Zarko - 50 Nuances de Grey c'est romantique seulement parce que le gars est un milliardaire. S'il vivait dans une caravane ce serait un épisode d'Esprits Criminels.

I

Jamais suffisant.

L’amertume fut dans les souvenirs de Zarko le goût le plus prononcé, l’harmonie un peu perdue des sentiments forts qu’on n’a pas su lui donner, l’amour manquant de ses parents et l’amitié délaissée de ses semblables. L’un de ses géniteurs, son père, était la plupart du temps absent mais il rattrapait ses moments d’invisibilité par des gestes trop fréquents dont la paume reste toujours ancrée contre la peau vieillie d’une joue barbue. Il y avait aussi la sonorité grave de sa voix rauque qui continue de résonner dans l’esprit du trentenaire, répétant incessamment que son fils était certainement une erreur, un bon à rien auquel il n’aurait certainement jamais confiance, présumant son idiotie comme si la clairvoyance avait été l’une des capacités cachées du vieux. Zarko n’était pas un féru de l’éducation traditionnelle, préférait nettement passer ses journées à griffonner quelques formes insidieuses contre les pages blanches de ses cahiers de cours tristement déchirés à chaque fois que la maternelle tombait dessus. Elle, était du genre naïve, suiveuse plutôt que meneuse et craignait, comme son fils, le vrombissement des claques, les hématomes apparaître et la douleur qui en découlerait. Pourtant, Zarko avait toujours cru que le but de la parentalité était de protéger, d’aimer jusqu’à n’en plus pouvoir et il fut bien désarçonné quand les mots attendus n’étaient jamais prononcés. Ils étaient stricts, assez pour brider un enfant, l’assécher de la joie de vivre qu’un gosse devrait avoir habituellement et c’était ce que Zarko ressentait en devant jouer un rôle auprès de ses géniteurs. Il finissait néanmoins toujours par redevenir le cancre de la classe, celui qui faisait rire la plupart de ses camarades sans jamais laisser entrevoir de la noirceur qui stagnait au fond de ses yeux sombres.

Ca a finit par le bouffer, faire de lui un gamin tourmenté, remplit d’une haine et d’une colère qu’il n’a jamais su contrôler. Toujours sur la défensive, la cours de récréation devenait intempestivement un ring de boxe où les mains toujours trop frêles des gamins se mêlaient à des actes d’adultes, des bagarres qui finissaient souvent mal et qui menaient à des heures de colle ainsi que des exclusions. Son père lui répétait avec hargne la honte qu’il pouvait bien éprouver de lui tandis que sa mère acquiesçait, tranquille et silencieuse dans un coin de la maison qui faisait de la vie de Zarko un enfer quotidien. Il finit par y croire et par y songer toutes les heures de tous les jours, qu’il n’était qu’un bon à rien, qu’il n’arriverait à pas grand chose dans la vie et qu’il leur faisait mal à tous les deux puis se culpabilisait de devoir leur faire supporter le tel fardeau qu’il était.

II

L’échappatoire et l’assommoir

C’est seulement à partir de ses onze ans qu’il connut une accalmie soudaine, quand ses géniteurs se préoccupèrent davantage de sa sœur que de lui dans une tourmente tout aussi grande que ce qu’il pouvait bien leur donner. Elle n’avait que cinq ans mais elle était assez mature pour l’éducateur qui avait posé ses mains perverses sur elle et cet événement marquait la fin d’un calvaire mais le début d’un autre.
Zarko n’avait plus l’attention de ses parents, était dépourvu de règles et de cadre mais étrangement, les cris de son père lui manquaient comme si l’habitude primait sur sa stabilité psychologique. Le gamin était bien évidemment ébranlé par ce qui arrivait à sa petite soeur dont il était plus ou moins proche mais égoïstement, la liberté qu’elle lui permettait de vivre secoua son esprit, assez pour qu’il finisse par s’abandonner à ce qu’il savait faire le mieux: Rien. Sa scolarité ne tenait qu’à un fil, Zarko passait les années de justesse à la grande surprise de tout le monde et se mettait, dans le même temps, à sombrer petit à petit sous le regard aveugle de ses parents. Il commença par quelques fins de journée entre amis, souvent à la sortie de l’école, les grands qui consommaient de l’alcool et qui n’hésitaient pas à entraîner les plus petits avec leur décadence sans culpabilité de leur part. Puis de fil en aiguille, le jeu s’est transformé en nécessité et la volonté de retrouver à chaque fois cette plénitude qui permettait à Zarko de se sentir mieux, sans douleur au fond de la poitrine, sans angoisses aucune. Il engageait volontairement ses amis dans sa chute mais était assez intelligent pour s’isoler quand la situation devenait trop délicate, quand les adultes devenaient trop perspicaces et que l’odeur de leur haleine parlaient un peu trop d’elles-mêmes. Il se cachait, rusait de mensonges et évitait que ses parents, toujours trop occupés avec sa petite sœur, ne s’aperçoivent du problème qui était en train de se créer en son for intérieur. C’est ainsi qu’à l’âge de dix huit ans, il quitta la demeure familiale sans regret pour s’installer à Sarajevo, jeune, insouciant mais avec une vie déjà bien compliquée.  

