Caliméro s'plaint moins, une fois la coquille percée / Legenko

Le meurtre d'Etzer avait provoqué un scandale énorme dans le petit monde illégal de Sarajevo, même si les autorités avaient évité une guerre des gangs en bonne et due forme en déclarant qu'il s'était sans doute tué au volant de son bolide.
Legence qui n'y était pas étranger s'était bien gardé de le crier sur tous les toits ; il préférait en règle générale qu'on le regarde en coin et de travers plutôt qu'on le confronte ouvertement.
Bref.
Il avançait gentiment et n'avait pour l'instant aucune réputation bien précise si ce n'était celle de parler avec un fichu accent américain qui ne le quittait jamais... Ah et d'être soupçonneusement toujours bien fringué aussi !

En bon américain il évitait de porter des marques européennes qui n'auraient pas franchement cadré avec son côté clinquant habituel & très vegasien. Il entra au Pussynight en saluant le vigile qui était devenu pote avec Rotschild, lequel était secrètement heureux du déménagement à Sarajevo puisque les bars gays n'étaient pas la spécialité du coin.

Il se rinça tranquillement l'oeil sur les danseuses, donc, tandis que Pussy cherchait celui qu'il était venu trouver.
Pas très difficile à trouver vu sa taille :

« Hey Slavenko ! … Viens, on va fumer une clope dehors. »

Pussycat se rendit compte un peu tard qu'il avait légèrement interrompu une discussion ; ou alors il choisit ce moment-là pour paraître s'en rendre compte, c'était tout à fait possible. Il adressa un sourire creux-mais-charmeur au type qu'il avait coupé dans son élan, et laissa à Slavenko le soin de le suivre jusqu'au dehors.
Depuis quelques mois qu'il vivait en ville, Leg avait appris à connaître la configuration de nombre de boîtes de nuit, servi par un sens de l'orientation digne d'un améridien.

Il accepta la cigarette proposée par le slave, avec un sourire de chat du Cheshire :

« Merci tigri. »

Le surnom ne paraissait pas trop engageant, n'est-ce pas ?... Il l'espérait en tout cas, et comptait sur Slavo pour lui dire dans le cas contraire.

« Oh oui, les affaires quoi. C'est difficile dans ce pays de racistes », expliqua-t-il à voix basse, « mais tout le monde finit par s'accorder pour dire que les américains ont inventé le capitalisme, alors je sors mon épingle du jeu.
Et toi, la forme ? Ton ex ça donne quoi ? »

Son regard d'acier descendit un peu sur la silhouette du slave.

« Dis donc, tu te tiens bizarrement. T'as fait des expériences ? »

Il souffla sa fumée dans l'air froid nocturne.

Legence considéra sérieusement Drazavic comme s'il jaugeait le taux de racisme que cet homme pouvait porter en lui – ou s'il essayait de se rappeler de la sensation de son corps contre le sien quand ils s'envoyaient en l'air, allez savoir ce qu'il pouvait bien passer dans la tête encombrée de Pussycat ! – et émit un léger rire :

« C'bien ce que je dis, racistes, les autres pays vous les supportez juste parce que vous en avez jamais vu chez vous, je suis sûr. »

Comment prendre les gens pour des incultes, dans le plus pur style américain : Leg aurait pu écrire un putain de bouquin là-dessus, sans mentir. Il tira sur sa cigarette dont le goût différait des siennes sans que ça ne le gêne, au contraire, c'était bienvenu, les yeux fixés sur le visage du slave alors qu'il lui expliquait que son ex, eh bien, n'était plus tant de l'histoire ancienne.

« Oh, dommage », répondit Pussy avec l'air de ne pas trouver ça dommage du tout, dans son habitude de dissimulation de ses pensées. « Je venais te voir un peu pour ça, mais aussi parce que j'ai une idée. Oui, je viendrai, tu as déjà la date ? Hééé, j'me doute, t'en fais pas, à Vegas je travaille avec des italiens, le genre à avoir des cardinaux dans la famille, c'est autre chose que tes terroristes. »

Un jour sa grande gueule le perdrait... Mais heureusement aujourd'hui personne ne l'avait entendu. Il haussa des épaules avec sa nonchalance habituelle agaçante :

« Faut faire attention à toi, tigri... Oui, j'ai une idée. Ecoute j'ai envie de me lancer en politique, à Vegas c'était compliqué, mais ici c'est un pays plein de possibilités.
Sauf que les partis sont très complexes, et j'aurais aimé avoir ton avis là-dessus ? C'est Wyatt qui m'a donné l'idée, quand il a tenté à NY avant de plonger. »

Leg eut un rire clair, qui sonnait dans la nuit sans interrompre la dérive de quelques clodos plus loin qui s'engueulaient pour une connerie de mecs bourrés, ou les types dans son dos qui discutaient entre eux autour d'une clope tout comme il le faisait avec Slavenko. Le flirt du serbe n'était pas assez visible pour être condamnable, de toute manière.

« Parce qu'on se connaît bien. Et que j'ai toujours des idées intéressantes » compléta-t-il avec une absence de modestie qui frisait l'héroïque.

Il fronça du nez en apprenant qu'il était « mignon » – ah d'habitude on le trouvait plutôt insupportable –, tira sur sa cigarette sans répondre à ça, écoutant Slavenko qui déroulait le nom des partis et quartiers imprononçables de la ville.
Legence s'étant renseigné, il voyait à peu près de quoi il s'agissait.

« Je pensais effectivement à partir sur du pro serbe même si j'le suis pas, j'trouverai bien un moyen de me faire passer pour... J'te raconte mon idée juste après. »

Il souffla sa fumée.

« Du coup j'aurais bien aimé avoir le soutien des Tigrovi tu penses que c'est possible ? En intégrant évidemment un parti, j'ai encore pas bougé j'attendais de t'en causer. Et pour pouvoir me faire élire, il faudra que j'obtienne la nationalité serbe, j'ai vu une avocate qui m'a dit que le moyen le plus rapide c'est de me marier à une serbe. »

Il eut un sourire amusé, haussa les sourcils :

« Aussi bien tu seras invité aussi à mon mariage. »

Le sourire félin de Pussycat mangea une partie de son visage alors que son regard étrangement gris pétillait d'amusement, et oui, d'un peu de regret ; quel gâchis que cet homme soit fidèle, franchement.
Il salua sa surprise d'un rire de gorge bas & ronronnant :

« Ouais, quelle connerie hein ? Non, j'ai pas vraiment cherché pour tout te dire. J'suis pas vraiment pressé ; déjà Wyatt ça m'avait flippé sa demande à l'époque, alors avec une bonne femme, je suis clairement pas serein. 
Mais promis si je trouve je fais de toi mon témoin. »

Il lui tira un clin d'oeil coquin qui semblait être un réflexe tellement il était naturel, et secoua légèrement la tête à l'évocation de son frère :

« Nah, de nom seulement je l'ai jamais vu. Ok pour la soirée, une pute je devrais trouver ça. Pour le trombi c'est vraiment pas de refus, vous avez tous la même tête de mafieux dans ce pays. »

[quote="Slavenko Drazavic"]