She's up all night to get some || Yulian

Il y a de rares fois comme celle-ci où je me retrouve en boîte mais ces rares fois ont toujours été plus ou moins ponctuées par un taux d’alcoolémie assez élevé pour que je puisse au moins me rendre aveugle de la manière dont je dansais sur la piste. Cette fois, je reste observant de ce que le médecin m’a dit il n’y a pas si longtemps et tourne au soda depuis le début de la soirée. D’ailleurs, la fille qui m’accompagne ce soir et dont je ne connaissais rien il y a quelques heures, compense très bien le fait que je ne boive pas d’alcool ce soir puisqu’elle est visiblement en train de boire pour nous deux. J’ai arrêté de payer ses consommations il y a bien longtemps afin d’éviter, bien évidemment, que je me retrouve moi-même à sec.

Elle se pend un peu trop souvent à mon cou et bien qu’elle me plaise un minimum, le fait d’être complètement sobre m’empêche d’être dans la même optique qu’elle, alors, je l’envoie de temps en temps me montrer ses pas de danse au milieu des autres pour m’en débarrasser quelques minutes, désireux de rester tranquille un moment. Je me fais soudain bousculer par une petite chose dont les cheveux flamboyant ricochent de droite à gauche et je n’ai pas le temps de voir son visage mais sa physionomie me rappelle étrangement la silhouette d’Elsie. La jeune femme est gobée par la foule avant que je ne puisse la rattraper, la suivant néanmoins des yeux grâce à sa robe qui détonne dans le décor sombre de la salle. Je ne suis pas vraiment sûr qu’il s’agisse d’elle mais une chose est certaine, c’est qu’il n’y a pas trente-six mille rousses à Sarajevo et que s’il est possible que ce soit elle, il m’en faut le coeur net.

Mes yeux essaient tant bien que mal de suivre l’ombre blanchâtre aux cheveux de braise et c’est seulement quand elle ne se mouvoit plus que j’arrête d’avancer, observant quelques secondes la scène se déroulant devant mes yeux. Son visage se révèle dans un mouvement d’esquive et il s’agit d’Elsie, reconnaissable entre mille. Un rideau de corps suant m’empêche dans un premier temps de me rapprocher d’elle puis je finis par remarquer cet homme aux gestes un peu trop déplacés, me faisant d’abord penser à un quelconque petit-ami aux ardeurs provocantes. Seulement, la rousse se fait virulente et je ne peux pas passer à côté de la manière dont elle repousse ses mains à multiple reprises, visiblement en désaccord avec le mec en question. Puis il y a finalement la robe de la jeune interne qui se relève au gré des doigts pervers qui arrivent quasiment à la lisière de ses sous-vêtements. Je me mets à déglutir, l’énervement grimpant à une vitesse folle en travers de ma gorge et je coudoie quelques personnes avant d’arriver sur le lieu du crime, le visage marqué par la contrariété et la rage qui commence à s’animer dans mes yeux. Je bouscule le type d’une main sur son épaule et crache: Eh, tu vois pas qu’elle a pas envie ? Dégage. Quelques personnes autour se rendent compte du mouvement et s’éloignent d’ores et déjà quelque peu, craignant sûrement une future bagarre. Le personnage en face de moi, complètement saoul, me crie des insultes en serbe que je ne comprends pas, se rapproche de mon visage pour feindre sa supériorité et délaisse maintenant la rousse pour s’intéresser davantage à moi. Je ne baisse ni la tête ni le regard, repousse à nouveau le mec pour le convaincre de se barrer mais il revient automatiquement à la charge en voulant me frapper d’un revers de poing branlant que j’arrive malgré tout à esquiver et je remercie ma sobriété pour ça. Il chancelle, manque de tomber et finit sa course dans le dos d’un gaillard au regard assassin, surement moins sympa que moi.  Un videur, interpellé par le mouvement de foule et quelques personnes soucieuses, s’approche de nous pour attraper l’indésirable et finalement, le jeter dehors en deux trois temps mouvements. J’ai directement un regard inquiet pour Elsie. Ça va ? Je ne suis pas sûr d’avoir tout vu et c’est ce qui me préoccupe le plus à vrai dire. Je sais que la rousse et moi n’avons encore rien en commun et qu’elle n’est certainement pas la plus enjouée de me voir mais je n’oublie pas le service qu’elle m’a rendu.

