To new beginnigns - Slavina

Mon coeur s'emballe chaotiquement quand il me soulève dans ses bras dans un geste qui m'émeut bien plus que je ne voudrais l'admettre, et je profite de la position pour l'enlacer plus fort, comme pour ne pas tomber alors qu'il me tient fermement contre lui. J'ai un mal fou à laisser sa bouche s'éloigner de la mienne, quand bien même c'est pour parcourir mon corps de baisers. Je le veux contre moi, en moi, encore. Chaque étreinte brise un peu plus mes défenses et je me trouve toujours bien trop vulnérable, à fleur de peau dans ses bras. Je plonge mes deux mains dans ses cheveux quand il revient m'embrasser et je le plaque contre moi avec exigence pour l'empêcher de s'écarter encore. Mes jambes repliées s'enroulent autour de ses hanches, s'accrochent à lui et je murmure : Attends, attends. Il faut qu'il reste encore un peu, juste un peu pour que je puisse espérer me repaître de sa peau.

Je profite de l'avoir légèrement déstabilisé par ma requête pour inverser les rôles en le faisant basculer sur le dos, prenant place sur son corps sans m'écarter de sa peau. Je grogne de désir encore brûlant, mordille sa bouche, la lèche comme un animal affamé. Mes lèvres glissent sur sa gorge que je suçote sans oser la marquer, quand bien même j'en meurs d'envie. Je suis paralysée de trouille à l'idée qu'il me repousse, qu'il m'interdise. En ondulant, mon sexe frottant contre son ventre chaud, je susurre d'une voix tourmentée cette requête, cette supplique qui me terrifie : Je te veux à moi...

Sa frénésie grandissante qui répond à la mienne réveille mon corps avec la brutalité d'un tsunami. Brusquement tous mes nerfs vibrent, gorgés de sensations, et le désir me poigne à me tordre le ventre. Il n'y a que Nina qui soit capable de raviver si vite mon désir, mes pulsions, et c'est toujours très déstabilisant comme sensation. Celle de ne rien maitriser, de subir, de me faire emporter. C'est bon.

Elle s'accroche à moi et l'amour explose si soudainement dans mon torse que j'en suis soufflé, le cœur battant trop vite, trop fort. Je lisse les cheveux de Nina en arrière, me laisse attirer contre elle avant qu'elle ne me renverse. Je geins de surprise, déjà à sa merci, offrant mon cou à ses baisers possessifs. Je réponds gravement - surpris de sa phrase quand moi je sais bien que je n'ai jamais cessé de lui appartenir du fond de mon âme - ma voix rauque, éraillée de plaisir qui se teinte d'amour et de douleur aussi (déchirure de notre séparation) "Je suis à toi. Je suis à toi Nina, t'as juste à me prendre..." Je lui appartiens si elle le veut, c'est aussi simple. Je m'offre à elle à nouveau et j'implore ou j'ordonne d'une voix entre séduction, espoir, crainte et entêtement borné "prends moi, je t'en prie duso"  .

C'est assez dingue mais l'absence d'hésitation dans sa réponse me tue, comment peut-il être si sûr de m'appartenir puisqu'il est parti ? Sa supplication me brise le cœur, me soulève la poitrine parce que je n'ai pas l'impression qu'il parle seulement de sexe et soudain la décision qu'il remet entre mes mains me semble bien plus importante que ça. En quelques secondes, tout ça n'a plus rien d'un jeu et mon corps se met à trembler, mes yeux s'emplissent de larmes trop longtemps contenues quand je le guide entre mes cuisses, le loge au creux de mon ventre. Je m'immobilise, mes mains venant encadrer son visage, mon front se posant sur le sien, nos regards noirs se heurtant.

Je bascule sur le flanc en l'entraînant avec moi parce que je n'ai plus la force de mener la danse seule. Ma jambe remonte contre sa hanche, mon sexe pulse autour du sien et pourtant je ne bouge toujours pas. Mes doigts remontent dans ses cheveux quand je balbutie contre sa bouche, encore : Je te veux, želim te. Et je suis loin, très loin de ne parler que de sexe.

Je ne sais pas les questions qu'elle se pose et j'ai beaucoup de mal à imaginer ce qu'elle ressent (je devine seulement les grandes lignes). L'empathie n'est pas exactement mon fort, tout ce qui est émotion échappe à ma compréhension, ce sont pour moi des choses effrayantes et douloureuses à subir et même le plus pur bonheur reste terrifiant à mes yeux parce qu'il est forcément éphémère ! Et après ?!

Par contre je sais très bien que je ne parle pas de sexe, et qu'elle non plus. Ça n'a jamais été que ça. Ses larmes m'achèvent, déchiquètent mon âme si puissamment que je ne sais même pas comment mon traitre de corps peut ressentir du plaisir en parallèle. Pourtant quand elle me guide en elle, je pense mourir de plaisir - littéralement. J'attrape son cou dans ma main, pour me tenir alors que nos regards se verrouillent et elle bascule sur le coté en m'entrainant avec elle.

Je me redresse pour me caler entre ses cuisses, mon corps à nouveau l'écrasant, haletant sous la pression du désir qui me consume. Je suis en nage, la sueur dégoulinant sur mon dos, mouillant les cheveux de ma nuque. Ma bouche se pose sur la sienne dans un baiser lent, où je souffle avec ferveur "Je suis à toi" Je lui ai rendu de force sa liberté, ce n'est pas pour autant que j'ai repris la mienne. J'ai toujours mon alliance, et si je ne me suis pas fait moine, je n'ai jamais donné mon cœur à quelqu'un d'autre qu'elle. Un coup de reins plus tard, je répète dans un nouveau baiser  "Je suis à toi" Les mouvements se font lents, profonds, puissants. Plus en douceur qu'en force, mais tout en intensité. L'orgasme récent permet de prolongé l'étreinte, de la maitriser un peu mieux, je veux encore comme je le balbutie quand j'arrive à quitter ses lèvres pour respirer.

