J'arrive à l'aéroport j'me disais me manque un truc, ouais genre ma valise par exemple / Legyatt

Il valait mieux se faire discret, avait dit Hypérion avec un ton de voix qui suggérait qu'il valait mieux ne rien objecter, quand il avait compris que garder Pussycat enfermé relevait sinon de l'exploit, au moins d'un incroyable optimisme.
Leg avait rameuté ses néo-nazis comme il les appelait – à raison puisqu'ils étaient effectivement coincés sous ses ordres à cause des recherches internationales qui leur couraient après, et oui Legence estimait que bosser pour lui était une punition suffisante pour unes façon de voir le monde tout à fait puante.
Il n'avait pas autant confiance en Martin qu'en Rotschild, mais ce pauvre Rotschild ne servirait plus à grand-chose là où il était, donc il devait bien se contenter d'un ersatz de GI Joe, la coupe de cheveux à la con en prime. L'avantage avec la Serbie c'est que tellement de mecs avaient l'air de sortir tout droit d'une société paramilitaire portée sur la résolution de conflits à coups de pains dans la gueule, que Martin passait tout à fait inaperçu.

Leg moins, mais il la jouait profil bas ; avec sa rate en mauvais état, impossible de mettre ses habituels costards trop moulants, aussi avait-il continué avec son style « je revis mon adolescence » qui avait tant fait grincer des dents sa complice. Un jeans de bonne qualité, un t-shirt à l'effigie de Nirvana – un groupe qu'il n'avait jamais écouté de sa vie, ou alors sans faire exprès – et une paire de lunettes de soleil pour masquer les dégâts.
Il n'avait pas tant pris au niveau de la gueule que la douleur de ce putain d'organe presque éclaté lui tirait les traits à le faire passer pour un ascète ermite dans la montagne.
Et Kirill avait pris soin de préciser que l'hémorragie pouvait se déclencher jusqu'à deux mois après le traumatisme.
Vraiment un connard celui-là.

Martin marchait quelques pas en arrière de Legence, surveillant les environs avec sérieux, et fut le premier à repérer Wyatt. Enfin, Clint.
Pussycat s'approcha de lui :

« Hey. Alors tu trouves ce que tu veux pour faire à manger au bazar Ottoman ? Paraît qu'il y a des caisses de trucs, mais j'ai jamais pris le temps de regarder. »

Clint a trouvé ça parfaitement bizarre. Les SMS laconiques, le lieu de rendez-vous qui n'est chez aucun des deux. Y a rien qui va. Peut-être que Legence a changé d'avis ? Pour ça qu'il veut du public ? Il a peur d'un esclandre ?
La boule au ventre, Clint s'est donc rendu, comme demandé, au bazar ottoman. La foule est toujours massive à cette heure. En temps normal, il est mal à l'aise. Mais là il a la sensation que tout le monde le regarde et qu'il y a une sorte de cordon sanitaire entre lui et la foule.
C'est juste une impression puisque l'instant d'après, le voilà malmené et secoué de toute part.

C'est uniquement quand Leg arrive à sa hauteur qu'il le reconnaît. Le choc est visible sur son visage. Il pouvait être inquiet en effet. C'est pas tant les quelques marques assez légères sur son visage. C'est sa façon de se tenir. L'ensemble en fait. Il en a déjà vu des mecs passés à tabac. Et Legence n'est pas vraiment le genre à pouvoir encaisser des masses.
Ses lèvres se serrent en une mince ligne mécontente.

J'adore les épices.

C'est dit sur un ton d'une rage froide qui lui aurait sûrement fait peur s'il y avait prêté attention.

Je te demande pas si tu vas bien.

Il fait craquer sa machoire comme s'il avait avalé une dent. Ses poings se serrent. Putain. Il va étrangler quelqu'un. Dans un geste de réflexe, il lui attrape le poignet sans douceur.

J'vais les buter putain. J'te le promets.

Il ne sait même pas d'où cette idée lui est sortie par la tête. Mais il a des envies de sang d'un coup. Et puis ça lui passe. Il devient blanc comme un linge alors qu'il a une vague envie de pleurer qu'il contient tant bien que mal.