Dès lors que le mec est jeté dehors, dans le mouvement de foule et dans un titubement, Elsie se cogne à moi, nos corps l’un contre l’autre pendant une demi-seconde que je remet vite en place en posant mes deux mains sur ses bras, comme pour éviter qu’elle ne s’effondre. Je retire mes mains seulement quand ses jambes ne semblent plus flageoler. J’ai un haussement d’épaules lorsqu’elle me demande ce que je fais là. Bah, comme toi, je dirais. Mes yeux sondent son regard un instant et la musique se met à vriller tout d’un coup, beaucoup plus entrainante cette fois-ci. Les gens autour de nous se mettent à sauter, danser plus vite et dans un rythme plus soutenu cette fois, ce qui nous colle un peu plus l’un contre l’autre. Je ne peux pas dire que ça ne me fait aucun effet et bien au contraire, pour une fois complètement sobre, je ressens les choses tout à fait normalement et cette charge d’émotion me fait déglutir plusieurs fois avant de me rendre compte que mon visage s’échauffe. J’ai glissé une main dans le dos d’Elsie pour la protéger des mouvements trop brusques des mecs derrière elle et je finis par déclarer, en criant: On devrait aller près du bar, ça sera moins pénible. Je crois qu’elle est d’accord même si je n’ai pas entendu sa réponse et lui attrape la main pour éviter de la perdre une fois que je nous met en route vers le réservoir à alcool. Arrivés dans un petit recoin où il y a moins de monde, je propose à Elsie: Je t’offre un verre ? Non sens timidité de ma part, que j’essaie de dissimuler sous un léger sourire faussement confiant.

Je ne sais pas exactement ce qui me fait dire ça mais il me semble qu’Elsie est bien plus ouverte ce soir que la dernière fois que l’on s’est vu et je pense que l’effervescence de la boîte de nuit ne l’a pas épargnée. Je la stabilise quelques secondes en la tenant quand elle vacille, puis relâche l’étreinte, évitant un contact trop prolongé parce qu’à l’instant présent, je ne me sens pas tout à fait à l’aise. Je hoche la tête de bas en haut en regardant la rousse lorsque son questionnement tombe et je n’ai pas le temps de continuer qu’on se fait bousculer dans tous les sens par les enragés dansants qui nous entourent. Ma réaction ne se fait pas attendre puisque quelques secondes plus tard, nous nous retrouvons au bar, supprimant automatiquement cette proximité qui nous a sans doute déstabilisés tous les deux.

J’ai oublié la fille avec qui je suis venu, je ne cherche pas non plus à la trouver du regard et je crois que mon cerveau l’a déjà enfouie bien loin, remplacée évidemment par la rousse, bien plus intéressante à mes yeux. J’acquiesce lorsqu’elle accepte le verre et commande donc une vodka pour elle et une eau pétillante pour moi, les rôles s’inversant fatalement. Occupé à regarder le serveur et à chercher à le payer, je ne me rends pas compte du regard insistant qu’Elsie pointe sur moi et ce n’est que lorsque je tourne la tête une demie-seconde en sa direction que je vois ses yeux plantés dans les miens. Je souris légèrement, soulève son verre pour le lui mettre dans la main et me saisis du mien. A la tienne. -Nous trinquons sommairement- Tu comprends mieux maintenant pourquoi je me retrouve à devoir me faire recoudre la nuit ? Je bois dans mon verre et analyse la manière dont Elsie me regarde, ses yeux un peu vitreux et sa posture qui m’indiquent qu’elle n’est pas tout à fait sobre. T’es toute seule ?

J’ai choisi de porter une chemise bleue qui ressemble plutôt à du noir dans cette boîte de nuit et je trouve que côte à côte, on s’assort étrangement bien avec Elsie. Le contraste de sa robe blanche détonne assez bien avec le tissu noir et satiné de mon vêtement dont j’ai retroussé les manches. Je n’ai ouvert qu’un ou deux boutons, manière de faire propre mais pas gigolo et je crois pouvoir dire que pour une fois, je n’ai fait aucune faute de goût.