III

Le bon rôle

Zarko se lança en école de police, pas vraiment au clair avec lui-même pour ce qu’il devait advenir de son avenir. Rien ne l’intéressait vraiment et il ne se trouvait doué pour rien en particulier. Il choisit d’être policier par défaut, croyant que les études allaient être plus simples et moins emmerdantes que les autres. Il se trompait. Elles étaient dures et il n’avait pas décroché de l’alcool, son addiction s'amplifiant d’années en années de surcroît. Il eut son diplôme de justesse, jouant de sa chance aussi grande qu’étrange et rejoint quasiment immédiatement la police nationale. Une fois engagé, il n’eut aucun mal à se faire une place au sein de l’équipe, apprécié dans un premier temps pour son investissement, son humour dans un deuxième temps fut reconnu par les autres comme un bon moyen d’entente. Zarko était le bon vivant, l’optimiste et le gars un peu flexible qui acceptait n’importe quoi dès qu’il s’agissait de se mouiller un petit peu. Néanmoins, son côté laxiste se fit remarquer bien assez tôt et fut un sujet de discorde avec les autres policiers du département qui se retrouvaient à faire la paperasse que Zarko, lui, délaissait. Malgré tout, il devint un élément important au sein de son équipe et cette fierté l’a automatiquement ramenée à ses parents. Ils s’appelaient de temps à autres, pas longtemps, ne se voyaient qu’aux grandes fêtes importantes et eux qui avaient été si durs avec le jeune homme, se mirent à soudoyer leur fils pour un peu plus de considération de sa part, leur honte ébranlée. Étrangement, ils étaient devenus de bons et gentils géniteurs, leurs claques et leurs cris semblant s’être envolés d’un seul coup. Néanmoins, la rancœur de Zarko, ancrée au plus profond de son âme, était suffisante pour continuer à les ignorer durant une grande partie de son quotidien. Il se sentait seul uniquement lorsqu’il rentrait chez lui le soir, quand une fois sa journée finie, il passait la porte d’entrée avec la certitude qu’il n’y avait personne à l’attendre et c’était dans cette mélancolie sourde qu’il se réfugiait une fois de plus dans l’alcool.

IV

La descente aux enfers

Boire n’a jamais cessé d’exister chez Hodzic. Il rentrait, ouvrait une bouteille, peu importe laquelle et en buvait au moins la moitié chaque soir. C’était un cercle vicieux, il s’isolait pour se retrouver seul, s’apitoyait sur son sort pour finalement boire à outrance et recommencer le même scénario chaque jour jusqu’à ce qu’il ressente le besoin de boire également en journée. Ses collègues n’avaient jamais refusé la bière en mangeant le midi et quand Zarko en prenait une deuxième, c’était qu’il n’avait pas froid aux yeux. Ça a fini par dégénérer, l’insistance couplée aux lendemains de cuite forcément palpables et l’haleine éthanolée de Zarko avaient eu raison de lui. Il fut jugé d’abord inapte et ensuite suspendu pour qu’il puisse se soigner avec l’obligation de rejoindre un groupe de soutien du type alcoolique anonyme. Dans un premier temps, Hodzic ne voulait pas y croire, essayait de s’auto-convaincre qu’il ne ressemblait en rien aux alcooliques et finit par nier sa maladie, s’enterrant un peu plus dans le merdier que sa vie était devenue.
Il avait pourtant rencontré cette fille, Zara, qui lui semblait être parfaite, qui lui apportait le soutien nécessaire et faisait parfois de ses soirs des trous de solitude moins béants et c’est finalement elle qui lui donna le déclic pour s’inscrire aux très malheureusement célèbres Alcooliques Anonymes. Zara fut son pilier durant un grand nombre d’années et c’est au même moment, quand Zarko devint complètement abstinent, qu’elle s’en alla avec un autre pour des raisons qui resteront toujours obscures pour le jeune homme.  

V

Réhabilitation

Il put réintégrer le département lorsqu’il atteint un mois complet sans toucher à une goutte d’alcool et ce fut une source de frustration pour bon nombre d’AA puisqu’il y parvint étrangement facilement. Il fut également promotionné au bout de quelques années au grade de sergent pour ses bons et loyaux services.
A ce jour, cela fait exactement huit années que Zarko s’est exprimé pour la première fois aux AA et après avoir combattu pour sa propre cause, il se bat maintenant pour que les autres arrivent au même résultat que lui. Aussi, il a été proclamé malgré lui parrain de Levine, une jeune femme compliquée dont il ne comprend pas grand chose. Ils entretiennent une relation platonique, basée uniquement sur leur objectif commun et Levine est bien la seule femme que Hodzic ne s’est pas évertué à draguer à leur première rencontre.