On va aller s'asseoir. Y a trop de monde, tu pourrais être bousculé. Y a un café turque par là. Plein de coussins moelleux.

Et il ne lui demande pas son avis. Une main se plaque dans le dos de Leg pour le guider. De l'autre, il pousse les gens sans ménagement, leur balançant un regard qui leur promet des siècles d'agonie s'ils ne bougent pas.
Arrivés au café, il l'interroge :

T'as besoin de quoi ? Tu veux quoi ? Un café ? Un truc à manger ? Une chicha ? Juste coussins ou banquette moelleuse ? T'as besoin d'aide ?

La meilleure nouvelle de toute cette période résolument de merde pour le dire scientifiquement, c'était que Wyatt semblait transparaître sous le comportement de Clint, et que ça dura, oh, au moins 1 minute 30.
Legence pinça les lèvres en se disant que c'était mieux que rien et que tout ce qui lui restait à faire c'était ne pas perdre espoir. Il n'avait jamais été optimiste, peut-être que ça lui irait bien au teint après tout.

« Comme j'te disais j'ai connu mieux... »

Il ne se défendit pas quand Wyatt agrippa son poignet, ce qui épargna à Martin une prise de catch résolument sportive, mais il chuchota en réponse :

« Doucement, apparemment j'ai la rate à deux doigts de céder, ne me bouscule pas. »

Il aimait bien l'idée d'avoir tous ses organes, et ce grand bavard de Kirill avait détaillé tous les médicaments qu'il fallait prendre et les vaccins lorsqu'on perdait sa rate. Leg n'avait pas du tout envie de ça.

« Un café sans sucre, ça serait parfait. J'ai pas le droit de fumer. »

Ce qui le mettait d'une humeur de chacal battu, on s'en doute. Il sourit, toutefois, amusé de le voir si empressé.

« Comment ça va toi ? »

Tu m'étonnes qu'il a connu mieux. Même Clint, sans m'en souvenir, je le sais. Enfin quoi. Y a intérêt vu sa mine. Dès la remarque de Leg, il relâche sa prise, faisant soudain plus attention. Mais il est tellement en colère, sans trop comprendre pourquoi.

Ta rate ? Mais ?
Il t'a pas raté !
Heu... Sans mauvais jeu de mot.

Clint pose Legence dans un coin, au calme. D'habitude, il ne joue jamais ni du regard, ni de sa carrure. Ça n'a jamais d'importance. Mais là, il doit ressortir de lui une violence à peine contenue parce que tout le monde regarde ailleurs et que certains s'écartent même pour s'éloigner, même pour quelques millimètres près, de là où ils sont installés.
Il commande deux cafés turcs et une pâtisserie à la con. Lui, il n'a pas vu le gars qui accompagne Leg.
D'une voix formidablement agacée, il balaye la question de Leg d'un revers de main.

On s'en fout de moi.
Il s'est passé quoi ?
La rate donc ? Et quoi d'autres ? Côtes ? Lésions ? Trauma cranien ?

Il cille un peu et refoule la panique qui monte dans sa gorge. Parce que son seul lien concret avec le passé a failli carper. Parce qu'il a la vision de son visage après l'agression, dans le miroir. Parce qu'il réalise que les cauchemars qu'il refait depuis qu'il a croisé Leg sont sûrement des souvenirs de l'agression. Alors il cache le traumatisme derrière une colère noire.

Je sais peut-être pas me battre, mais je suis chimiste.
Faut faire péter quoi ?

Mais putain, ça lui sort d'où ? Il n'a pas conscience encore de ce qu'il a dit, mais ce n'est pas lui. C'est un autre qui parle, il le sent bien. Et là, pour la première fois de sa (nouvelle) vie, il veut tuer quelqu'un, réellement. En tout cas, dans son regard, la lueur meurtrière de Wyatt est belle et bien là.

