’aille plus jamais me confesser.

Mon regard s’illumine instantanément quand le blond me propose son aide pour rester avec Miro et j’ai d’ores et déjà un mal fou à exprimer mon remerciement ! Ce serait génial… Je n’aurais vraiment pas pensé qu’il puisse accepter une telle chose et il ne se rend pas compte à quel point il me retire une épine du pied ! J’ai toujours peur qu’il arrive quelque chose au moment où je ne suis pas là et je ne peux décemment pas demander à notre grand-mère de venir jusque Sarajevo pour garder mon petit frère le temps d’une demi-soirée. Ce serait idiot étant donné que nous avons conclu cette organisation pour qu’elle puisse souffler et prendre soin d’elle à son tour.

Malic me parle ensuite avec une certaine nostalgie dans la voix et je comprends parfaitement ce qu’il veut dire par là puisque nous-même habitions dans une petite maison mitoyenne à Foca. Le jardin était immense, il faisait notre bonheur. On habitait aussi dans une grande maison avec un jardin et c’est vrai que ça n’a pas de prix… Je tique sur la fin de sa phrase qui titille ma curiosité. C’était dur à ce point ?... Enfin, je veux dire… Tu n’étais pas du tout heureux ? Ma voix se radoucit un peu, effrayée de glisser vers un terrain un peu trop pentu mais il me semble que nous sommes désormais assez proches que pour pouvoir parler des choses qui nous blessent encore.

"Je maitrise les basiques, tu ne finiras pas empoisonnée rassure-toi. Et tu viendras plus tôt pour me donner un peu d'aide, je compte sur toi."

Je ris à la mention de la super sortie à l’Église. J'imagine tout à fait le tableau. "Oui, je vois !  Je ne serais pas contre laisser Mira un peu plus libre, mais la famille de ma femme est plus traditionaliste. Ca ferait scandale et je ne veux pas non plus qu'une "réputation" colle à la peau de Mira. Elle fera bien ce qu'elle veut d'ici deux ans quand elle sera majeure. A ce moment là si elle veut habiter à Sarajevo, je l'accueillerais volontiers. Il faudra juste que j'ai un appartement plus grand. Mon canapé est inconfortable."

"Ce n'est rien, ça ne me dérange pas vraiment, regardez des bêtises sur mon pc ou lire un livre chez moi ou chez toi, c'est la même chose." Le plus dur sera de ne pas imaginer Leo "au travail" c'est à dire en compagnie d'un homme pour qui elle sera attentive et charmante contre une certaine somme d'argent. Je la crois quand elle me dit ne pas coucher avec eux, mais il y a quand même quelque chose qui me chiffonne dans l'histoire. Je n'arrive pas à dire quoi, car en toute objectivité, car au fond, en quoi est-ce différent d'une manucure ou d'une coiffeuse ?

Je ne sais comment on glisse à ce point de la conversation. C'est la question qui est difficile à expliquer pour moi, mais j'essaye, je n'ai pas renoncé à me faire comprendre. "Non ce n'était que c'était dur, je veux dire, je n'étais pas malheureux loin de là. Après tout, j'avais ce que la majorité des gens veulent. Une famille, femme enfant et même un chat, une maison sympa. Mon travail me permettait de faire vivre ma famille. Ce n'est pas ça..." Je n'ai jamais voulu accabler ma femme, la pauvre, elle n'est pas responsable du fait que j'ai suivi le chemin tracé et facile avant de le réaliser, et surtout de réaliser où ça m'avait mené. "Je n'étais pas malheureux, mais je n'étais pas heureux non plus. C'est la raison pour laquelle j'ai fait le point et j'ai décidé de reprendre ma vie à zéro. Je sais que ça semble très égoïste dit comme ça, et ça l'est, j'en ai conscience, mais j'ai eu envie de vivre pour moi. Je ne sais pas si tu vois ce que je veux dire ?" Comme nous nous sommes rencontrés au groupe de soutien, qui prouve bien que tout n'est pas une réussite dans mon aventure, je précise. "Le revers de la médaille, c'est que je n'avais pas l'habitude d'être si seul. Mais je me plais à Sarajevo, et grâce à toi Mira m'en veut beaucoup moins que lorsque je suis parti. Merci pour ça. "

Ma tête hoche de bas en haut en signe de consentement pour la proposition que me fait Malic et instinctivement le sourire s’est logé sur mes lèvres. L’optique de se rencontrer de plus en plus souvent est vraiment agréable et réchauffe bien entendu la roche givrée qui me servait jusqu’ici de coeur.

J’exagère à peine quand je parle de nos sorties à l’église et honnêtement, quand j’y repense, ce n’était pas si terrible que ça peut paraître puisqu’on était souvent assez dissipés avec Miro et qu’on plaisantait beaucoup entre nous, ce qui nous valait souvent les remontrances de notre grand-mère. Ce serait génial que Mira habite ici, tu la verrais plus souvent… Et je suis d’accord pour le canapé, ça va pour une nuit mais plus, ça devient compliqué !