​Je lui rends la main parce que c'est trop pour moi. Trop fort, trop douloureux, trop d'émotions à encaisser d'un seul coup. Chaque fois que j'essaie d'être forte, je me prends ma vulnérabilité de plein fouet au détour d'un regard, d'une phrase, d'une promesse sous-entendue qui abat tous mes murs. J'ai beau lui en vouloir, avoir encore peur de lui, de nous, tout mon être crève d'envie de lui faire confiance à nouveau. C'est plus fort que moi, j'ai ressenti cet instinct-là dès les premiers jours et je n'ai jamais su l'étouffer. J'ai envie, besoin de m'en remettre à lui, il a toujours eu ce don de me faire rendre les armes. Très rapidement, il m'a vue sous un jour que je ne me connaissais pas moi-même. Fragile, vulnérable, j'ai osé pleurer dans ses bras, lui confier mes peurs, mes craintes, mes doutes, le laisser me défendre, me protéger, me venger aussi... Ce sont devenu des réflexes profondément ancrés en moi et même si je m'en défends j'ai envie de les retrouver.

Je garde mes mains contre son visage, expire douloureusement contre sa bouche quand il commence à bouger, faisant monter le plaisir avec une lenteur consommée. Les larmes ont, bien-sûr, commencé à rouler sur mes joues parce que je suis faible et qu'il le sait, et je supplie tout bas contre sa bouche : Je veux être à toi encore... Et c'est bien ce qui me terrifie, ces désirs que je ne maîtrise pas et que je ne devrais plus avoir. Mes hanches se mettent en mouvement pour accompagner les siennes avec la même lenteur, pour faire durer l'instant parce que j'appréhende déjà le moment où il se déprendra de moi. Mon souffle est bien trop court contre sa bouche, et mes gémissements se mêlent à la supplique que je répète en boucle.

Je bois ses larmes, ne quitte sa bouche que pour inspirer et embrasser ses joues, revient cherche ses lèvres avec un gémissement de dépendance. J'imagine qu'on se dit qu'être celui qui quitte rend les choses plus faciles, et bien, scoop, ce n'est pas forcément vrai. J'ai souffert aussi de ma propre décision, de l'éloignement et rien ne m'a été plus dur que de respecter ce choix que j'ai fait. D'ailleurs il a suffit qu'elle réapparaisse dans mon champs de vision, à ma portée, pour que je sombre à nouveau sous le joug de la passion. J'ai tenu en l'imaginant heureuse, en l'imaginant délivrée de ma folie, de ma violence, de mon égoïsme. J'ai tenu parce que je nous faisais sombrer tous les deux quand nous étions ensemble, que je n'arrivais pas à nous maintenir à flots. J'ai tenu parce que ma dépression était destructrice pour elle comme pour moi. Mais aujourd'hui, ici, apaisé dans mon univers j'ai l'espoir fou d'une seconde chance.

Le plaisir grimpe crescendo sans sembler vouloir cesser et j'embrasse Nina comme un fou, dépassé par l'amour que j'éprouve pour elle. Mes coups de boutoir ralentissent un peu plus alors que j'encadre son visage dans ma main, que je plonge plus profond entre ses cuisses d'un geste sec, dur, qui la cloue au lit. Je la fais mienne, possessif, nous écrasant de plaisir, de frustration, du désir de la délivrance. "Tu es à moi" Encore, encore à chaque coup de rein plus fort, "tu es à moi" , à chaque fois que ma queue se fraye un chemin dans ses chairs qui m'accueillent "tu es à moi" a chaque fois que je m'enfonce en elle, que nos corps s'acceptent, se nouent, se fondent"tu es à moi" , jusqu'à l'orgasme qui me ravage, m'emporte dans un cri "tu es à moi!". Je m'effondre sur son corps moite, le cœur battant la chamade, frissonnant et secoué de sentiments que je saisis pas vraiment, maelstroms insaisissable, incontrôlable aussi. Je viens la prendre beaucoup plus tendrement dans mes bras, l'embrasser avec douceur en repoussant ses cheveux collés de sueur. "ti si moja Nina, ti si moja, ti si moja." Je reprends mon souffle et les mots se bousculent sans que j'y pense, spontanés et sérieux "je veux que tu remettes ton alliance."

​J'accueille chaque coup de rein d'un "oui" marqué qui l'implore de continuer mais répond aussi à son affirmation. Moi non plus je n'ai jamais cessé d'être à lui, seulement j'étais obligée de faire semblant, parce qu'il ne voulait plus de moi. De quoi aurais-je eu l'air à garder l'alliance d'un homme qui m'avait laissée pour quitter le continent ? J'ai dû lutter durant des mois pour ne pas chuter, pour ne pas m'accrocher à son souvenir qui me faisait sombrer, pour l'oublier parce que c'était ma seule chance de survivre. Il n'imagine pas à quel point il m'est douloureux de renier ces quatorze mois d'efforts acharnés en acceptant de m'en remettre à lui, il n'imagine pas à quel point ça me fait peur.

C'est triste à dire, malsain peut-être mais c'est toujours grâce au sexe qu'il est parvenu à obtenir de moi ce qu'il voulait, dans le sexe qu'il est parvenu à me soumettre. Et aujourd'hui encore c'est ce qui fait que je rends les armes. La boule de chaleur enfle dans mon ventre, déploie des lianes de feu dans mes nerfs qui m'arrachent des gémissements que j'essaie en vain d'étouffer contre sa peau. La vague qui le fauche m'emporte avec lui et la violence de l'orgasme -et surtout des sentiments qui l'accompagnent- me coupe le souffle au point qu'aucun son ne passe mes lèvres. Je tremble comme une feuille dans ses bras, les cuisses trempées de nos fluides, le corps trempé de sueur, les joues trempées de larmes. Je pose mon front contre le sien, vidée de toute énergie, épuisée parce que ça fait deux jours que je n'ai pas fermé l’œil. Je cède sans réfléchir, sans même songer à lutter. D'accord, vais la remettre...

