Les esseulés anonymes - Malic

J’ai beau être entourée de toutes les manières possible, me lever chaque matin semble peser sur mes épaules une tonne. La conclusion est toujours la même, je suis seule et malgré tous les hommes qui m’accompagnent, le sentiment d’isolement demeure en moi, créant dans mon esprit ce trouble qui m’obsède et qui oppresse ma poitrine douloureusement. Je suis loin de ma famille, loin de Miro et loin de pouvoir tout contrôler à distance, suivre ses traitements, ses rendez-vous et son état de santé. J’ai une confiance aveugle en notre grand-mère, mais cette dernière se fait vieille et je sais que nous ne sommes pas à l’abri qu’elle nous quitte elle aussi, ce serait le début d’une grande descente aux enfers parce qu’il me serait impossible de continuer à faire mon travail tout en m’occupant de mon petit frère.

Je me prépare furtivement et en beaucoup moins de temps que d’habitude parce que cette après-midi, ce n’est pas un client que je rejoins mais bel et bien un groupe de parole. Je n’aurais jamais cru avoir besoin de ça un jour, besoin de parler à des inconnus pour exorciser le mal-être que je ressens. Cependant, je n’ai aucune envie de finir sous traitement et il me semble que commencer par-là serait une bonne chose.

J’arrive à l’adresse indiquée par mon téléphone et lis sur l’affiche placardée sur la porte: “Ensemble pour aller mieux”. Nerveusement, j’allume une dernière cigarette que je fume lentement avant de rentrer. A l’intérieur, des petits panneaux m’indiquent le chemin et mes pas m’y guident. La salle que je découvre est intimiste, une dizaine de chaises installées en cercle meublent le centre et contre l’un des murs, une petite table offre une cafetière et des gobelets où quelques personnes discutent et boivent ensemble. J’hoche la tête en signe de bonjour lorsque mes yeux en croisent d’autres et file m’installer timidement avant de retirer ma veste que je pends au dossier de ma chaise. Quelques minutes passent avant qu’un homme grand et barbu arrive, attirant visiblement le respect de tout le monde puisque chacun se met à sa place à ce même moment.

Ma tension augmente parce que je connais ce genre de rassemblement et il m’est impossible d’échapper aux présentations qui me mettront mal-à-l’aise. La séance commence par quelques phrases qui sont censées nous remonter le moral et nous mettre en valeur chacun d’entre nous en tant qu’être humain. Je n’écoute alors qu’à moitié lorsque résonne mon prénom, qu’il m’est demandé de me présenter et d’expliquer les raisons pour lesquelles je suis ici. J’ai le coeur au fond de la gorge, les mains moites et mes jambes sont devenues complètement cotonneuses. Je n’avais pas ressenti ça depuis la fac. Je m’éclaircis la gorge et commence: Bonjour, je m’appelle Leonella mais on m’appelle Leo en général... Je déglutis difficilement parce que ma gorge est sèche et reprends avec la volonté d’en finir le plus vite possible. Je suis ici parce que je me sens seule. Malgré mon travail qui implique que je voie beaucoup de monde, j’ai toujours le sentiment d’être isolée parce que je suis loin de ma famille et aussi parce que… Je n’ai pas beaucoup d’amis. [...] J’explique dans un récit confu la mort de chacun de mes parents, la maladie de Miro et la nécessité que j’ai de rester à Sarajevo alors qu’il est toujours à Foča.

Je suis attentive tout au long de la séance et seul l’histoire d’un homme me touche. J’ai cru comprendre qu’il avait une petite fille qu’il ne pouvait pas voir à sa guise à cause d’une mère rancunière. Je sors finalement au bout d’une heure, après un café et après avoir discuté avec une dame très gentille, renforçant mon idée selon laquelle j’ai finalement bien fait de venir et finis par me griller une clope qui me fait un bien fou de fumer. L’homme qui avait attiré mon attention sort à son tour et semble chercher de quoi allumer la cigarette qu’il tient entre les lèvres. Ayant toujours mon briquet dans la main, je lui tends instinctivement. Tenez. Je me demande si on se lie d’amitié par pitié dans ce genre de groupe et si c’est le cas, il me semble que ça a l’air bien plus triste que ça n’y paraît. Je recrache ma fumée lentement tout en regardant l’horizon et déclare: Elle fait du bien celle-ci… Prouvant à nouveau le stress dans lequel je m’étais mise une heure plus tôt.

La réunion est identique aux autre et je me demande parfois pourquoi je viens ici. Est-ce réellement pour remettre ma vie sur des rails, ou simplement pour ne pas être seul une fois de plus dans l'appartement désert qui est le mien aujourd'hui ? Nous sommes tous là pour ça, simplement pour ça, j'en suis intimement convaincu tandis que mon regard fait le tour de l'assistance avec ce coté inquisiteur qui est seulement une déformation professionnelle. La plupart, je le connais déjà. Je viens ici depuis un mois, une fois par semaine. Nous ressassons nos histoires mais peu progressent. Moi-même, je raconte encore une fois l'absence de ma fille qui me pèse, mon isolement suite à mon choix de divorcer dans une famille musulmane, pire mon choix de ne plus pratiquer - je ne dis pas ne pas croire, je ne sais pas et les regards sur moi m'empêchent d'aller au bout de ma pensée. Même ici les gens jugent, avec tout ça n'ai-je pas mérité d'être seul tandis que l'un est seul parce qu'il est veuf, l'autre parce que ça femme l'a quitté pour un autre (et pas du tout parce qu'il était accro à la boisson, non, bien sur que non...) Rapidement, je passe mon tour.

