And so it all begins || Slavina

29 août ; 20h05

Yulian est parti il y a un peu plus d'une heure maintenant, il aurait voulu rester mais je ne tenais pas à abuser de son temps, et surtout je sais que ce n'est pas à lui d'être là ce soir. Je n'ai prévenu Slavenko que par acquis de conscience, parce que je ne tiens pas à lui cacher quoi que ce soit concernant cette grossesse, peu importe son manque d'implication ou d'empathie je considère qu'il a un rôle aussi important que moi à jouer dans son développement... C'est à lui de voir à quel point il accepte de le jouer. Non seulement je ne m'attends pas à ce qu'il vienne, mais en plus j'espère sincèrement qu'il ne fera pas l'erreur de venir. Je suis certaine que Jelenko m'a placée sous surveillance -si tant est qu'il ait arrêté un jour de me surveiller- et je ne serais pas surprise que les visites que je reçois à l'hôpital soient étroitement contrôlées. Je ne vois pas comment Slavenko pourrait venir jusqu'ici sans être repéré, et si c'était le cas tous les efforts déployés jusqu'à présent seraient vains.

La chambre est vide, triste et silencieuse à l'exception des bips dispensés par le monitoring. J'y suis habituée, j'ai déjà été dans cette situation et cette fois encore, j'ai peur de rester enfermée ici plusieurs jours. A la différence de la fois dernière, on m'a donné des cachets pour tenter de ralentir ou stopper les contractions... Mais au-delà de ça, ils m'ont surtout mise sous cortisone, pour booster le développement des poumons de Tomas, et réduire les risques d'hémorragie cérébrale. Autant de termes qui me glacent le sang, mais surtout témoignent du fait que la gynécologue suspecte de plus en plus un accouchement prématuré. A ce stade, on m'a bien fait comprendre que ce serait très mauvais sur le bébé, surtout que ma grossesse est compliquée depuis le départ et qu'il a déjà subi quelques chocs. Le premier objectif, d'après la gynécologue, est de tenir jusqu'au 9 septembre, pour sortir de la très grande prématurité. Et moi, j'ai si peur de ne pas y parvenir que j'ose à peine respirer.

Il ne sera pas dit que je ne fasse rien pour mon fils et pour Nina. Je me moque bien de prendre des risques si être à l'abri signifie les abandonner. Camenko pourra pester par la suite, m'attacher au pieu, pour l'instant je peux encore me tirer de cette piaule où j'attends depuis 15 jours. Les premiers jours, j'aurais été bien incapable de sortir d'ailleurs, mais là, je suis suffisamment valide pour me risquer dehors. Quoiqu'il en soit, je prends des précautions. Je ne suis pas toujours aussi idiot qu'il y parait. D'abord, je déjoue l'attention des deux gardes que je sais que Camenko a posté pour surveiller les lieux. Ils ont plutôt tendance à croire que quelqu'un va entrer, pas que je me vais me faire la belle.

Habillé d'un jogging : pantalon et veste à fermeture éclair, capuche rabattue sur la tête, je sors de nuit par l'arrière du bâtiment. Je marche jusqu'à une ruelle où je pique une caisse, je sais encore comment faire, c'est comme le vélo ça ne s'oublie pas. Mon moyen de transport trouvé, je peux aller à l'hôpital où se trouve Nina. Prudemment, je fais le tour du bâtiment pour repérer les éventuelles sentinelles. Si on me croit mort, je ne veux toutefois prendre aucun risque. c'est par les urgences que j'arrive à entrer dans la clinique. je trouve une blouse de brancardier, qui me permet de circuler dans la clinique sans trop attirer l'attention. A cette heure ci de la nuit, le service est réduit. Je suis obligé de consulter rapidement les registres pour trouver la chambre de Nina, en profitant que l'infirmière de garde soit dans son petit bureau à l'arrière à consulter et remplir quelques dossiers.

Je me glisse sans bruit dans la chambre de Nina, refermant soigneusement la porte derrière moi sans allumer. "Chuuutt, c'est moi" dis-je parce qu'elle serait capable d'alerter l'étage en sonnant. Je m'approche du lit où je m'appuie. C'est mon premier effort longue durée et la sueur me colle à la peau. Pourtant, je m'en moque bien, seule Nina compte en cet instant. Je caresse son front d'un geste tendre de réconfort en me penchant pour la dévisager avec cette inquiétude qui me ronge depuis son message.

J'ai un sursaut quand la porte s'ouvre, la pièce est plongée dans l'obscurité parce qu'on attend de moi que je dorme mais comme on peut s'en douter je ne trouve pas le sommeil. Je ne m'attendais tellement pas à le voir ici que le son de sa voix me surprend, et pourtant me transporte d'une sensation de soulagement que je ne saurais expliquer. C'est lui que je veux à mes côtés, en tous temps mais plus encore lorsque ça concerne le bébé. C'est son fils, et je sais que personne ne comprendra jamais ma douleur comme lui, parce que s'il y a au moins une chose dont il est parvenu à me convaincre avec le temps c'est qu'il désire réellement cet enfant. Si j'ai beaucoup de choses à lui reprocher je sais aussi qu'il est la seule personne au monde en présence de laquelle je me sente réellement en sécurité... Et il est aussi le seul dont j'ai besoin, viscéralement, quand tout va mal.

