Beast wanna say hell'o / Legenko

C'est doublement inquiet que j'attends Legence au pub. Il est fréquenté par des ambassadeurs allemands, l'ambassade étant à quelques pas de là et nous y serons tranquilles. Je suis inquiet parce que j'ai remis de l'ordre dans ma vie avec Nina et je ne veux pas à nouveau tout risquer et je suis inquiet parce que j'imagine que Legence est dans un sale état. Je sais très bien qu'il tient énormément à Wyatt et j'arrive mal à imaginer ce qu'il doit ressentir.

J'ai une bouteille et deux verres devant moi, dont un plein que j'allais boire quand il arrive. Je me lève pour l'accueillir d'une accolade virile tout à fait tolérée dans le milieu (on a parfois des incohérences) et je me rassois aussi sec. Je mate la bière, hausse les épaule. "Salut. J'ai commandé. Vodka. Je ne savais pas ce que tu voulais. Depuis quand tu bois de la bière ? " Je suis du genre bulldozer, pas très finaud, c'est vrai mais j'essaye de mettre toute mon empathie quand je demande. "C'est quoi c'te histoire que Wyatt est amnésique ? T'es sur qu'il te monte pas un plan ?"

Comme je suis un pote aimable, je verse de la vodka dans le verre vide devant moi et le pousse vers Legence. Je suis slave, l'alcool est la solution pour tout.

Je dodeline de la tête d'un air de dire que ouai, Legence n'avait pas tort. Wyatt n'était réputé pour sa finesse. Quand un truc allait pas, il vous fracassait la tête avec une barre de fer. "c'est sur, c'est pas son genre." J'ouvre des grands yeux en apprenant qu'il se tape une meuf. A ma connaissance il vomissait quand une femme passait devant lui en rue. "Ah...ouai...et c'est pas un sosie donc... Jebote, ça peut faire ça un coup au crâne ?" Waou, j'vais devoir me méfier quand même cette histoire est flippante. "Y a quand même un truc que je pige pas. T'étais sur qu'il était à Riker et tu le trouves ici, amnésique. Il s'est passé quoi entre deux ? Il s'est pété le crâne ici ou aux USA ?"

"Humm. Ça ou le fait que je sois des deux cotés de la barrière. " Dis-je en baissant la voix d'un ton. Du coup, je ne peux pas vraiment changer de côté. Mais bref passons. Par mimétisme, je prends une clope dans mon propre paquet et tire mon briquet, proposant du feu à Leg par la même occasion. "Ah mais c'est déjà une info ça !. Donc il s'est barré de Rikers, lui dit pas mais j'suis admiratif - pour ma part j'ai tiré mes douze ans ramenés à neuf sans moufeter - et il est venu ici." Je tire sur ma clope en l'allumant avant de faire un geste de déduction. "P'tre qu'il est venu ici...pour te chercher. J'vois pas pourquoi il se serait retrouver à Sarajevo sinon, c'est pas une destination touristique... et là il a du fourrer ses gros sabots où il faut pas. Ton mec, c'est pas la délicatesse incarnée."

Je hausse un sourcil surpris qu'il ne comprenne pas mais je n'ai pas envie d'expliciter plus dans ce lieu alors j'esquisse un sourire ironique en haussant les épaules et sans m'expliquer d'avantage. Ce qu'il y a de bien avec Leg, c'est que je ne peux être jaloux de ses conquêtes et amours, exactement comme l'inverse est vrai. Il sait - l'autre soir le prouve - que je suis à Nina et je sais bien qu'il est accro à Wyatt. Peu importe ce qu'on pense l'un et l'autre de nos officiel.le.s; d'ailleurs, je n'ai jamais vraiment demandé ce qu'il pense de Nina parce que je me fous de ce que pensent les autres de Nina. C'est ma femme, je suis fou d'elle quoiqu'on en dise ou pense !

Je secoue la tête "Culpabilité, laisse ça aux experts Macka, je t'assure. De toute façon, c'est pas toi qui lui a fracassé le crâne. Non ? " Je préfère demander, mais j'pense qu'il me l'aurait dit. Je suis un de ceux capables de comprendre qu'on ait envie de fracasser le crâne de Wyatt...Clint...enfin l'autr'abruti.

Je nous ressers un verre, gentiment, en bon camarade. "Qu'est-ce que tu vas faire. J'ai bien une proposition...Il parait qu'un autre coup sur la tête ça ferait l'effet inverse. J'veux bien me dévouer" Une plaisanterie d'humour bancal pour dérider un peu Legence.