C'est difficile de lutter contre elle quand je me sens si coupable, c'est difficile de passer outre ses mouvements d'humeurs, ses regards noirs et ses réponses parfois blessantes quand je sais que je les ai méritées. Comment retrouver ma place, si ce n'est dans le sexe quand nos corps parlent pour nous, quand on passe outre nos peurs, mes remords et ses angoisses. Elle accepte et je la récompense du plus doux des baisers. Ce soir elle vient au Pussynight et c'est très important pour moi qu'elle y vienne avec son alliance, qu'elle y vienne comme ma femme. Je ne veux pas qu'on soit juste un couple à la dérive, non, je veux reprendre ma place, redevenir son ancre et elle la mienne. je sais bien que je ne le mérite pas, je le sais, mais je brigue quand même tout ça.

Je prends ses mains dans les miennes et les embrasse avec ferveur, avec amour. J'éprouve de la gratitude qu'elle accepte de remettre son alliance, et un émerveillement sans faille pour cette femme qui me fait chavirer. Je me cale sur le flanc et l'attire vers moi, mon visage près du sien pour mieux la manger du regard tandis que caresse très lentement sa peau, son bras, son épaule, doucement. Je joue avec une mèche de cheveux, surveille les émotions sur le visage de Nina, l'étudie avec beaucoup de gravité. Après un temps infini, dans la pénombre de la chambre, dans la même posture intimiste, je parle d'une voix basse, grave, sérieuse "je sais que c'est difficile à comprendre srce... je sais que tu ne me crois pas mais je vais quand même te le dire parce que c'est important. Je suis à toi, j'ai toujours été à toi. Je suis parti c'est vrai, mais j'ai toujours été à toi. Je ne me suis donné qu'à toi Nina, je parle pas sexe, ça compte pas si c'est que du sexe, je te parle de moi srce. de nous. C'est à toi que je suis, ce sera comme ça toute ma vie. Et je sais que tu es à moi Nina. Je le sens. Tu peux t'en défendre mais on est l'un à l'autre, et tu verras, ça va aller mon amour, parce que rien ne peut changer ça." Je crois que c'est la plus longue tirade sentimentale que j'ai jamais dite. En tout cas en quatorze moi c'est certain !

​La décharge de plaisir met mes nerfs à vif, et il me faut un peu de temps pour reprendre mes esprits, sécher les larmes sur mes joues. Je lui suis déjà reconnaissante de ne rien dire, de ne pas me demander de ne pas pleurer parce que je crois que j'avais furieusement besoin que ça sorte. Étouffer ses émotions ça ne fonctionne jamais longtemps, surtout chez moi qui suis de toute façon hyper-émotive. Je l'écoute, attentive quand il débite ce monologue qui me surprend, je ne suis pas habituée à ce qu'il parle aussi longtemps, ni à ce qu'il fasse des déclarations... Souvent il me couvrait de mots d'amour mais sans que ça ait de réel sens global, ce ne sont que de jolis mots susurrés en boucle.

C'est le genre de tirade qui pourrait dangereusement me faire pleurer encore mais heureusement je crois que je suis arrivée au bout pour aujourd'hui. Je sais pas si ça va aller... Je préfère être honnête, contrairement à lui je n'ai pas envie de faire des promesses que je ne pourrais pas tenir. En revanche j'ajoute un ton plus bas, d'une voix vibrante d'espoir : Mais j'aimerais que ça aille, je voudrais vraiment que ça aille... Je soupire, reviens me serrer un peu plus fort contre lui malgré le fait qu'on crève de chaud sous la couverture parce que j'ai trop besoin de ses bras là, tout de suite. Est-ce qu'il y en a d'autres...? Est-ce qu'il y en aura d'autres ? Il dit que ça ne compte pas si c'est seulement du sexe alors j'ai besoin de savoir si on est toujours sur la même longueur d'ondes de ce côté-là ou pas... Est-ce que c'est toujours exclusif entre nous ?

Je ne lui demande pas de feindre parce que c'est quelque chose dont j'ai trop besoin, sa sincérité, son honnêteté. J'ai déjà du mal avec les émotions, alors si elle m'embrouillait en les dissimulant ou à l'inverse en les simulant, je crois que je ne m'en sortirais pas ! Ses larmes me tuent à chaque fois mais jamais je ne lui demanderais de ne pas pleurer et quand je le fais c'est plus pour l'apaiser que pour réellement étouffer ses sentiments, son besoin d'extérioriser. Je me contente de la bercer, de la câliner, parce que je sais combien elle a besoin de ça même quand elle ne le dit pas et moi j'ai besoin de compter pour elle, d'être celui qui la console puisque je suis celui qui la blesse.

Je me doute bien que mon discours ne va pas tout arranger juste parce que je le veux. Je comprends ses blessures, ses peurs, j'en ai aussi. Mais je crois important de lui dire que je l'aime, que je la veux et que je suis toujours à elle. Rien n'est évident en fait, alors si je ne le dis pas, elle ne le saura pas. Je repousse ses cheveux en arrière d'un geste un peu tendre et doux à la fois. "je te dis que ça va aller têtue créature." Je l'aime à en mourir en cet instant précis, je ne suis pas très sur qu'elle s'en rende compte. Elle n'a jamais eu beaucoup de confiance en moi, sans doute parce que je n'en ai pas moi même beaucoup, et parce que je ne suis pas fiable, ça c'est confirmé.