Ce soir, une nouvelle est parmi nous, ça change et au moins son histoire a le charme mélancolique de la nouveauté teintée de déjà vue. Je compatis à la détresse qui perce dans sa voix. Nous sommes tous seuls, c'est le seul constat que je fais. Même entourés parfois, c'est le pire. N'étais-je pas déjà seul dans ma famille, incompris et isolé - sans doute de mon seul fait, de ma tournure de pensée. J'aurais pu me contenter d'être heureux, je ne le pouvais pas. Je n'y parvenais pas. Je suis parti, mais je ne le suis toujours pas, c'est triste.

A la fin, je vais fumer une cigarette. C'est le moment où les gens prennent une tasse de café, partage un morceau de gateaux. Tout le monde traine, s'éternise avec l'espoir d'adoucir sa solitude. Je vais fumer une cigarette. La jeune femme - Leo - me tend un briquet en voyant que je galère à trouver le mien. "Merci". Je lui rends après avoir fait briller la flamme et souris aimablement quand elle engage la conversation. "Oui, c'est la meilleure. Surtout quand c'est la première fois que vous exposez  votre histoire. Bienvenue parmi nous, si je puis dire... Je m'appelle Malic." Je me suis présenté tout à l'heure mais il est plus facile pour moi de retenir le nom d'une seule nouvelle personne que pour elle de retenir le nom de tous les membres de notre petit cercle. "Vous n'avez pas pris de gâteau ? Celui que fait Leyla est très bon. Au chocolat."  

Mon visage se tourne enfin vers la silhouette qui m’accompagne et mes lèvres se teintent d’un sourire chaleureux, faisant plisser mes paupières. Il est étrange comme se rencontrer dans ce genre de groupe fait changer la vision qu’on a du monde qui nous entoure. Malic, qui me paraît être quelqu’un de réservé de part ses propos et son attitude, semble être en réalité quelqu’un d’avenant et presque même chaleureux. Merci beaucoup, enchantée moi c’est Leo… Je me rends compte seulement quand je le dis, qu’en réalité mon prénom est loin de lui être inconnu. Enfin… Vous le savez déjà… Je souris, timide, baisse le regard et fume de nouveau la cigarette qui se consume un peu trop rapidement à mon goût. Cette conversation et cette rencontre me semblent tellement inhabituelles que je sais à peine comment me comporter et comment répondre à Malic. D’accoutumée, je rencontre des clients qui veulent que je me comporte comme ils le souhaitent et en général, je n’ai pas besoin d’être moi-même, je sais parfaitement ce qu’un homme aime qu’on lui dise et je crois être une experte là-dedans maintenant parce que certaines personnes me réclament auprès de Nina. Mais là, à côté d’un homme qui n’attend rien de moi, je n’ai absolument aucune idée de ce que je dois dire et faire, je me sens complètement perdue. Ah… Euh, non non, je ne suis pas très chocolat. Pas très gâteau tout court et pas très nourriture non plus ! Ma maigreur peut en témoigner seule mais je ne m’exalte pas là-dessus. Ca fait longtemps que vous venez ici ? Vous trouvez que ça vous fait du bien ? La seule chose que j’attends de ce groupe de parole est de pouvoir m’aider à arrêter de m’isoler comme je le fais, arrêter de me sentir si nulle et si basse par rapport aux autres.

"Oui j'avais retenu votre prénom, Leonella" Ce serait gênant pour un flic de ne pas avoir la mémoire des prénoms et des visages. Oh il y en a qui n'ont pas ce don et galèreront toute leur vie à cause de ça, mais j'ai assez de chance sur ce point.

"Pas chocolat ? Il y a des gens qui ne sont pas chocolat ? Première nouvelle ! Vous êtes quelqu'un de rare, et vous avez bien de la chance." Je tapote mon ventre avec une fausse mimique désolée "je n'ai aucune volonté!" Après cet échange bateau de gens courtois qui font la conversation, la question qui suit n'est pas si étonnante. J'ai un mince sourire, un de ces sourires purement conventionnel qui ne touche pas le regard. "ça fait un mois que je viens ici..." Je tire sur ma cigarette en réfléchissant à la réponse. Après une hésitation, j'admets mon ignorance. "Honnêtement, je ne sais pas. Mais comme je reviens toutes les semaines, on peut en déduire que j'y trouve mon compte d'une certaine façon." Je pose un regard curieux sur elle "Et vous, qu'avez vous pensez de cette première séance ? C'est un peu impressionnant la première de parler devant des inconnus mais j'admets qu'il y a aussi un coté très libérateur. Je ne sais pas si ça vous a fait aussi cet effet ?" ça m'intéresse de savoir comment les autres perçoivent cette sorte de thérapie, pour peu qu'ils soient intelligents - or si la jeune femme que j'ai en face de moi parait très fragile, elle n'a pas l'air idiote ! Il parait que les gens intelligents ont une tendance à la solitude, je me demande si c'est vrai ou juste un de ces panneaux stupides sur facebook.

