Que les choses sérieuses commencent - Nina

L’appartement que j’ai trouvé est proche du quartier de nuit et aussi de l’agence de Nina, ce qui me permets à la fois d’être tout près de mon lieu de travail et des bars, ce qui n’est vraiment pas négligeable. J’ai un peu de mal à croire que c’est grâce à Slavenko que je peux jouir de cet endroit et y penser met une pagaille incroyable dans mon cerveau. Ce soir, Nina doit me rejoindre pour m’expliquer quelques formalités concernant la formation qu’elle m’a dégoté et tout ce que ça implique. Je me suis déjà renseigné sur une salle de sport qui pourrait m’aider à me “remettre en forme” si je peux dire mais surtout, ils proposent des cours de boxe et ça ne pourrait pas me faire de mal étant donné les droites approximatives que je sais mettre.

Comme d’habitude, j’ai prévu de l’alcool et quelques trucs à grignoter étant donné qu’on approche de l’heure de l’apéro. J’ai installé tout ça sur ma table basse, achetée du jour et mis deux coussins de part et d’autre puisque je n’ai pas encore de canapé. L’appartement est presque vide mais les premières commodités, aussi simples soient elles, ont le mérite d’être tout de même pratiques. Je me dirige vers la porte quand j’entends toquer avant d’ouvrir à Nina. Hey, salut, ça va ? Je l’embrasse amicalement tout en déposant ma main sur son épaule et lui laisse le passage pour qu’elle puisse entrer, puis referme derrière elle. Alors ? Qu’est-ce que t’en penses ? Je demande, assez fier de pouvoir lui montrer un appart quasiment neuf avec une atmosphère agréable, rien n’à voir avec l’appartement que j’avais dans le Bronx, petit et vétuste.

Bien qu’il soit situé au dernier étage, mon appartement a le mérite d’être l’un des mieux isolés et franchement, j’aurais détesté avoir à entendre la vie de chacun comme c’était le cas dans le Bronx. Là-bas, j’entendais tous à trois appartements près, et c’était pénible au plus haut point. Je ne remarque en rien la grimace de Nina parce que je suis trop impatient de lui montrer mon intérieur et je m’y mets directement puisqu’après avoir fermé la porte, je l'emmène au salon. Voilà le salon, il manque encore le canapé mais je pense que j’irais en commander un demain. Le tour de la pièce à vivre est rapide car non très grande et du coup, nous passons directement à la cuisine, collée au séjour mais légèrement cachée puisque ensemble, ils forment une sorte de L. On passe une porte et nous arrivons à la chambre, 10m2 environ, parfaite pour quelqu’un de seul comme moi. Et nous terminons par la salle de bain. Alors, t’en penses quoi ? C’est cool non ? Son avis compte pas mal pour moi étant donné que Nina est certainement la seule personne que j’inviterai ici de temps à autre, avec Maggy bien évidemment mais Maggy, c’est sensiblement différent. J’ai bien aimé le fait que je sois au dernier étage, c’est assez calme du coup et puis j’ai les baies vitrées dans le salon, c’est vachement lumineux en journée. Je suis réellement content et je crois que ça peut se lire sur mon visage enthousiaste.

Après ce tour du propriétaire, on s’installe sur les coussins que j’ai disposé autour de la table basse pour que nous puissions parler des choses sérieuses étant donné que Nina a finalement pu me dégoter cette formation que j’attendais tant. Alors vas-y, explique moi tout. Je suis pour une fois très attentif et très motivé pour ce job, j’espère sincèrement être à la hauteur des attentes de chacun.

Pas peu fier de cette visite, j’acquiesce quand Nina me parle de son appartement. Ah ouais t’as accès au toit ? Ca rappelle le parking, nan ? Il s’en est passé des choses sur ce toit putain. Franchement, au départ j’adorais y aller pour fumer tranquillement et observer le Bronx de haut mais à la fin, je n’y allais tout simplement plus avec tous les événements qui s’y étaient produits. Ah ben écoute, je viendrai avec plaisir. En plus, maintenant qu’on s’entend bien avec ton mec, ça sera moins compliqué. J’avoue, en plaisantant. C’est pas parce qu’il a été sympa une fois avec moi que ça supprime les insultes et les bagarres d’autrefois.

