Let me crawl into your mind || Slavina

Je n'ai pas fait très attention à l'heure, et je me dis que de toute façon s'il est encore au QG, il me rejoindra quand il aura fini de bosser. Je voulais surtout lui éviter de repasser à la maison pour rien, c'est lui faire faire un détour inutile. Ce n'était en revanche peut être pas très prudent de commencer la soirée sans lui, je crois que les derniers mois m'ont fait oublier que les raves étaient bien différentes des boîtes de nuit, et elles le sont d'autant plus à Sarajevo. J'ai agi sur un coup de tête, décidant qu'il était temps qu'on sorte de la routine qu'on s'est imposée qui, si elle n'est pas désagréable, finira par nous enliser parce qu'elle ne nous correspond pas. La vie de famille est une chose, mais je reste convaincue que si on s'oublie, si on oublie ce qui faisait notre mariage avant l'arrivée de Tomas, on va droit dans le mur.

Alors je suis venue tâter le terrain, repérer les lieux parce que je ne voulais pas non plus que Slavenko se déplace pour rien. Seulement je suis une femme seule, bien trop peu vêtue, et je passe presque trente minutes à repousser les avances d'hommes trop entreprenants. Il n'est pas tard, mais la fête a commencé tôt et tout le monde est déjà chargé à bloc. Sur les anciens comptoirs de la gare, des diablesses dénudées offrent aux voyeurs des shows dignes de grands cabarets. La station est devenue un lieu de débauche, mais contrairement aux autres raves, il y a des professionnels dans le lot, ceux qui ont envahi les lieux ont vu les choses en grand. Des strip-teaseurs torse nu passent entre les danseurs pour agiter sous votre nez des sachets de poudre, leurs pupilles dilatées comme meilleure publicité.

Je guette l'entrée, en quête de mon mari, quand un type déguisé en Joker me fonce dessus. Il est déchiré et je comprends très vite que le repousser ne suffira pas. Ses mains glissent sur le galbe d'une cuisse dénudée, accrochent une fesse trop fermement et je lui envoie mon poing dans la figure avant de me barrer en courant. Je me fais courser par le clown, les petites ailes noires dans mon dos heurtant au passage ceux qui se mettent sur mon chemin, et je distingue miraculeusement la haute silhouette de Slavenko parmi la foule. Il a l'air de me chercher et de toute évidence, il ne me voit pas venir quand je lui fonce dessus, me jetant à son cou, crochetant mes jambes à sa taille pour échapper aux mains du junkie.

Je ne pense déjà plus au Joker qui me suit. A la seconde où mon corps heurte celui du slave, s'enroule autour du sien, je suis en sécurité, et le monde autour cesse d'avoir la moindre importance. Aura-t-il vraiment fallu attendre que je plane pour retrouver cette sensation délicieuse, que je ressentais autrefois même en étant parfaitement sobre ? Je ne perçois même pas le mouvement de Slavenko pour l'éloigner de moi. Seule compte la sensation de son corps retrouvé, de sa chaleur qui répond à la mienne, de sa bouche qui me happe. Sous son baiser, mon rythme cardiaque s'affole, aussi chaotique que mon souffle, et je plonge les deux mains dans ses cheveux. Je ne songe pas un seul instant qu'il pourrait me reprocher de l'avoir fait venir, d'avoir dû quitter le QG plus tôt pour moi. Pas quand on se dévore avec une telle avidité. 

Mon corps entier frissonne quand ses doigts glissent sous la lisière du body pour empaumer mes fesses, et le désir fait trembler ma peau contre la sienne. Je libère ses lèvres à regret, et à bout de souffle, mon front contre le sien. « J'ai cru que t'arriverais jamais... » Mes jambes n'ont pas encore relâché sa taille, et je me serre contre lui, l'échancrure indécente de mon body dévoilant un peu plus mes seins pressés contre son torse. Je n'avais pas de déguisement, alors je n'ai pas été chercher bien loin pour m'en confectionner un. Je ne voulais pas faire peur, je voulais qu'il me trouve sexy, bandante, qu'il ait envie de se fondre en moi à la seconde où il poserait les yeux sur moi. C'est la seule chose qui comptait. 