Buvant dans mon verre, je hausse les épaules en riant. «C’est pas ça. Je dirais plutôt que c’est parce qu’y’a beaucoup de types qui m’insupportent. C’est pas fréquent que je remarque une fille essayer de se débarrasser d’un mec qui la touche un peu trop.» En règle générale, je ne m’attarde pas trop sur les couples qui dansent d’un peu trop près parce que je suis souvent plus occupé à vider des verres au comptoir mais là, en vérité, si je l’ai remarqué c’est parce que je cherchais justement Elsie. Mes yeux balayent la salle à leur tour, pas plus inquiet que ça de ne pas retrouver la fille qui m’a accompagné ce soir. «Je suis venu avec une fille, j’étais censé avoir un oeil sur elle mais j’ai bien l’impression de l’avoir perdue aussi.» Je ne m’amusais pas avec elle de toute façon, je suis bien content d’être tombé sur la rousse pour remonter un peu le niveau de cette soirée. Rina, si tenté que je ne me trompe pas sur son prénom, fait partie des filles qui, dès qu’une goutte d’alcool touche leurs lèvres, deviennent complètement insupportables. Les yeux d’Elsie croisent les miens et je me mets à ajouter spontanément, comme pour me justifier: «C’est une amie qui a pas l’habitude de boire et là, elle était complètement jetée... »

Souriant quelque peu et satisfait de la tournure que prend subitement cette soirée, je réponds à Elsie en levant la main. «Pas besoin de me remercier, t’inquiète pas.» Je suis plutôt soulagé qu’il ne lui ait rien arrivé parce que j’aurais été mentalement torturé de savoir qu’un mec aussi dégueulasse que celui que j’ai vu ait pu la toucher.

Soudainement, mes épaules s’affaissent par le poids de ce qu’il semblerait être une fille puisque dans le même temps, j’entends une voix aiguë me percer le tympan plus que la musique qui résonne dans le club. J’ai un regard interloqué pour Elsie avant de tourner le visage. Quand on parle du loup, on en aperçoit la queue ! Et malheureusement, je ne suis pas des plus enchantés de voir Rina. «J’étais juste là.» Je soupire quelque peu avant de me défaire doucement de son étreinte me tournant à nouveau pour lancer un regard à une Elsie absente, qui s’est visiblement enfouie. «Tu sais quoi Rina, je vais te rendre service et t’appeler un taxi, ok ? T’es complètement saoule.» Je ne suis pas assez téméraire pour laisser une jeune femme complètement ivre se débrouiller seule et je ne suis d’ailleurs pas sûr qu’elle en serait véritablement capable. «Viens.» Un bras autour de sa taille, je l’accompagne vers la sortie de la boîte tout en tenant mon téléphone dans l’autre main, cherchant le numéro d’un taxi. En traversant la salle, j’en profite pour chercher des yeux Elsie qui est certainement partie en croyant que la blonde est ma petite-amie, ce qui me dérange sans savoir exactement pourquoi.

Ça me fait littéralement chier de devoir m’occuper de la blonde qui titube au bout de mon bras mais ce qui m’emmerde encore plus, c’est qu’elle a fait fuir Elsie alors que j’avais l’impression que pour une fois, on s’entendait pas trop mal. J’accompagne Rina à la sortie, en profite pour fumer deux clopes coup sur coup et enfonce la jeune femme dans le taxi appelé quelques minutes plus tôt. Une fois débarrassé de l’élément perturbateur de ma soirée, le videur me laisse entrer à nouveau et je me mets en quête de chercher la rousse. Je sillonne la salle de droite à gauche en observant chacun des corps que je croise, essayant parfois de me mettre sur la pointe des pieds pour avoir plus de visibilité sans jamais apercevoir de crinière rousse. Je soupire en jurant et me rapproche à nouveau du bar avant de sortir mon téléphone portable pour envoyer un sms à Elsie. Je pourrais l’appeler mais il y a quelque chose qui me dérange là-dedans, comme si on n’en était pas encore à ce stade, comme si j’avais peur de la déranger ou de me montrer un peu trop insistant.

02:28 PM
T’es partie ?

Mon pouce heurte l’écran tactile afin d’envoyer le message mais mes yeux continuent de chercher l’interne tout en ayant un goût d’inachevé au fond de la gorge. Tout se passait bien un quart d’heure plus tôt et j’avais même l’impression de pouvoir enfin me rapprocher d’Elsie, il a fallu qu’une femme inintéressante comme Rina gâche absolument tout.