J’ai un regard interloqué vers l’homme parce que je n’ai vraiment pas l’habitude d’entendre mon prénom en entier et que ça me semble touchant qu’il l’ait retenu étant donné sa singularité. Je souris légèrement, acquiesçant simplement d’un regard. Eh bien oui ! Je fais bel et bien partie de ces gens et ça choque à chaque fois tout le monde ! Un rire cristallin résonne dans ma bouche dès que je le vois se tapoter le ventre. Décidément, Malic me paraît être, pour l’instant, une belle rencontre. Vous n’êtes pas épais, vous pouvez ne pas en avoir ! Je finis ma cigarette et l’écrase dans le cendrier près de la porte pendant que je l’écoute parler. Quand je reviens à ma place initiale, je place mes mains dans mes poches puisque mine de rien, le froid commence à me faire frissonner. J’acquiesce d’un hochement de tête puis me mets à parler à mon tour. Si, c’était très libérateur même. J’ai trouvé que tout le monde était très à l’écoute et ça m’a donné l’impression qu’ils avaient tous un regard bienveillant à mon égard. Et puis pour vous dire franchement, j’ai trouvé ça très réconfortant de voir qu’au final je n’étais pas la seule dans ce cas-là ! Je pense que ça n’aurait pas eu le même impact sur moi si j’avais été voir un thérapeute à qui j’aurais dit les mêmes choses, c’est vraiment différent. Je reprends mon paquet de cigarettes pour en sortir une que j’allume instantanément, démontrant toute mon envie de continuer à parler à Malic. Je souffle la fumée présente dans mes joues quand je reprends: Je pense qu’on se reverra chaque semaine du coup. Je lui lance un sourire quand mon téléphone vibre dans ma poche. M’excusant, je l’en sors pour y lire le message qui vient de m’arriver. Désolée, je réponds rapidement, c’est mon petit frère. Le sourire que j’avais juste avant ne déloge pas mes lèvres parce que ça me fait toujours un plaisir fou d’avoir des nouvelles de Miro, surtout quand ces dernières sont bonnes. Vous connaissez un endroit sympa dans Sarajevo où je pourrais emmener un ado de quinze ans ? Je dois avouer que je sors tellement peu que je ne connais rien et comme ça va être l’anniversaire de Miro dans quelques semaines, il faut absolument que je trouve quelque chose, genre un parc d’attraction ? J’ai l’impression de me perdre un peu dans cette conversation qui dévie légèrement

Un sourire de coin botte en touche son compliment - si c'en est un - sous couvert de l'humour. "Ne me dites pas ça, il n'y aura plus de gâteau pour les autres sinon ! Tant mieux si ça vous a fait du bien, je suis comme vous, je n'aimerais pas aller chez un thérapeute, c’est pour ça que j'ai choisi ce groupe" et ici, il y a un anonymat agréable. Chez un thérapeute, j'aurais peur que ça remonte sur mon dossier au commissariat. J'ai un sourire un peu amusé, un peu mélancolique. "Bienvenue dans notre team puisque vous décidez de rester"

"Le plus célèbre des parcs de Sarajevo est Sunnyland à ce qu'on m'a dit." Je ne suis pas ici depuis longtemps, cependant je peux répondre à la question de Leo car je me suis récemment posé la même question ce que j'explique à la jeune femme. "Je pensais emmener ma fille là-bas quand je l'aurais pour le weekend du début des vacances qui approchent. Elle a le même âge que votre frère. J'espère que ça lui plaira. " Et j'ai une proposition un peu folle moi qui suis normalement un timide chronique avec les femmes. Peut-être que dans ce lieu je me sens finalement assez en sécurité puisque nous sommes tous dans la même galère. Peut-être que j'ai juste envie d'un moment en compagnie. Et puis disons-le mes relations avec fille étant ce qu'elles sont, peut-être aussi que j'ai envie de mettre un tiers dans l'équation, ça ne pourra pas être pire.

Je ricane à son humour et à sa jovialité. Malic a l’air d’être ce genre d’homme super facile à vivre et entre gens qui sommes faciles, ce n’est pas forcément compliqué de s’entendre, je crois qu’on est bien partis ! C’est une très bonne alternative, de ce que j’ai vu. Un sourire plus ample se dessine sur mes lèvres lorsqu’il me souhaite la bienvenue. Merci ! Que je m’exclame, un peu plus enthousiaste qu’avant, moins stressée, beaucoup plus libérée.

