En quelle année on est ? / Lieven

Je me fais chier et je ne suis pas de super humeur pour des raisons diverses, variées, toujours justifiées si on m'écoute ; je viens de terminer un strip et je me rhabille en coulisses, vaguement félicité en serbo-croates par mes copines danseuses.
Je leur réponds en échange des souhaits de réussite, distraitement. J'ai pas retrouvé d'Anita en arrivant ici, il n'y a que moi pour faire chier le monde et gueuler comme une chouette ; c'est moins drôle qu'à New York mais un peu moins fatigant.
Rhabillé, et alléché par l'annonce d'une partie de cartes où je pourrais ptêt arrondir la fin de mois si je m'en sors bien, je sors d'un pas énergique dans le couloir.

Autant vous dire que je m'attendais à voir plein de gens gardant la porte menant à cette fameuse partie de cartes, ça aurait été ma mère – venue me récupérer par la peau du cul pour me marier de force à une russe exilée et tout aussi noble que moi – ça m'aurait moins surpris qu'elle.

« Lieven ? »

Mais qu'est-ce qu'elle fiche ici ? Et je suis sûr que c'est elle, c'est pas le genre de nanas à avoir un sosie – surtout un sosie qui aime autant le noir qu'elle. La partie de cartes totalement oubliée, je m'approche d'elle, entre surprise immense, contentement de la revoir ; elle fait partie d'une période de ma vie heureuse, alors forcément..

« Mais qu'est-ce que tu fais là ? »

Je serais même pas étonné qu'elle me réponde « je garde la porte ».

Si ma première soirée de taf dans cette ville était dans une boîte bien plus luxueuse et mieux fréquentée que celle-ci, le boulot était également moins payé... Et j'ai rapidement appris que le Pussynight, c'était The place to be à Sarajevo, et que s'ils payaient mieux leurs videurs c'était à la fois pour que ces derniers sachent tenir leur langue, mais également parce que c'est plus dangereux que les autres boîtes. Je n'ai pu me faire embaucher que sur recommandation, et encore, parce que leur molosse habituel s'est fait démonter la clavicule et se retrouve hors-service. Disons que ça peut en effrayer plus d'un, et je le comprends. Sur moi ça a plutôt l'effet inverse, je me frotte les mains, un sourire aux lèvres en voyant ça comme un nouveau challenge, voyez ?

Malheureusement -enfin ça dépend le point de vue je vous l'accorde- ce soir c'est plutôt calme et je dirais pas que je m'emmerde mais presque ! Et comme je garde l'une des salles intérieures, je peux même pas fumer une clope pour passer le temps. Donc je suis perdue dans mes pensées quand on m'interpelle, ce qui me surprend parce que peu de gens ici connaissent mon prénom.

Je tourne la tête, hausse les sourcils en croisant le regard clair d'Alyosha. Bah... 'Fin j'te retourne la question ! Qu'est-ce tu fous là ? Quelque chose me dit que sa présence est peut-être liée à celle de Niilo, ce serait pas complètement déconnant en fait... Enfin vu ta tenue je me doute de c'que tu fais ici, mais dans c'pays ?

Awful

Ma tenue ? … J'ai un rire clair, celui du Russe Blanc, typiquement, à la Lanterne ils doivent encore s'en rappeler :

« Quoi t'aimes pas mon costume ? »

Elle ne répond absolument pas à ma question, me la renvoyant directement, et je fais une pause dans ma marche pour discuter avec elle. Ces visages qui réapparaissent tous en même temps, c'est étrange, mais ça n'est pas ça qui va me rendre nerveux.

« Je vis ici en fait, ça fait deux ans. J'ai repris les habitudes, j'travaille en boîte, tout ça, bref, presque comme à la Lanterne, le serbo croate en plus mais on s'habitue. C'est marrant de te recroiser ici. T'en avais marre de New York ?
Comment vont les filles ? »

Elle doit avoir des nouvelles plus fraîches que celles que j'ai eu : c'est-à-dire que moi avec mes potes je suis très loin des yeux loin du cœur, sauf ceux que j'ai connu en geekant avec sur des jeux de tirs débiles.
Donc ?
Donc j'ai aucune nouvelle de la troupe de la Lanterne.

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