Le si gentil Clint qui faisait à bouffer des quantités de bouffe astronomiques avait l'air d'un coup moins tranquille, et Legence l'observait avec attention malgré la douleur diffuse – il commençait à comprendre Hypérion qui lui avait prescrit sèchement du repos sans imaginer qu'il parvienne de toute manière à s'arrêter plus de cinq minutes.
Blessé ou pas, Leg devait bosser, et bon, voir son ex amnésique n'était pas du taf, mais nécessaire. Wyatt commençait à transparaître, dans la brusquerie de ses mouvements, dans le bleu du regard qui s'était durci, dans la mâchoire plus serrée. Oui là il reconnaissait presque son fiancé. C'était pas encore tout à fait ça, mais il avait déjà récupéré cette faculté de faire reculer les gens rien qu'en les regardant.

« C'est la rate le plus ennuyeux, selon le doc ça serait suite à un coup de pied. Le reste ça va c'est des bleus, rien de grave. »

Il eut un rire léger qui lui fit claquer la douleur dans les nerfs, posant une main sur ses abdos.

« Aïe, me fais pas rire s'il te plaît. Tu ne vas rien faire péter, on va régler ça autrement. Enfin, je dis on mais t'es pas obligé de m'aider tu sais... Tu t'es rangé sans faire exprès, ça serait peut-être aussi bien que tu le restes. »

Il remercia en anglais le serveur, récupérant son café, grimaça.

« Putain j'ai tellement envie d'une clope. »

Ça ne devrait pas l'intéresser. Il devrait se tirer de là parce que de toute évidence, ce mec attire des ennuis. Et Clint en aura s'il traine autour de lui. C'est ce qu'une voix lui dit d'un côté. Mais de l'autre, il y a celle qui lui susurre que c'est ce qu'il doit faire. C'est son ancienne place après tout. C'est la clef de sa mémoire et on ne peut pas renier qui on est de toute manière.
Et pendant que ces deux avis s'engueulent promptement en lui, Clint, paumé, écoute Legence parler de coups de pieds.
Peut-être que son imagination créé la scène pour lui. Ou peut-être que c'est un souvenir. Mais il les voit bien ces putains de pompes au-dessus de lui, qui frappent encore et encore, se foutant de savoir où ça tombe. Une à la tempe, l'autre sur un jambe qui a eu du mal pendant plusieurs mois.

Et cette fureur. Oh elle est prodigieuse. Chaque nouvelle info que Leg lui donne fait battre des cloches dans sa tête. Celles de la vengeance. S'il ne retrouve pas ses agresseurs, à défaut il pourra toujours retrouver ceux de Leg.

Quand il pose une main sur ses abdos, Clint voit l'autre se crisper de douleur. Il pose sa main sur la sienne, inquiet.

Pardon. Et je vais t'aider. Si.

Il peut pas expliquer pourquoi mais il en a absolument besoin. C'est comme de respirer.

C'est mon choix. Et pourquoi tu fumes pas ? Tiens. Vas y, sers toi voyons.

Spontanément, il sort son paquet de clopes, serviable, le tendant à Leg.

Tu sais qui t'a fait ça ? Et pourquoi ?

Il traine sur la réponse donc Clint en mettrait volontiers la main au feu. Il doit bien savoir et ça va surement le foutre encore plus hors de lui.

Legence ne recommencerait pas de suite le passage à tabac parce que Clint avait raison il n'était clairement pas taillé pour supporter très longtemps ce genre de choses, mais il devait bien admettre qu'il y avait quelque chose de plaisant à le voir récupérer un peu de son ancienne personnalité et s'inquiéter pour lui.
Ça le consolait un petit peu.

« D'accord, tu m'aideras. Mais on ne fait rien exploser sans que j'ai décidé d'un truc, ok ? »

Heureusement, Clint était bien plus docile que Wyatt – Wyatt serait parti avec sa bite et son couteau pour cogner sur le monde entier, et il aurait d'ailleurs probablement foutu une rouste au passage à Slavenko juste parce qu'il était là et que c'était agaçant.
Il releva son regard aux étranges reflets métalliques vers le visage de Clint, qui lui semblait déjà avoir compris, le considérant avec tout le sérieux du monde.

« Je pense que tu as compris pourquoi... »

Il sourit :

« Je ne peux pas fumer, mauvais pour la cicatrisation et mon doc m'a promis mille morts différentes si j'ose fumer avec ce qu'il reste de ma rate. Je pense qu'il exagère mais je préfère rester prudent... »

Il avait vraiment peur de faire une hémorragie à force.