Je souris de manière attendrie en regardant le blond, infiniment reconnaissante de toute la gentillesse qu’il me démontre et faire garder Miro était une source de stress énorme pour moi en réalité. C’est sûr, mais tu n’as peut-être pas envie de passer tes soirées avec un ado de 15 ans. Et ce serait tout à fait normal que tu veuilles faire autre chose d’ailleurs ! C’est une véritable chance que d’avoir rencontré le policier, je ne me le répéterais jamais assez.

La conversation se dirige vers un sujet plus sensible et on n’a pas vraiment l’habitude de parler du passé, pourtant je m’y égare en m’y risquant à cet instant précis. Puis c’est avec beaucoup d’attention que j’écoute Malic, les yeux rivés dans les siens alors que je n’ose les dévier. C’est quand les discussions sont sincères comme celle-ci que je le trouve encore plus beau et c’est sûrement cet air sérieux et grave qui le rend vraiment séduisant. Je baisse finalement le regard et hausse légèrement les épaules avant de répondre: Ce n’est pas vraiment à moi qu’il faut dire merci mais je suis sincèrement contente que ça se passe mieux entre vous, c’est une bonne chose. Je roule un peu les yeux avant de revenir à ceux de Malic. Je pense être comme toi, je ne suis pas malheureuse mais je ne suis pas heureuse non plus, tu sais… Et je suis vraiment frustrée parce que je n’ai pas l’impression de pouvoir changer quelque chose pour arrêter ça… Mes pensées se tournent automatiquement vers l’escorting. Je me suis accoutumée à faire ce que je fais et au final, ça ne me dérange plus mais je sais pertinemment que c’est ça qui pompe absolument toutes mes émotions positives et qui fait que j’ai vraiment beaucoup de mal à m’épanouir dans ma vie. J’ai toujours été quelqu’un de sincère, droite et complètement honnête, ce qui est complètement incompatible avec la vie que je mène et pourtant, je n’arrive pas à me défaire de ce rôle que je prends chaque soir.

“C’est juste impossible. J’ai le dos cassé au bout de trois jours. J’aimerais vraiment changer d’appartement si je trouve quelque chose de financièrement abordable et dans un quartier qui me convient. Actuellement, je ne suis pas toujours obligé de prendre la voiture pour aller bosser, ça dépend sur quel poste je suis affecté, et j’avoue que c’est un luxe appréciable.” je rassure Leo dont le regard me fait fondre au point que je sens bien que je rougis d’embarras
“Non,ça ne me dérange pas, je ne crois pas que Miro soit du genre à m'imposer des jeux vidéo, si ?” Je prends une mine un peu inquiète avant de sourire pour montrer que c’est une plaisanterie. Je suis sur que ça va très bien se passer et ce sont justes des soirées. “Tu sais je ne sors pas souvent en dehors de mon service et de ce que tu connais déjà, le groupe et si on se voit. Parfois je vais boire un verre avec des collègues mais c’est tout. ce n’est pas aussi palpitant que ça en a l’air.” Zarko se moquerait de moi de dire ça. Pour lui une soirée dans un bar avec des serveuses dénudées est sans doute plus intéressant que rester à lire pour surveiller un ado. Mais c’est qu’il ne connaît pas la grande sœur dudit ado !

Je ne suis pas certain que si Leo et son frère n’étaient pas entrés dans ma vie j’aurais des relations apaisées avec ma fille. Miro a une bonne influence sur elle, c’est sans doute pourquoi je me retrouve à être aussi permissif sur leur idylle. (et le fait que j'en vis une aussi ne doit pas étranger à ma tolérance) “Si, quand même, c’est grâce à toi et à ton frère mais je ne vais pas le dire à Miro, il prendrait la confiance comme disent les jeunes !”

Leo entre dans mes confidences avec cette grâce surannée que je trouve si touchante. Je sais qu’il y a une connexion entre nous parce que l’on a le même ressenti dans notre vie. Les mêmes raisons fondamentales qui nous ont poussées à aller au groupe même si les causes sont différentes. La quête du bonheur est quelque chose de bien plus compliqué que je ne le pensais en partant de chez les miens, pourtant je ne regrette pas ma décision. Au moins à présent j’ai une chance de le trouver alors qu’en restant, je serais sur que rien n’évolue. “je comprends, je ne pensais pas que ce serait si difficile. Je pensais naïvement qu’une fois que je serais parti, j’allais, je ne sais pas..., m’épanouir ? Que le ciel allait devenir bleu par miracle. Mais ce n'est comme ça que ça se passe” Je me risque à ajouter en la dévisageant “mais disons que ces derniers temps, j’ai un peu plus d’espoir et c’est...grâce à toi.” Chaque fois qu’on se voit mon horizon s’éclaire et je garde des jours durant son sourire comme une lumière dans mon cœur.