On s’installe un peu sommairement mais je trouvais ça sympa étant donné que cet appart a quand même le mérite d’être doté d’une télévision toute neuve (beaucoup plus prioritaire que le canapé…). Ouais ben écoute, tout est bon, ça me va. Je me suis trouvé une salle où ils donnent des cours de boxe et j’commence ce lundi aussi donc tu vois… Je suis plutôt motivé. Sans attendre, je sers Nina en alcool avant de me servir moi-même. Et j’voulais savoir, t’as souvent des problèmes avec les clients ? Tu fais comment pour le moment, t’as un autre garde du corps ? Manière que je sache si dans tout ce tas de nanas, y’aura au moins un mec avec qui j’pourrais parfois les reluquer !

Je dirais que c’est quand même une grande avancée que de ne pas s’entretuer Slavenko et moi. Y’a des moments où rien que le fait de voir sa gueule pouvait me faire changer d’humeur en une demie-seconde et bien entendu; ça pouvait juste me donner envie de lui sauter à la gorge. De l’eau a coulé sous les ponts et puis je pense qu’on a fait des efforts chacun de notre côté pour une seule et même personne: Nina. C’est vrai t’as raison, faut pas voir les choses trop positivement quand il s’agit de lui et moi. J’ai un sourire à l’attention de Nina et commence à manger des cacahuète que j’avais disposé là.

Je m’enthousiaste peut être un peu trop à l’idée de faire ce boulot mais c’est certainement la première fois que j’ai autant de motivation pour quelque chose et dans ma tête c’est comme si je changeais radicalement de vie, comme si je devenais quelqu’un d’autre. D’accord, ouais j’imagine. Faudra que je garde mon air renfrogné. Je ris un peu parce que honnêtement, j’ai pas besoin de me forcer pour avoir cette air là sur la gueule. C’est cool que vous ayez un autre mec et moi ça me fera un collègue de boulot, c’est pas plus mal. Au niveau des horaires c’est quoi ? Et le salaire ? Putain, ça va me faire vraiment bizarre d’avoir un salaire qui vient de toi, franchement. J’aurais jamais imaginé ce genre de truc auparavant, mais d’un côté, ça me fait plaisir de le recevoir de Nina et non quelqu’un d’autre, puis ça fait de Nina quelqu’un d’influent, je pense que ça fait parti des choses qui peuvent la rendre fière.

Tu m’as déjà vu sourire à quelqu’un d’autre que toi ou Eden ? Crois pas, mais t’es privilégiée. Honnêtement, je pense que si je n’ai pas de potes actuellement, c’est clairement parce que je suis pas des meilleures compagnie. Y’a surement des fois où j’aurais pu être agréable, manière d’avoir un cercle d’amis, mais je ne l’ai pas fait par fierté ou tout simplement par égocentrisme. Nina me parle des horaires mais ce n’est pas ce qui me fait le plus peur et en y réfléchissant bien, y’a pas grand chose qui m’effraie vraiment, à part le fait que je dois être à la hauteur des espérances de Nina. Ouais, de toute façon ça m’importe peu tu sais, j’ai rien à faire d’autre. Je suis plutôt satisfait d’ailleurs d’avoir un travail pour pouvoir m’occuper autrement qu’à chercher vainement quoi faire. Ouais, bah écoute de toute façon, ça sera toujours mieux que de rien n’avoir. Je vais pas être trop exigeant non plus, hein. Ce qui me fera le plus bizarre c’est de devoir attendre un moment donné dans le mois pour avoir l’argent, c’est ce qui changera le plus avec ce que j’ai toujours connu.