Il s'approche et son visage se découpe dans la pénombre. Ma gorge se serre lorsqu'il se penche sur moi et je ne cherche pas à réprimer l'instinct qui me porte vers lui. Je tends mon bras pour le passer autour de son cou et le ramener, d'autorité, plus près de moi. Je m'étire vers lui et presse ma bouche sur la sienne, avidement, avec toute la fébrilité qui me gagne soudain. Ça n'a plus rien à voir avec le baiser chaste échangé dans sa chambre, loin de là. Je l'embrasse à perdre le souffle, noue ma langue à la sienne dans un baiser désespéré où je me jette à corps perdu. Dans le mouvement je me suis levée, alors même que je ne suis pas censée bouger du lit, et seuls les fils plantés dans mon bras m'empêchent de m'éloigner du matelas. Pendue à son cou, mon front contre le sien, je murmure tout bas, en oubliant juste un instant qu'il ne devrait pas être là : « Merci, merci... » D'être venu, pour moi, de ne pas m'avoir laissée seule cette fois.

Elle se jette à mon cou et instinctivement, je la soutiens, mes mains sous elle pour la porter, qu'elle ne fasse pas d'efforts inutiles. Nos bouches se joignent avec fébrilité et je retiens le gémissement de bonheur qui jaillit dans ma gorge, il ne faut pas faire de bruit... Je bécote sa bouche, caresse ses cheveux, la redépose avec douceur en l'accompagnant pour garder mon visage proche du sien "je suis là, je suis là zlato." Je n'aurais pas pu rester loin d'elle, pas en cet instant. Je devine ses angoisses, sa peine, les mêmes que les miennes et ça fait un écho douloureux que je ne réprime pourtant pas. c'est assez de toujours devoir être impassible, et personne ne peut plus me le reprocher. Je lâche du lest avec moi-même depuis ma noyade manquée "ça va aller moj andjeo, ça va aller." Je la berce encore, la câline, penchée sur elle. On forme un cocon autour de son ventre, protecteur, comme si ça pouvait inciter l'enfant à rester encore au chaud. J'embrasse encore le cou de Nina, ses joues, l'angle de sa mâchoire, plein de câlins tendres pour la réconforter un peu dans la misère qui est la nôtre. Je la relâche un peu mais je reste tout près, par dessus la barrière du lit, ça devient une sale habitude entre nous ! "Ils ont dit quoi les médecins ?"

Ce n'est pas une réconciliation, un pardon, un signe que tout est effacé et qu'on va repartir sur de nouvelles bases, en fait je ne sais pas ce que ce baiser signifie et ça m'est égal. C'est une trêve dans cette guerre assassine qui nous oppose et que je ne supporte plus, un drapeau blanc que j'agite parce que je sais que nous sommes à terre tous les deux et qu'on ne se relèvera pas sans l'aide de l'autre. Ce bébé, c'est désormais un lien indestructible entre nous, un lien qui nous unit peu importe nos différends ou nos déchirures... Mais au-delà même de Tomas je sais aussi qu'on s'est toujours retrouvés, même après les pires épreuves. Parce qu'il est mon âme, j'en suis encore certaine aujourd'hui.

Je le laisse me reposer sur le lit, mais je ne le lâche pas. Mes mains restent sur lui, sa nuque, ses cheveux, ses épaules, ses bras. J'ai besoin de le toucher, ça fait des semaines que je dors seule, que l'étreinte de ses bras me manque, que l'absence d'affection endort peu à peu tous mes sens. Je n'en peux plus de ne rien ressentir d'autre que de la douleur, constamment, qu'elle soit physique ou émotionnelle. Le nez enfoui contre son torse, j'essaie de lui expliquer la situation. « Concrètement ? Qu'il fallait tout faire pour que je n'accouche pas maintenant... A ce stade le bébé serait en grande prématurité et c'est... difficile à gérer. J'ai des contractions inquiétantes, ils m'ont donné des cachets pour les calmer et d'autres pour accélérer le développement de ses poumons... Au cas où... » Je soupire. « Pour l'instant ça va, la douleur s'est apaisée... » Je ne lui dis pas qu'il n'aurait pas dû venir, il le sait déjà et pour être honnête, je suis heureuse qu'il soit près de moi. 

Sincèrement je n’en suis pas à penser à l’avenir, de toute façon bien malin saurait de quoi il va être fait quand on a une mafia au cul. Personne ne dit que je serais encore là dans un mois, mais j’aimerais quand même voir mon fils naître dans de bonnes conditions et que sa mère soit en état de s’occuper de lui. Et en attendant, j’essaye de prendre ce qu’on me donne. Comme l’a dit un auteur dont j’ai oublié le nom, parfois ça doit suffire.

Je reste appuyé sur les coudes, un bras de chaque coté de Nina, le torse de travers pour ne pas appuyer sur son ventre ni gêner les appareils médicaux. J’écoute avec attention les risques, et un pli soucieux barre mon front. « Tu as très mal ? » La voir souffrir ou pleurer, je le supporte toujours difficilement soit en pétant les plombs, soit en m’enfermant en moi-même pour distancier les choses mais cette fois, je n’ai aucun de ces secours. Comme elle ces dernières semaines m’ont mis à fleur de peau et ce soir, je me love contre elle en quête d’un réconfort mutuel.

Je me veux rassurant parce qu’elle est si sensible que je sais comme elle doit angoisser « tu es ici maintenant, ce sont des bons, ils vont bien s’occuper de toi srce moje… ça va bien se passer. » Je descends de plusieurs centimètres pour parler à mon fils, en serbe « hé beba, alors on fait des misères à sa maman ? Reste encore au chaud, tu as le temps pour sortir. » J’esquisse une caresse sur le ventre rond, l’effleure d’un baiser avant de revenir dans les bras de Nina pour l’apaiser si je peux.

Je garde le silence un peu avant de l'informer de ce que je sais.. "J'ai eu un sms de Leg. Il s'est fait choper par des Tigrovi. Il a pu s'en sortir mais pas indemne... et Rothschield est mort." J'aimais bien Rott, on s'entendait bien sans avoir à se parler, on était pareil dans les situations critiques. Les événements se précipitent, je ne sais pas combien de temps je vais encore pouvoir tenir à l'abri. Camenko commence à être rudement exposé...