Je ne comprends pas tout de suite de quoi elle me parle parce qu'il n'y a qu'elle et moi, le reste du monde ne compte pas quand je la tiens comme ça dans mon giron, quand on se confie des choses aussi intimes et graves. "D'autres quoi ?" Quand je comprends, un peu aidé, je fronce les sourcils, perturbé par la question. Je m'évarte juste pour mieux la regarder, croiser son regard, le mien s'ombrant d'une inquiétude. "pourquoi tu me demandes ça ?" Je pense étrangement à son travail, ce rendez-vous où je l'ai accompagnée, la main de l'homme sur sa chute de rein, le long de son flanc.

Je hoche doucement la tête, il a plutôt intérêt à être sûr de lui sur ce coup-là, que ça lui plaise ou non c'est à lui d'avoir cette assurance que ça va marcher cette fois, moi j'en serais bien incapable. Mais je veux croire que mon désir de nous donner une autre chance représente déjà beaucoup. Cette fois j'ai besoin que ce soit lui le moteur de notre couple, parce que ç'a toujours été moi mais que je n'en ai pas encore la force aujourd'hui. Peut-être que ça reviendra avec le temps, je l'espère sincèrement.

Je vois bien qu'il ne comprend pas le sens de ma question et je tente d'expliciter : D'autres... personnes dans ton lit, dans tes bras... Le fait qu'il ne réponde pas non tout de suite n'est pas pour me rassurer et je souffle tout bas, en cherchant mes mots, gênée de l'admettre : Je me suis souvent demandé si tu... Si tu étais parti pour ça... Parce que l'exclusivité ne te convenait plus... Parce que tu avais envie d'autres bras... Il était extrêmement jaloux mais il me reprochait de l'être moi-même. Et comme sa lettre succincte ne m'a donné que peu d'explications, j'ai bien eu le temps d'imaginer des centaines de scénarios différents. Je fronce les sourcils. Alors j'ai besoin de savoir si... S'il y en aura d'autres...

Je suis sincèrement surpris. Je ne pense pas lui avoir donné des raisons de me croire heu...volage ? J'ai toujours respecté cette clause d'exclusivité dès le premier jour où elle me l'a signifiée d'ailleurs, avant même que je me sache jaloux, avant même que je sache comment fonctionne une relation durable - aussi durable que je puisse faire. "Bien sur que non il n'y a personne d'autre que toi. Je baise personne d'autre Nina." Je ne suis pas sur d'avoir envie de lui retourner la question, qu'elle la pose me perturbe déjà beaucoup, ouvre une boite où il y a trop de questions"Et ça a jamais été ça, pour ça..." J'esquisse un sourire ironique, refuge quand je suis blessé mais que je ne veux pas le montrer. "faudrait vraiment que je sois...nymphomane c'est comme ça qu'on dit ? "

Je me tais, laisse le silence flotter dans l'air. Je ne le sens pas contraint ou lourd, seulement rempli de questions inexprimées, peut-être qu'elles n'ont simplement pas de réponses. Comment est-ce qu'elle me voit aujourd'hui ? Je n'ai même pas su comment elle me voyait avant. Son mari. Ça voulait, ça veut dire quoi pour elle ? Finalement à ressasser doucement je finis par demander d'une voix prudente, le plus neutre possible. "et toi ? Je veux dire...ne serait-ce qu'avec ton travail. Comment ça va se passer ?"

Il a l'air surpris mais je ne trouve pas que ma question soit si étrange que ça, après tout il fréquente beaucoup de putes, et je suis certaine qu'il en profitait avant que je débarque à Sarajevo... Alors je ne serais pas surprise qu'elles continuent de le chauffer et qu'elles ne s'attendent pas à ce qu'il refuse leurs avances, surtout. J'ai toujours préféré que les choses soient claires entre nous. J'ai jamais voulu te partager, je le veux toujours pas aujourd'hui... Je finis par souffler comme un aveu. Je sais ce que je veux, mais je ne sais pas ce qu'il m'autorise ni comment il voit les choses, est-ce que je peux me permettre d'être jalouse ? Est-ce que je peux défendre mon territoire ou bien les filles se foutront de ma gueule parce qu'il les baise entre deux missions ?

Je ne suis pas vraiment surprise qu'il me retourne la question, surtout par rapport à mon boulot en fait. Je glisse ma main dans ses cheveux doucement en secouant la tête. Moi non plus Slavo... Et pour le taf la dernière fois c'était... exceptionnel. Et si je devais encore avoir des ennuis du genre je me débrouillerais autrement. C'est quelque chose qui tombe sous le sens à mes yeux mais je comprends qu'il ait besoin d'être rassuré. Je peux pas me présenter comme ta femme et me montrer aux bras d'autres types, je ferais jamais une chose pareille. Je tends le cou, frotte doucement mon nez contre le sien dans un geste tendre, qui vise surtout à me donner le courage de dire la suite je crois. C'est avec toi que je veux être et... Je veux que tout le monde sache que je suis avec toi...

"Mais je sais bien que tu n'as jamais voulu Nina et je l'entendais pas autrement..." Est-ce que j'ai tellement changé que ça qu'elle me pense idiot au point de risquer notre fragile relation ? Ce n'est pas très flatteur pour moi dans tous les cas. Il y a toujours eu un sans Nina, et un avec Nina, et c'est certain que je ne suis pas du tout le même. En tout cas, je n'ai jamais fréquenté les putes dès que Nina m'a signifié qu'on était ensemble et exclusif, je ne l'ai jamais trompé. J'dis pas que je suis un saint et que je n'ai pas parfois eu des tentations, mais j'ai toujours respecté ce point scrupuleusement. "ça me semblait évident." Ce qui me fait peur c'est que ça ne le soit pas ! Vis à vis de moi, ou d'elle ? D'où ma question concernant son taf.