Ah oui ! Sunnyland, j’ai cru voir des panneaux publicitaires à ce nom-là. Mon visage se fige dans la réflexion et je l’écoute avec l’oreille tendue lorsqu’il me parle de sa fille. Ne vous en faites pas, je connais les gamins et ceux de 15 ans sont toujours ravis d’aller dans un parc d’attraction. J’en arrive à la conclusion: Ca lui plaira forcément. Je ne connais pas leur relation mais personnellement, j’aurais adoré partager ça avec mon père et avoir des activités distrayantes comme celle-ci est toujours quelque chose que j’ai regretté après avoir perdu le mien. Il est étrange comme parler à cet inconnu me fait du bien, comme si je venais de découvrir quelque chose de nouveau et que ça m’excitait terriblement. Je n’ai plus envie de rentrer. Elle s’appelle comment, votre fille ? Si c’est pas trop indiscret… Est-ce qu’on peut jouer sur ce terrain-là ? Ne sommes nous pas trop éloignés pour rentrer dans ce genre de sujet ? J’ai bizarrement l’impression de connaître Malic depuis longtemps alors qu’il n’en est rien, alors que cela ne fait qu’une heure passée que nous sommes ensemble et cette sensation me fait du bien.

A son merci, j'ai une petite mimique pour dire que ce n'est pas grand chose, elle a fait ce pas difficile de venir la première fois. Je ne sais plus exactement comment j'ai atterri ici mais c'était un énième soir de déprime. Et la semaine d'après, je suis revenu. C'est la première fois que je reste si longtemps après l'atelier de parole en groupe.

"Mirjana, Mira... Ça fait trois mois que je ne l'ai pas vue mais elle doit venir bientôt. Je ne sais pas vraiment y faire avec une ado..." J'ai un sourire d'excuse, comme à chaque fois que je parle de Mira. Je m'excuse de ne pas être à la hauteur, d'être un père absent, incompétent, qui se cherche lui-même au lui d'être un roc solide pour son enfant. J'ajoute avec un temps de retard "Sa mère s'occupe d'elle...à Srebrenica." Ville tristement célèbre s'il en est.

"Ecoutez...je...j'ai une idée un peu folle mais ça vous dirait qu'on y aille à quatre ? A Sunnyland ? Les ados seraient peut-être contents de pouvoir faire les attractions entre "jeunes"" Avec un brin d'humour, je mets des guillemets à jeune, manière de signifier que je nous considère pas si âgé que ça ! Je me rends compte de l'audace de ma proposition et aussitôt, je me rétracte presque, confis de gêne "Oh, humm, ne vous pensez pas obligée, vous devez avoir envie de passer du temps en tête à tête avec votre frère."

Mira ? Vraiment ? Mon petit frère c’est Miro pour Miroslav. Je souris, amusée par la coïncidence. C’est toujours un peu compliqué avec les ados, ne vous en faites pas, je ne comprends pas bien mon petit frère non plus parfois. D’autant plus que c’est une fille, alors… J’entends par-là que les filles sont très souvent plus proches de leur mère et que s’il a l’impression de ne pas savoir s’y prendre, c’est juste qu’il n’a pas vraiment l’occasion pour. Ca viendra, c’est sûr… Je ne peux pas vraiment lui donner de conseils, je ne suis pas la mieux placée pour parler de cela étant donné que mon père est décédé avant que je ne devienne ado mais je comprends son désarroi et j’essaie juste d’être rassurante. Srebrenica ? C’est à combien d’ici… Une heure et demi / Deux heures de route ? Je demande, curieuse et ça me permet aussi de ne pas remuer le couteau dans la plaie vis-à-vis de son ex et de ne pas continuer la conversation sur quelque chose d'extrêmement triste comme le génocide.

Je termine ma deuxième cigarette quand je manque de m’étouffer avec sa fumée, plutôt surprise par la proposition que Malic me fait et très honnêtement, je crois que cette dernière est très attractive. Je ricane légèrement avant d’ajouter: Non non, je me sens pas du tout obligée. -Je ris à nouveau parce que son air gêné m’emplis de surprise et d’une sorte de tendresse que je n’arrive pas à définir- C’est une excellente idée, Miro sera content et je serais aussi très heureuse de le voir avec une autre jeune de son âge, il ne sort jamais et il n’a pas beaucoup d’amis, comme… Moi en fait. C’est à mon tour d’avoir un sourire gêné, comme si ce dernier fait était quelque chose d’honteux. Vous… Vous avez un impératif ? J’étais en train de me dire qu’on pourrait peut-être continuer notre conversation mais au chaud, autour d’un café ou quoi ? -Je souris et désigne la porte devant laquelle on se tient- Non je ne parle pas du local pour le groupe.

"Ah je ne sais pas si ça fera rire nos ados, mais c'est amusant ! " moi aussi la similitude me surprend et me fait sourire. Malheureusement, je ne pense pas que mes relations avec ma fille vont s'améliorer et on comprend pourquoi quand je dis "C'est à deux heures trente" Ce n'est pas tout près et de toute façon, même si je pouvais l'avoir tous les weekend, sa mère ne voudrait simplement pas et je ne suis pas prêt à entamer un combat judiciaire. Je n'ai pas les ressources psychologiques pour ça, sinon je ne serais pas là ce soir.

