Recherche appartement ou maison made in Sarajevo - Leg

C’est dans la pièce sur-encombrée de son appartement que Bill passe ses journées, à associer quelle plante ira bien avec une autre pour faire telle et telle chose, guérir soit disant et parfois faire rire. C’est une passion qui ne le quitte plus depuis que sa femme a succombé et son esprit reste mortellement cloisonnée à l’intérieur de ce cagibi qui devient bien trop petit. C’est depuis quelques jours seulement qu’il songe à acheter un espace un peu plus grand, peut-être en dehors de son appartement pour éviter les effluves certaines de ses expériences parfois farfelues et éviter également qu’un jour on ne vienne le surprendre dans sa propre demeure. C’est finalement une connaissance d’une connaissance qui lui a proposé de voir un type qui s’y connaitrait en immobilier et en quelques échanges, le rendez-vous était convenu.

Ils se serrent la main tandis que grouillent des tas de personnes autour d’eux, ceux d’un bar au coin d’une rue de Sarajevo. Ils s’assoient l’un en face de l’autre. Bill, casquette vissée sur la tête, le regard passé au temps mais toujours scrutateur et soucieux de passer au crible l’apparence des gens. Ils discutent. Je voudrais acheter un local. Environ, peut-être… Une trentaine de mètres carrés où je pourrais pratiquer mon activité. J’te rassure, c’est pas illégal. Ou presque mais qui irait soupçonner un vieux comme lui et avec la tête qu’il a ?

La poignée de main du vieux est à son image: Dure et franche. Bill ne défait ses doigts que lorsque leurs yeux se sont accrochés à ceux du jeune métrosexuel qui se présente à lui. Salut, Legence. Moi c’est Bill. Il s’installent non loin de l’entrée où continuent d’affluer quelques personnes. Il répond en toute franchise, hochant la tête de bas en haut. Oui, faudrait que ce soit pas très loin du centre commercial. T’arriverais à me trouver ça ? Son langage s’est automatiquement mis sur américain comme le type en face de lui ne semble pas être serbe plus que lui. Le vieillard le scrute, analyse la manière dont il se tient et le dévisage entièrement, effeuillant de son simple regard chaque millimètres de son âme qui juge impure jusque là. Bill ressent les choses mieux que personne et est doté d’une clairvoyance hors du commun et il peut lire dans les yeux du jeune en face de lui qu’il n’est peut-être pas plus honnête que lui.

Pour un vieillard comme lui, la tête lui est restée bien en place tandis que son corps, lui, lui rappelle chaque jour qui passe les années qui se sont écoulées et qui ont déversées sur lui leur lot de rhumatismes et autres douleurs qu’on octroie aux vieilles carcasses. Le prix, c’est pas un problème. Me faut juste un local, sans voisins. La dernière précision est des plus importantes puisque le vieux, étant un féru de jardinage, a besoin de lampes chauffantes qui pourrait attirer la curiosité de ceux qui ont la dénonce facile. Sinon, absolument au rez-de-chaussé. C’était le plus simple pour lui et pour qu’il ne s’attire aucun ennui. J’aime le jardinage et j’ai besoin d’un endroit pour exposer mes plantes d’intérieur. La demande est bien farfelue et Bill le sait mais il est client et Legence était là pour assouvir ses besoins.