[Niilo] Normal is just a cycle on the washing machine

07h24

Les yeux cernés par le manque évident de sommeil se posent, pour la énième fois, sur le distributeur de lessives. Soigneusement alignées, les différentes marques s'étalent les unes en-dessous des autres, l'appareil offrant une dizaine de choix. Agacée, à moitié penchée sur le distributeur, ce sont les gênes italiens en elle qui s'éveillent lorsque Maggy grommelle : Oh cazzo, sérieusement, douze lessives ?! Un soupir lui échappe et elle tend la dextre abîmée vers le distributeur, pour y glisser quelques pièces de monnaie et finalement sélectionner, au hasard, la première lessive proposée. On aurait tendance à penser que le choix de la lessive n'est pas d'une importance capitale, néanmoins un bref coup d’œil au panier à ses pieds, dans lequel gisent des vêtements tachés de sang, suffit à comprendre que ce n'est pas une décision si anodine.

Sa propre machine à laver ayant rendu l'âme quelques jours auparavant, et Maggy n'ayant pas eu le temps d'aller en acheter une nouvelle, elle se retrouve forcée de se rendre au lavomatic du quartier. On concèdera facilement que ce n'est pas l'endroit idéal pour ce genre de lessive particulier. Elle compte seulement sur l'heure matinale pour n'y croiser personne, un jour de semaine les gens sont en train de se lever, ou sur la route du travail, mais pas piégés dans une laverie. Son genou craque désagréablement lorsqu'elle s'accroupit pour ouvrir le battant de la machine à laver, et le tintement du carillon suspendu au-dessus de la porte d'entrée se fait entendre au même moment. Dans un soupir désapprobateur, elle s'empresse de fourrer son linge dans le tambour de la machine, en croisant les doigts pour que l'entrant.e n'ait pas eu le temps de s'attarder sur les taches vermeil qui le maculent.

Elle tourne la tête lorsque le carillon suspendu au-dessus de la porte d'entrée se fait entendre, fronce les sourcils sous le coup de la contrariété qu'elle ne cherche même pas à dissimuler. Qui, mais qui se pointe à une heure si matinale pour faire laver son linge ? Sérieusement, en-dehors d'une femme qui a de toute évidence quelque chose à cacher qui fait une chose pareille ? A cette heure-là il faut soit être en train de dormir, soit éventuellement de partir bosser, mais ce n'est pas le moment de venir traîner dans les laveries. Elle doit lever le menton bien trop haut pour voir l'armoire à glace qui entre avec ses douze mille clebs, sans exagération aucune bien-sûr.

Il s'accroupit à côté d'elle, ouvrant le tambour de la machine proche de la sienne, et c'est là qu'elle réalise son erreur. Une erreur de débutante, d'ailleurs. Elle aurait du vérifier que les autres machines étaient vides avant de lancer la sienne.

Le mystère s'éclaire lorsqu'il s'adresse à elle en anglais, la menant donc à la conclusion qu'il s'agit probablement d'un touriste. Elle hausse les sourcils, répond dans la même langue, non sans un accent prononcé. Hum, des règles hémorragiques. C'terrible. Il n'y a aucune gêne, aucune hésitation dans sa voix. Pourtant les règles qui tachent vos hauts plutôt que vos pantalons c'est pas courant, hein. Elle s'empresse de refermer la porte de la machine pour lancer un cycle intensif, et se redresse pour se poser sur un banc.