J'en suis presque à me dire que je suis idiot et que j'aurais du me taire, et aussi j'espère quasiment qu'elle va dire non quand - contre toute attente - elle accepte ! "Mais...super !" je montre notre environnement, ce "club" des esseulés "On est dans le même cas, je ne vais pas vous jeter la pierre." Je suis son regard à l'intérieur du local avant de comprendre qu'elle ne parle pas de l'insipide café d'ici. Je suis presque surpris de son audace avant de me rappeler que je ne suis plus marié et que je peux accepter sa proposition d'autant qu'il n'y a rien d'ambigu. "J'ai du temps, je ne suis pas de service ce soir. Il y a un café pas très loin qui reste ouvert assez tard. A moins que vous ne préfériez aller en centre ? C'est ...plus animé en soirée. Venez, allons dire au revoir à Lana" Nous passons saluer l'animatrice de la soirée, et les quelques autres qui trainent encore au local et nous quittons le bâtiment.

Je comprends sa tristesse lorsqu’il me fait remarquer que Srebrenica est à deux heures et demi d’ici, ça ferme pas mal de possibilité et la distance doit certainement affecter de près ou de loin la relation entre l’adolescente et son père. Je ne réponds pas réellement parce qu’il y a des silences qui veulent dire beaucoup et le mien signifie juste que je compatie grandement à sa souffrance.

Quand je regarde Malic, je suis presque sûre qu’il ne s’attendait pas à ce que je dise oui et c’est tout à fait logique étant donné notre absence de proximité et tout le contexte qui va avec mais dans mon esprit, je réfléchis pour Miro et je sais pertinemment qu’il sera vraiment content de partager cette journée avec une autre de son âge -Et pour aller jusqu’au bout, ça me permettra de ne pas être obligée de monter sur tous les manèges puisque j’ai une peur bleue des montagnes russes !-. Peu importe mais le petit café sera très bien, puis s’il y a moins de monde ça sera moins bruyant, c’est peut être mieux. Que je déclare, pas trop l’envie d’entendre un brouhaha quand on a envie de discuter tranquillement. Oui, Allons-y. Que je dis avant que nous rentrions à nouveau dans le local pour saluer les personnes restantes. Du coup, si vous n’êtes pas de service ce soir, c’est que vous êtes…? Je pose la question car cela peut être un tas de choses et c’est également une question que je redoute parce qu’il y arrivera forcément un moment où il me demandera mon métier à moi. Concrètement, je ne peux pas lui dire que je suis escort, en tout cas, pas aujourd’hui. Nous nous mettons en route pour le café.

"Oui vous avez raison, ce sera mieux" J'ai ma voiture, on pourrait aller en ville, en centre, dans ces zones plus branchées mais j'aime autant rester dans le quartier. Je n'habite pas le coin, comme beaucoup des personnes venant à ce genre de groupes, j'ai choisi un endroit éloigné dans l'espoir de ne tomber sur personne que je connaitrais, un voisin...Habitude de personne vivant en province, dans une petite ville où tous le monde se connait. En marchant vers le troquet, je dévoile à Leo mon métier, bien la réaction des gens soit très variée à ce sujet, ce n'est pas toujours positif vu la corruption qui règne en Bosnie. "Je suis flic...J'ai été muté à Sarajevo il y peu de temps...deux mois environ, avant j'étais basé à Srebrenica, c'est différent d'ici. Sarajevo est plus...touristique et bigarrée... Et vous, qu'est-ce que vous faites comme métier qui vous incite à voir tant de gens ?" c'est ce qu'elle a dit lors de son tour de paroles.

Je lui tiens la porte du bar pour la laisser passer en premier. L'intérieur est vieillot et à cette heure de la soirée, il n'y a pas grand monde hormis deux ou trois piliers de bar qui ne nous regardent même pas, déjà trop avinés pour s'intéresser à qui que ce soit d'autre qu'eux-même et celui qui les sert. Nous nous installons dans un coin, sur des banquettes défraichies, l'un en face de l'autre. De la main, je salue le patron que je connais de vue et je lui fais signe qu'on veut commander"Je vous imagine bien dans le commerce, vendeuse dans une boutique, ou quelque chose comme ça. Ou directrice marketing. Vous devez avoir la fibre commerciale non ?" J'aime bien jouer au jeu des devinettes, essayer de savoir ce que fait quelqu'un au premier coup d’œil. Ça doit être mon coté flic, très certainement. "Qu'est-ce que vous voulez boire ?"

J’essaie de ne rien faire transparaître quand j’entends le mot “flic” sortir de la bouche du blond parce qu’un flic et une escort l’un à côté de l’autre c’est une sorte de paradoxe humanisé, il faut se le dire. Alors je souris comme je sais très bien le faire et déclare: Oh super, je suis sûre d’être entre de bonnes mains du coup. Enfin, dans le principe, sinon, pas sûre que Malic soit aussi enthousiaste à l’idée de passer une journée entière avec une escort. Je crois être assez angoissée parce que je sais pertinemment que la question suivante sera un retour de la mienne et je ne sais décemment pas quoi répondre, alors j’essaie d’anticiper et de réfléchir à quel métier je pourrais bien m’inventer.

