[Špiro] Darkness, my old friend.

Deirdre consulta l’heure sur son téléphone en soupirant rageusement.
Samson n’était pas venu, où alors il la prenait pour une grosse cloche. Il se permettait de temps à autre, pas régulièrement mais tout de même, de décommander ses rendez-vous sans lui en parler au préalable, probablement parce qu’il savait qu’elle détestait ça et qu’elle allait râler sa mère la pute, et encore plus probablement parce que sa situation sociale lui permettait. Le pouvoir que Deirdre avait dans le Bronx quand elle y travaillait était désormais bien loin, de telle sorte qu’elle devait faire profil bas.
Le départ récent d’Aidan pour affaires achevait de la mettre de mauvaise humeur.

Son prochain rendez-vous était dans deux heures ; pas assez pour retourner dans sa planque actuelle, et trop pour qu’elle aille vagabonder. De toute façon elle irait où ? Elle ne connaissait encore personne ici, bon sang. Se résignant, Deirdre décida d’attendre au coin du bar, juchée sur son haut tabouret comme un oiseau de mauvais augure avec son whisky posé bien sagement de côté. Sortant sa pipe, elle songea avec quoi elle allait la bourrer quand elle se rendit compte qu’elle avait perdu ses allumettes. Grinçant entre ses dents, elle se résigna une fois de plus, cette fois-ci à être sociable, truc de fou ! Et à s’adresser à son voisin de comptoir.

« Scuze, t’as du feu ? »

La musique qui tape dans les caissons du club, tu inspires profondément l’odeur de ces corps qui se glissent contre le tien. Un sourire étire tes lèvres, tu as perdu Reina quelque part dans la foule, vous vous retrouverez au petit déjeuner, ton compagnon de nuit se sera envolé, le sien sera probablement gêné de te retrouver, et tu riras encore. La vie est douce tant qu’elle est insouciante.
Tes cheveux sont nimbés de l’odeur de la transpiration des autres, et tu poses un baiser audacieux sur une bouche qui passe par là. Oops I did it again. Tu entends les notes de la chanson américaine dans ta tête, et tu disparais du champ de vision de cet éphèbe qui cherche déjà à savoir qui l’a embrassé.

Difficilement, tu sors de la foule, tu te fraies un chemin jusqu’au comptoir du bar. Il faut que tu boives quelque chose, la drogue et la chaleur ne font pas bon ménage, et tu veux pouvoir rentrer chez toi en toute conscience ce soir. Il n’est pas question de laisser quiconque pouvoir abuser de toi.
Tu t’accoudes au comptoir, commande un verre plein d’alcool différents, de jus colorés, de sirop très sucrés, ça sera au bon vouloir de l’homme qui sert. Etonné, et l’ouïe défoncée par la musique, tu te tournes, étonné, vers une fille qui cherche du feu. Ta main ramène l’interminable chevelure d’ébène en arrière et tu sors de l’une des poches de ton jean un petit briquet: - Tiens, jte le laisse. Tu fumes avec ça? Tu t’intèresses, curieux. - Y’a des vrais gens qui fument la pipe? C’est fou.
Dire que tu pensais que c’était une légende…