Ah oui ? Tu y vas à pied parfois ? C’est vrai que c’est un luxe… Me concernant, il y a toujours un chauffeur qui vient me chercher ou bien certains clients pour qui j’ai une confiance absolue -comme Camenko- peuvent venir me chercher directement chez moi mais je dois bien avouer qu’avoir une voiture et pouvoir me déplacer avec cette dernière me serait vraiment confortable, surtout aussi pour Miro. Non non, Miro ne t’obligerait pas à ça mais il adore jouer aux jeux de société par contre, ça fait nos soirées parfois ! Ou bien le connaissant, il te proposera de regarder une série de science fiction… Il passe des heures devant la télévision des fois. J’écoute Malic parler de ses soirées aussi mornes que les miennes quand je ne travaille pas et je pense intérieurement qu’il est vraiment triste d’avoir une vie aussi peu palpitante aussi bien que pour lui que pour moi… Tu t’entends bien avec tes collègues, ça va ? Ca doit être particulier, c’est vraiment un monde d’hommes, ça me paraît être un peu brut parfois. Je me suis toujours imaginer le monde de la police comme étant un monde à part. Ceux qui en font partie doivent être durs, peut-être un peu machos ou ce genre de choses complètement stéréotypées.

Un rire clair sort d’entre mes lèvres quand Malic s’amuse à imiter les jeunes et je ne lui dirais pas mais ça ne lui va pas du tout ! C’est clair ! Vaut mieux pas lui dire ! Mon nez se plisse dans un sourire malicieux et je bois une grande gorgée de bière avant de reposer ma mâchoire contre la paume de ma main soutenue par le coude que je viens de poser sur la table. Tu sais… Je suis bien uniquement avec toi ou avec Miro… Donc je sais ce que tu ressens. J’ai un soupir avant d’attaquer le reste du liquide ambré dans mon verre puis dans un élan j’ajoute: Bon ! Et si on allait déguster des plats atypiques maintenant ? J’avise le verre quasiment à sec de mon ami et décide de me relever dès que ce dernier en avale les dernières gouttes.

Nous nous levons ensemble et je me risque à m’approcher du blond pour attraper son bras, rapprochant automatiquement nos corps. Par ici. Je l’amène à moi dans la direction que je prends et nous dirige vers le stand qui nous attirait tous les deux. Nous nous faisons un plaisir de goûter à la cuisine africaine puis népalaise, un choc de cultures qui ne nous laisse vraiment pas sur notre fin. Soudain, je lève le nez vers le ciel qui se grise petit à petit et fronce les sourcils à la vue des nuages qui couvrent lentement le soleil d’été. Je porte ma main à ma joue pour finalement essuyer une goutte qui vient tout juste d’y atterrir. Oh mince, il pleut. Je me fiche d’être mouillée mais la promenade risque d’être un peu moins agréable. Au loin, on peut entendre quelques coups de tonnerre et malheureusement, j’ai bel et bien l’impression que ça se rapproche d’ici. La pluie fait finalement son apparition et on n’échappe pas vraiment aux trombes d’eau qui s’abattent sur nous. Par ici ! Je décide dans un geste rapide d’aggriper la main de mon coéquipier et de courir jusque sous le porche d’un magasin non loin. Dans la précipitation, mon corps a vacillé contre celui de Malic et instinctivement ma main a attrapé sa chemise que j’ai froissé contre ma paume. J’essuie mon visage et finis par regarder le blond, de mon mètre soixante-dix, fatalement plus petite que lui. Ca va ?

Je sais bien que nous nous sommes dit certaines choses et nous nous sommes même embrassés c'est dire ! Mais étant affligé de cette nature trop prudente, pour ne pas dire timorée, je me demande dans quelle direction nous allons. Je ne suis que trop conscient de ce qui nous sépare alors je veux aussi voir ce qui nous rapproche et me focaliser là dessus pour ne pas désespérer. Je ne veux pas passer à côté de cette histoire pour de la peur, des préjugés ou du quand-dira-t-on ! Aussi suis-je rassuré qu'elle me redise que ma présence lui fait du bien autant que l'inverse est vrai. Je ne veux pas offrir mon cœur pour un jeu sans importance. Nous sommes sur la même longueur d'ondes et je m'en contente aisément pour l'instant. Je me lève pour que nous allions déguster et tester les différentes saveurs du monde. On suit nos inspirations et les odeurs qui nous mènent à un stand puis l'autre. On teste, on commente, on se fait goûter, on découvre les saveurs. Je passe un moment merveilleux à discuter avec Leo et à rire en toute insouciance.