Et la question fatidique tombe alors qu’il m’ouvre la porte, je déglutis en passant l’encadré et nous nous installons pendant que je suis toujours à la recherche d’une réponse à lui donner. Ahah, en plein dans le mille. Je suis vendeuse oui. Je ne m’étale pas plus et prends la carte derrière laquelle je cache mon visage rougissant, soupirant silencieusement à cette crainte qu’il ne découvre mon mensonge. Il est un peu trop tôt pour l’apéro non ? -Je ris nerveusement- Je vais prendre juste un café crème et vous ? Je redescends la carte sur la table seulement quand je sais que mes joues sont de nouveau à peu près normales. J’ai toujours détesté mentir et d’ailleurs, je suis une bien piètre menteuse, j’espère qu’il n’aura rien vu. Désolée Malic mais je n’ai pas envie de vous décevoir maintenant. J’observe un peu les alentours et repose mes yeux sur l’homme. Vous venez souvent ici ? Ca a l’air un peu vintage mais assez chaleureux, j’aime bien ce genre d’endroit. Je m’adosse à ma chaise, essayant de faire descendre la tension qui frappait mes tempes. Vous ne pouvez pas savoir à quel point je suis soulagée que nous allions tous les quatre à Sunnyland, ça veut dire que je ne serais pas obligée de monter sur les attractions ! -Je lui souris- J’ai le vertige en fait et je sais que Miro pas du tout, c’est un vrai casse-cou. Joli changement de sujet, on dirait que j’ai fait ça toute ma vie.

Très souvent les gens grimacent au mot flic. Même les honnêtes gens. Cela renvoie toujours à plusieurs choses négatives, une culpabilité latente - qui de nos jours est totalement innocent ? - mais aussi à l'image de notre société pervertie, corrompue, inefficace. Alors ça fait bien longtemps que je ne m'offusque plus des réactions, j'ai perdu mes illusions il y a un bon moment déjà si j'en ai jamais eues. Je fais même remarquer avec un doux sourire et une bonne dose de cynisme "vous êtes une rare à le penser"

Je hoche la tête, content d'avoir visé juste, et je prends la même chose qu'elle "un crème c'est parfait" Elle a raison c'est tôt pour l'alcool même si chez moi je n'ai pas ce genre de scrupules. Quand on est seul, si personne ne se soucie de vous, personne non plus ne peut vous juger. Je n'ai pourtant pas envie de passer pour un alcoolique en plus du paumé qui fréquente les groupes de soutien contre la solitude. "Je me disais bien que vous aviez le contact facile. Je l'ai senti à votre façon de me parler dehors. Vendeuse, ça vous va bien. C'est presque étrange que vous veniez à ce groupe, vous devez en rencontrer des gens. " Et puis elle est jolie, elle doit très souvent se faire inviter, peut-être que ça la dérange.

"Je ne suis venu que deux fois ici, c'est la troisième avec vous. Je ne suis pas du quartier. Les deux fois c'est parce que j'étais arrivé trop tôt à la réunion. J'ai attendu ici plutôt que sous la pluie mais vous avez raison, l'endroit a cette nostalgie du passé qui cadre bien avec le groupe. Ah vous savez, pour Sunnyland, je suis content aussi de ne pas y aller seul avec Mirjana, je vous avoue, je me sers de vous comme bouclier mais vous le savez déjà. En contrepartie, je vous protègerais du vertige. Je serais votre alibi pour ne pas grimper dans le grand-huit. Marché conclu ? Je suis sur que votre frère sera ravi de montrer à Mira les joies de l'adrénaline, enfin j'espère. Ma fille est...un peu peste parfois, en tout cas avec son père ! Vous voyez, je vous dis tout, je ne veux pas vous piéger, vous pouvez encore vous rétracter !"

Dans une ville comme Sarajevo, il ne fait pas bon vivre d’être flic tant la délinquance règne en maîtresse. Il y a de nombreux trafics de drogues, d’armes et j’ai même déjà entendu parler de trafic d’être humain, ce qui me fait personnellement froid dans le dos. Alors oui, j’imagine que la plupart de la population de cette ville est liée à tous ces trafics et qu’ils n’aiment pas forcément entendre parler de la police. Pour ma part, Malic ne me fait ni peur, ni il ne m’impressionne parce qu’au fond, je sais qu’un jour ou l’autre j’aurais besoin de ses services. Puis, être escort ne devrait pas me faire sentir honteuse, je le fais pour une bonne cause et je suis persuadée qu’il le comprendrait si je lui expliquait mais je crois que nous ne sommes pas encore assez proche pour que je lui détaille ma vie.

Je m’imagine un instant à la place d’une vendeuse et il est clair que ça me colle certainement mieux à la peau que mon actuel métier mais le principal est la récompense à la fin, pas si ça me plaît ou si ça ne me plaît pas, si ça me va ou non... Je le fais pour Miro, rien d’autre. Je rencontre beaucoup de gens c’est vrai… Mais de manière furtive. Les gens ne prennent pas le temps… Ils ne prennent plus le temps de parler des choses importantes et puis ils ne s’intéressent pas vraiment à vous. C’est à peine s’ils vous regardent dans les yeux... Je sais de quoi je parle ! Je n’arrive vraiment pas à faire de vraies rencontres via mon métier, c’est quasiment impossible même ! Je refuse d’avoir un lien externe avec les hommes que je rencontre, ce serait vraiment trop malsain pour moi et même s’il y en a qui me paraissent extrêmement sympathiques, je n’oublie pas qu’ils ne sont là que pour une seule chose. Pour être sûre que Malic ne cherchera pas à venir me voir à mon boulot, dans ma soi-disant boutique, j’ajoute: Je travaille dans une boutique de lingerie, au fait. Mon sourire se teinte légèrement d’amertume qui coule aussi au fond de ma gorge parce que ça me brise littéralement le coeur de mentir à cet homme qui me paraît, contrairement à moi, si authentique.