Bon, et toi ? Quoi de neuf ? Je change de sujet parce qu’il m’est toujours un peu compliqué de centrer la conversation sur moi uniquement. En plus de ne pas aimer ça, ça donne un côté étrange à la discussion et puis je m’intéresse certainement plus à Nina qu’à ma propre personne.

J’ai un rire un peu rauque de capitulation parce que Nina a putain de raison. Ouais bon, j’avoue mais on a rien sans rien, je suis désolé ! J’ai jamais pu conclure sans deux ou trois sourires, c’est normal, quelle meuf suivrait un mec qui tire la gueule au premier rendez-vous ? Alors ouais, je joue un peu les faux-semblants mais si ça permet de tirer son coup à la fin, j’ai tout à y gagner.
Il est évident que je rencontrerai du monde une fois que je commencerai à bosser mais j’ai réellement du mal à faire confiance alors certes, je me ferais des connaissances mais pas sûr que certains deviennent de vrais amis. Ouais, t’inquiète, j’me fais pas de soucis là-dessus. Je regarde Nina avec un léger sourire tout en réfléchissant à la manière que je vais avoir d’aborder les autres, je crois que le plus simple serait que ce soit eux qui m’aborde, alors on verra bien. Oh ben de toute façon Nina je cherche pas les embrouilles non plus et pour tout te dire, j’ai jamais réellement eu de vrai salaire alors tu sais j’aurais même pas de quoi comparer. Je sais que je pourrais jamais avoir les mêmes sommes qu’avec ce que je faisais avant, je suis réaliste. Mais je suis plutôt satisfait d’avoir enfin de l’argent honnête, tu vois ? Ce qui me permettra, entre autre et peut-être, de demander des crédits, pour une bagnole, un appart ou une maison, quoi que ce soit qui puisse avoir de la valeur à mes yeux.

En parlant de maison, je suis bouche-bée quand Nina m’annonce qu’ils ont acheté une maison avec Slavo. Ooooh putain Nina ! Excellent ça ! Tu m’en avais pas parlé ! C’était un projet que vous aviez depuis longtemps ? C’est vraiment cool ! Je suis heureux pour elle parce que sa vie de couple se concrétise et même si ça a mis du temps, ce n’est que ce qu’elle voulait. Et une piscine ?! Nan mais ça se fait plaisir hein ! Tiens, reprends un peu d’alcool pour fêter ça. Même si son verre n’est pas fini, ni même commencé, je le remplis à raz bord. Bon, même si on s’entend pas avec ton mari, faudra que tu m’invites à tes apéro-piscine. J’ai l’air un peu trop enjoué, j’avoue.

Je recoiffe machinalement les cheveux indisciplinés de mon crâne tout en souriant légèrement à ma voisine de table basse. Ténébreux, hum ? Je comprendrais jamais rien aux meufs, ça c’est sûr. Elles sont toujours plus attirées par ceux qui leur font du mal que par ceux qui leur font du bien. Je ne dis pas ça pour viser Nina mais c’est une conclusion que je me suis faite au fil de mes rencontres et puis de toute façon, c’était aussi le cas avec Eden quand j’ai commencé à la côtoyer et qu’elle devait sans cesse se battre avec machintruc [ça c’est parce que j’ai oublié son nom]. Mhhh, comme ça ? Je mime ensuite un sourire idiot juste pour la faire rire.

Ah nan mais on s’embrouillera pas, t’inquiète pas. Je dis justement que j’éviterai qu’on s’embrouille parce que tu sais, les histoires d’argent entre amis c’est toujours délicat. Mais j’suis pas comme ça, tu m’connais. Puis c’est Nina, je ne peux viscéralement pas lui en vouloir ou faire quoi que ce soit d’autre qui pourrait lui nuire. Ce serait comme marcher dans l’herbe et éviter à chaque fois d’écraser les pâquerettes. Oui, Nina est une pâquerette.

