Le haricot magique - Slavina

22 avril ; 14h30

Avec Nina, on a convenu de se retrouver directement à la clinique privée parce que je n'aurais pas eu le temps de venir la chercher. Je lui ai laissé la Mercedes ce matin, me débrouillant pour aller au QG et surtout venir cet aprèm en bus, je ne voulais pas risquer qu'un Tigrovi me dépose près d'ici ! Je suis en uniforme noir des pieds à la tête mais j'ai fourré mon béret dans ma poche. Je saute du bus et me hâte vers le hall parce que si j'ai le malheur d'être en retard, ma femme va me passer un savon !

La mission à Belgrade s'est très bien passée et pour l'instant les tensions sont apaisées au boulot. Hier soir je suis sorti avec mes camarades, j'ai travaillé ce matin et fait un peu de sport au pussynight après. La vie roule toute seule, si facile que c'est flippant ! Et à présent je vais revoir mon fils alors je suis à la fois excité et ému. Je rejoins Nina dans le hall et je lui vole aussitôt un baiser ravi. "hé zlato, me voilà. ça été pour venir ?"

Installée sur l'une des chaises de la salle d'attente, les jambes croisées, je suis plongée dans la lecture d'un énième prospectus de grossesse. Je suis arrivée avec une demie-heure d'avance, dans la crainte d'être en retard moi qui ne m'en soucie que peu d'ordinaire, et j'ai eu le temps de tous les lire. Au mur, il y a une affiche qui met en garde "vous buvez un peu, il boit beaucoup", mais ça, c'était déjà évident. Pas d'alcool pendant la grossesse, c'est le minimum, non ? Celui que je tiens entre les mains parle des cours de préparation à l'accouchement, organisés au sein de la clinique, et je n'avais pas la moindre idée qu'il fallait des cours pour se préparer à accoucher. Je n'ai pas la moindre idée de ce qu'on peut bien nous apprendre dans un cours pareil. Est-ce que c'est obligatoire ? Je regarde les deux autres femmes installées non loin de moi, enceintes jusqu'au cou toutes les deux. Est-ce qu'elles se sont préparées à accoucher ?

Le nez froncé, je réprime un bâillement, j'ai encore trop peu dormi cette nuit parce que Slavenko n'était pas là, et que j'en ai profité pour sortir de mon côté avec les filles de l'agence. Le manque de sommeil commence à s'accumuler, parce que je ne suis pas parvenue à rester seule quand Slavenko était en mission, j'ai bossé énormément, et j'ai retenté un cambriolage qui s'est soldé par un échec puisque je n'ai rien pu ramener qui ait de la valeur. Je me sens constamment fatiguée en ce moment, mais je ne fais rien pour ralentir le rythme parce que j'ai trop peur de prendre du retard quand je sais que d'ici quelques mois, je devrais arrêter complètement de bosser quelques temps. J'essaie seulement de faire en sorte que Slavenko ne s'en rende pas compte.

C'est justement alors que je pense à lui qu'il me rejoint, et son baiser m'arracher un sourire. Oui, parfait. Ça va toi ? On ne s'est croisés ce matin que très brièvement, je suis partie bosser très tôt, et je ne sais pas comment s'est passée sa soirée. Mais il n'a pas le temps de me répondre, il est arrivé pile à l'heure et le médecin n'est pas en retard. Madame Sykes ? Je souris au slave et me lève en lui tendant la main pour l'entraîner à ma suite.

Je suis content d'être juste à l'heure parce que je pense que sinon Nina m'en aurait terriblement voulu et ces derniers jours ont été plutôt bien entre nous. Je ne veux pas risquer une dispute comme la dernière qui a secoué notre couple, j'ai bien cru que cette fois on ne s'en relèverait pas. Un bref instant l'amour que j'ai pour Nina a vacillé, mais je sais maintenant que c'était seulement mon ego et ma peine qui parlait. "Oui ça été, j'avais juste peur d'être en retard, les bus ici, c'est juste...très aléatoire..." Je lui souris et je voudrais encore discuter un peu quand on nous appelle. Enfin...quand on appelle Nina plutôt.

Je grimace au nom de Sykes, frappé de plein fouet par une inquiétude sans nom, ou plutôt si avec un nom du coup ! Je coule un regard à Nina, est-ce que j'ai le droit de venir quand même ? Mais comme Nina me fait un geste, je me coule derrière elle pour emboîter son pas, la collant de très près, comme lorsqu'on est en boite lorsque je la protège. sauf qu'aujourd'hui c'est moi que je protège tellement j'ai peur qu'on me foute dehors. Je me tiens coi et discret dans le but de me faire oublier et pas me faire foutre dehors. Par contre j'ouvre grands mes oreilles, intéressé par tout ce que la médecin pourra dire sur le bébé et sur comment ça va se passer.

