Call me friend but keep me closer - Maleo

Ah Leo ! Bien sur que si sa présence à elle seule me bouscule, me sortant de ma zone de confort, de mon train train, de mes habitudes. La caresse de ses doigts qui hérissent ma peau. Le parfum qui émane d'elle et envahit mon espace. Le poids de son corps contre mon épaule et son abandon charmant. Tout me bouscule, emballe mon cœur sourdement, oppresse ma poitrine, me donne un vertige tel que je pourrais penser être en pleine crise de panique si ce n'était pas si doux.

J'ai déjà vu le film et je peux ne pas le regarder vraiment, me laissant seulement bercer par sa poésie douce-amère à l'instar de ma relation avec l'escort. Dans le cocon de son appartement, à la fraiche odeur de peinture, il est si facile de projeter des rêves doux, des rêves romantiques. L'ombre envahit la pièce qui ne s'éclaire plus que par les lueurs de la télévision, et les seuls sons sont ceux du film et nos souffles ténus.

Lorsque le film s'arrête, la pub me sort violemment de la transe agréable où j'étais plongé. Je réprime un soupir et finit par lâcher la main de Leo en me redressant. Je fais mine de m'étirer avant de demander. "Alors ? Le film t'a plu ? Tu ne t'es pas endormie au moins ?" Je la taquine gentiment tout en me levant. "Il est tard, je vais y aller. " Quand je regarde Leo, j'ai conscience de tomber amoureux d'elle inexorablement. Non ça n'a rien d'un coup de foudre brutal, c'est plus lent, plus insidieux et terriblement plus puissant aussi. Il n'y a rien que je puisse faire pour empêcher ça et j'assiste impuissant à ce que je sais être ma chute. "Je t'appelle demain ou après-demain pour qu'on se voit ? Et tu me diras si ton frère a apprécié la nouvelle déco."

Ma concentration ébranlée par la présence du policier me lâche toutes les minutes et je crois ne pas entendre correctement les dialogues de ce film qui me renvoie à notre relation avortée. Je me soucie seulement de son bras que je tiens entre les miens, mes mains qui se jouent de la peau matte de Malic et je crois pouvoir mourir ainsi, collée à à sa seule épaule qui me satisfait déjà amplement. La crainte de bouger et de défaire cette simple étreinte me prend aux tripes et je finis par rester dans cette position tout le film durant même si ma nuque me fait mal et que les muscles de mon dos tiraillent. C’est un peu comme si nous étions au cinéma et que les lumières venaient de se rallumer lorsque le film se termine et quand le blond s’arrache à moi, sa chaleur me manque instantanément. Je réprime un soupir tout en le regardant, un sourire poli aux lèvres. J’ai lutté ! J’étais vraiment bien, j’aurais pu m’endormir mais le film m’a tenue en haleine, alors ça va. Malheureusement, je n’ose rien dire quand il me dit devoir partir et j’aurais aimé avoir le courage de lui demander de rester mais cette idée me coupe simplement le souffle sans que je puis protester. D’accord. Je me lève quasiment en même temps que lui et lorsqu’il se dirige vers la porte je l’accompagne, à pas de souris. D’accord, on s’appelle et j’y manquerais pas. Mon sourire se fane doucement parce que je sais que lorsqu’il aura passé le chambranle de la porte, je me retrouverai encore seule et que les émotions redescendront automatiquement pour ne laisser en moi qu’un trou béant, douloureux et déchirant.  

J’ouvre la porte pour lui emboîter le pas et la présence de son corps à côté de moi m’arrache un frisson. Mes prunelles sombres se posent dans les siennes et je finis par souffler Malic… avant de m’approcher, me hisser sur la pointe des pieds et l’enlacer de mes bras malingres. L’étreinte est salvatrice et la force que j’y mets transpire de toutes les émotions qui saturent en moi. Une main s’est nichée au creux de sa nuque et je murmure: Merci pour tout… Et ça inclut même sa simple présence reposante et bienfaisante qui m’imprègne d’une émotion nouvelle, soulevant mon coeur comme il n’a jamais été soulevé.
Je reste ainsi quelques longues secondes qui me semblent durer des heures et lorsque mon courage me le permet, je m’écarte lentement, cherchant de mes lèvres les siennes qui me semblaient jusqu’ici inatteignables. Je n’ai, pour une fois, pas demandé de permission et la sensation que le baiser me procure est encore meilleure qu’un coup de foudre. Ma main est restée logée à la lisière de sa mâchoire comme effrayée qu’il ne s’éloigne alors que nos lèvres ne se frôlent plus, qu’un rictus me permet d’épouser parfaitement la forme de sa bouche et que je suis en train de mourir de bonheur entre ses bras.

L'étreinte de Leo me surprend mais me fait plaisir. Je souris en osant passer mes bras dans son dos, me penchant pour la serrer à mon tour, délicatement, comme une fleur fragile. "De rien, j'ai vraiment passé une bonne journée." Et soudain c'est la douceur de ses lèvres sur les miennes et je perds le sens de la réalité. Les frontières s'estompent, je ne sais plus que nous sommes sur le seuil de son appartement, qu'il est tard. Je ne sais plus si c'est moi qui ait brusquement laissé court à mes désirs ou si c'est elle qui a fait le premier pas. C'est forcément elle car elle a sa main sur ma nuque et je suis à peine vouté pour mieux goûter la douceur de ses lèvres. Mon cœur s'emballe chaotiquement, et je suis chamboulé à ce simple baiser. Sa bouche sur ma bouche, c'est la chose la plus puissante que j'ai jamais connu en amour. Une telle déferlante d'émotion que j'en reste simplement étourdi.

J'inspire son odeur entêtante, troublante avant de rouvrir les yeux. Mes mains quittent son dos, je m'écarte un peu, et du bout des doigts, je viens caresser sa joue. Sa peau est de la même douceur que ses lèvres et les images qui me viennent non plus rien de chastes. J'en rougis violemment. Je souffle du bout des lèvres "Je t'appelle demain. Dors bien Leo."


Alors que je m'éloigne, prenant les escaliers pour regagner la rue, je ne sais toujours pas ce qui s'est passé et je suis perturbé de ces sentiments qui se mêlent. Je cogite tout le long du chemin vers chez moi, et une bonne partie de la nuit jusqu'à ce que la fatigue ait raison de moi. Ce baiser veut-il dire que nous sommes plus que des amis, que nous avons basculé dans une relation amoureuse, celle que je craignais tant, ou est-ce simplement un baiser de remerciement un peu trop explicite ?