Malic ça rime avec flic

"Restons ce que nous avons toujours été: des gens libres. c'est devenu suffisamment rare pour qu'on s'accroche ne serait-ce qu'à l'idée."
Mes grand-parents maternels auraient préféré un musulman pour leur fille mais le destin en a décidé autrement. Le destin ou l'amour. Elle a seize ans et c'est enceinte de trois mois qu'elle épouse mon père pour étouffer le scandale. Ils en bavent avec leurs familles mais ma sœur ainée nait comme prévu quelques mois plus tard à Srebrenica. Puis c'est moi et suit tardivement une sœur plus jeune.

"Je jure sur les étoiles qui brillent au-dessus du plafond envolé de les protéger toujours. Je le jure."
La guerre a bouleversé notre enfance, notre vie en 92'. Et surtout l'Horreur. J'ai six ans et je vais quand même à l'école puis c'est ma mère qui nous fait cours à la maison. Mon père meurt en juillet 95 lors du massacre qui a rendu ma ville tristement célèbre. On pensait être protégé par les 400 casques bleus de l'ONU. Ma sœur ainée et ma mère sont violées. Ma sœur et moi, plus jeunes, passons entre les mailles du filet. Je me souviens parfaitement de ces jours sombres, malédiction de la mémoire où s'ancrent la violence et l'infamie, la peur.

" La nuit peut venir, avec toutes ses étoiles, quel que soit l’hémisphère. "
Mes oncles, les frères de ma mère, s'occupent de nous. On m'élève dans la religion musulmane et à 18 ans j'épouse sans envie une cousine éloignée qu'on me présente la veille du mariage. Je fais mes études pour devenir flic tout en cumulant des petits boulots et subvenir au besoin de ma famille. J'intègre la police, ma fille nait, prunelles de mes yeux. Je commence à accepter des petits pots de vin pour réussir à joindre les deux bouts.

"Je me remettrais presque à croire en Dieu entre le coucher et le lever du soleil"
C'est le sursaut, réveil, le cœur qui redémarre sous le choc, électrique. Il y a six mois, ma mère fait un AVC précoce. Elle n'a plus jamais été la même après Srebrenica. Je dois la placer dans un établissement à Sarajevo, et ça me coute les yeux de la tête mais c'est surtout la prise de conscience. La vie est trop courte pour ne pas la vivre comme on l'entend. Je plaque tout, je demande le divorce et ma mutation à Sarajevo pour être près de ma mère, pour être loin de ma famille. Je me fais tatouer en révolte, en rejet de toute religion. Sur mon corps, des mots, le visage de mes sœurs, la révolte de la guerre. Je me proclame Yougoslave, je renie les divergences de cultures, de religions, d'ethnies. J'ai du mal à voir ma fille, mon ex m'en refuse la garde et ne respecte pas mes droits de visites. Pire, elle monte l'enfant contre moi. C'est le revers de la médaille, le prix à payer. Je prends un avocat pour une procédure aussi longue que couteuse, je m'enfonce dans les dettes et les obligations.

Quand mon co-équipier se fait descendre, on me mute de service et on m'affecte une nouvelle co-équipière.