J'entre la première, suivie de très près par Slavenko soudain rendu muet. La gynécologue est une femme encore plus petite que moi, mais visiblement très athlétique. Elle doit avoir un peu moins de quarante ans, de courts cheveux blonds mais un visage étrangement doux, parsemé de quelques taches de rousseur. Je ne crois pas qu'elle soit serbe, malgré un nom à consonance slave, mais je pense qu'elle le tient plutôt d'un mariage. Lorsque je l'ai eue au téléphone, elle a demandé à me parler quand la secrétaire lui a dit que j'étais allée aux urgences, je n'ai pas perçu le moindre accent dans sa voix. Aujourd'hui encore, lorsqu'elle s'adresse à nous, son anglais est parfait. Vous devez être le compagnon, je suppose, Dr Adzovic, enchantée. Installez-vous. Elle nous serre la main à tous les deux et nous invite à nous asseoir face à son bureau.

Elle jette un oeil à son ordinateur, sans doute pour se remémorer qui je suis, avant de commencer. L'hôpital m'a fait parvenir les résultats des examens, il n'y avait rien d'alarmant. Vous avez pu faire les analyses que je vous ai prescrites ? J'acquiesce vivement et fouille mon sac à main, en quête de l'enveloppe contenant les résultats, que je lui tends. Tout en prenant connaissance des documents, elle me demande, sourcils froncés : Vous avez de nouveau été victime de malaises ? Je secoue la tête. Euh non, non, pas depuis... Elle me coupe à moitié. Vous avez des vertiges ? Je jette un regard en biais à Slavenko, je voudrais mentir pour qu'il ne s'imagine pas le pire mais je crois que ce serait une mauvaise idée de commencer ce suivi de grossesse sur des mensonges ! De temps en temps, oui.

J'étais terriblement content et fier de venir avec Nina et me voici tout bonnement mort de trouille à l'idée de dire une idiotie. Je serre la main du Docteur sans oser la reprendre quand elle me traite de... "compagnon", ça fait un peu sac à main je trouve et ça me heurte. Je me tais parce que je voudrais dire que je suis le mari de Nina, or je ne le suis pas et dire que je suis son fiancé, ça fait très puéril. Au delà de ça, la doctoresse a l'air compétente et au moins parle-t-elle un anglais parfais.

Empoté, je m'assieds près de Nina et je suis l'échange sur la santé de Nina. J'ai eu très peur quand elle a fait son malaise et que nous sommes allés à l'hôpital mais le médecin nous a déjà rassuré là-bas. Avec le recul, je pense que c'est surtout à cause du manque de sommeil et l'excès d'émotions délétères. La pression n'était pas facile à tenir. Mais je ne savais pas que Nina avait encore des vertiges et ça m'inquiète beaucoup. Je la dévisage en faisant les gros yeux. Je suis tétanisé, est-ce que c'est mauvais signe des malaises ? J'imagine que c'est pas bon signe en tout cas.

Si elle l'appelle ainsi, c'est justement pour ne pas commettre d'impair, elle a compris que nous n'étions pas mariés. Quant à moi, j'ai compris qu'elle ne parlerait pas de "futurs parents" pour le moment, parce qu'aucun médecin ne l'a fait jusque là, pas même lorsque nous sommes allés aux urgences. Tant que le cap des trois mois n'est pas passé, tous redoublent de précautions oratoires pour bien vous faire comprendre que, vraiment, il ne faut pas s'emballer à ce stade. Moi, ça me pétrifie de trouille, et j'admets que je guette le moindre signe désagréable comme si le ciel allait me tomber sur la tête. Pourtant, elle ne semble pas inquiète de mes vertiges. C'est assez courant en début de grossesse, ça devrait passer au second trimestre, tant que vous ne perdez plus connaissance, pas de quoi s'affoler. Je hoche la tête, rassurée parce que je n'ai plus fait de malaise, quant à celui que j'ai fait à Banja Luka je sais pour en avoir discuté avec les médecins qu'il était clairement dû au manque de sommeil... Couplé à une sévère crise d'angoisse. Je crois que je ne suis pas encore tout à fait remise de cette dispute qui m'a fait plus peur que n'importe quelle autre, ni de l'indifférence totale de Slavenko qui m'a glacé le sang.

Elle me demande si les médicaments contre les nausées sont efficaces, ce à quoi je lui réponds que non, vraiment pas, puisque je vomis toujours autant. Malheureusement, comme très peu de choses sont autorisées pendant la grossesse, je n'ai qu'à faire avec et attendre que ça passe. Elle m'apprend que je ne suis pas immunisée contre la toxoplasmose, et je jette un coup d’œil au slave parce que je suis certaine qu'il n'y comprend rien. Bon, on va passer à l'examen, je vous laisse vous installer. Quelque chose me dit que si je ne fais rien, Slavenko n'osera pas se lever de sa chaise, alors je prends sa main dans la mienne en me levant pour l'entraîner de l'autre côté de la pièce. J'ôte mon chemisier avant de m'allonger sur le fauteuil.