Et puis l'orage arrive et je suis entrainé par la jeune femme. Nous cherchons un abri, trop tard pour ne pas être trempés ! A cette heure, le magasin est fermé et on squatte sans remord le porche pour s'abriter. Le rire de la course s'accroche encore à mes lèvres tandis que je me retrouve pressé contre Leo dans une proximité troublante. Je tourne le dos à la rue, pour faire rempart de mon corps contre le pluie et tenter d'en protéger Leo. Mon regard accroche le sien et mon rire s'éteint dans l'émotion qui m'étreint. J'esquisse un sourire en froissant une mèche de ses cheveux mouillés. "Oui oui, ça va. Ne t'inquiète pas, je ne suis pas en sucre, je ne vais pas fondre. Tu es trempée, tu n'as pas froid ?" Je lève les yeux vers le ciel qui menace toujours, ses nuages crevant en pluie diluvienne. Je constate "On va devoir attendre la fin de l'orage." Et très franchement il y a plus désagréable que de sentir la chaleur de son corps contre le mien. Mon dos se trempe de pluie, faisant coller ma chemise à ma peau. Contre elle, je dois baisser la tête pour la regarder et lui parler.

Sans que je m'en rende réellement compte, je me voute pour embrasser Leo, cédant au désir qui me travaille depuis que nous nous sommes retrouvés en début de soirée. J'ai tellement regretté de ne pas l'avoir accueillie d'un baiser !

On se fait réellement surprendre par la pluie et ni une ni deux j’emporte le blond avec moi dans une course effrénée qui s’achève dans les rires sous le porche d’un magasin. Je me retrouve coincée entre la porte de ce dernier et le corps surplombant de Malic dont la proximité me permet de me réchauffer quelque peu. Il y a un bruit infernal qui provient des gouttes d’eau qui tombent sans cesse contre le plastique dur de l'abri qui protège nos têtes mais c’est comme si je n’entendais rien et que mes pensées étaient seulement tournées vers Malic. Je secoue la tête à sa question et fond de tendresse quand sa main touche mes cheveux, comme si ce geste était empreint d’un amour qu’on s’évertue à se cacher. Ca peut aller… La chaleur qui règne en moi et qui fait bouillir mon sang m’empêche de vraiment sentir la fraîcheur qui vient tout juste de s’installer et puis je n’ai pas le temps de penser à ça puisque je suis obnubilée par le policier. Attendons alors. Je lui souris légèrement, pas vraiment déçue qu’on doive attendre sous ce tout petit abri qui nous contraint à être très proches.

Par contre, je ne m’attendais pas du tout à ce que nos lèvres se rencontrent, là, maintenant et la surprise me tend tout à coup. Ma bouche pressée contre la sienne finit par se détendre en un sourire satisfait alors que mes paupières tombent l’une contre l’autre. Finalement, je me hisse sur la pointe des pieds pour enrouler mes bras autour de sa nuque, collant mon corps tout entier contre le sien et c’est à ce moment que la sensation est libératrice, presque salvatrice. J’ai une main contre sa nuque et mes doigts jouent doucement avec la terminaison de sa chevelure mouillée. Je prolonge le baiser dans l’envie d’en sentir toutes les parcelles, le moindre millimètre de ces muqueuses délicieuses et ce n’est que lorsque je perds un peu trop mon souffle que je finis par le rompre, le remplaçant par une étreinte emplie de tendresse. Mes yeux se rouvrent finalement sur le caniveau débordant des larmes de Dieu et je souffle avec délicatesse, tout bas: Je suis tellement bien avec toi… C’est mieux qu’un coup de foudre, je t’assure. Référence à l’une de nos conversations quand on apprenait tout juste à se connaître.

Un moment je crois que je me suis emballé tout seul et qu'il aurait fallu lui demander avant de l'embrasser ainsi par surprise ! Mais ses bras jetés autour de mon cou font s'envoler les doutes qui rougissaient déjà mon cou et mes joues, et à présent la chaleur n'est plus du qu'à ce sentiment qui me réchauffe le cœur et les sens. Mes mains se resserrent sur la taille fine de Leo. Alors que le baiser se prolonge à l'envie, son corps pressé contre le mien est comme le prémisse d'une étreinte et je bride mon imagination déplacée. Mon souffle s'apaise dans la tendresse de ses bras et sa phrase si belle fait envoler les tourments basse terre à terre de la chair. Mon âme a besoin d'idéal bien plus que de charnel et je suis comblé. Le cœur battant trop fort, je mange Leo du regard, ébloui que je suis, émerveillé par cette femme qui me fait chavirer de sa seule présence.

Mon regard sur elle se plisse de tendresse. Je plaisante tout bas, pour nous deux "ça pourrait encore arriver tu sais...le coup de  foudre." Car au dessus de nous, l'orage lâche ses éclairs et ses grondements. Du pouce, j'essuie les gouttes d'eau de sa joue. "Mais tu as raison, c'est encore mieux que le coup de foudre." Faisant taire mon excessive pudeur, je prends Leo dans mes bras pour la tenir contre moi le temps que l'orage parte. Et que ces minutes sont douces ! Je voudrais que le temps s'arrête pour la garder contre moi encore. Quand la pluie cesse enfin, je demande à Leo "Je crois qu'on va pouvoir sortir de notre abri. Je crois qu'on a mérité un léger remontant." Bien décidé à ne pas la lâcher, la prenant par la main, c'est à mon tour de l'emmener à ma suite.

