Are you happy now ? - Yu&Nina

Nina est mon amiE et c’est bien la seule raison pour laquelle j’évite d’être trop cru avec la demoiselle parce qu’elle n’a pas besoin de savoir que j’ai envie de coucher avec n’importe qui tellement ça fait longtemps que je n’ai rien fait.

C’est aussi une chose dans laquelle il faudra que j’investisse, la voiture. Je ne peux pas constamment faire mes déplacements à pieds et même si la ville n’est pas énorme, y’a bien un jour où je me lasserais de marcher. Celle que j’avais à New-York était vieille, puait le tabac froid et avait des sièges sales et enfoncés tellement elle avait servi. Mais malgré tout, elle m’a toujours amené là où je voulais sans jamais avoir un seul problème, je la regrette amèrement maintenant. Comment ça t’as plus de voiture ? La manière dont laquelle elle amène la chose me laisse croire qu’il y a quelque chose à raconter derrière et comme de toute façon Nina et moi nous disons pratiquement tout, il me semble logique de poser la question.

Ouais putain ça caille… Dis-je alors qu’un frisson me rampe dans le dos. Nous traversons une bonne partie de la ville et au bout d’une quinzaine de minutes, nous arrivons à notre destination. J’ouvre la porte à Nina et m’engouffre dans le snack tout de suite après elle, me repentant de la chaleur environnante en me frottant les mains activement. Je soupire longuement. Putain ça fait du bien d’être à l’intérieur… Ca va ? Je lui demande, la fin du chemin ayant été assez silencieux, chacun essayant, j’imagine, de garder les mâchoires bien fermées pour éviter de claquer des dents.

J’ai appris à déchiffrer les mots de la brune au fur et à mesure que notre relation s’est renforcée. Alors, à l’instant même où elle me dit que ce n’était rien de grave, je sais qu’il y a eu quelque chose qu’elle ne souhaite pas me dire et même si Nina est très bonne menteuse, il n’y a jamais une seule fois où elle prononce le prénom de Slavenko sans que je me méfie de ses paroles. Mais soit, elle ne veut pas en parler, nous n’en parlerons pas, c’était un accident, j’en reste là. C’est surtout des tacos et de la bouffe mexicaine. Tout à fait en accord avec la décoration d’ailleurs, même les gars derrière la caisse ressemblent à des mexicains, la moustache bien en raccord. Les mains dans les poches, je me mets à regarder les écrans qui se trouvent derrière le comptoir pour choisir ce dont j’ai envie et franchement, absolument tout me fait saliver. Je vais prendre l’original et toi ?

On va s’installer juste après avoir été servis et j’ai choisi une place près de la fenêtre, manière de ne pas être trop proche des cuisines. Je commence par boire un coup dans mon soda et défait mon tacos de son emballage avant de regarder Nina et parler. Ecoute, j’ai un peu réfléchi pendant qu’on marchait et la formation me tente vraiment alors tu me donneras la marche à suivre et je le ferais, okay ? Avec le fait d’avoir quitté NY, un nouveau taf qui s’offre à moi marque réellement le changement que je veux effectuer dans ma vie et je ne l’ai jamais désiré si fort que maintenant.

Je lui souris. Ca devait être génial le Mexique. J’y suis jamais allé. Et je suis jamais parti réellement en vacances ou bien peut-être une ou deux fois quand j’étais môme, avec l’école. Mes parents n’avaient pas les moyens, ou en tout cas c’est ce que mon père nous faisait croire. En y repensant, avec ses trafics, l’argent devait aller tout droit dans ses poches sans même que ma mère puisse en voir la couleur. Peut-être même qu’il cachait ses coupures et que la personne ayant racheté notre maison est actuellement en train d’en profiter. Quelle enflure, en plus de nous rationner, il était d’un égoïsme sans pareil, j’comprendrais jamais comment ma mère a pu vivre autant de temps avec ce macho. Je ris légèrement à la remarque de Nina. Non t’inquiète, tu peux choisir l’intensité des épices.

J’ai jamais eu réellement envie de m’en sortir auparavant parce qu’il y avait trop de choses qui me tiraient vers le bas et chaque jour qui passait était comme un rappel de cette vie de merde que j’ai vécu. Mais aujourd’hui, tout me semble différent, comme une page de tournée vers quelque chose de moins difficile à vivre, peut-être même qu’il s’agirait-là de la sagesse de la trentaine ! Excellent, j’pouvais pas mieux trouver j’crois. Puis entre nous, j’déteste faire la plonge. Je défais mon tacos de son emballage en papier avant d’en arracher un bout littéralement. Bon ap’ !

Ouais, tu m’avais dit. T’as été voir un pote là-bas, c’est ça ? On en avait brièvement parlé quand elle était finalement revenue. Nina n’est jamais vraiment partie sans m’en informer et c’est drôle comme on a pris nos habitudes elle et moi, comme si on avait besoin d’en savoir un minimum sur le quotidien de l’un et de l’autre pour être rassurés. C’est donc ça être de véritables amis ? Maintenant que j’y pense, j’aurais vraiment du aller y faire un tour pendant que j’étais encore à NY, pis ça s’trouve, on aurait pu y aller ensemble. Je ne regrette pas mais j’aurais pu découvrir quelque chose d’autre, une vie différente et rencontrer des gens tout aussi différents. Quand j’y pense, Eden est vachement téméraire de partir seule sans vraiment avoir de date de retour parce que même moi, je ne l’aurais jamais fait.