Le médecin nous rejoint quelques instants plus tard, pour le même examen qu'aux urgences. Seulement cette fois, elle prend le temps de nous expliquer les choses correctement. A l'écran s'affiche le même haricot que la dernière fois, à peine un peu plus grand, et après l'avoir mesuré, elle nous annonce qu'il fait seulement 6mm, ce qui me semble complètement improbable !

la toxoquoi ? C'est quoi ce truc encore... Si personne ne s'en souciait avant et qu'on lui dit maintenant, c'est parce que ce n'est pas bon pour le bébé, brillante déduction Slavo Holmes ! Je ne comprends rien à la conversation et ça me panique alors je ne bouge pas. En tout cas les vertiges n'ont pas l'air d'inquiéter le docteur ni les vomissements. Sérieusement des vomissements ? Mais quand est-ce que Nina me cache tout ça ?!! C'est surtout ça qui m'inquiète ! Mon visage doit passer par toutes les phases, de la stupeur, à l'incompréhension et aussi au choc et la désapprobation, tout ça sans dégoiser un mot.

Je me lève, avant d'être sur de pouvoir suivre Nina. Je suis fébrile et impatient, j'ai les mains moites. Ça ferait mauvais genre qu'un gaillard 1m90 passé s'évanouisse mais je trouve qu'il fait drôlement chaud dans cette salle d'examen. J'essaye de trouver une place pour ne gêner personne et la médecin a comme un sourire amusé à mon attitude avant de m'enjoindre à me mettre près de Nina à une place qu'elle me désigne. Bon d'abord je détourne les yeux parce que la partie examen gynéco, c'est très gênant je trouve. C'est bien que Nina ait pris une femme si vous voulez mon avis parce que bon...c'est très...intime ? Je tente d'esquisser un sourire rassurant pour ma femme mais j'ai une fine pellicule de sueur qui me couvre le front. C'est l'angoisse alors je me concentre pour gérer ça.

Ce n'est que lorsque c'est l'échographie que l'impatience chasse le malaise. Mon regard brille d'espoir parce qu'on va revoir le bébé. Moi qui ne suis pas très croyant, je prie intérieurement pour qu'il aille bien. Tout va bien, pas vrai ? non mais, ils m'agacent tous avec leurs trois mois de sécurité !

Pour être tout à fait honnête, si j'avais su qu'elle voulait m'examiner, j'aurais demandé à Slavenko d'attendre de l'autre côté et de nous rejoindre seulement pour l'échographie. Seulement, nous sommes tous les deux déjà installés quand elle me demande d'enlever le bas, et je crois que Slavenko n'ose plus du tout bouger de l'endroit où on lui a demandé de se mettre ! Dieu merci, il a au moins l'idée de tourner la tête, et le médecin ne fait pas de commentaires, signe que tout est en ordre. Je prends tout de même le temps de remettre ma culotte avant qu'elle ne me passe le gel sur le ventre, parce que sérieusement je ne suis pas à l'aise de rester à poil avec Slavenko dans la pièce.

Je ressens moi aussi cette même angoisse quand l'échographie commence, aux urgences ils ont tellement insisté sur le fait que les risques étaient élevés durant les premiers mois que je flippe comme une malade à l'idée que son cœur ait cessé de battre. Mais au bout de quelques instants seulement, on peut l'entendre à nouveau, ce rythme cardiaque si rapide que j'ai l'impression de sentir dans mon ventre. Je ne parviens pas à lâcher l'écran des yeux, quand bien même la forme qui s'y dessine n'a encore rien d'un bébé. Il fait 6mm, mais son cœur bat déjà. Et bien il semblerait que tout aille bien, il est bien accroché. A ce stade, ses organes vitaux sont déjà en train de se développer. A l'écran, elle tente de nous montrer l'endroit où se situerait sa tête, mais je ne distingue vraiment rien, alors je fronce les sourcils en faisant semblant que oui. Ce serait honteux de ne pas reconnaître mon propre bébé, tout de même !

C'est quand enfin l'échographie nous montre le bébé que je m'éclaire comme un sapin à Noël. La bouffée de joie violente me prend par surprise, je ne m'attendais pas à ça. Je m'avance mais je bute contre le truc sur lequel Nina est allongé alors je ne bouge pas plus, tendant seulement la main pour avoir la sienne. Je me fiche bien de savoir où est la tête ou pas (oh mon Dieu, est-ce que j'ai le droit de penser ça?) tant que je vois la forme de ce qui est notre bébé. Je le veux déjà avec tellement de force que je ne sais plus pourquoi j'ai tant résisté avant. J'ai des doutes, des peurs, des milliers de raisons de ne pas me sentir à la hauteur et pourtant, ce minuscule haricot a déjà mon amour inconditionnel. Alors franchement que dire de la merveilleuse femme qui l'abrite en son sein ? L'écho est plus longue que la première fois parce que la doctoresse mesure des ... trucs, je me demande bien comment elle y parvient dans ce maelstrom de noir et gris mais j'en suis heureux. Le son du cœur du bébé me ravit et j'ai un nouveau sourire béat.

Malheureusement, ça passe quand même trop vite et c'est déjà fini, je trouve ça triste. Mais bon, même si on ne le voit pas, on sait qu'il est bien au chaud dans Nina. Quoiqu'elle en dise, je ne pose pas de questions, même pas concernant le sexe parce que bon, ça ferait mauvais genre le type qui ne s'intéresse qu'à savoir si sa femme reste opé ou pas, non ? Je crois qu'on devrait juste faire un peu plus attention le temps que Nina n'ait plus de vertiges ou de nausées !