Sur le festival, c'est la déception ! La plupart des stands sont fermés, calfeutrés à cause de la pluie. "Ah mais ! Et bien, heureusement qu'on a pu manger avant." J'arbore un air un peu déçu. "Alors que veux-tu faire ? Il est un peu tôt pour rentrer." Mira étant chez moi, je me vois mal proposer à Leo d'y aller, et c'est la même chose pour chez elle. Ou alors... "on passe prendre Mira et on va chez toi ? On fera deux heureux."

Mes bras sont doux autour de sa nuque, le baiser clairement brûlant et je me risque à continuer de vouloir ses lèvres pendant de longues secondes qui nous étreints. Quand nos bouches se quittent, je reste contre lui, mes bras se resserrant davantage et mes doigts jouant avec la terminaison de ses cheveux. Je souris dans le vide, heureuse. Je finis par redescendre sur mes pieds, mes mollets commençant doucement à devenir douloureux de la position que j’avais prise. Un rire s’échappe de mes lèvres quand j’entends Malic. Le ciel est avec nous, en fait. Puis je me sens attirée à nouveau contre lui, cette fois ma joue est pressée contre le haut de sa poitrine et c’est drôle que je puisse entendre les battements de son coeur aussi clairement me berçant tout à coup par ces bruits répétitifs mais tellement agréables.

Nous quittons finalement l’abri, main dans la main et bien que la pluie aie cessée, le ciel reste toujours d’un gris maussade qui menace à chaque instant. J’avise les stands déjà débarrassé des tenanciers. Oui, c’est dommage… Je regarde mes pieds tout en les écartant d’un caniveau ruisselant. On peut faire ça oui, et pour tout t’avouer, j’étais pas vraiment sereine de laisser Miro tout seul, alors c’est parfait. Je souris sincèrement au blond avant que nous rejoignons sa voiture. La dernière fois que mon petit frère a été admis à l’hôpital, c’est parce qu’il avait fait un malaise et ma grand-mère était heureusement là. Seulement, maintenant c’est différent, s’il fait un malaise, je ne m’en rendrais même pas compte puisque je ne serais pas là pour le voir !

Nous récupérons Mira, visiblement enchantée de l’idée de son père qui en profite pour se changer et nous retrouvons mon appartement. Je suis à la tête du cortège et j’ouvre la porte avant de m’engouffrer dans le salon. Miro ? Je cherche vivement le petit blond de mes yeux et me dirige vers la chambre en premier pour finalement l’interrompre dans la série qu’il était visiblement en train de regarder. Leo ? T’es rentrée tôt. Je souris, toujours attendrie par lui. Oui, on s’est fait surprendre par la pluie. Tu viens ? Mira est là. Je vois une lueur changer dans son regard qui m’anime instantanément d’une joie incommensurable. Il se lève et fonce jusqu’au salon. Bonsoir M. Stepanovic, salut Mira ! Je sors finalement de la chambre m’approche de Malic alors que les deux adolescents discutent et se dirigent vers la chambre nouvellement repeinte par nos soins. Nos regards se croisent et je tourne la tête légèrement pour m’assurer que Mira et Miro sont bien entrés dans la chambre, pudique. Je finis par me presser contre Malic à nouveau, mes bras autour de sa poitrine, le menton relevé vers son visage. Je vais aller me changer et puis on aura qu’à regarder un film ? Je lui souris en m’appuyant sur la pointe de mes pieds, allant jusqu’à ses lèvres pour y déposer un nouveau baiser avant de me décoller et filer à la salle de bain. Quand je reviens, je jette un oeil à la chambre de Miro où les deux jeunes sont sagement assis l’un à côté de l’autre en train de regarder quelque chose sur l’ordinateur. Je laisse volontairement la porte ouverte et reviens vers Malic qui s’est déjà installé sur le canapé. C’est drôle comme il y a encore quelques temps, on n’osait à peine se toucher et que maintenant, j’ai l’impression que c’est presque naturel, qu’il n’y a plus cette barrière entre nous qui nous empêchait de nous exprimer comme il le fallait. Je m’installe à ses côtés, vraiment proche de lui et attrape sa main tout en la regardant. Tu n’imagines pas à quel point je suis contente que tu sois entré dans ma vie… Je n’ose pas continuer parce que je m’emballerais mais je sais intérieurement qu’il m’est devenu vital de l’avoir à mes côtés...

Le ciel et la destinée puisque Dieu n’existe plus, sont avec nous, j’aime à le penser. C’est une idée qui m’est aussi douce que le sourire de Leo, aussi limpide que son rire. La pluie nous a rapprochés et je la bénis d’avoir su annihiler la distance dans laquelle je m’étais empêtré malgré moi. Un poids s’est ôté de mon cœur depuis que  lèvres ont su retrouver le chemin des siennes. Et le second avantage de la pluie c’est qu’elle a fait fuir le monde et préserve ma pudeur quand je tiens la main de Leo dans la rue !