Je n'ai pas pleuré depuis mon arrivée à l'hôpital, je suis plus inquiète que jamais mais je n'ai pas pleuré, je l'ai tant fait ces derniers jours que j'arrive à bout de forces, même pour ça. Non, je t'assure que c'est supportable... Je pense être plutôt résistante à la douleur et je suis chanceuse parce que le travail n'a pas commencé, on verra si je réponds toujours la même chose lorsque je serais réellement sur le point d'accoucher. Ce n'est pas tellement le seuil de douleur qui les inquiète, c'est plutôt le fait que les contractions soient régulières... Elles ont pu être causées par tout un tas de choses, parfois ça n'a même pas de cause réelle mais dans mon cas je pense quand même que le choc pris le jour de la fusillade, le décollement placentaire, a précipité les choses.

Mon regard s'adoucit sur lui, attendri quand il se penche encore pour parler à mon ventre. Je glisse instinctivement une main dans ses cheveux, en signe d'encouragement ou de reconnaissance, je ne sais pas. Lui ça a l'air d'aller... Son cœur bat correctement, il bouge toujours autant... Il ne semble pas en détresse. Et c'est plutôt bon signe parce qu'autrement, il aurait fallu déclencher l'accouchement alors que c'est beaucoup trop tôt pour ça. Mais sa vie n'est pas menacée à priori, et la gynécologue s'est efforcée de me rassurer en me disant que certains grands prématurés s'en sortent très bien. Je murmure : C'est ton fils, il est solide... Je suis sûre qu'il est solide. Je m'en veux d'avoir tant guetté la fin de cette grossesse si difficile à vivre pour moi, quand maintenant je donnerais n'importe quoi pour qu'elle dure encore un peu.

Je m'assombris à son annonce, et la situation est si grave que je ne peux même pas lui en vouloir de mentionner Legence. Moi aussi, j'aimais bien Rothschild, il était discret et efficace. Il sait où se mettre à l'abri...? Non, je ne souhaite pas la mort de Legence même s'il a une relation trop ambiguë avec mon mari. Peut-être parce que je le connais, que j'ai apprécié bosser avec les quelques fois où c'est arrivé, j'en sais rien. Je voudrais qu'il laisse Slavenko tranquille, pas qu'il finisse six pieds sous terre. Sur le lit je me décale, pour que le slave puisse s'y asseoir, un peu en équilibre. Slavenko c'est trop dangereux ici... On devrait peut-être... Quitter la ville quelques temps, trouver un endroit plus sûr où se réfugier... Je me penche pour poser mon front sur son épaule. J'ai peur pour toi... Je ne veux pas qu'il t'arrive quelque chose... Slavenko... Je lève tout juste le nez pour chercher son regard, mon menton posé sur son épaule à présent. Slavenko tu le sais pas vrai...? Je t'aime, j'ai besoin de toi... Pas seulement pour Tomas mais pour moi aussi... J'ai besoin de toi, je ne veux pas te perdre.

"régulières comme si t'allais accoucher c'est ça ?" Je ne suis pas très au fait de comment ça se passe malgré les magasines que j'ai essayé de lire, mais même pour moi, un et un font deux. Je suis pourtant soulagé qu'elle ne souffre plus trop et surtout qu'elle soit ici sous haute surveillance et bien entourée. S'il y a le moindre problème, l'équipe médicale pourra intervenir très vite. Je rassure Nina avec un sourire même si mon regard reste sombre "bien sur qu'il est solide. Il tient de sa mère si tu veux mon avis."

A sa question, je suis bien en peine de répondre. Je hausse les épaules de l'air du mec qui n'en sait pas beaucoup plus. "Surement, sinon il ne m'aurait pas écrit. C'est Leg il retombe toujours sur ses pattes. Il m'a prévenu ce soir, j'en saurais plus quand il me recontactera."

Ses paroles me réchauffent le cœur parce qu'elle dit qu'elle m'aime et que j'étais loin d'être sur de cet état de fait. Mon propre cœur s'emballe, et installé une fesse sur le pieu, mes côtes tiraillant douloureusement, je ne me suis jamais senti plus vivant qu'en cet instant, ni plus soulagé et heureux. Je me penche pour embrasser un bout de peau au hasard sur sa tempe. "Je t'aime aussi Nina et je suis là. Pour toi. Je fais attention, ne t'inquiète pas. Je suis prudent, plus que jamais. On peut pas bouger pour l'instant, il faut vraiment que tu restes tranquille, allongée et au calme. On ne peut pas prendre le risque pour l'accouchement. Après la naissance de Tomas, on quittera la ville. On se mettra au vert quelque part." j'entortille mes doigts dans ses cheveux "Chaque jour ici permet que notre fils aille mieux. Je peux encore me planquer tant qu'il a besoin de grandir en toi. Et toi, ça va aller moj andjeo ? Tu vas tenir le coup ? t'es un p'tit bout de femme très solide tu sais. je suis fier de toi srce... ja volim te. "

J'acquiesce doucement. « Oui, rapprochées comme si j'allais accoucher... » La gynécologue a pris presque une heure pour m'examiner et discuter avec moi, et je crois qu'elle a bien senti à quel point j'étais angoissée. Pour avoir eu une discussion que je pense honnête avec elle, il est clair que j'accoucherais avant le terme. Les contractions durant la grossesse sont courantes, mais la poche dans laquelle se trouve le bébé est mal accrochée depuis la fusillade et clairement mon état de stress n'a pas aidé. Tout ce qu'on peut faire maintenant, c'est retarder l'inévitable autant que possible. Je ne veux pas que Slavenko s'angoisse de trop parce que je n'ose imaginer son état en ce moment, ce doit être suffisamment difficile à gérer, alors j'essaie de le rassurer. « Ce serait compliqué mais j'entre dans mon septième mois de grossesse, le mois dernier elle a accouché une nana qui en était à moins de six mois et le bébé s'en est sorti. Il est en couveuse mais il va s'en sortir... » Je ne dis pas que c'est un coup de chance monumental, ou qu'il peut y avoir des complications. Mon fils va s'en sortir, ce n'est pas possible autrement.