Ma main se crispe dans celle du slave lorsque le médecin récupère sa sonde, moi aussi je me sens soudain démunie de ne plus entendre ce cœur qui bat, je crois que j'en ai brièvement les larmes aux yeux. Je regarde rapidement la machine qui lui permet de faire les échographies. Est-ce qu'on peut en acheter une ? Comment je fais, si je veux pouvoir entendre son cœur tous les jours ? Comme le médecin me fait signe que je peux me rhabiller, je m'essuie le ventre et tend la main vers Slavenko pour qu'il me passe mon chemisier, que je remets rapidement. Je lui jette un regard complètement déboussolé, je ne l'ai pas observé pendant l'échographie et je ne sais pas s'il ressent la même chose que moi. Suis-je la seule de nous deux à me sentir complètement perdue ?

On repasse dans son bureau, et je me permets enfin de poser des questions à mon tour, parce que tout le monde semble partir du principe qu'une femme enceinte sait forcément ce qu'il se passe, alors que c'est loin d'être le cas. Elle me donne un papier résumant les restrictions alimentaires, m'explique pourquoi je prends des vitamines, les maux de grossesse auxquels je dois m'attendre dans les semaines à venir -notamment pour les sautes d'humeur- avant de me dire que je peux continuer à vivre une vie normale, il faut seulement que je me repose et que je fasse attention. On fixe un rendez-vous pour la prochaine échographie, aux trois mois de grossesse seulement ce qui me semble être dans une éternité, et avant de nous laisser partir, elle imprime pour nous une photo de l'échographie qu'on vient de faire. Je la récupère, émue, et on sort de son bureau pour aller payer la consultation au secrétariat.

Je croise le regard de Nina et lui souris, je suis si content d'avoir pu encore une fois voir le bébé. J'essaye de contenir mes émotions et de ne pas exulter de joie, de garder un visage impassible, peine perdue !

J'écoute patiemment et avec une attention toute militaire les informations que nous donne la gynécologue, ainsi que les questions de Nina qui m'éclairent sur son niveau d'anxiété au moins aussi élevé que le mien ! Moi qui pensait que ce serait plus facile pour elle puisqu'elle est une femme ! Le passage sur les sautes d'humeur me fait hausser un sourcil, vraiment ? C'est un symptôme ça ? Nina est toujours très sensible de toute façon.

En sortant du bureau, on fait quelque pas et au milieu du couloir je m'arrête. Je retiens Nina pour l'enlacer dans un geste qui comprend tout à la fois la gratitude, l'amour, du réconfort et l'assurance que tout va bien se passer. Je relève son menton pour effleurer ses lèvres des miennes avant de la gronder tout bas. "srce...tu m'avais pas dit pour tes vertiges...Tu aurais du me le dire..." C'est quand même mon boulot de m'occuper d'elle, de veiller qu'elle soit bien, et encore plus maintenant. Je ne veux pas être mis à l'écart. Je ne dis pas que j'ai besoin de tout savoir, comme j'aurais certainement pu éviter d'être à l'examen avant l'échographie ! "Allez viens, je t'emmène boire un verre quelque part en terrasse ! Il fait super beau aujourd'hui et je crois qu'on l'a mérité moj andjeo ! Tu ne devais pas travailler au moins ?"

Il m'attire à lui et je m'enfouis dans ses bras en soupirant de soulagement. Son baiser trop léger me laisse sur ma faim, bien-sûr, et je fronce le nez à sa remarque boudeuse. Pour quoi faire ? Elle a bien dit que ce n'était pas dangereux, tu te serais inquiété pour rien... Je crois qu'il ne se rend pas du tout compte de ce qu'une grossesse implique comme "effets secondaires" si je peux appeler ça ainsi. Je pensais qu'il avait souvenir de sa mère enceinte de Saskia, après tout il était déjà plutôt grand à cette période. Tu l'as entendue Slavenko ? Il va y en avoir plein, des symptômes, mh ? J'ai peur qu'il s'inquiète trop à chaque fois, mais aussi qu'il supporte mal la pression. Moi je sais pertinemment que je vais être sujette aux sautes d'humeur, je suis déjà trop sensible en temps normal, trop émotive pour que ça ne soit pas le cas, et j'appréhende beaucoup ses réactions. Disons qu'il n'est pas exactement réputé pour sa patience ou son empathie... Et oui, forcément, après le fiasco qu'à été l'annonce de ma grossesse, j'appréhende vraiment la suite.