L’attente d’une réponse est à mes yeux interminable et je tiens mon téléphone en main pour être sûr d’être informé à la seconde où Elsie m’aura répondu. En attendant, mes yeux scrutent la salle, les gens qui dansent et d’autres qui essaient tant bien que mal d’avoir une conversation alors que la musique est trop forte et je ne vois la rousse toujours nulle part, déçu de l’avoir perdue. Pourtant, soudainement, je sens mon portable vibrer contre la paume de ma main et je finis par plisser les yeux devant cet écran qui illumine un peu trop comparé à la noirceur de la pièce. J’éprouve un énorme soulagement quand je lis les mots d’Elsie et je ne saurais expliquer pourquoi mais la perspective de la revoir sonne vraiment agréablement à mon cerveau. 

02:30 AM
J’arrive

Il y a de la hâte dans mes pas et quand je bouscule les autres. J’ai peur de la rater, qu’elle ne m’attende pas et qu’elle s’en aille sans prévenir comme elle l’a fait quelques minutes plus tôt. C’est seulement quand je me retrouve dehors et que j’aperçois sa crinière de feu que je me sens capable de respirer à nouveau correctement, sans crainte. Je m’approche de la jeune femme avec une certaine précaution et m’installe comme elle, adossée au mur. «Tout va bien ?» Que je déclare tout en la regardant avec l’étrange impression que quelque chose cloche chez elle.

Je me mets à observer son visage qui me semble un peu plus blême que d’habitude et l’étrange façon dont elle vient de se retourner vers moi, comme si je lui avais fait peur, m'indique clairement qu'elle est déjà loin. Peut-être que l’épisode outrageux de tout à l’heure l’a plus marquée que ce que je pensais ? J’attends quelques secondes avant de m’assurer que tout va bien et comme je le présentais, la rousse avoue avoir abusé de l’alcool et je m’en veux instinctivement de lui avoir commandé cette vodka qui n’a dû faire qu’empirer son état. «Ah… T’aurais p’t’être pas dû boire la vodka. T’as mangé ce soir ?» Elle doit être la mieux placée pour savoir que boire de l’alcool en étant à jeun n’est pas vraiment une idée lumineuse, mais soit.

Machinalement, une main fouille ma poche pour retrouver le paquet de cigarette bientôt vide qui s’y trouve et j’allume une clope pour occuper mes doigts. Je tourne finalement le visage vers la jeune femme seulement quand elle me demande si ma copine est partie et je roule les yeux en soufflant légèrement, retenant un rire. «C’était pas ma copine.» Que je déclare, préférant donner cette précision à la rousse pour éviter un quelconque malentendu. «Je lui ai appelé un taxi, elle était pas capable de rentrer chez elle et honnêtement, j’avais pas envie de la raccompagner.» Ce qui fait de moi un salop puisque c'est moi aussi qui l'ai amenée jusqu'ici ce soir, mais peu importe. L'avoir fait rentrer en taxi fait quand même de moi quelqu'un de prévenant, ou en tout cas, j'os l'imaginer. Je tais aussi le fait que je préférais largement terminer ma soirée aux côtés de la rousse plutôt qu'à ses côtés à elle.

Je me contente de sourire à la jeune femme quand elle m’affirme qu’on ne refuse pas un verre de vodka ici et Elsie a certainement raison quand elle me dit que j’ai passé trop de temps aux Etats-Unis. Je n’ai rien d’un slave et même si mes origines sont russes, je suis bien plus américain que beaucoup d’entre eux ! J’ai du mal à me faire à l’idée que je suis dans un nouveau pays avec un peuple dont je ne sais rien mais visiblement, l’alcool a l’air d’être plutôt sacrée et ça, c’est une chose qui m’est plutôt familière par contre. Je hausse légèrement les épaules en répondant. «Tu voudrais manger un truc ?» Il y a une certaine retenue dans ma phrase, un peu de politesse aussi. J’ai envie qu’elle sache qu’elle m’intéresse sans vraiment lui démontrer directement et ça passe par ce genre de proposition somme toute des plus simples.