On se niche comme on peut l'un contre l'autre malgré l'étroitesse du lit, je crois qu'on a tous les deux besoin de réconfort et je ne veux plus me tenir éloignée de lui. Yulian deviendrait fou s'il me voyait mais je ne peux pas faire autrement, pas dans un moment pareil. Je sais bien qu'il a raison, que dans les faits je ne peux pas me permettre de quitter la clinique. « J'ai juste peur... J'ai juste peur qu'on ne tienne pas jusqu'à l'accouchement. » J'ai peur qu'on lui tombe dessus avant, qu'on vienne finir le travail et pour le coup je ne sais pas si j'y survivrais. Cette fois je ne cherche pas à faire semblant que ça va aller, moi aussi je suis fatiguée de devoir garder la face. « Je sais pas... J'ai pas envie de rester ici, j'ai peur d'accoucher trop tôt, j'ai peur de devoir passer les trois mois qu'il me reste dans cette clinique, j'ai peur de ne plus te voir, que les choses se passent mal, qu'il t'arrive quelque chose ou que ton père vienne pour moi. » Ce n'est pas une option que j'exclus, je sais très bien qu'il ne laissera pas partir sa belle-fille enceinte de son petit-fils, surtout pas s'il croit que je suis sans protection à présent.

"Je sais comme ça doit être dur pour toi mon ange. Et je suis désolé que ça se passe comme ça, que tu doives subir tout ça mais tu dois rester ici tant que la gynéco ne t'autorise pas à rentrer à la maison. " Je parle tout bas contre sa joue, mes mains caressent doucement son cou et fouillent dans ses cheveux avec tendresse pour la réconforter autant que je peux. "On va tenir, je sais qu'on va tenir. Et le bébé ira bien. Tu n'est pas toute seule duso. Camenko est là, ses hommes veillent sur toi et si tu as besoin de moi, je viens, comme ce soir. Tout le monde me croit mort, ce n'est pas un grand risque. Je viendrais te voir mon ange, tu ne seras pas toute seule. si mon père.. " ma voix se tend et je dois marquer une pause, reprendre en changeant les termes "Si Jelenko passe te voir, donne le change, il ne te fera rien srce, tu portes son petit fils, son espoir." C'est dit avec amertume mais je ne crois pas qu'il voudrait du mal à l'enfant sinon il aurait attaqué Nina en même temps que moi. Parfois je me demande si c'est lui qui a essayé de kidnapper Nina et qu'il a juste détourné les soupçons pour faire croire qu'Aleksandra était visée. Je ne sais plus trop quoi croire, et je me fie au jugement de Camenko à présent.

Je secoue doucement la tête, le regard voilé. « Je devrais être à la maison... On devrait tous les deux être à la maison... » Ce n'est pas comme ça que les choses sont censées se passer. On devrait profiter des dernières semaines de grossesse pour préparer l'arrivée de Tomas, monter les meubles dans sa chambre et en terminer la peinture, faire les boutiques pour lui acheter des vêtements. On devrait passer du temps tous les deux, pour savourer nos derniers instants en tant que couple sans avoir un bébé dont s'occuper au milieu. On devrait aller au restaurant, ou au cinéma, faire une journée au spa et une nuit à l'hôtel, passer nos soirées sous les draps à se bécoter en matant des films à moitié et en faisant des projets d'avenir. On ne devrait pas être là, à se demander s'il sera encore en vie demain, ou si notre fils sera suffisamment solide pour survivre. Je fourre mes mains sous son sweat, contre ses flancs pour toucher sa peau. « Je ne lui ai même pas encore acheté de vêtements, on n'a même pas de poussette pour lui et j'ai pas... Je suis pas prête, tu comprends ? C'est trop tôt, j'ai encore trop de choses à faire, trop de choses à m'occuper je peux pas... Je peux pas rester ici. »

Une nouvelle fois, à la mention de son père, je secoue farouchement la tête en me serrant plus fort contre lui. « Non, c'est ton enfant que je porte, ton fils. Jelenko n'a aucun droit sur cet enfant, et je te jure que je le tue s'il ose un jour s'approcher de lui. » Je ne saurais pas donner le change, je n'ai jamais été très douée pour ça mais tout est très clair dans mon esprit à présent, je n'exposerais pas Tomas à sa famille de tarés. Jamais. Je lève la tête et reviens chercher sa bouche, mes baisers empreints du même désespoir qui ne me quitte plus. « Je veux être près de toi... »

"je sais moj andjeo, je sais bien... ja volim te..." je ne peux que la serrer dans mes bras en lui offrant ma présence et mes baisers. C'est peu mais en cet instant, il n'y a pas grand chose que je puisse faire d'autre et je me sens impuissant. J'aimerais aussi être avec elle à la maison, toutes ces choses qui m'ont fait peur me manquent avec une acuité amère et douloureuse. Je ne rêve que de Nina souriant dans mes bras, riant contre ma bouche. Tout le reste est cauchemar. "On fera tout ça mon cœur. Il faut attendre que notre fils soit là. Il faut qu'il reste bien au chaud encore en toi un petit moment et après on partira. On se trouvera un coin tranquille et on ira le promener en poussette pour le bercer. Et je te ferais du chocolat chaud parce que l'automne sera là. On mangera des marrons grillés au coin du feu"

Je n'insiste pas concernant Jelenko parce que le sujet est trop sensible pour Nina et elle a besoin de calme pas de paniquer ni de sombrer dans l'hystérie. Je bécote sa bouche avec langueur, cherche sa langue doucement pour la nouer à la mienne. "Je suis là srce, je suis là..." Je l'aime tellement, avec un désespoir pourtant teinté de cette force de vie. On va s'en sortir, on le fait toujours.