On s'occupe de payer et j'acquiesce quand il propose qu'on aille boire un verre ensemble. Non, t'en fais pas, je rattraperai le boulot demain, ou ce soir. J'essaie de prendre chaque moment qu'on peut passer ensemble, il faut bien qu'être à mon compte ait certains avantages. Je glisse mon bras derrière sa taille pour passer sous son bras en me serrant contre lui alors qu'on sort de la clinique. Tu sais si y a une librairie qui vend des livres en anglais...? J'aimerais bien acheter un bouquin qui cause de la grossesse. Je me pose trop de questions et j'ai besoin d'avoir d'autres réponses que celles qu'on peut trouver sur internet. Je veux pas d'un truc énorme, juste un genre de manuel de la femme enceinte, ce serait bien.

Je gronde doucement dans un soupir "Et alors ? Déjà tu ne le savais pas si c'était grave ou pas, et même, tu aurais quand même du me le dire !" si je m'en rends compte par moi-même, ça risque d'être pire. Et de toute façon je n'aime pas l'idée qu'elle me dissimule des choses, encore moins si ça concerne le bébé.

On se trouve un café terrasse près de la clinique, et on peut s'installer tranquillement. Je m'assieds près de Nina, dans ce besoin d'être près d'elle comme un garde du corps fidèle et protecteur. Le quartier de la clinique est celui des hommes d'affaires étrangers, des expats et c'est plus permissif qu'ailleurs . "Oui dans le coin d'ailleurs, il a un buybook, un magasin d'une chaîne de librairie. Hummf je ne savais même pas que ça existait ce genre de bouquin." Je lui confie, dépité par ces lacunes qu'on a tous les deux en matière de bébé. J'avais dix presque onze ans quand ma mère est tombée enceinte et je ne me suis certainement pas intéressé à ses petits soucis ! "comment ça se fait qu'on a autant de questions, est-ce que ça devrait pas...je sais pas être inné ? Encore plus pour toi !" Mon regard brille d'un sourire contenu parce que je sais déjà qu'elle va râler ou me traiter de macho !

Après que Nina soit installée, je me redresse Je vais commander au bar, qu'est-ce que tu veux srce ?

Mais si, je le savais, ils me l'ont dit aux urgences... Je soupire, dépitée parce que je ne suis pas sûre de pouvoir faire autrement que de lui cacher ce genre de choses. Je n'ai plus suffisamment confiance en lui, et surtout ça fait bien longtemps que je n'ai plus l'impression de pouvoir compter sur lui, il n'est plus cette épaule sur laquelle je pouvais pleurer. Désormais je le sens intransigeant, encore moins à l'écoute de ce que je peux ressentir qu'autrefois et ce n'est pas peu dire. Je ne crois pas que je supporterais de lire l'agacement dans ses yeux s'il trouve que je me plains trop, je n'arriverais pas à le décevoir en montrant ses faiblesses que je n'ai plus le droit d'avoir. La vulnérabilité ne m'est plus vraiment autorisée.

On peut profiter du soleil pour s'installer dehors, à cette période de l'année pas besoin de parasol mais je sors quand même mes lunettes de soleil. Il existe des livres pour tout maintenant. Je ne me suis pas encore renseignée sur ceux concernant la grossesse mais ça doit forcément exister, et je réalise que j'ai beaucoup de choses à apprendre encore. J'écarquille les yeux. Pourquoi est-ce que ce serait inné pour moi ? J'ai jamais eu d'enfant avant ! Et si j'ai déjà été enceinte, ma précédente grossesse a été interrompue très prématurément. Et puis j'ai pas trouvé que t'avais tant de questions que ça, t'as pas ouvert la bouche de tout le rendez-vous. Je fais remarquer dans un sourire amusé, j'ai bien vu à quel point il était gêné. Tu le liras tu crois, si j'achète ce genre de bouquin ? J'en doute fort, personnellement.

Je hausse les épaules, hésitant un instant avant de craquer pour un soda. Juste un Coca, steuplait. Heureusement ce n'est pas encore l'heure de l'apéro, je serais déçue de ne pas pouvoir boire d'alcool.

Je fronce les sourcils, pas convaincu par sa réponse, mais je n'insiste pas pour le moment, Nina me bat question attitude bornée. Je n'ai pas envie qu'on se dispute à ce sujet, mais ça me semble normal d'être au courant de ce qui pourrait impacter la vie du bébé, le mettre en danger.

Je vais chercher les boissons, coca pour elle et moi, il est trop tôt pour autre chose et je reviens avec nos commandes. Je m'assois en revenant sur notre discussion. "Mais admet c'est quand même plus normal que ce soit toi qui sache ce genre de trucs. Vous discutez pas de ça entre nanas ? Et puis je pensais que c'était un truc genre...l'instinct maternel, que tout était livré avec le bébé." J'ai une moue entre l'amusé, le sérieux et la taquinerie où je sais que je pousse le bouchon "En plus je ne savais pas quoi lui dire moi à la doctoresse ! Je crois que je préfère encore lire le bouquin que de lui poser des questions ! L'échographie était sympa..." sous-entendant que le reste est surtout très gênant. "C'est dommage qu'ils ne font pas plus d'échos...on va devoir attendre un moment avant la suivante." Ça rend tangible la présence du bébé, tandis que pour l'instant, ça ne se voit pas.