La proposition acceptée, on passe par chez moi chercher Mira et je troque ma chemise humide par un tee-shirt plus confortable. Dès ce moment, Leo et moi sommes plus discrets dans nos gestes, comme ce baiser à la sauvette une fois les adolescents dans la chambre de Miro, porte ouverte tout de même ce dont je sais gré à Leo ! Dans le canapé c’est un peu différent, je peux en toute discrétion jouer avec la main de Leo et nous sommes suffisamment proche pour que ça comble mon besoin d’intimité alors que nous chuchotons, indifférent au film que j’ai mis par hasard. Je souris, plus à l’aise avec elle que nos précédents rendez-vous, mon cœur cédant au fur et à mesure aux sentiments malgré la raison. “J’espère autant que je suis heureux que tu sois entrée dans la mienne.” Je pouffe de rire tout bas en secouant la tête “Je ne pensais pas que ce groupe de parole me ferait autant de bien avec son café immonde. C’est étrange, et pas très gentil je l’admets, mais je n’ai plus très envie d’y retourner. Je n’y suis retourné que pour te voir” L’aveu est doux à faire, mon épaule contre la sienne et mon visage tourné vers le sien.

Je me rends compte qu’entre nous, c’est aujourd’hui plus qu’une amitié, ou même une amourette. C’est à la fois terrifiant et grisant pour qui comme moi n’a jamais connu l’amour "amoureux" (parce qu’il existe à mon sens une infinité d’amour: le marital, le paternel, le filial…) “Tu m’as demandé si je m’entendais bien avec mes collègues. Certains oui...J’ai même un ami, je te l’ai dit, je vais de temps à autre prendre un verre avec lui. Je lui ai parlé de toi, un peu...” Ce qui prouve qu’elle hante mon esprit, et que c’est assez sérieux pour que je l’évoque. je ris à nouveau tout bas pour ne pas déranger les enfants à côté, ou plutôt pour ne pas qu’ils nous surprennent, c’est moi qui me sens comme un adolescent ce soir ! “je crois que je l’ai surpris ! Ce n'est tellement pas mon genre !”

“Tu sais, j'ai repensé à ce que tu m'as dit l'autre jour, à propos de vacances. je crois que j'aimerais bien voyagé un de ces quatre. Je sais que c'est compliqué à cause des enfants, mais est-ce que tu aimerais m'accompagner ? Je ne me vois pas faire cette aventure tout seul et tu t'y connais mieux que moi en voyage, tu serais un guide parfait.”  

Là, aux côtés de Malic et avec tant de proximité, tout est oublié, de notre gêne qui nous bouffait tous les deux à ma profession peu éthiquement correcte. Je sais qu'un jour ou l'autre, il sera compliqué de manier cette vie personnelle et la vie professionnelle que j'ai choisie mais je ne suis pas pessimiste et je sais que notre volonté et l'amour qui se tisse au fur et à mesure entre nous sera assez fort pour vaincre tout ça…

Devant l'écran de télévision qui ne nous importe que très peu, les confidences vont bon train et je me risque à lui avouer ce que je pense, nos doigts se frôlant sans cesse dans un jeu pudique qui commence à me consumer doucement. Je souris aux paroles du blond et je l'imite en riant quelque peu également. Je ne pensais pas non plus que ce serait si bénéfique… Tu sais, je n'y allais que pour toi aussi à la fin… Que j'admets, légèrement honteusement parce qu'il y a bon nombre de personnes très gentilles à ce groupe et que d'un côté ça paraît un peu désobligeant de ma part de penser qu'il n'y avait que Malic qui m'intéressait…

La surprise peu se lire sur mon visage quand le policier m'avoue avoir parler de moi à l'un de ses collègues et honnêtement, je ne pensais pas qu'il en serait capable… Quoi que; je n'ai que très peu attendu avant de parler de Malic à Reina et dans un sens, ça doit sûrement être similaire. Je suis automatiquement attendrie, s'il parle de moi c'est qu'il considère notre relation comme étant importante et c'est infiniment rassurant d'en avoir conscience. Tu as parlé de moi; c'est vrai ? Je souris davantage en pensant que ça y est, nous sommes passé au-delà du stade où nous nous cherchions encore, Dieu que cette période était frustrante ! Eh bien il va falloir s'y habituer maintenant parce que je ne suis pas prête à te lâcher. J'ai une petite moue en acollant ma joue contre l'épaule du policier et je finis par nouer mes doigts aux siens tout en les resserrant contre ma paume.

Je relève seulement la tête quand il me parle de voyage et d'autres choses qui font vaciller mon coeur parce que je ne suis pas sûre de pouvoir voyager; tout simplement. Des vacances ? Je… ne sais pas. Oui ce serait génial et franchement; ça me ferait un bien fou. Mais tu sais… Hum pour les enfants ce n'est pas grave, il y a ma grand mère mais c'est surtout que financièrement, je ne peux pas du tout me le permettre… Je suis automatiquement déçue parce que voyager fait parti de ce que je préfère dans la vie et c'est frustrant de ne pas assouvir ce besoin mais en même temps, je ne veux absolument pas que Malic prenne tous les frais pour lui… Ce serait contraire à mes principes. On verra plus tard, hum ?