L'idée même de devoir fuir après l'accouchement me terrifie. J'aime notre maison, j'aime ce qu'on en a fait et j'imagine déjà notre fils grandir là-bas. Chaque fois que les choses ont été difficiles entre nous, je suis partie en lui laissant tout, c'est moi qui allait m'isoler, toujours. Cette fois même en envisageant la rupture je n'ai pas songé qu'il pourrait garder la maison. C'est la maison dans laquelle je veux élever Tomas. Le jardin, immense, me plaît parce que j'ai toujours rêvé d'en avoir un étant enfant. C'est la parfaite distance entre la ville et la campagne, nous y sommes au calme et pourtant proches de tout ce dont il pourrait avoir besoin. J'imagine déjà lui construire une cabane dans un arbre, lui acheter une immense balançoire, jouer avec lui dans la piscine. La maison est même assez grande pour qu'il ait une salle de jeux. Et bien-sûr aucun enfant n'a besoin de toutes ces choses-là. Mais je ne veux pas seulement combler ses besoins primaires. Je veux qu'il soit heureux, lui offrir tout ce dont il pourrait rêver, créer des souvenirs dont il pourra se bercer tout au long de sa vie. Je veux qu'il ait tout ce que je n'ai pas pu avoir. Je le souffle tout bas en une phrase qui signifie tout : « Je ne veux pas déménager... » Je le ferais si c'est le seul moyen d'assurer notre survie, mais je n'en ai pas envie.

Son baiser hérisse ma peau, fait courir des frissons de désir le long de mon échine, dans le creux de mon ventre. Ce n'est pourtant pas le moment de penser à ce genre de choses et je sais, en plus, que je ne suis plus en état pour ça... Mais je ne peux m'empêcher de le désirer, sans doute avec toute la force de mon désespoir, de l'angoisse que j'ai eu et que j'ai encore à l'idée de le perdre. Je lui rends son baiser en gémissant, le souffle ne tardant pas à me manquer. « Je suis désolée de ne pas... de ne pas avoir été à la hauteur. » Mes doigts errent le long de son dos, mes paumes se nichent sur ses omoplates. « J'ai fait de mon mieux pour... prendre soin de toi, te soutenir et essayer de t'aider à remonter la pente mais je suis juste... Je suis à bout de forces depuis tellement longtemps que je ne sais plus comment faire... » Son père a voulu le tuer, ses frères d'armes l'ont trahi, sa famille s'est retournée contre lui et je sais bien, peu importe mes blessures, que c'est plus important que n'importe quelle infidélité -supposée ou non- de sa part.

"On déménagera pas. On se mettra à l'abri et puis Avec Cam, on va s'occuper de remettre les choses en ordre. Après on rentrera. C'est juste un contretemps mon ange. On l'aura notre maison et notre famille." Je suis farouchement décidé à ne pas laisser Jelenko gagner. Si Nina me le demandait, je partirais avec elle, où elle veut mais mon désir de vengeance s'est réveillé avec ma volonté de vivre. Je commence à reprendre du poil de la bête et ma rage va avec. Elle a une cible toute trouvée, mon père et mon oncle, je ne l'oublie pas non plus celui là.

"Ne dis pas ça zlato. Tu as fait ce qu'il fallait. Prendre soin de toi et du bébé. Ja volim te. Je te mérite pas, tu sais ça ?" Je l'aime avec une violence destructrice, c'est vrai, et je ne sais pas comment elle fait pour résister, ce frêle petit bout de femme. J'ai mérité tout ce qu'elle m'a dit, et son  rejet aussi. Je ne suis que trop heureux de pouvoir être là aujourd'hui. Ce miracle c'est à notre fils qu'on le doit. Elle est tellement plus forte qu'elle ne croit et chaque jour, elle m'impressionne. "Volim te, volim te Nina. Il faut que tu reposes un peu srce, ici, et moi je reste en contact avec toi. Je t’appellerais, tu as toujours le téléphone ? et je passerais si je peux. Je veux te voir mon ange, pouvoir t'embrasser. Tu me manques là-bas tu sais ? Mais ce sera bientot fini et on pourra à nouveau être ensemble à la maison. Il faut juste un peu de patience. Tu n'as jamais été très patiente, pas vrai duso ? "

Je n'ai d'autre choix que de le croire quand il m'assure que la situation va s'arranger, c'est le seul espoir auquel je peux me raccrocher tandis que je suis enfermée dans cette chambre. Encore. Avec la menace d'accouchement prématuré qui plane au-dessus de ma tête... Et la menace de mort qui plane au-dessus de celle de Slavenko, j'ai besoin d'une lueur dans l'obscurité, de pouvoir imaginer l'avenir et de l'envisager plus beau et plus lumineux sinon je vais craquer. Tout va forcément s'arranger, on ne peut pas tomber plus bas, pas vrai ? « Quand ce sera fini, quand ça ira mieux... On fera une fête. D'abord on s'enfermera à la maison, toi, Tomas et moi, on restera juste tous les trois, ensemble... Et ensuite, quand on se sentira prêts, on fera une fête, avec les amis et la famille qu'il nous restera. » Il pourra même inviter Legence si ça l'amuse, ça m'est égal je ne sais de toute façon pas où on va lui et moi.