Je récupère ma boisson lorsqu'il revient avec, et croise les jambes en haussant les épaules. Pour parler de ça "entre nanas", comme tu dis, il faudrait que j'ai des amies qui soient mères, et ce n'est pas le cas. Dans mon entourage, proche ou moins proche d'ailleurs, il n'y a pas un seul couple avec un enfant. C'est d'ailleurs légèrement étrange de le constater seulement maintenant. En fait il y a plus de gamins de ton côté, dans ta famille, que du mien. Ce serait donc presque plus logique qu'il en sache plus que moi sur le sujet. Et l'instinct maternel, je crois que c'est surtout une fois que le bébé est là. Je ne vois pas comment je pourrais avoir l'instinct de quoi que ce soit alors que pour l'instant tout ce que je fais c'est vomir. Et pour être tout à fait honnête, ça me fout quand même une pression dingue sur les épaules qu'il s'imagine dès le départ que ce soit à moi de tout gérer, de tout savoir, sous prétexte que je m'y connaîtrais mieux que lui, ce qui est absolument faux.

Un soupir légèrement dépité m'échappe. Tu voudras bien le lire, alors, s'il te plaît ? Je vais avoir besoin qu'il m'aide à comprendre tout ça et surtout, comme il est absolument incapable de la moindre compassion envers moi, ça me soulagerait qu'il soit un minimum au courant de ce que je vais traverser. Je crois qu'il le croira mieux s'il le lit dans un livre que si c'est moi qui le lui dis. La preuve, il a fallu que je tombe dans les pommes pour qu'il commence à s'inquiéter de mon état dans la voiture, alors que j'étais clairement au bord de la rupture depuis au moins une bonne dizaine de minutes déjà. Plus je repense à cet épisode, plus ça m'effraie pour la suite. De toute façon je suis pas certaine que tu pourrais être dispo à chaque fois s'ils faisaient plus d'échos...

Je grogne vaguement, dépité parce qu'elle me dit qu'elle n'a pas d'amie ayant déjà eu un enfant. "Bien sur que y a des enfants de mon coté, mais je ne fréquente pas vraiment mes cousines très souvent et je ne vois pas pourquoi je les aurais questionné..." Je pense que je peux encore m'en sortir avec un môme d'un certain âge mais pas quand il n'est même pas encore né ! De toute façon, dans ma famille, c'est plus une affaire de femmes. "Ah tu vois tu ne m'as même pas dit que tu vomissais, tu aurais du srce. Je ne peux pas deviner que ça va pas si tu me le caches..." Comment veut-elle que je fasse quelque chose si je ne suis même pas au courant ?

Je suis surpris de son insistance et je hausse les épaules "si tu veux." Je veux bien lui faire ce plaisir même si lire n'est pas ma tasse de thé. J'avale une gorgée de coca avant de tiquer à la phrase de Nina "Pourquoi tu dis ça ? Je suis venu aujourd'hui sans problème...tu as dit qu'on s'arrangerait pour les rendez-vous. " Même s'il y avait une écho par mois, je pourrais venir. Je me renfrogne "Tu m'en veux parce que je suis parti en mission à Belgrade ?" Je n'ai pas eu l'impression que ça posait problème mais maintenant je n'en suis plus si sur tout à coup !

Tu aurais bien fini par t'en rendre compte... Et puis c'est courant que les femmes enceintes vomissent. Il a quand même été absent trois jours la semaine dernière, je ne vois pas comment il aurait pu le savoir, et puis qu'est-ce que j'étais supposée faire ? L'appeler en pleine mission juste pour lui dire que j'avais la nausée ? C'est ridicule. Une partie de moi persiste tout de même à penser qu'il s'en serait rendu compte s'il faisait un tout petit peu plus attention à moi, mais bien évidemment je ne vais pas me risquer à le dire à voix haute. Je te cache rien, c'est juste... Je ne voyais pas l'intérêt de t'embêter avec ça. Comme je ne m'attends plus à ce qu'il prenne soin de moi, à ce qu'il veille sur moi, je ne vois pas pourquoi je lui parlerais de ce genre de choses. Au final, je vais les gérer seule quoiqu'il arrive.

En revanche je ne comprends pas du tout ce que sa mission à Belgrade vient faire dans la conversation et je fronce les sourcils. Quoi ? Mais pas du tout, pourquoi tu dis ça ? Je ne lui ai pas reproché une seule seconde d'être parti, quand il m'a parlé de cette mission je lui ai même dit que j'espérais qu'il soit retenu ! Je n'ai pas fait la tête quand il est rentré, je ne lui ai même pas reproché de ne pas avoir écrit, je ne vois pas vraiment ce que j'aurais pu faire de mieux. Enfin, il semblerait que je sois toujours à côté de la plaque par rapport à ce qu'il attend de moi. Ça n'a rien à voir avec ta mission, je dis seulement que je sais que c'est compliqué pour toi de bloquer des rendez-vous, c'est tout. Je prends une gorgée moi aussi avant de faire remarquer : Tu ne m'as pas raconté comment ça s'était passé...

la conversation me frustre au plus au point et je soupire "peut-être parce que ça ne m'embête pas ? j'aimerais bien...je sais pas...savoir !" J'ai une moue parce que c'est très certainement ridicule. J'ai juste l'impression qu'elle me laisse au bord du chemin et que je n'ai pas le droit de m'impliquer dans la grossesse. Pas complètement. Je chasse ces pensées parce qu'on est quand même venu ici ensemble et elle veut que je lise un foutu bouquin sur la grossesse donc ce n'est pas ça, mais il y a quelque chose qui fait qu'elle ne veut pas me parler de ses désagréments liés à la grossesse. La pudeur peut-être ?