La fumée de ma cigarette déjà bien entamée s’échoue à l’opposée de la rousse et se mélange à l’air pour finir par disparaître complètement, stagnant à contrario dans mes poumons déjà noircis d’années de nicotine. Je tourne le visage vers la jeune femme seulement quand je sens ses yeux posés sur moi. Mes paupières se plissent instinctivement lorsqu’elle demande pourquoi je n’avais pas envie de raccompagner Rina et je finis par fuir ses yeux en essayant de me concentrer sur les rainures du trottoir puis avoue: «J’avais pas envie de perdre mon temps et puis je voulais continuer à parler avec toi.» Un léger silence comble l’espace entre nous deux alors qu’au bout de quelques secondes, je me mets à chercher les pupilles de la rousse, espérant certainement lire au fond de ces dernières qu’elle ait eu la même envie. Je ne sais pas réellement à quoi je me raccroche. Je ne me souviens plus très bien de notre première rencontre et la deuxième n’était pas des plus florissantes, mais il y a quelque chose chez elle qui me rend curieux et qui m’intrigue énormément. Contrairement à toutes les filles que je connais, Elsie ne m’a pas débalé sa vie dès qu’elle en a eu l’occasion, n’a pas non plus cherché à me plaire à tout prix et il me semble que mis bout à bout, toutes ces choses font qu’elle est la créature qui m’intéresse le plus présentement. Quand j’y réfléchis, j’ai toujours apprécié la difficulté, Eden avec son insatiable envie de liberté et Nina, intouchable avec son toutou collé au baskets. Maintenant, pourquoi pas Elsie ?

J’ai le goût de faire les choses correctement avec les filles que je connais et là, avec la rousse, c’est exactement comme si je n’avais pas le droit à l’erreur et notre dernière entrevue y est certainement pour quelque chose. J’ai sûrement perdu beaucoup de points la dernière fois et j’ai l’impression qu’il faut absolument que je me rattrape. Je finis ma cigarette et souffle la dernière bouffée de fumée avant d’en écraser le mégot dans le cendrier prévu à cet effet. «Ouais, pas de problème, on y va.» Je finis par regarder l’heure sur la rare montre que je possède et fronce légèrement les sourcils au constat que je nous fais. «A cette heure-ci, il y a que le Mcdo qui est encore ouvert je crois…» Je décolle mes omoplates du mur froid qui nous retient et me prépare à nous mettre en route. «J’ai bu trop de soda pour avoir faim mais je dis jamais non à un burger de toute façon. Allez, viens.»

Le fast food n’est pas très loin de la boîte, on se décide donc à se mettre en route à pied, marchant l’un à côté de l’autre, silencieusement d’abord puis je finis par articuler: «Je voulais pas non plus te laisser parce qu’on sait jamais, le type qui a été mis dehors, il aurait sûrement été capable d’attendre que tu sortes…» Je me veux prévenant même si c’est peut-être un peu tiré par les cheveux mais plus rien ne m’étonne sur cette planète et des tarés y’en a partout. «Tu vas souvent en boîte ?» Que je demande, simple curiosité.

Je tourne le visage, déconcerté par l’aveu de la rousse. Je me demande comment a-t-elle pu être emmerdée dans les toilettes et j’imagine déjà la scène du mec bourré qui l’a suivie jusque devant la porte de ses chiottes. «Même dans les toilettes ? Putain mais c’est tous des crevards, j’hallucine.» Le genre de mecs dont je claquerais bien le crâne contre un plan bien dur parce que ce type de comportement m’indigne. Comment on peut avoir une attitude aussi sale avec une fille ? Fille qui en général doit certainement leur plaire de surcroît. Peut-être qu’ils s’imaginent qu’ils arriveront plus facilement à leur fin en étant les plus bourrins possible et dans ce cas-là, ils sont vraiment cons ! Je ne suis certainement pas des plus doués pour la drague mais alors eux, ils ne connaissent certainement pas ce que le mot respect veut signifier.
A la question de la jeune femme, je remue la tête de gauche à droite avant de déclarer: «Non, moi non plus j’y vais pas souvent. J’y allais régulièrement quand j’étais plus jeune mais ça m’a bien souvent attiré plus d’emmerdes qu’autre chose.» Comme si j’étais déjà un vieillard.

J’ouvre la porte à Elsie lorsqu’on se retrouve face à l’entrée du fast food et passe derrière elle pour nous diriger immédiatement vers une borne de commande. Je m’y retrouve un peu, le système était déjà le même à NY et je fais signe à la rousse de se mettre sur la même borne que moi. «Viens, on a qu’à commander ensemble, ça ira plus vite.» Puis ça me permettra entre autre de pouvoir lui payer sa nourriture sans que ça paraisse trop ressemblant à une invitation.