Nos mains ne cessent de jouer, mes doigts de caresser les siens. Je suis ravi d'apprendre qu'elle ressent comme moi l'inutilité d'aller au groupe, à présent notre solitude comblée par l'autre. C'est une symphonie de joie dans mon cœur. Une douce musique. "Oui, j'ai parlé de toi. J'espère que ça ne t'ennuie pas ? Tu sais, je te le présenterais un jour - j'aimerais te présenter mes amis - mais je préfère attendre un peu, c'est un coureur de jupon invétéré et tu es bien trop jolie." Je crois que c'est mon premier compliment sur son physique. Que de hardiesse ! Sans doute est-elle du à notre toute nouvelle proximité ! Je ne veux que ça, m'habituer à sa présence et à nos rendez-vous. Je n'ose pour l'instant pas trop me projeter mais c'est certain que je ne veux pas qu'elle sorte de ma vie.

J'explore le sujet avec une gravité un peu mièvre. "Alors tu considères que toi et moi c'est du sérieux, n'est-ce pas ? Parce que pour moi, c'est sérieux. Je vais te paraitre très bête sans aucun doute, mais je n'ai jamais ressenti ça avant. Mon mariage... c'était un mariage, je ne dirais pas de convenance, mais organisé. C'est ma famille qui a trouvé la femme "qu'il me fallait" - D'une main pour ne pas lâcher celle de Leo, je mime les guillemets. "Ce n'était pas pour autant un mauvais mariage mais ce n'était pas ... les mêmes sentiments. Ça a l'air stupide à mon âge !" . Pourtant, ce soir, je ne me sens pas aussi ridicule que je le devrais sans doute. Leo est près de moi et m'inspire confiance et franchise. J'espère juste ne pas l'effrayer en étant trop "accroché".

Je suis déçu de sa réponse, mais a surpris. Il est évident que même pour moi la question financière est délicate. "Je ne roule pas non plus sur l'or. Mais je pensais qu'un weekend sur la côte adriatique, en Croatie ou au Monténégro ne couterait pas si cher. On peut prendre ma voiture et deux chambres dans une maison d'hôte ou un gite. Au mois de septembre, ce serait moins cher sans doute" Je précise pudiquement deux chambres pour lui faire comprendre discrètement qu'elle n'a pas à craindre de ma part un empressement qu'elle ne souhaiterait pas. Je n'estime pas que parce que nous nous fréquentons, nous devons brûler les étapes. Je n'aime pas mettre la pression aux gens et je tempère mon insistance. "Très bien. Réfléchis-y, si à l'occasion c'est possible, tu sais que je suis disponible pour tenter l'aventure."

Je secoue la tête vivement lorsqu’il me demande si cela ne me dérange pas et bien au contraire ! J’ai aussi envie de vivre à travers Malic et de ce fait, en parlant de moi c’est comme si j’existais totalement dans sa vie, cette idée me réconforte infiniment et je souris, bienheureuse. Pas du tout… Ca me fait plaisir, au contraire. Je rougis un peu à son compliment parce que cela faisait bien longtemps que je n’avais pas reçu ce genre de mots qui sonnent délicat à mes oreilles venant de la part de quelqu’un que j’apprécie. Il y a bien Reina mais Reina, c’est différent. Merci… Je me mords frénétiquement la lèvre inférieure, véritablement touchée et je resserre mes doigts contre ceux du blond avant d’ajouter: Ca me ferait plaisir de rencontrer tes amis, vraiment. Et je te présenterai les miens aussi, mais ça risque d’aller assez vite en fait ! Je ris de moi-même, solitaire invétérée possédant deux ou trois amis seulement et je trouve ça triste à mourir.

Les révélations faites par la suite me crève le coeur, dans le bon sens du terme, si tenté qu’il y ait un bon sens ! Mais je suis encore plus touchée maintenant, ma respiration s’accélère et je crois mourir de chaud sous mes joues empourprées. Est-ce que ça veut dire qu’il est prêt à fermer les yeux sur le fait que je fasse de l’escorting pour pouvoir vivre notre relation au grand jour ? Est-ce qu’il est prêt à faire ce genre de concession ? Tout un tas de choses s’entrechoque entre mes méninges et je balbutie avant de m’éclaircir la gorge et de répondre clairement: Bien sûr que c’est sérieux… Je ne joue pas avec toi tu sais… Je déglutis quelque peu, ébranlée par toutes les émotions qui traversent ma cage thoracique. Non, c’est pas stupide, il n’y a pas d’âge pour vivre ça... Mon coeur ne cesse de battre contre mes côtes et c’en devient douloureux tellement je suis heureuse parce que j’en ai clairement les larmes aux yeux. Je m’approche de Malic en quittant sa main pour à nouveau le sentir contre moi, j’en ai vraiment besoin.