Oui, je m’en souviens. Nina me parlait souvent de ce chalet mais je ne l’ai jamais vu, ça devait être leur hâvre de paix à Slavenko et elle, malheureusement, je sais que ça s’est fini tragiquement et j’évite d’en parler plus longuement, acquiesçant simplement en hochant la tête de bas en haut. Tu rigoles ? Je serai là quoi qu’il arrive. C’est énorme, je suis vraiment content pour vous. Puis je pense que ça doit rassurer Nina de voir que Slavenko se projette enfin dans des projets concrets avec elle, manque plus que le convaincre d’avoir un enfant pour que la brune soit conquise. J’aurais aimé investir aussi mais pour le moment, j’crois pas qu’y’ai une banque qui accepterait de me prêter de l’argent. Je vais tâcher déjà de me trouver une bagnole va.

Les hommes qui font du mal aux femmes sont lâches et pour éviter qu’on ne le voie, ils s’arment d’une espèce de virilité visiblement attirante pour la gente féminine. Bref, je ne comprendrais jamais rien à ces hommes ni à ces femmes, simplement. Ouais, ‘fin bref. Je ne continue pas dans cette conversation parce que je sais qu’automatiquement Nina pense à son histoire et je n’ai véritablement pas envie de gâcher la conversation.

Ouais c’est clair, ça sera le pied. Mais t’as pas besoin de te porter garante, t’en fais pas, j’me débrouillerai seul, j’y arriverai. Et même si j’dois trimer, je trimerai mais je suis convaincu, ou du moins j’essaie de me convaincre, que ce que je ne veux plus c’est de la vie que j’avais avant. Oh putain, si j’avais les moyens je me serais acheté une maison éloignée de la ville, peut-être en bordure de forêt ou quelque chose comme ça. J’me serais pris un berger allemand et j’aurais eu une pièce de jeux avec un billard et un mini bar. Mais j’vais déjà m’acheter une voiture parce que j’en peux plus de traverser la ville à pieds ou de prendre le taxi. J’aimerais me prendre une vieille Mercos, tu sais, genre une classe E ou un truc du genre. Je lui souris avant de boire dans mon verre. T’as faim ? Tu veux qu’on commande quelque chose ? Je savais pas quoi prendre alors j’ai pensé que ce serait mieux qu’on décide ensemble.

J’ai un regard touché quand Nina me dit qu’elle ne doute pas de moi et c’est déjà un grand pas parce que j’étais loin d’être un mec parfait auparavant. Même si elle était certainement plus mal que moi au moment où on était toujours ensemble, le fait de l’avoir poussé à aller mieux m’a moi-même déconnecté des conneries que je pouvais faire, ça m’a occupé l’esprit ça a été comme si nous avions évolué en symbiose.

J’écarquille les yeux au moment où elle me dit qu’elle a elle-même acheté une Mercedes à Slavo. Sérieux ?! Putain on est vraiment tous les mêmes. Je lâche un rire et continue de l’écouter tout en hochant la tête de haut en bas. T’sais… On a tous à peu près la même vision des choses, surtout quand on a eu un passé difficile comme nous. On a envie d’être tranquilles à notre âge… C’pas qu’on est vieux mais j’pense qu’on a passé un stade. La différence entre toi et moi c’est que t’as trouvé quelqu’un pour faire tout ça et que moi j’en suis toujours au même point, mais bon ! L’argent que je donne pas pour les restau en couple, je l’économise pour ma caisse, c’est un bon avantage, hum ? Je m’en fous sérieusement d’avoir une nana à côté de moi le soir quand je rentre mais ça manque parfois simplement. Et je ne suis pas au point d’aller à des groupes anonymes pour les gens qui se sentent seuls comme j’ai vu la dernière fois, j’devrais pouvoir m’en sortir. Je soupire quand elle me dit qu’elle n’a pas faim. Putain Nina, bouffe un peu. T’as pas d’réserves. On a qu’à prendre une pizza pour deux si tu veux ? Ca m’dérange pas.