Ce n'est pas un mystère que Wyatt et moi on ne peut pas s'encadrer. Il parait qu'on se ressemble trop (personnellement je ne vois pas en quoi !) et notre intérêt mutuel pour Legence ne nous rapproche pas du tout ! Faut dire que l'énergumène est d'une jalousie maladive. (et non c'est pas l'hôpital qui se fout de la charité)

"hu...mouai, c'est bien possible, surtout si je t'fous une main au cul. t'es sur qu'il est avec cette fille ?" Je veux bien qu'il soit amnésique mais ça me parait dingue qu'il ne se rappelle pas son aversion des filles. A moins que celle ci ne découle d'un truc psychologique de son enfance, les psy aiment bien dire c'genre de connerie. Celui que j'avais dans le Bronx le faisait tout le temps.

"Tu dis que ça fait combien de temps qu'il s'est fait démonter la gueule ? J'me renseignerais. P"tre j'entendrais quelque chose à ce sujet, mais j'y crois pas trop si ça date."

"Tu sais fiancés...dans le coin ça veut pas dire qu'il la baise." Non mais un coup sur la tête peut pas vous faire baiser des nanas alors que vous vomissiez à vois un nibard même pas dénudé. Sinon j'vous jure qu'en Russie (et ici aussi) ils auraient déjà mis au point la méthode. "Tu devrais essayer de le chauffer un peu, à mon avis le naturel reviendra vite." Non, je n'ai pas compris que c'était le coté officiel qui emmerdait Legence. Moi je m'offusquerais plutôt du coté charnel et Julia aurait déjà mangé ses dents. Mon ami est finalement plus sensible qu'il n'y parait derrière son allure toute en désinvolture et en je-m'en-foutisme. Mais pas cette fois. Cette fois on voit bien que ça le touche et ça me peine pour lui.

"J'te promets rien mais j'me renseignerais." Je ravale le petit surnom de réconfort, je dois arrêter d'être ambigu dans mon amitié, c'est une de mes bonnes résolutions depuis la Croatie avec Nina. Parce que j'en deviens pénible pour tout le monde, moi compris ! "Ça dépend de c'que tu veux en fait. Tu veux qu'il retrouve la mémoire ? Tu sais, y a p'tre des spécialistes pour ça, tu devrais l'emmener voir les meilleurs, t'as assez friqué pour non ? " Il n'y a que des solutions, à coup de bazooka ou de grenade, mais il n'y a que des solutions !

"écoute prends sur toi et viole le !" Dis-je avec un mince sourire. Le sexe a toujours été une bonne thérapie me concernant. "C'est pas possible qu'il ait changé à ce point j'te dis."

Je me fais la réflexion que Legence dit beaucoup trop merci, signe que ça déconne beaucoup trop. Devant son fatalisme - qui me ressemble plus que à lui - je grogne, le grondant gentiment. "T'as qu'à l'appâter. Lui il voudra savoir son passé. Trouve un levier, quelque chose qu'il aurait envie de savoir vis à vis de sa famille, ou je sais pas. Invente au besoin. Persuade-le. Une fois que tu l'auras ferré, il mentira, un truc pour le boulot, n'importe. Il fait quoi comme job ?"
Si c'est moi qui doit être machiavélique maintenant et faire des plans tordus, où va le monde ?

L'ironie et l'humour ont toujours été un moyen pour moi de distancier les situations critiques, on en a bien besoin quand on est au coeur d'une guerre, quand l'espoir soudain se fait absent. Je ne me moque pas, non plus que je prends la situation à la légère. Il arriverait pareil à Nina, je deviendrais fou. Je pense sincèrement que je tenterais de la rappeler à moi en la forçant et que ça signerait mon arrêt de mort. Je crois que Legence aime son crétin de gars comme j'aime Nina. Avec déraison. C'est sans doute pour ça qu'on s'entend si bien, qu'on se plait aussi. On ne sera jamais le premier choix l'un de l'autre, et ce n'est pas triste, c'est rassurant. Parce qu'il y a des moments où la passion est épuisante et où on se dit que quelque chose de simple serait le bienvenu. Comme l'autre soir. Mais au final, pour moi, ça aurait tout compliqué. Pas entre nous, mais avec Nina et maintenant lui, avec son mec.

Je hoche la tête, compréhensif devant la douleur de mon ami. "ben c'est un peu ça. Posséder...mais je suis sur que ton Wyatt est derrière ce Clint." J'esquisse un sourire à la remarque de Legence, espérant que c'est un signe qu'il reprenne du poil de la bête. "Y a la clinique Européenne, tous les mecs des ambassades et de l'ONU vont là-bas. Un peu chérot mais t'auras les meilleurs spécialistes que tu veux. En prime y a des types qui étudient les traumatismes causés par la guerre, chez nos anciens soldats ou chez les réfugiés. J'imagine que ce sont de "bons" psys." Si tant est qu'un psy puisse être bon, j'ai encore des doutes là-dessus. Jamais un seul n'a résolu mes problèmes même s'il parait qu'enfant de la guerre, je suis assez intéressant à étudier. Bandes de connards, de vautour. Enfin, si c'est la solution pour Wyatt, autant qu'il tente sa chance.