Je lui réponds d'un ton boudeur. « Non, je sais... » Je ne vais certainement pas le détromper maintenant, il ne me mérite pas. « Je l'ai toujours, oui... Tous les jours, d'accord ? Appelle-moi tous les jours, molim te. » Il n'aura de toute façon rien de mieux à faire s'il retourne à l'appartement de Camenko pour y être en sécurité. « Toi aussi, tu me manques... » Depuis des semaines, pour être tout à fait honnête, l'interlude en Croatie n'a été que trop bref, pas assez pour me rassasier ou me permettre de vraiment remonter la pente. « Tu devrais y retourner, Slavenko... J'ai envie d'être avec toi mais je n'aime pas te savoir ici, tu n'es pas en sécurité... Tu veux bien essayer de te tenir tranquille, maintenant...? Je sais que t'aime pas rester là-bas mais tu ne devrais pas sortir... »

Il faut bien qu'on se raccroche à l'espoir, c'est le plus puissant moteur de survie. Je ne suis pas prêt à renoncer. Pas encore. On a encore une partie à jouer et quelques cartes en main, j'en suis persuadé. Le cœur de l'affaire, c'est Saskia, j'en suis convaincu. "on fera toutes les fêtes que tu veux mon amour... Tout ce que tu veux" Je crains qu'il n'y ait plus beaucoup d'amis ou de famille mais je me contenterais de ce qui me reste. Nina me suffit à elle seule même quand je joue au con.

Je souris à son ton boudeur qui me fait fondre, frémir de cette amour qui me porte vers sa bouche, me fait soupirer contre. Je ne sais pas comment je vais faire pour me détacher d'elle et repartir, ça me semble impossible. Je voudrais dormir contre elle, comme un chien de garde, sauf que c'est moi qui amène les ennuis. "Tous les jours srce...et j'essaierais de venir encore. Personne ne peut me voir la nuit. Regarde, ils me prennent pour un ambulancier avec cette blouse. Je vais rester encore un peu, les infirmières ne passeront pas avant deux heures au moins. Tu peux dormir dans mes bras mon ange, on est en sécurité, je rentrerais avant l'aube." Je ne pouvais pas rester à l'appartement, pas après son message. L'imaginer ici toute seule, angoissée, malheureuse, est un crève-cœur. "ti si moje srce, moj andjeo malo"

« Ce ne sont pas les infirmières qui m'inquiètent... » Je n'ai pas pu que les médecins le renvoient, vu le prix qu'on paye cette clinique il a tous les droits de rester ici avec moi pour un peu qu'il le veuille, ils l'ont laissé venir comme il voulait la dernière fois. Non, j'ai peur que Jelenko m'ait fait surveiller et que, me sachant à l'hôpital, il ait placé des hommes à lui pour surveiller les alentours. J'ai peur qu'on le trouve et qu'on apprenne qu'il s'en est sorti, je ne peux pas le protéger dans mon état et encore moins de là où je suis... Et lui non plus n'est plus vraiment en état de se défendre, il n'a pas encore récupéré.

J'abdique pourtant parce que j'ai perdu toute force de volonté, il ne me reste que de quoi tenir pour Tomas mais rien d'autre. Je me rallonge sur le lit en l'incitant à venir avec moi. Heureusement que je n'ai pas beaucoup grossi, je me place sur le flanc, autant au bord que possible, dos à lui pour que mon ventre ne le gêne pas. Il peut ainsi s'allonger à côté de moi, dans mon dos, ses bras ramenés sur moi. Les lits sont à peine plus larges que dans un hôpital public, je ne suis pas sur un brancard parce qu'ils ont l'intention de me garder ici un moment, j'ai donc le droit à quelque chose d'un tout petit peu plus confortable. Je me blottis contre lui, lovée dans le creux de ses bras comme je rêve de l'être depuis des jours, et je ramène doucement ses mains sur mon ventre. Sous la peau fine, il peut sentir les mouvements très légers de Tomas, qui s'était arrêté de bouger jusqu'à ce que les contractions cessent. Je ferme les yeux, baisse la tête pour enfouir mon visage contre son bras. « Où est-ce que tu m'emmèneras en voyage de noces, Slavenko...? »

Je sais ce qui l'inquiète mais quand bien même des Tigrovi seraient dehors, ils ne m'ont pas vu entrer et je suis en sécurité tant que je reste dans la chambre. Pour repartir ce sera autre chose, mais tant que je pars quand il fait encore nuit, je limite les risques.

Je m'installe avec elle sur son lit, retenant ma respiration quand la douleur me transperce avant que je ne puisse me détendre. Je ramène Nina contre moi, la laisse disposer de mes mains. Je caresse mon bébé protégé dans le ventre rond de sa mère, mentalement je l'exhorte à rester là encore. La question me fait sourire et je n'ai pas besoin de réfléchir à la réponse "Granada bien sur. Et Séville. On fera toute l'Andalousie. Tu pourras te gaver de jus d'orange frais et tu auras peut-être même la chance que je te laisse bronzer un peu. On ira dans un superbe hôtel avec une piscine. Tu pourras dormir le matin, on prendra notre fils avec nous dans le lit. Je suis sur qu'il aimera déjà l'eau, comme ça mère, ribica mala, tout pareil. Et quand il dormira, on fera l'amour dans le jacuzzi"

Il parvient à amener dans mon esprit angoissé des images lumineuses, joyeuses qui me font sourire. C'est exactement ce dont j'avais besoin, et ce que je cherchais en lui posant cette question, je sais qu'il l'a compris. Je souris contre sa peau, serre plus fort ses mains dans les miennes, apaisée par le son de sa voix. Je ne suis pas très fière de moi parce que je mets mon ego blessé de côté une fois de plus, parce que je lui pardonne trop vite sans doute mais ça fait du bien, vraiment, de ne plus être en colère, ne serait-ce que l'espace de quelques heures. Je ne peux pas lui en vouloir sans cesse, c'est trop douloureux, je l'aime trop pour que ça ne me détruise pas à petit feu.