Eh bah… Ce serait sympa qu’on se retrouve ici parfois avant les réunions, au moins on arriverait plus tout seul là-bas. Et puis s’il est trop tôt, on s’offrira un petit café, manière de se donner du courage pour la suite. Je souris un peu trop démesurément à mon goût, mais il me paraît tellement loin le temps où j’avais tout un groupe d’amis sur lesquels je pouvais compter qu’avoir une discussion avec un homme comme Malic m’entoure d’une euphorie soudaine. Eh mais je ne veux pas me rétracter, au contraire ! J’y vois que des avantages d’y aller à quatre. Miro sera content d’avoir une copine pour jouer et moi je serais aussi contente de vous avoir pour les raisons que je vous ai évoquées. Puis je suis sûre que votre fille sera clémente avec vous, et sinon, je m’en occuperais, je m’entends très bien avec les adolescentes. On commande nos boissons et les recevons quelques minutes plus tard. Je me mets à touiller dans la chantilly, en pleine réflexion. J’espère juste que Miro sera en forme… Ca sera le deuxième jour de sa troisième cure, c’est assez éprouvant pour lui… Enfin bref, du coup, on devrait peut-être échanger nos numéros ? Pour l’organisation… Et seulement l’organisation.

"Vous avez raison, moi aussi j'ai un métier public et pour autant ce n'est pas simple de nouer des amitiés." Je soupire discrètement. On dit que les flics sont claniques, mais ce n'est pas tant vrai ici à Sarajevo qu'à Srebrenica parce qu'il y a trop de corruption, de comportements nationalistes aussi même au sein d'une même équipe. Et puis je n'ai jamais été très doué pour me faire des amis et encore moins en ce moment. "On pourrait penser que c’est plus facile mais je comprends...les gens ont toujours quelques chose à faire." Ils ont des amis, eux, et courent, emportés par le courant fou de la vie, d'un tourbillon d'occupations quand les esseulés comme Leo ou moi restons à les regarder en marge de cette agitation. Le fait qu'elle travaille dans une boutique de lingerie me fait rougir et je n'ajoute rien de peur de dire quelque chose de déplacé. Je n'ai jamais mis les pieds dans une telle boutique, Dieu m'en a bien gardé ! Leo joue de chance parce qu'il ne faut rien de plus pou éloigner mes questions trop curieuses.

Leo me sort de l'embarras en me proposant qu'on se retrouve parfois prendre un café pré-réunion et l'idée me fait sourire. "C'est une bonne idée" Du courage il en faut pour venir, ou du désespoir, voire les deux ! L'imitant, je goute le café crème, doux et toujours meilleur que celui du bureau ! Mon regard s'éclaire quand elle réitère la volonté que nous y allions à quatre, ce qui m'ôte un poids certain. "Oui bien sur, je vous donne ça." Je fouille dans mas veste où j'ai bien sur toujours un calepin et un stylo en bon flic. Je note mon numéro dessus. "C'est mon numéro personnel." J'ai deux portables, pour cloisonner ma vie même si je n'en aurais pas franchement besoin en ce moment. Mais c'est l'habitude. Il y a le portable du travail, et mon privé. Ce dernier ne sert que très peu, quand ma fille daigne m'appeler ou quand je prends des nouvelles du centre où se trouve ma mère.

Sentant l'inquiétude de la jeune femme au sujet de son frère et je l'interroge avec un intérêt sincère "Parlez-moi de Miro. Il fait de la chimio ? Comment est-ce qu'il s'en sort ? " Je sais combien il est dur de se faire du souci pour ses proches quand on a ce sentiment d'impuissance. Certains ont le secours de leur famille ou de la foi, ça ne me semble pas être le cas de la jeune femme mais je peux me tromper.