Compliqué pour moi de bloquer des rendez-vous : ça sonne furieusement comme un reproche mais une fois encore je ne comprends pas pourquoi. Je dévisage Nina comme pour chercher à percer le mystère insoluble quand elle me pose une question. "Ça s'est très bien passé. On a empêché le blocus des routes et les gens ont pu aller au meeting comme prévu. " Les grandes lignes sans le détail, je ne crois pas que les détails plairaient à Nina. Le principal étant que ça s'est très bien passé, que j'ai bien géré dans l'équipe et que j'ai retrouvé ma place à part entière. j'en suis très heureux, tout a coulé de source lors de la mission. "Tu te souviens que la Slava des Tigrovi est demain... C'est toute la journée mais tu m'y rejoindras après ton taf ?"

Ok, je ne pensais pas qu'il s'emballerait à ce point et je promets, pour l'apaiser : D'accord, je suis désolée, je t'en parlerais la prochaine fois, ok ? Je n'ai pas l'intention de lui envoyer un sms chaque fois que j'ai la gerbe mais voilà, maintenant il sait que j'ai des vertiges et que je vomis régulièrement, c'est une progression, non ? Pour le reste, je ne sais pas encore à quels maux je vais être confrontée. Moi qui ne fait pourtant jamais ça, pour rien au monde, j'ai été chercher des informations sur internet... Pour finir par comprendre que ça ne m'aiderait pas. La liste des désagréments potentiels liés à une grossesse est interminable, certaines femmes ont la malchance de presque tous les cumuler, d'autres passent au travers miraculeusement. Demain, je pourrais me retrouver clouée au lit pendant les huit prochains mois, ou bien ne plus jamais souffrir de rien du tout. Concrètement, je suis aussi paumée qu'avant, je sais juste que tout est possible, et ça ne m'aide pas beaucoup.

Je hoche pensivement la tête, en essayant de deviner entre ses mots les détails qu'il ne me raconte jamais. Finalement il n'y a guère qu'en partant moi-même en mission avec eux que j'ai pu me faire une réelle idée du fonctionnement des Tigrovi, mais j'ai l'impression de ne jamais réellement savoir ce à quoi il passe ses journées. Je fronce le nez à la mention de la Slava. Je m'en souviens, oui, je te rejoindrais dès que je peux... Vous faites ça au QG ? Je fronce le nez, perturbée. C'était pas en mai, la Slava...? Dans le Bronx, on l'avait fêtée fin mai... Je m'en souviens parfaitement puisque c'est ce jour-là que j'ai appris ma grossesse. Mais peut-être que les Tigrovi de NY ne célébraient pas le même Saint ? J'avoue que je n'y comprends toujours pas grand chose aujourd'hui. C'est quoi le programme ? Je demande en sirotant mon verre.

"Non, ici on fête St Jergis, c'est en Avril et en Novembre. La semaine prochaine c'est la Slava pour les Drazavic, parce que ma famille est rattachée à St Sava, mais tu sais quoi, je crois qu'on va faire l'impasse... Humm oui ce sera au QG demain, le Pussynight sera fermé au public. Je crois que Ashley sera là non ? Celle qui fricotait avec un gars de chez nous ? " Je suis content qu'elle vienne, après la fête de mon anniversaire, j'avais peur qu'elle renonce. J'explique un peu le fonctionnement de la journée "Oh tu sais, c'est juste une fête entre camarades, avec leurs familles on fête la famille. Y a une messe le matin dont je te dispense, après y aura beaucoup de bouffe, de la picole, des récompenses aussi, peut-être quelques combats ou quelques jeux... et le traditionnel tournoi de baby foot ! "

Je plisse le nez en hochant la tête, essayant de retenir les noms et les dates, mais je dois admettre que ça m'arrange que ce ne soit pas la même fête que dans le Bronx, j'aurais été absolument incapable de m'y rendre. Cette journée-là marque trop de souffrances, et puis surtout la fin de notre mariage, je ne pourrais pas célébrer quoi que ce soit un jour pareil. J'ai pas vu Ashley depuis quelques jours, elle m'a pas dit, mais c'est possible qu'elle soit là, oui. Disons qu'elle s'est très facilement intégrée au sein des Tigrovi, contrairement à moi, et je ne suis pas sûre qu'elle fricote avec le gars dont il parle gratuitement. Je ne sais pas trop à quoi elle joue, et j'espère pour elle qu'elle sait ce qu'elle fait parce que les putes du Pussynight ne doivent pas apprécier d'avoir de la concurrence qui vient de l'extérieur. Mais c'est son problème, Ashley est une grande fille.