Je hoche la tête gravement. Moi aussi peut-être bien que j'ai besoin que les choses soient claires à présent. Je la dévisage avec sérieux "Donc, tu vas te présenter comme ma femme ?" Elle s'appelle Nina Sykes, moi Drazavic et on est marié sous le nom de Kovacs, tu parles d'un imbroglio !  Mais je veux qu'elle soit ma femme sans doute possible, je veux qu'elle mette son alliance et qu'on se présente comme mari et femme. C'est notre seule légitimité aux yeux de mon père (mon oncle s'en fout !) et j'y tiens énormément. Je ne veux pas qu'on pense qu'elle est libre, disponible. Je ne veux pas qu'elle aille à des soirées au bras d'un autre, ça je suis entièrement d'accord avec ça.Je ferme les yeux mi clos à son geste tendre. Je n'ai pas eu de ces gentes tendres comme ça depuis quatorze mois et ça me serre bizarrement le cœur et les tripes. Quelle chochotte Kovacs !  "Pareil pour moi, je veux qu'on sache que t'es ma femme et que je suis ton mari." Sinon je ne lui aurait dit de venir au Pussynight ce soir. Ce soir c'est très sérieux. J'espère qu'elle s'en rend compte.

Je fronce les sourcils, étonnée par sa question. Comment voudrais-tu que je me présente autrement...? Il m'a demandé de remettre mon alliance, à mon sens le reste coule de source... Le nom de famille que j'utilise n'a pas tant d'importance, je ne suis même pas forcée de le donner, il n'a besoin que de dire que nous sommes mariés, rien de plus. Je ne suis de toute façon pas certaine de vouloir m'appeler Drazavic, et il est trop tôt pour faire la moindre démarche de changement... Il y a une semaine je voulais encore qu'il signe les papiers du divorce. Rien n'est acquis à mes yeux, c'est encore un essai dont je ne sais pas ce qu'il donnera... Je sais seulement que je n'en sortirais pas indemne, quoiqu'il advienne.

J'esquisse un mince sourire, mal assuré mais présent tout de même. Alors on fera en sorte que les gens le sachent... Tout le monde risque juste de se demander d'où je sors mais c'est une autre histoire. Même si j'en ai envie, j'appréhende beaucoup de rencontrer son père, de revoir son oncle aussi... Leur influence sur lui m'a toujours terrifiée et son éloignement n'a rien fait pour arranger les choses malheureusement. Je me serre un peu plus étroitement contre son torse, emmêle mes jambes aux siennes dans un besoin de câlin que je m'autorise enfin à assouvir. Ça va bien se passer... Ce sera peut-être un peu étrange le temps de prendre nos marques mais ensuite je suis sûre que ça va aller. Je n'en suis pas sûre du tout mais à force de le répéter je finirais bien par m'en convaincre !

Je ne réponds pas. Je veux qu'elle se présente comme ma femme, mais je ne sais pas, plus, ce qu'elle veut elle. J'ai foncé tête baissé quand je l'ai vue, j'ai couru à NY parce que je n'imaginais plus passer encore un seul jour sans elle. Mais au fond, je n'ai jamais su ce qu'elle voulait, elle. Je sais qu'elle a peur, qu'elle a certainement plus de moments de doutes que de sérénité, j'en rends bien compte, je ne suis pas crétin à ce point. Et il y a ce flou artistique entre nous parce qu'on avance dans le brouillard sans trop savoir où on va. Moi je m'en moque tant qu'elle me tient la main et qu'on y va ensemble.

"je sais que ça va bien se passer" c'est un pieu mensonge, il en faut dans la vie pour ce donner ce courage nécessaire à la vie. Je l'ai appris très jeune, sur le champ de ruines de ma ville, cette ville, ici. On fait semblant d'y croire, on y croit, et puis ça marche. Alors je fais la même chose parce que je désire que Nina et moi ça fonctionne. Mes bras refermés autour d'elle, je touche sa peau douce, l'enveloppe d'amour. Je cherche sa bouche pour un baiser doux, quelque chose qui contient une promesse, un espoir non formulé. Mon front posé contre le sien, les yeux clos, je la respire, écoute nos cœurs qui battent à l'unisson. C'est très étrange de ne plus se sentir seul. j'ai toujours été coupé en deux dans ma vie, l'homme de meute, évoluant parmi les  frères d'armes, et le loup solitaire ayant à la fois besoin de son espace et en souffrant. Nina peut réconcilier ces deux parties de moi. "On a déjà un super appart' et ce soir tu viens...ça va bien se passer. Ja volim te srce."

Le temps s'étire en câlineries, en somnolence, en nouvelle étreinte aussi, plus sensuelle, jusqu'à ce qu'il soit l'heure pour Nina de se préparer pour son rendez-vous. Du coup, je me prépare aussi, j'irais au Pussy avant l'ouverture.

Ses câlineries me font du bien et je crois que c'est la première fois depuis nos retrouvailles que je m'autorise à me laisser aller vraiment dans ses bras, pour autre chose que du sexe je veux dire. Il réapprend ma peau, et moi je ré-apprivoise ces sensations oubliées, la douceur, la tendresse, les bouffées d'amour qui me soulèvent la poitrine quand je plonge mon regard dans le sien. J'ai cruellement manqué de ces moments durant lesquels on passe de longues heures à ne rien faire d'autre que s'embrasser, se câliner, se murmurer des mots d'amour aussi... J'ai du mal à quitter ses bras quand il est l'heure pour moi de me préparer mais je m'y résous parce que je ne peux pas me permettre de faire n'importe quoi. Je lui demande de valider ma tenue puisque je dois le rejoindre plus tard, j'ai envie d'opter pour une petite robe noire à l'image de celle que je portais le jour de notre rencontre, rien de trop vulgaire, rien de trop luxueux non plus. Une fois qu'on est prêts tous les deux, on file chacun de notre côté.

Il est finalement plus de 23h30 quand je parviens à me libérer enfin pour rejoindre le club. Je me caille sévèrement, mais je fais les choses correctement en l'attendant devant l'entrée de la boîte... Je lui envoie juste un SMS pour le prévenir que je suis là, en espérant qu'il ait du réseau et qu'il lise rapidement le message !