« On attendra le printemps, pour qu'il fasse frais ici mais très chaud là-bas. Ou alors en novembre, il fait encore chaud là-bas en novembre, même en octobre en fait, ça dépendra de Tomas, de quand il se décide à pointer le bout de son nez et de s'il est assez en forme pour faire le voyage... Sinon ce sera l'année prochaine. » Je suis pressée mais je ne veux pas mettre mon bébé en danger, et aussi je veux aller là-bas quand il fera beau et chaud, pour profiter du soleil. « On fera l'amour tout le temps, un bébé ça dort tout le temps... » Presque vingt heures par jour, en tout cas c'est ce qu'on m'a raconté et moi, naïve, j'y crois. Je murmure tout bas ces mots que je ne devrais pas dire, que je ne devrais même pas penser après l'épisode douloureux du hammam mais j'ai besoin, encore, de cultiver les pensées plus douces pour ne pas sombrer. « J'ai envie de toi, j'ai envie de ta peau et de tes mains sur moi, de ta bouche qui me mord, de ta langue sur mon ventre, de tes doigts entre mes cuisses... J'ai envie de m'endormir dans tes bras et que ta chaleur m'éveille au milieu de la nuit... Ta peau me manque, Slavo... »

Moi aussi je vois le soleil et la peau claire de Nina étincelante de gouttelettes d'eau que je lécherais une à une pour la sécher jusqu'à ce qu'elle s'abandonne dans mes bras. Je nous vois prendre le petit déjeuner sur la terrasse, mon fils dans mes bras tandis qu'elle mangera une tartine de confiture, ses lunettes de soleil sur le nez, un grand chapeau ombrageant son visage souriant. J'ai envie d'avoir pendant une heure de belles images dans la tête, autre chose que les coups de poings qui me mettent à terre et la vase de la Miljacka . "C'est bien le printemps, ce sera romantique avec les fleurs."

Ma peau se hérisse à ses aveux murmurés et j'étouffe un "srce" intense qui dit tout mon manque d'elle. Je me soulève assez pour écarter la blouse et défaire la fermeture éclair de ma veste de jogging sous laquelle je ne porte rien (enfiler un tee-shirt encore compliqué sans aide.) Je prends ses mains pour les poser sur mes flancs où les bleus sont quasi résorbés. Lentement, j'écarte le col de son débardeur pour exposer ses seins. je pose ma bouche dessus, enfouis mon visage contre leur douceur, laisse glisser ma langue sur la peau odorante et douce. Je ne suis pas très sur qu'on puisse faire l'amour mais on peut au moins jouer un peu avec le désir et se prouver que nous deux, il y a plus que le bébé à venir. "Je pense à toi toute la journée zlato, si tu savais..." Mon obsession tourne autour de Nina, de ma peur de la perdre, de mon envie de tout réparer. J'ai envie de me fondre en elle, de faire taire ses doutes dans les gémissements qu'elle pousserait sous mes coups de reins. Je brûle pour elle même quand je me morfond. C'est elle la flamme claire de mon existence. J'attaque un téton avec obstination, ma langue le tyrannisant avant que je ne le mordille.

Mon sourire s'élargit, je hoche doucement la tête. « Oui c'est bien le printemps... Tu pourras jeter des pétales de fleurs dans le jacuzzi, comme en Croatie, pour exprimer ton romantisme... Par contre les tours en calèche c'est terminé. » Je sais que je peux en plaisanter aujourd'hui, il ne peut pas se vexer, surtout pas vu la situation dans laquelle nous sommes. « Et cet hiver, quand on ne pourra pas aller en Espagne, on profitera de la maison... Il neige ici parfois ? J'aimerais bien qu'il neige, que le jardin soit tout recouvert de blanc.. Et moi je pourrais me baigner nue dans notre piscine brûlante, au milieu du froid. On fera installer un jacuzzi juste sous la terrasse... » C'est quelque chose que j'ai toujours voulu faire, me baigner dans l'eau chaude quand il fait froid dehors, comme dans ces étendues d'eau dans les pays du Nord. C'est ainsi que je les imagine en tout cas.

Sa voix rauque, son souffle chaud caressent ma nuque et je pivote finalement pour lui faire face, j'ai besoin de le regarder, de plonger mes yeux sombres dans les siens. Il guide mes mains sur sa peau, et je soupire en sentant la chair chaude, souple, frémir sous mes doigts. Son aveu m'électrise, me rassure aussi parce que ça veut dire qu'il me désire encore. Je soupire sous ses lèvres, me cambre légèrement pour mieux presser mes seins contre sa bouche. La pointe se dresse, durcit entre ses dents et je pousse un petit gémissement à la sensation de chaleur qui se déploie dans mon ventre. « A quoi tu penses, dis-moi à quoi tu penses quand tu penses à moi, moja duša... » Lentement, je passe une main entre nous, son pantalon de jogging est bien pratique parce que je peux m'immiscer dessous aisément, et je viens l'effleurer dans un soupir.

J'ai pouffé de rire à son commentaire sur la calèche. D'accord j'avais peut-être un peu abusé mais je me souviens de son abandon sous moi et c'est un bon souvenir. "Il neige ici, oui, souvent. On installera un jacuzzi brûlant moj andjeo..."