L’étreinte est doucereuse et j’ai l’impression d’avoir le besoin quasi vital de rester ainsi durant de longues secondes. Je ne le quitte que lorsque nous changeons de sujet mais garde entre mes mains une des siennes, ne voulant cependant pas rompre le contact entre nous. Un week-end ? Je réfléchis quelques secondes et calcule rapidement les frais dont je dois d’abord m’amputer. Si ce n’est qu’un week-end, ça pourrait aller. Je souris et ne relève pas quand il me propose deux chambres. Sérieusement ? Deux chambres ?! Je ne dis rien mais je ne pourrais absolument pas dormir nous sachant proches mais séparés quand même. Non Malic, ça ira. On va essayer de programmer ça, d’accord ? Je serais vraiment heureuse de quitter Sarajevo même rien que pour une nuit ! Ca me démange et quand je regarde le blond, j’ai sans cesse l’envie de l’embrasser, sans cesse envie d’atteindre ses lèvres des miennes et d’avoir conscience de la chaleur de son corps. Mon ventre se tord de trop me restreindre et je finis par l’embrasser à nouveau, guidant l’une de mes mains contre sa mâchoire. C’est devenu comme une friandise, un bonbon que je ne peux plus m’empêcher de cueillir et la sensation que ça me procure m’emporte tout droit sur un petit nuage extrêmement confortable.

Je suis soulagé de savoir que mon indiscrétion auprès de Zarko ne la met pas à l'aise. C'est seulement après coup que je me suis dit qu'elle n'avait pas forcément envie de faire l'objet d'une conversation masculine - et encore ne connait-elle pas l'énergumène qu'est mon collègue. "J'aimerais rencontrer tes amis, même s'ils sont aussi nombreux que les miens" manière de plaisanter pour dire que moi non plus, je n'aurais pas grand monde à lui présenter. Oh si, j'ai mes sœurs, et ma mère. Mais cette dernière a déjà du mal à me reconnaitre et lui présenter ma famille,  n'est-ce pas un peu prématuré ? Voyons déjà si elle passe l'épreuve de Zarko à qui je n'ai pas avouer la profession de Leo. Je ne savais comment le faire sans risque l'indélicatesse.

Je suis si heureux de l'entendre me dire que nos sentiments sont bels et bien réciproques. Je la trouve adorable de me dire qu'il n'y a pas d'âge pour découvrir les premiers émois quand je sais que elle, qui est plus jeune que moi, a déjà connu la passion, le coup de foudre. Moi je tombe lentement, mais inexorablement amoureux d'elle. Je n'imagine déjà plus que je pourrais ne plus la voir. Loin d'elle, je me surprends à l'évoquer, à avoir envie de la voir. Ne sachant pas quoi faire avec le fait qu'elle soit escort, j'ai mis ce fait de coté. J'essaye de penser qu'il n'y a aucune différence avec le fait d'être coiffeuse ou conseillère de vente. Et dans l'étreinte qui nous lie un instant, sa joue sur mon torse, mon cœur affolé me dit que je fais le bon choix.

Elle accepte et mon cœur fait un bond. Un sourire ravi éclaire mon visage. "D'accord. Je nous organise ça alors ? Deux nuits sur la côte croate. Ce n'est pas très loin, on ira en voiture. Je peux m'arranger pour mes weekend du mois de Septembre. Lequel te conviendrait mieux ?"   Lovés l'un contre l'autre dans le canapé, mains dans les mains, nous décidons ensemble de la destination et de la date. Je crains que nous nous enhardissions parce que des baisers nous lient de plus en plus régulièrement, me (re)chauffant la peau et les sens. Sa main frotte ma joue légèrement rapeuse et la mienne se perd parfois dans ses cheveux. On est presque front contre front dans nos chuchotements complices.

C'est un léger grincement de porte qui me fait sursauter et m'éloigner de Leo, comme un ado en faute. En parlant d'adolescent, il s'agit de ma fille et je deviens pivoine en m'écartant de Leo et reprenant une posture décente, cherchant une contenance tandis que Mirjana m'annonce "Miro est fatigué, il s'est quasiment endormi devant la série. Du coup on finira plus tard. On y va papa ?" "Humm oui... oui, on...nous aussi on regardera la fin du film une autre fois." troublé et gêné je me lève . Au revoir, Leo, je peux passer voir Miro demain si papa est d'accord ? "Oui, ton père est d'accord ! " Je ne peux pas empêcher ma voix de vibrer doucement en ajoutant "au revoir Leo." Je baisse la voix en ajoutant dans un sourire radieux et tendre à la fois "je t'appelle demain..."

Je réalise combien Leo me manque déjà en passant le pas de sa porte mais je n'ai pas le temps de m'attarder sur la question, dès que nous rejoignons la voiture, ma fille me taquine sur la scène du salon en me demandant si on laisse la porte entre la salon et la chambre ouverte pour nous ou pour eux !