Clint opine. Souffle sur son café, en aspire une goutte avant de reposer avec brusquerie la tasse tellement le breuvage est chaud. Il va attendre encore un peu.

Laisse moi deviner. Je suppose que c'est toi le cerveau de nous deux et tu décides toujours de tout ? Enfin en tout cas t'as le dernier mot ?

Son usage du présent est involontaire et il ne s'en rend pas compte. Il est plutôt là à frotter de sa langue son palais à la recherche d'une brûlure voire d'une cloque. Il fait un signe de main et deux verres d'eau apparaissent par magie, dont un qu'il vide d'une traite en espérant soulager le sentiment de brulure. En vain.

Ah.

Toute la réponse tient en deux lettres. Une syllabe. Même pas un moment. Un simple « ah » qui veut tout dire. Il est dit beaucoup plus légèrement qu'on n'aurait pu l'imaginer avant que, de nouveau, la colère revienne comme un tsunami. Et cette montée en puissance se lit sur ses traits. Son visage se fige, son regard se fait d'un bleu presque noir, ses lèvres ne sont plus qu'une fente et ses muscles se tendent alors que ses poings se sont serrés, l'un se crispant sur la main de Legence.
Mais une larme coule d'un coup, au coin d'un œil, montrant aussi toute sa frustration et sa culpabilité globale devant une situation dont il n'est en rien responsable. Et pourtant.

Je suis désolé.
T'aurais peut-être été plus prudent si ou méfiant si tout ça t'avait pas perturbé.
Tu... Tu crois que ce serait les mêmes qui m'ont agressé ?

Comment savoir ? Les homophobes à Sarajevo, c'est quand même plutôt légion. Et des violents, franchement, suffit d'aller dans un stade pour se rendre compte. Pas besoin d'être sorti de West Point pour le savoir. Mais il y a comme un espoir au fond de la voix de Clint quand il pose la question. Comme s'il allait récupérer un bout de son passé en retrouvant ses agresseurs.

Pussy afficha un petit sourire suffisant – il faudrait bien plus qu'un passage à tabac par des serbes pour effacer ce fichu sourire suffisant – et répondit avec beaucoup d'aplomb à Wyatt :

« Exactement. »

L'attitude suivante de Clint lui fit mal au cœur parce que pour le coup, Wyatt disparaissait comme un reflet dans l'eau brouillé par un mouvement. Wyatt se serait mis en colère et aurait projeté la table devant lui quitte à blesser quelqu'un.
Bon il lui faisait mal à la main.
Legence essaya de garder son calme, de rester adulte et de draper sa déception dans un raisonnement logique ; ça n'était pas de la faute de Clint, il ne pouvait pas lui en vouloir pour ça et en prime il lui proposait son aide.
Il haussa des épaules dans un geste bien moins souple qu'à l'ordinaire.

« Je sais pas, c'est possible. En tout cas je sais qui m'a agressé suffit de trouver ceux qui te sont tombés dessus... »

On trouvera pas.

La main de Clint disparaît, parce qu'il a senti la crispation de Legence en dessous et il est désolé. Sauf que s'il s'excuse encore une fois, il a peur de se prendre une baffe. Donc il fait rien. Juste...

Non, ils ne trouveront pas. Ça fait deux ans déjà. Et il ne se souvient pas. Et Leg a autre chose à foutre qu'à le babysitter.

La police a fermé le dossier. Elle n'a jamais eu la moindre piste. Elle a dit que j'avais de la chance que je me sois pas noyé.
Non. Ça sert à rien. On va pas perdre du temps pour ça. C'est inutile.

Il secoue la tête avec un air de résignation passive. Ah, clairement, y a pas plus éloigné que Wyatt, ce qui, quand même est étrange pour tout observateur connaissant un peu les deux.

Il vaut mieux se focaliser sur ma mémoire.

Même s'il n'est pas beaucoup plus optimiste mais ça avait l'air de tenir à cœur de Leg et en ce moment, un peu d'espoir ne devrait pas lui faire de mal.

Tu n'es pas en état de le faire, tu peux me donner le nom du médecin et je prendrai rendez-vous. Tu as des obligations ?