Quand il me conte le programme de la journée, je fronce les sourcils, je n'ai soudain plus aucune envie d'être mise de côté. On va avoir un enfant ensemble, et je crois qu'on va se remarier... Même si ça fait quelques temps qu'on n'a plus du tout parlé du mariage, à tel point que j'ai une peur bleue qu'il ne soit soudain plus d'actualité. Mais ça me semble important et j'ai l'impression que je devrais être là, je suis presque triste qu'il n'insiste pas pour que je le sois d'ailleurs. Je peux... Tu crois que je peux vous rejoindre directement après la messe ?

J'imagine bien que Ashley se fait payer mais si mon camarade veut dépenser son fric dans une escort américaine plutot que d'avoir de la putes locales gratos, je dirais que c'est son problème ! Toujours est-il que j'ai plusieurs fois croisé Ashley au Pussynight, alors ça ne m'étonnerait pas qu'elle soit là demain. Les régulières vont de toute façon se tenir à carreau et s'occuper des célibataires pendant que certaines officielles seront au bras de leurs maris rendus ainsi indisponibles. Ouai, je sais, beaucoup de mes camarades ont une double vie et une notion de la fidélité très personnelle. Pourtant il n'y a étonnamment que très peu de drames lors de ces journées parce que tout le monde sait où se trouve sa place. Mon père ne tolérerait pas de manquement à la discipline en ce jour.

Sa question me surprend à tel point que je la dévisage avec l'étonnement peint sur mon visage. Je pensais qu'elle voudrait éviter toute fête de famille après mon anniversaire. Je pensais qu'elle voudrait éviter Mirko, Jelenko, Aleksandra et même Camenko. Je pensais vraiment qu'elle ne viendrait qu'une heure le soir pour me montrer qu'elle fait des efforts, ou un truc du genre. Quant à moi, vu comment ça s'était fini à Banja Luka, je n'avais pas spécialement envie de tirer sur la corde et de lui imposer une épreuve, surtout pas dans son état. "Vraiment ? oh... je croyais... Mais oui bien sur srce, si tu veux venir, tu peux, bien sur que tu peux ! Je peux passer te prendre après l'église, c'est celle près de l'appart' alors je te chope au vol."

Je ne peux pas dire que la surprise que je lis sur son visage me choque, on sait bien tous les deux que je préfère éviter sa famille si je le peux, mais je crois lire une forme de... De soulagement peut-être ? Dans son regard, et ça m'émeut bien trop fort. Je crois qu'il ne se rend pas bien compte que je ne peux plus me tenir à l'écart de son père ou de son oncle, peu importe ce que je pense d'eux. Quand ils sauront que je suis enceinte, quand le bébé sera né, ils voudront le voir et pour le coup il est absolument hors de question qu'ils le voient sans moi. Alors autant commencer tout de suite à m'habituer à leur présence... Et puis je crois que je suis fatiguée que Slavenko ne me considère pas vraiment comme un membre de sa famille à part entière, d'être sans cesse laissée de côté, de ne jamais avoir la sensation d'être à ma place nulle part.

Je balbutie, mal à l'aise : Je ne sais pas, si c'est... Si c'est une fête de famille, c'est normal que je sois là... Non ? Par dessus tout, je ne supporterais pas que notre enfant fasse partie d'une famille au sein de laquelle je ne me sens pas intégrée, je ne supporterais pas d'avoir l'impression de ne pas être légitime où qu'il soit, je crois que ça me tuerait. Est-ce que c'est ainsi que Slavenko me voit ? Comme une sorte de mère porteuse qui mettrait au monde son enfant pour qu'il puisse en faire profiter ensuite le reste des Drazavic ? Est-ce que je suis vouée à rester à l'écart pour toujours ?

Répondre à sa question sans déclencher la troisième guerre mondiale s'avère délicat. J'ai surtout l'impression d'avoir deux familles. D'un coté celle formée par les Drazavic et les tigrovi, de l'autre celle formée avec Nina et maintenant le bébé. La passerelle entre les deux sera peut-être cet enfant mais pour l'instant, je n'ai même pas le droit de parler de lui. J'esquisse un sourire troublé "Tu as raison, ce n'est pas que je tiens à l'écart zlato c'est juste... Ça a été un peu compliqué l'autre jour et ça a fini à l'hôpital, je n'étais pas sur que tu ais envie de recommencer. C'est pour ça que je te proposais une version raccourcie de la fête. Après le midi, on fait un super barbecue si le temps s'y prête - et il semble que ça va être le cas - alors si tu veux venir, je pense pas que tu le regrettes..." Je m'avance peut-être parce que je crois toujours que ça va bien se passer et ça dégénère à chaque fois. Et je ne sais jamais comment expliquer comment on en arrive à un stade où Nina et moi sommes au bord de la rupture. On devrait quand même pouvoir réussir une journée en famille sans se déchirer ! Je l'espère sincèrement sinon je ne sais pas comment ça sera quand le bébé sera là.