Je pars en même temps que Nina, la laissant aller à son boulot avec un pincement au cœur. C'est très compliqué pour moi de gérer ce que je ressens. Si je me laisse aller, je deviens une putain de guimauve, c'est une vraie tare ! Si je me bride, si je garde mes barrières bien en place, je passe pour un putain de psychopathe et bien sur Nina me déteste. Le juste milieu n'existe pas. Je ne sais pas comment je vais faire au Club.

Une fois là-bas, avant l'ouverture, je vais au QG et je consulte le planning. Je mange aussi, j'ai avalé un demi-sandwich tout à l'heure, ça ne compte pas vraiment. Je bois, je me mêle aux autres pour étouffer mon anxiété. On passe coté boite de nuit à l'ouverture et on reste entre nous, clanique à veiller sur notre petit monde. Les filles bossent dans les vapeurs sucrées de la fumée que le DJ s'amuse à lâcher au rythme de sa musique Electro, brute, grinçante. La drogue passe de main en main, je repousse une fille trop entreprenante en l'envoyant bosser mais Camenko la récupère au vol pour une gâterie dans les chiottes. je le regarde s'éloigner avec un sourire indulgent.

A partir de 23h je suis sur les nerfs. J'attends le sms de Nina, et je garde mon téléphone dans la main pour être sur de ne pas le louper. Quelques camarades me charrient et je dois avouer que ouai, j'attends quelqu'un. Quand enfin j'ai son sms, je bondis pour traverser la boite, je fends la foule comme un bulldozer pour rejoindre Nina dehors avant même qu'elle se fasse alpaguer par un videur trop zélé. Je le repousse d'une brève parole "elle est avec moi" Dieu que Nina est belle et que je suis fébrile et anxieux de la présenter. Je l'embrasse pour me donner du courage, nous donner du courage et je l'enlace pour l’entraîner à l'intérieur dans l'ambiance surchauffée de la boite. "Viens, je vais te présenter mon frère !"

Je suis hyper anxieuse. Dire que je n'aime pas les Tigrovi serait un euphémisme. Je les trouvais déjà nocifs pour Slavenko quand on était dans le Bronx, et autant dire que mes quelques interactions avec eux n'ont pas été bonnes puisque Mirko s'est toujours arrangé pour me faire comprendre que je n'étais pas la bienvenue... Disons que ça n'aide pas vraiment à être indulgente. Dans une autre vie, j'aurais pu les apprécier je crois, malgré ce qu'ils font pour vivre... S'ils avaient fait en sorte de me mettre à l'aise, si le fait d'être mariée à Slavenko avait fait de moi un membre de leur famille. Mais ça n'a jamais été le cas. La suite on la connaît puisque mon mari m'a abandonnée pour eux, estimant que c'était plus simple que de se battre pour concilier les deux, pour que je sois acceptée. Forcément, ça me reste en travers de la gorge et tout ce que je fais aujourd'hui n'est qu'une putain de mascarade. Une partie de moi prie pour que tout se passe bien, parce que je sais que sinon je perdrais Slavenko une nouvelle fois... L'autre partie crève d'envie de leur dire à tous d'aller se faire enculer.

Voilà, c'est l'état d'esprit très ambivalent dans lequel je me trouve en attendant que Slavenko me rejoigne. Heureusement, il est rapide à le faire, je crois que j'aurais pu changer d'avis entre temps ! Son baiser ne fait que rendre sa fébrilité contagieuse et me crispe à la mention de son frère. Ok Nina, pas de préjugés, allez. La chaleur qui m'enveloppe quand on passe la porte est étouffante, mais pas autant que les regards braqués sur nous. Certains se contentent de nous apercevoir brièvement, mais il y a des types qui nous matent avec une putain d'insistance qui me met hyper mal à l'aise.
​

On traverse difficilement la foule, et nous sommes presque au bar quand nous nous heurtons à Damir. "Salut Slavo, humm jolie, on s'est déjà croisé non ?" Je réponds aussitôt en anglais, ma main se crispant sur la taille de Nina pour la tenir fermement contre moi. "Oui, vous vous êtes déjà croisé. " "Ah la fille de l'autre soir..." Il dévisage Nina des pieds à la tête avec un intérêt marqué qui me déplaît. Je continue à répondre en anglais, en insistant "non, ma femme." La tête qu'il fait vaut tout l'or du monde. C'est la première fois que je vois sa mâchoire se décrocher de surprise ! Bien sur il sait que je suis- ou pensait-il que j'avais été - marié à une américaine. mais il ne se doutait surement pas qu'elle était à Sarajevo. Alors on n'est pas si bon agent de renseignement que ça Dam' ? J'ai un sourire assez railleur mais je fais les présentations - parce que Damir est mon supérieur hiérarchique et que je ne peux pas tout me permettre. J'ai beau être le fils du commandant, je n'en reste pas moins un simple soldat avec une espèce de statut bâtard alors j'arrondis les angles "Nina, ma femme, et ça c'est Damir, un lieutenant des Tigrovi. "


Une fois les présentations faites, j'ajoute "On allait voir Camenko, tu te joins à nous ? " Curieux, Damir acquiesce et nous suit alors qu'on gagne le coin du bar où squatte Cam et quelques tigrovi dont le jeune Cvetko, blessé l'autre jour au congrès. J'entre dans le cercle, Nina toujours sous ma protection très rapprochée. Tous les regards sont braqués sur nous et une salve d'exclamations en serbe partent quand je fais mon annonce dans un mélange de serbe et d'anglais, serbe pour certains de mes camarades qui ne parlent du tout anglais, et l'inverse pour Nina. "les gars, je vous présente Nina ma femme. Elle est américaine et parle pas le serbe - pas encore. Alors si vous pouvez parler anglais ce sera parfait. Et on voudrait bien une vodka ! " Je me tourne vers l'homme plus jeune qui me ressemble par sa stature, et je fais les présentations - Camenko lui est allé dans des grandes écoles et parle très bien anglais ! - "Nina, mon frère Camenko." j'ajoute avec un sourire "demi-frère mais on a décidé de laisser tomber le demi..." Ce qui n'était pas le cas à nos débuts houleux. Aujourd'hui, je le compte comme un allié. C'est lui qui a trouvé l'adresse de l'hôtel de Nina.