Non, il n'imagine étrangement pas cette visite sans Leg. Peut-être pour corroborer des fragments de souvenirs qui pourraient lui revenir ? Ah... peut-être que lui non plus n'a pas perdu tout espoir. Enfin, il semble renaitre doucement.

Legence hocha de la tête à la réflexion de Wyatt ; sans soutien, la police du coin pouvait être une chienlit d'après ce qu'il avait compris, le genre à ne pas faire d'efforts. Il était assez bien placé pour savoir qu'il y avait pas mal d'éléments corrompus, sans même parler des feignants qui devaient trouver ça trop fatigant de faire des recherches sur un mec que personne ne connaissait sans famille pour faire chier et faire avancer l'enquête.
Ah, triste réalité.

« ça vaudrait quand même le coup d'essayer, je peux passer quelques coups de fil pour... »

Il essaya de trouver une formule qui allait bien avec un temps de latence qui prouvait que ses médicaments l'assommaient un peu.

« Les motiver un petit peu à chercher de nouveau. Tu devrais peut-être prendre rendez-vous là-bas, savoir, ça te fera du bien...
Si tu préfères appeler le médecin je t'enverrais son numéro par sms, mais je peux le faire. Non, prend à peu près n'importe quand vu mon état je vais pas galoper partout. »

Ce qui changeait radicalement et c'était pas vraiment pour lui plaire, on s'en doute. Il fit un sourire encourageant à Clint.

« Je suis sûr que ça va très bien se passer. »

Disons qu'avec Clint, le médecin risquait moins de se prendre un coup de poing dans le nez – pas comme le psy de couple qu'une fois Wyatt avait voulu aller voir pour on ne savait quelle raison et à qui il avait collé la trouille de sa vie.

« Mieux qu'avec Gomez, je sais que ça te dit rien, mais j'en ris encore en y repensant. »

'fin sans rire parce que ça faisait mal !

Un soupir est la seule réponse que Clint donne. Une sorte d'approbation résignée. Il a le sentiment que, même s'il refusait, Legence tenterait. À quoi bon ? C'est juste une perte de temps. Il a perdu espoir et ça serait bien qu'il n'en ait pas trop. Surtout si la cause de l'agression est... hum. Bref. C'est évident non ?

Il change vite de sujet sur le médecin. C'est moins... Douloureux et angoissant en fait.

C'est comme tu veux. Je me doute que tu peux prendre rendez vous mais je crois que la première des priorités, c'est de prendre soin de toi. Je peux passer un coup de fil, j'y arrive, tout de même !

Jusqu'à quel point il était crétin avant pour que Leg se sente l'obligation de s'en charger en fait ? Il a pour réponse à son sourire une ébauche de sourire à son tour, un peu crispé. C'est pas de leur faute ce qui est arrivé mais aujourd'hui, ça fait beaucoup quand même.
Il se pince les lèvres, finit par poser la question dont il se doute que la réponse n'arrangera pas sa situation psychologique actuelle, celle d'avoir le sentiment de jouer les funambules et de ne pas être certain, alors qu'il regarde derrière lui, de rester en équilibre bien longtemps. Surtout qu'en arrière, ça n'a pas l'air d'être bien glorieux.
Si Clint avait eu un fond d'honnêteté envers lui-même, il se serait avoué que ce qui l'emmerdait le plus, c'était ce sentiment qu'il n'arrivait pas à définir (ou ne voulait pas définir plutôt), ce trouble à chaque fois qu'il se retrouvait avec Legence et qu'il ne ressentait certainement pas avec Julia ni aucune femme.
Mais à la place, il préférait se dire que sa vie d'avant avait l'air perverse et un peu dégueu. C'était clairement le plus simple à gérer.

Bon. Raconte moi. Qui est Gomez ?

À vrai dire, maintenant qu'il pose la question, il baisse son regard bleu sur le café avec l'envie de savoir. Finalement. Si. Un petit peu. Tant pis s'il est mortifié après. Juste pour le voir rire. Enfin non. Pas pour ça. Pour sa mémoire. Ouai. Voilà. Pour essayer de se souvenir.