Brûlant comme moi contre sa peau. Je retiens un soupir excité quand elle va farfouiller dans son froc, ma queue se tend contre ses doigts. J'ai failli mourir et je n'aspire qu'à vivre sous son joug en cet instant précis, je veux mourir en baisant pas dans une eau froide loin d'elle. Le désir me brûle les reins. "Tu entres dans la pièce et tu me souris. Ton sourire s'efface parce que tes yeux s'assombrissent et je sais que tu me veux. Après je suis en toi, au chaud dans ton corps et je te baise lentement mais fort. Tu gémis sous moi et c'est bon parce que tu es chaude, brûlante. Et on jouit ensemble, ma bouche sur ta bouche. Et plus tard, j'ai ma tête entre tes cuisses et tu t'accroches à mes cheveux. Ils sont plus longs... Je te lèche et tu as mon goût parce que tu es à moi, rien qu'à moi srce..." Ce sont les rêves et les désirs qui me hantent. Je les halète contre sa peau à présent alors que je suis dur entre ses doigts fin. Mes mains soulèvent ses seins lourds à ma bouche. Je ne cesse de les sucer, je les rougis de ma barbe trop longue. Je libère une de mes mains pour sucer mes propres doigts, les mouiller avant de les fourrer sous les draps pour venir effleurer son sexe, me contentant de caresses appuyées contre son clitoris. Je gronde désespérément "encore, encore...Nina...Nina..."

J'enveloppe sa queue de ma main, un frisson de plaisir me remonte le long du bras à la sentir gonfler contre ma paume. Je crois qu'un instant j'ai craint de ne plus savoir le faire vibrer, et le soulagement qui m'envahit s'accompagne de ce désir sans cesse renouvelé. S'il y a bien une chose qui a toujours fonctionné entre nous c'est le sexe, notre entente charnelle est trop parfaite et je sais que même séparée de lui, je ne saurais pas résister longtemps à l'appel de sa peau. C'est sans doute pour ça que l'imaginer avec quelqu'un d'autre m'est si douloureuse. Comment peut-il vibrer dans d'autres bras autant que dans les miens ? Comment pourrait-il perdre le contrôle autant qu'avec moi ? C'est trop puissant pour ne pas être unique et je ne peux pas supporter l'idée de ne pas être la seule. Je ne peux pas être rien qu'à lui si l'inverse n'est pas vrai, je me refuse à lui appartenir encore.

Mon nez enfoui dans ses cheveux, je ferme les yeux en me berçant des phrases qu'il susurre à mon oreille. Les images qu'il dépeint se dessinent sous mes paupières, réchauffent mon ventre. Je gémis quand il glisse sa main sous les draps pour se perdre entre mes cuisses. J'aimerais qu'il me pénètre mais je ne sais pas si on a le droit alors je me contente d'onduler contre sa main, de frotter mon sexe contre ses doigts. Je rêve de lui depuis trop longtemps pour ne pas démarrer au quart de tour et grimper trop vite, trop fort dans le plaisir. Je le masturbe au rythme de ses caresses, haletante, le souffle court. Oui encore... Il jouit entre mes doigts et la sensation de son sperme se répandant sur ma peau suffit à me faire jouir à mon tour. J'étouffe mon râle de plaisir contre sa bouche, que je reviens chercher avec entêtement.

Le fantasme se superpose à la réalité, je suis derrière elle à la prendre à grands coups de reins brutaux, mes doigts incrustés dans sa chair blanche, les claquements de mes hanches rougissant ses fesses et c'est dans cet enchaînement que je jouis entre ses doigts et elle entre les miens. Les longs traits de sperme dans sa paume sont libérateurs de tensions, d'angoisse et de désirs et j'exhale un grognement de plaisir mêlé de soulagement. Une fois les spasmes refluant, j'essuie la main de Nina et mon sexe avec un coin de la blouse. J'aime l'odeur de mon sperme sur elle, qui se mêle à la sienne. Ma bouche cherche avidement la sienne, avec moins de hâte et plus de voluptés alors que malaxe encore doucement ses seins pour le plaisir de sa chair chaude et douce.

Si je meurs en sortant d'ici, je sais que ça en valait la peine, parce qu'elle est ma vie et que rester trop loin d'elle trop longtemps signifie m'annihiler, me perdre, m'oublier moi-même. Je caresse sa joue, l'encadre de ma paume en déclarant avec gravité "volim te Nina." Je la berce de mots d'amour encore un bon moment, une heure encore avant que l'aiguille du réveil ne me fasse grogner de déplaisir. "faut que j'y aille srce, sinon il fera trop clair...Je t'appelle tout à l'heure...et toi repose toi moj andjeo, ok ? prends soin de notre fils mon amour. Et de toi. Surtout de toi."

Moi aussi, l'orgasme me libère de tensions douloureuses accumulées depuis trop longtemps. Je ferme les yeux en me blottissant contre lui, du moins autant que mon ventre entre nous me le permet. Je ne veux pas qu'il s'en aille. C'est l'idée qui tourne dans mon esprit, en boucle comme un mantra, tandis qu'il me serre contre lui, me berce et me câline. La perspective de me retrouver à nouveau seule dans cette chambre, en le sachant seul dans la sienne, me glace de l'intérieur. J'ai besoin de lui, aujourd'hui plus que jamais, et je trouve ça cruel de nous séparer, quand bien même c'est pour notre sécurité. J'en ai assez de me débrouiller seule et je devrais pouvoir compter sur mon mari pour me soutenir dans cette période difficile. Je ne lui en veux pas pourtant, pas de ça, parce qu'il n'est pas fautif et qu'il doit penser à sa sécurité.

Je somnole dans ses bras, apaisée pour la première fois depuis longtemps et pourtant je tremble quand il me dit qu'il doit s'en aller. Mon premier réflexe est de fermer les yeux, de secouer la tête en me serrant contre lui. Mon Dieu je ne veux pas qu'il s'en aille ! « Fais attention à toi, molim te... » Je ne peux rien lui dire d'autre, je sais qu'il ne peut pas rester. Je prends son visage en coupe entre mes mains pour l'embrasser longuement, langoureusement, à perdre le souffle contre ses lèvres. « Envoie-moi au moins un message quand tu es à l'abri, d'accord...? Je vais mourir d'inquiétude sinon... » Je reprends un baiser, plus court, sur ses lèvres, mon front contre le sien.