La vie parfois fait || Maggy

Son interlocuteur – ou interlocutrice, la voix était bizarre au téléphone – avait imposé ce lieu de rendez-vous là et Deirdre n’avait rien négocié. Elle avait simplement demandé la hauteur de la paye et une brève description de la mission qui pourrait lui être confié, ainsi que l’organisation qui l’employait.
On ne disait pas non à ces gens-là, et Dei avait besoin de thunes, avec son petit corps qui faiblissait de jours en jours et maintenant cette foutue gamine sous les bras, dont son logeur s’occupait aujourd’hui.

Elle avait encastré sa dernière bagnole volée dans un go-fast quelconque tout en sauvant miraculeusement sa livraison, aussi choisit-elle de se fondre dans la masse aujourd’hui avec son talent habituel.
Elle descendit au terminus de la ligne qui comme beaucoup de terminus périphériques, donnait l’air vaguement abandonné même dans les villes les plus riches, ou du moins infréquentable. Rien, pas même la chaleur printanière et le ciel bleu azur, n’arrivait à élever la saturation chromatique de ce béton défoncé, crade et tagué de toutes parts.

Flingue coincé contre les reins, Deirdre s’avança avec méfiance, triturant mécaniquement la croix en argent qui pendait autour de son cou.

Deirdre attrapa rapidement le regard de deux personnes qu’elle ne connaissait ni d’Eve ni d’Adam, acquiesçant d’un signe de tête.

« Qui d’autre ? »

Qui d’autre pouvait se pointer dans cette vieille gare à cette heure, franchement ? Avec un peu de chance elle avait eu droit au seul trajet pas supprimé à la dernière minute depuis plusieurs jours. Nan, pour arriver ici, il fallait vraiment en avoir envie.
Disons que sans y aller en sautillant gaiement – elle ne pouvait plus sautiller depuis qu’un certain comparse lui avait enfoncé la hanche avec un pare-buffle de 4x4 – Deirdre était quelqu’un dont il ne fallait pas douter de la détermination.

A la question de la gonzesse, elle haussa de son épaule défoncée par un vieil accident de voiture, un autre.

« Rapidement, l’essentiel. Le début et la fin. Le milieu c’est toi ? »

Elle l’espérait du moins, parce que les trois quarts du temps quand elle avait pas d’indications, elle faisait du Dei, et en général les gens aimaient pas qu’elle fasse du Dei.

Dans un réflexe de défense, Deirdre replia ses petites jambes fines contre son ventre, prête à rouler en boule en dehors du camion si les vitres finissaient par péter ; celle du conducteur se prit plusieurs balles, en même temps que la carrosserie, dans un bruit de tempête de grêle tonitruante. Serrant les dents, elle bougea son cul avant d’attendre les ordres, son but n’étant clairement pas de crever ici faite comme une sale rate pestiférée – qu’elle était probablement mais passons.
Le camion devenant rapidement un engin de mise à mort une fois la cible du comité d’accueil, Deirdre profita du fait que son côté n’était pas encore visé pour sortir : il suffirait à leurs assaillants de tirer du côté du moteur s’ils étaient logiques pour tout faire sauter et les faire flamber tout les droits. Deirdre ne disposait que d’un fusil à pompe, en somme juste de quoi se défendre au corps à corps.

Ils étaient pas sortis de l’auberge avec ça.

Dei ne comprit pas ce que gueulait sa comparse mais de toute évidence si c’était un ordre, personne ne put l’exécuter, car le camion explosa bientôt, ne les laissant que toutes les deux, cachées derrière leur pan de mur. Deirdre tenta de passer la tête de l’autre côté pour compter à combien se chiffraient leurs adversaires, sans succès : une douille pétait bien rapidement à côté de son visage, et elle compta plutôt ses munitions une fois retranchée derrière le pan de mur.

« Moyen d’appeler du renfort ? » demanda-t-elle avec pragmatisme.