Il s'embrase avec la même frénésie qu'autrefois, et la marque que ses dents viennent imprimer sur mes seins est la seule récompense que j'attendais pour mes efforts. Toute la pudeur, toute la retenue des derniers mois disparaît, c'est l'effet magique que les raves ont toujours eu sur nous, et sur tout le monde si j'en crois la débauche qui se joue tout autour de nous. Je m'accroche aussi fermement que possible à son cou, et je n'ai pas besoin d'étouffer mes gémissements quand il plonge ses doigts entre mes cuisses, écartant la barrière du body pour trouver son chemin. La musique, bien trop forte, couvre tous les sons que je pourrais émettre, et personne ne se soucie de nous. J'étais déjà passablement excitée à la seule idée de cette soirée, mais la manière dont son corps a réagi au mien a suffit à me faire perdre la raison. Je suis rapidement à bout de résistance, et je me laisse avec délice faucher par l'orgasme en quelques minutes, trempant ses doigts dans un cri. 

Je mords sa bouche en dénouant mes jambes pour reposer les pieds au sol, mes muscles tremblent trop fort pour que je reste ainsi accrochée à lui. Mais je ne le relâche pas pour autant. Je presse avidement mon corps contre le sien, l'incitant à reculer, l'entraînant vers les chiottes qui se trouvent non loin de l'entrée. Il faudrait trouver un coin un peu plus tranquille, même en plein coeur de la rave, mais je n'ai pas la patience de parcourir les lieux, alors je vais au plus proche, au plus évident. Je bouscule les nanas qui font la queue, fends la foule pour nous enfermer dans une cabine libre, et je plaque Slavenko contre le mur, m'agenouillant à ses pieds.

Les mots qu'il gronde m'électrisent, pourtant il n'aurait pas eu besoin de les susurrer pour que j'accède à ses désirs sans même chercher à le faire languir. Je suis encore fébrile du plaisir égoïste qu'il m'a accordée, et mes mains tremblent quand je tire sur son treillis pour l'en défaire, fébrile. Je libère dans un geignement sa queue tendue vers moi, déjà si dure que je couine presque de frustration, je voudrais la sentir entre mes cuisses, buter au fond de mon ventre mais ce n'est pas encore l'heure pour ça... Alors je me penche, mes mains accrochées fermement à ses cuisses, pour le prendre dans ma bouche. Il n'y a pas de jeu, pas de désir de prouver quoi que ce soit, sinon qu'il est à moi et que je peux disposer de son corps comme il dispose du mien. 

Je le suce vite et fort, ma main venant en renfort de mes lèvres, enroulée autour de sa hampe en une caresse terriblement possessive. Je ne le relâche pas, ne m'éloignerais pas même s'il tentait de me repousser, parce que j'ai envie qu'il jouisse comme ça. Je sais encore lire la progression du plaisir sur son visage, et je me cale sur ses gémissements, sur les tremblements de son corps, la crispation de ses mains dans mes cheveux pour savoir comment le mener au bout. 

Je ferme les yeux sous la vague intense de satisfaction qui m'envahit, me soulève la poitrine quand il jouit sous mes soins, se répandant dans ma bouche. J'embrasse sa queue, son ventre, sa cuisse avant de me relever, le regard noir. Je ne sais jamais trop comment interpréter ce genre de compliments, j'imagine que les longs mois passés au Red Manor n'y sont pas pour rien dans le fait que je sois douée. Je me presse contre lui, l'enlace, me niche entre ses bras comme j'ai toujours besoin de le faire après une débauche de sexe. Je ne sais pas avoir l'un sans l'autre, pas avec lui en tout cas. Je prends son visage en coupe entre mes mains, l'embrasse encore, peinant à déjà quitter ses lèvres et le goût de sa peau. « J'en ai encore sur moi, t'en fais pas pour ça. » Deux joints ne m'ont pas suffit à tout consommer. 

Je glisse mes mains dans les siennes et me colle à lui pour qu'on sorte ensemble des toilettes. Personne ne nous dévisage vraiment, d'autres, dans les cabines adjacentes, sont occupées à la même chose, et bien plus bruyamment que nous encore. Je cherche seulement un coin à peu près tranquille pour pouvoir rouler un nouveau joint sans être bousculée, et je le glisse entre les lèvres du slave pour pouvoir l'allumer. 

A travers la fumée blanchâtre, nos lèvres se lient à nouveau, comme magnétisées, et je savoure la sensation délicieuse, enfin retrouvée, du lien charnel qui s'étire entre nous, s'étend sans jamais disparaître tout à fait, même une fois le désir assouvi. « I ja volim te. » Je susurre contre ses lèvres, léchant sa bouche avant de me laisser entraîner vers la piste de danse improvisée. Ma peau ne s'éloigne jamais tout à fait de la sienne, et je me niche entre ses bras, me fais comme autrefois un cocon protecteur de son corps, l'utilisant sans honte comme bouclier humain pour me protéger du reste du monde. 

