La vie c'est comme la roulette russe, soit tu vis, soit tu meurs ft Aleska

Le casque sur les oreilles, il n’entendait plus rien. Juste le bruit des chiffres et des codes secrets qu’il essayait de déverrouiller sur son ordinateur. Il n’avait que seize ans et pourtant, il n’avait rien à envier aux adultes, à la NSA ou à d’autres organisations. Ce soir-là, il essayait de pirater les listes pour les universités. Pas pour lui, il avait encore un an à tirer dans ce lycée de merde. Mais, les gens le payaient. Pour voler de l’argent. Pour pirater le compte de sa copine. Personne chez lui ne se doutait de ce qu’il se passait derrière la porte de sa chambre. C’était son petit secret. En même temps qui aurait pu s’en intéresser. Son père ? Ce déchet qui avait fait la guerre et qui n’était jamais vraiment revenu. Cet homme plus souvent saoul que clean. Ce mec violant qui prenait sa femme et son fils pour un sac de boxe. Sa mère ? Cette femme soumise incapable de dire non à son mari. Cette moins que rien qui avait préféré l’alcool et les médocs pour oublier l’enfer que vivait son fils.  Celle qui a préféré écarter les cuisses pour un peu de crack. C’était peut-être pour cela que cette fois-là, énervé d’entendre les mêmes cris, il avait augmenté le son. S’enfermant dans sa bulle. Peut-être qu’il aurait pu entendre le cri de terreur de sa mère. Puis le coup de feu. Ou peut-être le silence qui en suivit. Mais, il n’entendit rien. Juste le bon vieux ACDC dans ses oreilles.

« Voici ta chambre Aleska. » Ça, c’était la voix de l’oncle Dimitri. Le seul membre de sa famille qui avait bien voulu de lui. D’un gosse de seize ans dont le père avait tué la mère et s’était suicidé. En même temps, Dimitri était l’ennemi de la famille. Un membre des Tigrovi. On en parlait pas. Il n’existait plus. Pourtant, c’était le seul qui avait accepté de le prendre. Ce gamin solitaire. Colérique. Presque suicidaire. « Je dois aller faire deux-trois courses, ça va aller ? » Comprendre : je dois aller tuer deux trois mecs. « T’as une connexion internet? » Phrase courte et précise. Pas besoin de dire beaucoup. Moins on parle mieux c’est. « Tu sais te servir d’un ordinateur ? » Et voilà que son oncle essayait de faire ami-ami. Est-ce qu’il lui en posait des questions ? Non. « Est-ce que tu sais tuer des gens ? » Mécanisme de défense. Le sarcasme. L’affrontement. Son oncle fut tellement surpris, qu’il lui donna le code avant de déguerpir. Il était temps. Qu’est-ce qu’il avait à foutre d’un adulte ? Il installa son matériel, avant de se connecter. Enfin connecter était un bien grand mot. Il aurait mieux fait d’aller au café du coin pour se servir du réseau. Deux-trois magouilles et le voilà connecté, chez les riches voisins d’à côté. Ni vu, ni connu. Sans savoir, ce qu’il pouvait bien faire, il fit la pire connerie de sa vie, ou peut-être la meilleure. Pirater les Tigrovi. Qu’est-ce son oncle et sa bande de dégénérés avaient à cacher ? Deux heures plus tard, il avait toutes les informations nécessaires pour faire tomber le groupe. Il aurait pu vendre ça très chère aux fédéraux. Quitter le pays. Refaire sa vie. Enfin, ça c’était sans l’arrivée de son oncle, de deux gardes du corps et d’un mec bourré aux as. « Alors petit, je te bute ou je te laisse une chance de me rapporter des milliards ? » Il aurait mieux fait de se taire. De supplier qu’on lui laisse la vie sauve. Mais qu’est-ce qu’il avait à sauver ? « ça dépend, vous avez l’intention d’installer une meilleure sécurité ? » Un vrai crétin.

Les toilettes du Pussynight. Un club sombre mais où on trouve les plus belles filles et surtout celle capable de s’offrir pour juste un peu d’attention. La fille redescend sa robe sur son corps nu avant de ramasser sa culotte. L’homme remonte son pantalon et sa braguette. « Aleska, tu m’offres un verre. » Ça, c’est la voix de la femme. Qu’est-ce qu’elle croit ? Qu’il est le prince charmant ? Qu’il va l’aimer et avoir beaucoup d’enfants. Si c’était le cas, il n’aurait pas pris son pied dans des toilettes. Et puis, comment aimer, quand on a jamais eu de model ? La plus grande question, c’est pourquoi prendre la peine de s’attacher à quelqu’un quand on peut s’attacher à toutes ? Un homme sans coeur ? Un connard ? Sans doute. J’aurais plutôt dit un homme qui souffre, mais chacun a sa vision des choses. « Bébé, je suis désolé mais le travail m’appelle. J’ai ton numéro. » Comprendre : si j’ai envie de faire dans le recyclage, je t’appelle. Avec le temps, il avait gagné en tact. Enfin, peut-être pas. Il ouvrit la porte, laissant une femme en colère derrière lui. La noirceur autour de son coeur ayant encore augmenté. Au pire, il avait déjà un pied dans la tombe. Il sortit à l’air frai et alluma une cigarette. « J’arrive pas à comprendre comment, tu arrives à pécho toutes les filles. Même les femmes mariées. » C’était une voix un peu trop connue. Un membre. Peut-être un ami. « Qu’est-ce que tu veux, elles pourraient avoir le prince charmant mais elles préfèrent Satan. Je dis jamais non. » Il déposa la cigarette contre ses lèvres, laissant l’homme sombre prendre le dessus. Cet homme qui n’avait jamais connu ni l’amour, ni l’attention, ni la tendresse.