Le corps de Slavenko, massif, pressé contre le mien a au moins le mérite de me rassurer. Je ne sais pas pourquoi je m'attendais presque à ce qu'il me pousse en croisant un Tigrovi histoire qu'on ne sache pas qu'on est ensemble... Ou bien à ce qu'il me fasse passer pour une pute, c'est plus ou moins ce qu'il a fait lorsqu'on a croisé Damir pour la première fois. Le regard du lieutenant sur moi est beaucoup trop appuyé, mais je ne détourne pas les yeux. Il est peut-être le supérieur de Slavenko mais il n'est pas le mien. J'ai l'intention de faire au mieux pour que ça se passe bien et pour étouffer la petite fille en moi qui veut sans cesse défier l'autorité, en revanche je n'ai absolument pas l'intention de m'écraser devant qui que ce soit. Je me contente de hocher la tête en guise de salutations parce que Damir me bouffe des yeux comme si j'étais un morceau de viande et qu'il ne m'adresse de toute façon pas directement la parole. Je le range direct du côté des Tigrovi à éviter, ceux dont je dois me méfier.

Il a beau être bien plus imposant que moi et me dépasser de beaucoup malgré mes talons, cette fois Slavenko ne parvient pas à me dissimuler à qui que ce soit. C'est la première fois que qa présence ne me donne pas le sentiment de m'isoler du monde, parce qu'au contraire on me regarde parce que je suis avec lui. J'avise les Tigrovi, essaie de mémoriser les visages, attentive à la façon dont on me regarde. J'essaie de distinguer la curiosité, le mépris, l'avidité... Mais il fait sombre et ce n'est pas facile. Je me tourne vers Camenko, acceptant de me fendre d'un sourire parce que je ne suis pas stupide et j'ai cru comprendre qu'il était important pour Slavenko bien au-delà de son statut de Tigrovi. Enchantée. Ouais alors j'ai encore des progrès à faire en termes de discussion, ahem... L'un des gars me tend un verre -de vodka je présume- que je prends en balbutiant un remerciement. Je n'ose pas le remercier en serbe j'ai peur qu'il se moque de mon accent ! L'air de rien, je me serre un peu plus contre Slavenko, mal à l'aise.

 Camenko est curieux mais plus poli que mes certains de mes autres camarades. C'est que mon frère a reçu de l'éducation figurez-vous ! "Je suis ravi de vous rencontrer, Slavo m'a un peu parlé de vous..." je lui fais les gros yeux à quoi il répond par un sourire angélique. Camenko en sait un peu plus parce que c'est la seule personne à qui j'ai pu un peu me confier. Pas grand chose, mais certain soir de forte déprime alcoolisée, j'ai lâché le nom de Nina et le manque d'elle. On n'est pas toujours très malin quand on n'est pas sobre ! "Vous êtes en vacances à Sarajevo ?" Je secoue la tête négativement avec un peu trop de précipitation pour que ce ne soit pas louche. "Non, Nina vient vivre avec moi !" Je prends un gros risque en disant ça parce que si ça ne marche pas, si elle ne reste pas, j'aurais l'air malin...

J'avale mon verre de vodka et la conversation autour de nous dérive en serbe entre les Tigrovi présent - ils parlent de l'arrestation et du fait que c'est la fille Markovic qui nous a fait sortir et non pas le père -  mais Camenko lui parle à Nina en anglais. Il lui pose des questions somme toutes assez banales en apparence - sur comment elle trouve la ville, notre appart (pour lequel Cam m'a prêté de la thune, je crois qu'il fait le lien tout seul !) et sur son travail (il le sait très bien, je lui ai demandé de se renseigner sur une Nina Sykes proprio de Come With Me, et je le répète mon frère est loin d'être con). J'essaye d'écouter des deux cotés en même temps, mais ça se révèle foutrement compliqué !

J'arque un sourcil. Un peu ? Je ne sais pas si je suis surprise qu'il ait un jour mentionné mon nom, ou bien si je suis au contraire déçue qu'il n'ait fait que m'évoquer brièvement... Un peu des deux je crois. De toute façon la facilité avec laquelle il m'a rayée de sa vie a définitivement brisé quelque chose. Je ne le perçois plus de la même façon, et je me méfie beaucoup de ce qu'il peut dire ou faire. Je n'ai jamais eu confiance en moi, mais j'avais une confiance aveugle en lui qui a salement morflé. Ce qui m'emmerde, c'est que même quand tout va bien, soudain au détour d'une phrase ça me revient en pleine figure. J'essaie, difficilement, de faire abstraction et de discuter normalement, quand bien même j'ai envie de dire que je suis au départ venue pour affaires.

Je note qu'il a eu beau demander aux autres de parler en anglais pour que je puisse comprendre, ils ne s'embarrassent pas à le faire. Je ne peux pas dire que je suis surprise, et je vide mon verre de vodka pour me donner du courage. Fort heureusement Camenko tente de faire la conversation, ce qui aurait tendance à me le rendre sympathique si je ne me méfiais pas des Drazavic. Je préfère attendre avant de me faire un avis à son sujet. Moi aussi, je m'intéresse à lui, tente de l'interroger sans bien savoir quelles questions seront jugées indiscrètes. Il comprend très vite que je n'avais jamais entendu parler de lui puisque je lui demande s'il a toujours vécu à Sarajevo, ce genre de choses... On me ressert naturellement en vodka, que je vide toujours de la même façon. Finalement comme Slavenko discute un peu avec tout le monde il n'est plus accroché à moi et j'écarquille les yeux quand une nana bien trop peu vêtue vient se frotter ostensiblement contre lui.