Je hoche la tête de haut en bas. Exactement, ils sont toujours pressés et s’ils ne le sont pas, ils sont muets ou désagréables. Il y a peu de personnes qui osent parler comme je l’ai fait avec vous tout à l’heure. Je trouve ça vraiment dommage. J’ai l’impression qu’il était plus simple de nouer des amitiés quand j’étais plus jeune parce qu’avant, les gens n’étaient pas continuellement sur leur téléphone portable et ils n’étaient du coup pas aussi égocentrés. Je souris quand il accepte mon idée, bien que j’imagine qu’il ait d’autres choses à faire plus importantes certaines fois mais je me dis que nous serons plus forts à arriver en duo au club et que ce sera certainement aussi moins pénible. Je recueille le bout de papier qu’il me tend précautionneusement et le range immédiatement dans mon sac avant de le perdre. Je vous enverrai un message ce soir pour que vous ayez le mien. Je lui souris à nouveau avant de boire dans mon café, accueillant avec une certaine reconnaissance la question qu’il me pose parce que ce n’est pas habituel qu’on s’intéresse à moi mais surtout à ce qui m’inquiète. Si vous saviez… Cet enfant est incroyable, il a plus d’énergie que vous et moi alors qu’il subit des choses horribles. Il a de la chimio, oui, une fois par mois c’est une cure en intraveineux qu’il fait à l’hôpital et le reste du temps il a des comprimés. Du coup, quand on ira au parc d’attraction, il sera dans sa troisième semaine et souvent c’est là où il est le plus fatigué. Il se bat vraiment beaucoup, il est toujours positif et il a toujours le sourire. Il me donne énormément de leçons vous savez, je me flagelle mentalement parfois quand je me plains parce que franchement, quand je vois tout ça, je me dis que j’ai pas le droit de me plaindre quoi. Enfin voilà. Je bois une gorgée de café avant de sourire, de manière un peu cassée. Je suis désolée ! J’ai vraiment cassé l’ambiance et c’était pas ce que je voulais… Je prends une inspiration, profonde et mesurée puis ajoute: Vous avez des hobbies ? J’avais bel et bien l’intention de changer de sujet parce que je n’ai pas forcément envie d’assombrir encore plus la situation.

"Ah je dois confesser que vous m'avez réellement surprise tout à l'heure. Les personnes qui fréquentent ce groupe ne sont pas si ouvertes, encore moins leur de la première séance. Vous voyez, vous avez du potentiel, vous vous en sortirez très bien. Vous avez peut-être un passage à vide mais je suis sur que vous êtes du genre à rebondir. Ça se voit tout de suite." Pour ma part j'ai plus l'impression de m'enfoncer dans mon marasme et pas du tout de rebondir. Même ce groupe ne m'apporte qu'une satisfaction mineure mais pourtant, j'en ai besoin. C'est l'ultime routine à laquelle me raccrocher.

"Ok, d'accord." Avoir dans mon portable privé, un numéro de femme qui n'est ni mon ex-femme, ni quelqu'un de ma famille, je crois bien que c'est une première qui m'étonne moi-même. Tout arrive ! Elle me parle de son frère et je comprend ce qu'elle veut dire, c'est sur qu'on a l'impression de s'apitoyer sur nous même juste parce qu'on se sent seul alors qu'il y a des situations bien pires. J'acquiesce avec un sourire contrit "Les enfants sont plus solides qu'on le pense, plus que nous au final. Votre frère a l'air vraiment courageux, j'aimerais que Mira prenne modèle sur lui, elle me parait parfois si superficielle. En tout cas, ne vous inquiétez pas, nous aménagerons notre visite du parc. Nous ne somme pas obligés de le faire en version marathon. On ira à son rythme s'il est trop fatigué. " je secoue la tête "vous n'avez pas cassé l'ambiance, c'est moi qui vous ai interrogé. Oh, heu des hobbies...très peu. Le jogging, la lecture. Je fais cliché si je vous dis que j'aime les romans policiers ? A Srebrenica j'étais dans l'équipe de handball du commissariat, mais ici ils sont football alors... Et vous ? "

Mes yeux détaillent le regard de l’homme face à moi et j’écoute attentivement ce qu’il me dit, souriant à ces phrases qui me flattent réellement et qui me rassurent quant à ma profonde solitude. Merci. Honnêtement, il y a des fois où je n’ai vraiment plus la capacité de me dire que ça va aller mais venir au groupe m’a redonné un second souffle si je puis dire. Je n’ai aucune idée de si ça va perdurer mais en tout cas, ça m’a donné un nouvel objectif et une certaine envie de m’en sortir quand il y a peu, j’ai cru mourir sous la tristesse.

Malic a l’air d’être de ceux qui écoutent et qui ne parlent que très peu d’eux-mêmes tout en ne laissant personne déchiffrer leur personnalité. Je me suis créé petit à petit, à mesure que j’ai grandi, une carapace qui me protège à chaque fois que j’en ai besoin et le policier me semble être du même acabit que moi. Puis un simple merci traverse mes lèvres quand il m’explique qu’on ira au rythme de Miro et je secoue la tête de gauche à droite lorsqu’il me demande s’il fait cliché. Non, pas du tout ahah. Je ne lis que ça aussi je dois dire. Moi… Je regarde beaucoup de séries et puis… En fait ça ne fait pas longtemps que j’ai arrêté mes études mais j’adorais ce que je faisais. J’ai été pendant un an à New-York pour parfaire mon anglais et j’ai adoré ça. Je pense que si je pouvais, je voyagerai beaucoup, mais là c’est un peu compliqué pour le moment, j’imagine que ça arrivera. Je ne perds pas espoir. Je regarde ma montre et malheureusement, c’est le moment pour moi de m'éclipser afin d’avoir le temps de me préparer pour aller travailler. Je finis ma tasse avant de déclarer: Je dois y aller Malic mais j’espère qu’on aura l’occasion de reprendre un café comme ça avant le parc d’attraction, ça serait sympa. Je lui souris et m’écarte de la table lentement avant de prendre ma veste que je passe. Nous nous saluons, comme de vrais amis et je m’évapore, non très heureuse de perdre l’accalmie dans laquelle j’étais lovée avec Malic.