Règle numéro deux: Se faire désirer - Rauera

Il m’arrive encore d’avoir la pression au travail, surtout quand je dois escorter un nouveau client parce que évidemment, la plupart des gens avec qui je passe mes soirées sont toujours les mêmes, ou presque. Ce soir, je rencontre un nouvel homme avec qui nous allons certainement discuter de choses et d’autres et comme d’habitude, je ferais semblant de m’intéresser à lui, lui ferais des compliments que je ne pense pas et tout ira bien. Je n’ai jamais été du genre très intéressée par la gente masculine, enfin, je veux dire par là que je n’ai jamais couru après les garçons et je n’ai pas non plus eu énormément de relations, ce qui fait qu’aujourd’hui mon rapport à l’amour est quelque chose d’incompréhensible pour moi, un vaste champ de questionnements définitivement incompatible avec quelconque sentiment. Le travail que Nina m’a donné me permet surtout d’avoir l’argent dont j’ai besoin et jamais l’idée d’utiliser mon boulot pour me trouver quelqu’un ne m’est venue à l’esprit, ça serait d’ailleurs quelque chose de tellement bizarre que je suis complètement réfractaire à ça.

Je vernis mes ongles méticuleusement, coiffe mes cheveux de manière à ce que des boucles retombent de chaque côté de mon visage et forme un chignon élégant dans le haut de ma nuque. Je décide de mettre un chemisier dont l’encolure laisse entrevoir le haut de mon décolleté et enfile une jupe fourreau pour parfaire le tout. Juchée sur mes talons j’attrape mon sac et ma veste avant de quitter l’immeuble. N’ayant pas de voiture, tous mes déplacements se font grâce au chauffeur que Nina nous met à disposition. J’ai déjà échangé avec mon client et je sais d’ores et déjà qu’il m’attend à notre lieu de rendez-vous. Je serais donc en retard, ce qui est parfait puisqu’une des règles d’or de ce métier est de se faire désirer.

Nous nous arrêtons et je sors dès que le chauffeur m’ouvre la porte, exprimant de sincères remerciements avant de le quitter et me diriger vers le bar qui apparaît devant moi. Je prends une grande inspiration, gonflant ma cage thoracique heurtée par les battements affolés de mon coeur et pousse enfin la porte, simulant une assurance que je n’ai pas. Mon regard cherche un homme grand et barbu dont les cheveux doivent être assez longs. Quand je l’ai trouvé, mes talons claquent le sol jusqu’à lui, jusqu’à sa hauteur et mon visage change complètement d’expression, je souris, joviale et enthousiaste. Bonsoir, je suis Leonella. Ma voix est douce, posée et je me permets de m’asseoir à ses côtés immédiatement, repositionnant la seconde d’après une mèche de cheveux qui s’était échappée de ma coiffe. Au fond de moi, je suis gênée, extrêmement timide et si je m’écoutais, j’aurais déjà fait demi-tour mais je pose mon regard dans le sien et je crois qu’il n’y a rien qui puisse me mettre mal-à-l’aise chez lui. Rauera, c’est bien comme ça qu’on dit ? Je souris, toujours, inlassablement.