Ce n'est pas vraiment de la mauvaise volonté de la part des autres. Déjà Nina est une femme et elle perd beaucoup d'intérêt dès lors qu'ils savent qu'elle est à moi et donc chasse gardée. En plus beaucoup des plus jeunes ne parle pas anglais ou mal (surtout qu'avec le bruit ambiant, c'est encore plus compliqué ) et finalement je crois que certains sont intimidés également. Heureusement Camenko ne l'est pas et je lui adresse un sourire reconnaissant de sa bonne volonté à papoter avec Nina. Camenko explique donc à Nina que non, il a fait une partie de ses études à l'étranger, comme la jeune femme dont les hommes parlent, une avocate, et d'expliquer en gros l'arrestation du meeting afin de faire suivre la conversation globale à Nina. Je crois qu'étrangement, jouer les interprètes ne déplaît pas à mon frère qui déploie son charme sous mon œil médusé. Cependant je ne suis pas inquiet ni jaloux de lui, j'ai surtout l'impression qu'une curiosité aimable le motive. C'est une bonne chose si Nina a déjà un allié.

Sonja nous rejoint et juchée sur ses talons de quinze bon centimètres, se colle à mon dos pour se pencher et me susurrer quelque chose qui me fait hausser les sourcils. Je me tourne vers elle pour l'interroger en serbe et elle a un petit geste de la main vers la porte arrière. je hoche la tête, touche son bras et lui montre à mon tour la porte en lui disant que j'arrive. Je préviens brièvement Nina. "Je dois gérer un truc, j'en ai pour une minute" Je rejoins Sonja qui s'est à peine éloignée et ondule avec habileté sur ses talons. Elle a agrippé mon bras et par dessus la musique, me parle de façon plus animé du problème qui l'agite. C'est souvent moi qui m'occupe des petits soucis des filles à l'étage. Surement parce que j'ai l'habitude, je ne m'énerve pas, je suis relativement juste aussi contrairement à d'autres Tigrovi. Ou peut-être est-ce l'aura d'être le fils du commandant, allez savoir. On grimpe l'escalier de service qui mène au bordel en haut, les chambres des filles où elles emmènent leurs clients quand ils payent pour autre chose qu'une gâterie vite fait dans un coin ! Une des nouvelles est en larmes, un client l'a un peu malmenée a priori. ça arrive. "Ok, elle est off ce soir, et je veux qu'elle voit le médecin, mais j'pense pas que ce soit grand chose. c'était qui le client ?" "Polokov. le russe..." "Ah...lui" Un ami des Tigrovi, dont nous avons besoin mais c'est pas la première fois que ça arrive. C'est gênant. En sortant de la chambre, j'ai un haussement d'épaules désolé et un sourire entendu pour Sonja. Je m'entends bien avec elle à dire vrai. Elle est arrivée à peu près en même temps que moi. On s'est habitué à cette vie tous les deux en même temps et j'ai souvent profité de ses services, c'est vrai. Encore récemment. Sauf que depuis que je suis allé à NY, je n'ai plus touché quelqu'un d'autre que Nina. Ça ne fait que quelque jours alors si les questions commencent, c'est encore discrètement. Sauf que ce soir, je suis accompagné d'une femme inconnue et visiblement pas du métier, ça va jaser. J'offre une clope à Sonja et on redescend dans la boite de nuit.

Je suis surprise -et vexée- d'apprendre par Camenko la façon dont le meeting s'est terminé. Parce que j'ai explicitement demandé à Slavenko comment s'était passée sa soirée et qu'il n'a visiblement pas jugé utile de me dire qu'il avait fait un tour au poste. Alors certes, je veux bien comprendre que ce ne soit pas forcément exceptionnel pour lui, mais merde, je crois que c'est le genre de "détails" qu'il aurait pu me mentionner ! J'essaie de ne pas laisser mon visage souvent trop expressif dévoiler mes états d'âme mais clairement ça me mine, parce que je viens tout juste d'arriver et j'ai déjà la sensation d'être mise à l'écart.

La suite, forcément, ne fait rien pour arranger cette sensation. J'ai le regard braqué sur la pute -je sais que c'en est une- qui se colle beaucoup trop contre Slavenko, qui ne semble lui pas dérangé un seul instant par sa proximité. Il fut un temps où il aurait vrillé de voir un type me coller de si près, je doute que ce soit encore le cas aujourd'hui. Il n'a qu'un bref regard pour moi avant de s'éclipser avec elle sans réelle explication. Je les regarde s'éloigner, cette salope accrochée à son bras comme s'ils étaient ensemble et je sens la colère bouillonner dangereusement dans mon ventre, à rendre mes mains moites, à oppresser ma poitrine. Ils ne partent pas longtemps mais mon angoisse grandit au fil des secondes, à tel point que je perds le fil de ma conversation avec Camenko. Parce qu'une seule phrase tourne en boucle dans mon esprit à présent : qu'est-ce que je fous ici ? Je ne peux rien dire, pourtant, elle n'a rien fait à part le toucher, comme elles doivent toutes avoir l'habitude de le faire depuis qu'il est ici, mais ça me donne des envies de meurtre. Sans doute parce que soudain j'ai une vision bien plus précise de ce à quoi a rassemblé sa vie. Je ne peux même pas le revendiquer, je ne m'en sens même plus le droit. Mon téléphone vibre au même moment, un message tout à fait banal de Dimitri que j'utilise pour m'excuser auprès de Camenko et me frayer un chemin jusqu'à la sortie avant que Slavenko ne soit redescendu.