Je peux fermer les yeux, me laisser guider par la musique et par les gestes du slave, je n'ai pas besoin d'y voir. Je lui fais confiance pour nous protéger de ce qui nous entoure, et je lui confie sans mal les sens qui ne me servent pas à profiter de son corps collé au mien. Mes mains glissent sur les siennes, cherchent ses doigts, remontent le long de ses bras, errent sur une épaule avant de redescendre, guidant ses mains sur ma peau, les immobilisant sur mon ventre en gestes sensuels. Je revis de cette soirée avec lui, et la drogue aidant, bientôt l'angoisse d'avoir laissé Tomas se délite dans les volutes de fumée. Les ailes me gênent, m'empêchent de me coller à lui comme je le voudrais alors je finis par pivoter, poser mes mains sur sa taille, sous son tee-shirt. 

Je frémis de joie à ces simples mots d'amour toujours si rares dans sa bouche, et la dévorant d'un regard passionnel en retour, possessif, émerveillé, ébloui de sa beauté et de son sex-appeal. Nina n'a vraiment pas grand chose à faire pour me manipuler, je suis plus que consentant pour ça pour quelques mots d'amour, une caresse, ou un regard mutin de sa part. Et pour un rire de sa part, je me damnerais sans hésitation. Je lui vendrais mon âme à cette petite démone aux ailes sombres qui se pend à mon cou.

Même au cœur de la foule, j'éloigne les gens de nous d'un regard noir, d'une bourrade d'épaule. Ma carrure, mon allure paramilitaire me servent bien à protéger la créature diabolique fondue contre mon corps. Il ne faut pas plus de dix minutes pour que le désir flambe à nouveau très haut, attisé par la chaleur du corps de Nina. Je pousse un son entre gémissement et grognement quand elle pose ses mains sur ma peau. Mes doigts cherchent sans cesse la peau nue, effleurent le renflement d'un sein, caresse la courbe d'une fesse, se glisse dans son cou à la peau si douce et si soyeuse. Je cherche sa bouche pour des baisers entrecoupés de soupirs et de taffes de weed qu'on se partage. Je plane, la pression des dernières semaines se relâchant si brusquement que j'en suis étourdi, groggy et à fleur de peau. Il ne reste plus que des sensations intenses et surtout l'amour violent que je ressens pour Nina. Ça fait des mois que je me protège de ce sentiment, que je l'étouffe par peur qu'il ne me brise si jamais elle me laisse. Mais la weed et le sexe ont anéanti mes barrières et sa résurgence brutale prouve bien qu'il n'a jamais disparu, qu'il était simplement caparaçonné.
 

Je sens, contre moi, le corps du slave qui se tend, cherche le mien, ses mains qui se crispent sur ma peau, son bassin qui ondule, inconsciemment sans doute, pour se presser contre le mien. Mes baisers se font plus langoureux, haletants quand je me prends au jeu, le désir me submergeant à nouveau, avec une force que je ne maîtrise pas. J'ai eu l'espoir fou, ce soir, de nous faire languir un peu, de réapprendre à jouer avec lui, de m'essayer aux préliminaires peut-être... Mais c'était sans compter sur la tension accumulée des derniers mois, sur la drogue dont je me suis passée depuis presque un an et qui éveille soudainement des sensations enfouies. Les digues cèdent, avec une facilité effrayante, mais pourtant familière tant Slavenko a toujours eu ce pouvoir sur moi.

L'instant me paraît durer des heures, une éternité sans doute, pourtant il ne doit pas s'écouler vingt minutes avant que je ne cède, surprise par une brusque bouffée de désir, qui me submerge telle une coulée de lave. Je me presse, soudain, contre son torse, me hisse jusqu'à ses lèvres contre lesquelles je ne souffle qu'un mot. « Encore. » Mes crocs se plantent dans sa lippe inférieure, jusqu'à ce que le goût métallique du sang envahisse ma bouche. Et je le pousse, mon corps appuyé contre le sien, sans prendre la peine de regarder vers quoi, vers qui je nous entraîne, heurtant sans m'en soucier les corps qui se mettent en travers de mon chemin.