Eh, y’a des gens que ça dérange pas, j’te jure ça existe. J’ai pas d’exemple à donner, là, maintenant, mais je suis sûr qu’y’en a plus que ce que l’on ne peut croire. Je fais une grimace quand Nina me parle de NY. Tu veux vraiment que je te dise ? Rien du tout. A part Eden, toi et les quelques locataires qui voulaient bien me parler, j’m’intéressais à personne donc tu sais... Y’a rien eu de spécial. J’ai continué un peu à me faire du blé pour pouvoir partir et pas être à la rue, payer mes dettes et… Voilà. Pas mal de personnes sont parties à peu près en même temps que toi. Foncièrement, j’avais plus rien à faire à NY et tu me connais, même si je fais genre, j’ai toujours eu besoin de repère et au Bronx j’en avais plus du tout… Alors tu vois, ici, j’ai Maggy; ma cousine, je t’ai toi aussi et j’crois que c’est déjà suffisant. Je suis tombé dans les sentiments, un peu. Je m’éclaircis la gorge et bois un grand coup dans mon soda avant de reprendre, changeant de sujet. J’ai vu ton mari hier et devine quoi ? On s’est même pas embrouillés. J’avais même pas envie de le frapper et j’crois que lui non plus, c’est dingue, tu trouves pas ? Tout est sur le ton de la plaisanterie mais au fond, je suis vraiment surpris agréablement par la tournure que notre rencontre a pris hier, comme deux adultes totalement normaux en fait…

Sly… Ca ne me dit vraiment rien ou alors ça a été très furtif lors de nos conversations avec Nina. Mouais, nan j’vois pas. Et putain, elle a foutrement raison, il est jamais trop tard pour voyager et découvrir mais ce qui me bloque profondément c’est le fait d’y aller seul, c’est pas mon envie et ni dans mes projets. Oui, c’est sûr mais j’me vois mal débarquer là-bas tout seul tu vois ? J’ai envie de partager ça avec quelqu’un et pas me retrouver comme un con quelque part où j’connais rien ni personne. Je suis sûr qu’elle peut comprendre ça. Je prends une gorgée de mon soda et continue de manger tout en écoutant Nina. Ouais, j’ai quelques nouvelles via les réseaux et quand elle veut bien répondre à mes textos. Elle est au Sri Lanka là… Hum non, attends, au Tibet ? Enfin bref, j’sais plus. Je fronce les sourcils et secoue un peu la tête, dérangé par le fait que je ne m’en souvienne plus. En tout cas j’crois qu’elle est beaucoup plus heureuse là-bas. Sous-entendu, beaucoup plus heureuse maintenant qu’avec moi ! Enfin bon, ça se voit ce genre de chose. Au Bronx, Eden était bloquée entre moi, son boulot et… Foncièrement c’est à peu près tout alors que c’est une fille qui a besoin de bouger, découvrir des choses, voyager et changer d’air régulièrement; Soyons honnêtes, je ne lui apportais rien de tout ça.

Ouais, grave… Puis c’est ma cousine, on s’est toujours super bien entendus, ça me fait vraiment plaisir de la revoir. Je me pense chanceux d’avoir Maggy dans ma vie parce que c’est certainement une des personnes les plus fidèles -on s’entend quand je dis fidèle…- et les plus dévouées pour sa famille au monde. C’est sûrement son côté italien qui fait ça. On s’est croisé dans la rue, j’venais de me faire mordre et il m’a raccompagné en bagnole. Même en y repensant aujourd’hui, j’y crois toujours pas, ça sonne vraiment faux dans ma bouche. Il a même été plutôt sympa avec moi. Ca y’est, t’as réussi à le mater ? Je ris un peu parce qu’on sait tous les deux que Slavenko est quelqu’un qui ne se laisse pas faire et qui ne changera pour rien au monde.

Je surélève les sourcils et réprime un commentaire. Rejoindre Eden ?! C’est vraiment risqué. Rejoindre Eden… -Je ris un peu- Ouais, moi ça me dérange pas, j’suis pas sûr qu’elle accepte, elle. Enfin, j’en sais rien, j’croyais la connaître mais au final c’était pas le cas alors tu vois, j’peux même pas te dire. J’préfère même plus en entendre parler. J’ai l’air radical ? Ouais, j’ai été blessé et pas qu’un peu. Après tout ce qu’on avait traversé je pensais qu’elle était plus à cette étape de sa vie, à vouloir rechercher la liberté à tout prix, je m’étais trompé.

Nina, tu m’écoutes ? Le chien… Je la regarde dans les yeux, les sourcils froncés d’incompréhension. Je me suis pas mal exprimé pour une fois, pourtant ! Je ris un peu. Tu crois vraiment qu’y’a un gars qui s’est jeté sur moi pour me mordre ? On est pas dans walking dead. Je lui souris, réellement amusé par la situation et je crois que ce que je ressens c’est un peu de bonheur quand je la regarde. Ouais j’ai ressenti ça un peu. Comme s’il me devait quelque chose tu vois ? Ca m’a franchement fait bizarre. Bon, on est pas potes pour autant hein, j’te rassure, ça ça changera pas. Je me vois très mal sortir avec Slavenko, boire des bières et fumer ensemble, rire et… Brrrr quelle horreur.