Où tu vas ne va personne, où tu vas il fait trop froid || Multi

Date de naissance (rp) : 05/08/1992

Où tu vas ne va personne, où tu vas il fait trop froid

Nina & Others

16 août ; 06h26

J'ai enfoncé mes ongles si profondément dans mes paumes que j'y ai laissé des marques, en forme de demi lunes, ensanglantées. Mes phalanges, blanches d'avoir depuis trop longtemps les poings serrés, sont douloureuses, au même titre que chaque articulation, chaque muscle de mon corps. Les fibres de mon être vibrent, comme si se répercutait sur elles, en écho, la douleur de mon mari. Il est pourtant endormi, derrière une porte close que je n'ai plus le droit d'ouvrir pour le moment. Je serre les mâchoires depuis une éternité, déjà, pour réprimer les claquements de mes dents qui ne sont en rien dus au froid. Pourtant tout mon corps tremble spasmodiquement, mon ventre se tord en contractions douloureuses qui, je crois, n'ont rien à voir avec celles que j'ai ressenties après la fusillade. Je ne suis pas sûre qu'elles soient liées à la grossesse, mais je ne saurais pas dire si elles nuisent ou non au bébé. Non, les symptômes sont différents, mais ils ne sont pas nouveaux pour autant. Je ne les connais au contraire que trop bien, et je ne pensais pas qu'il était possible de ressentir si brusquement le manque, plusieurs mois après ma dernière prise.

Les bruits de pas approchant dans le couloir me font sursauter, et bien souvent lorsque je relève la tête, tendue comme un arc, c'est pour croiser le regard fuyant d'un médecin ou d'une infirmière. Mais pas cette fois. Lorsque le visage blême de Camenko apparaît dans mon champ de vision, je crois que mon cœur s'arrête de battre. J'ai laborieusement composé son numéro pour balbutier des paroles incompréhensibles au téléphone, et je ne pensais pas qu'il viendrait. Je ne pensais pas qu'il aurait compris où j'étais. Je pensais être soulagée de le voir, de ne plus être seule pour affronter ça mais sa présence, soudain, rend seulement le cauchemar plus réel. Tangible.

Je prends appui sur le banc et tente de me relever, la tâche est rendue difficile non pas par mon ventre qui commence pourtant à se faire imposant, mais par mes jambes qui flageolent si fort que je crains de tomber. J'ai les joues creusées de sillons de larmes qui se sont taries, les yeux enflés d'avoir trop pleuré, la poitrine soulevée de sanglots qui ne sortent pas quand je chancelle jusqu'au slave. J'ai toujours su rester digne, jouer la comédie, les faux-semblants, ç'a longtemps été mon gagne-pain d'ailleurs. Au Red Manor même sous les coups si j'ai ployé, je n'ai jamais supplié, jamais cessé de lutter. Mais je n'ai jamais, jamais su mentir dès lors que Slavenko est en cause.

Je serre les dents, retiens mon souffle quelques secondes jusqu'à être -presque- certaine de pouvoir prendre la parole sans fondre en larmes à nouveau. Je crois que Camenko a suffisamment subi mes états d'âme pour les vingt prochaines années. Il me faut malgré tout faire des pauses régulières entre les mots pour ne pas craquer. « Il est... en soins intensifs... J'ai pu le voir rapidement mais... Je sais pas si tu... pourras y aller... »

Awful

Date de naissance (rp) : 23/08/1981

Peu, ou plus d’air. Camenko était essoufflé sans même avoir couru. Son palpitant galopait trop pour n’être pas épuisant, et le piège à loup qui comprimait sa cage thoracique ne l’aidait pas à récupérer l’oxygène dont il avait cruellement besoin. La fatigue engourdissait ses muscles, son esprit, ses poumons, jusqu’à sa voix qu’il tentait de maîtriser pour ne pas trahir la colère, l’inquiétude et la crainte qui infusaient dans son être tout entier. Il raccrocha, cracha le nom de Drazavic à la standardiste cachée derrière son bureau et ses lunettes de vue, constitua sur l’écran de son téléphone un troisième numéro qu’il connaissait sur le bout des doigts. Mais la tonalité d’attente s’éteignit, et le répondeur sur lequel il tomba lui fit comprendre à nouveau qu’il était bien trop tôt pour espérer un interlocuteur. La secrétaire marmonna un service et un conseil d’orientation au trentenaire tandis qu’il articulait un ordre pressé à l’attention de son interlocuteur aux abonnés absents. Le brun fit disparaître son portable dans sa poche avant de filer dans les couloirs sans prendre le soin de remercier la pauvre femme qui l’avait renseigné.

Il se sentait impuissant. Aveugle et sourd. Et c’était un sentiment oppressant quand on voyait d’ordinaire tout ce qu’il se passait et qu’on entendait jusqu’aux pensées les plus intimes de n’importe qui. Camenko serra les poings à mesure qu’il progressait. Comment une nouvelle comme celle-ci avait-elle pu se perdre entre les fils de sa toile ? Comment diable, dans un monde où l’information circulait officieusement en quelques secondes, et d’un média à l’autre en cent-soixante-quinze minutes, se pouvait-il qu’on ne l’ait pas réveillé avant pour lui gueuler que le Klan avait été frappé par un séisme dantesque ?
Le brun n’avait pas tout saisi lorsque Nina l’avait sorti des bras de Morphée, en larmes. Mais il craignait de n’avoir que trop compris ce qu’il se passait. Et sa gorge se nouait quand les soins intensifs approchaient.

Il bifurqua au détour d’un couloir, accusant douloureusement la vision de la petite brune, défaite. Son teint pâle comme la mort faisait étrangement écho au sien, et seuls ses yeux, rouges d’avoir sans doute trop pleuré, redonnaient un peu de vie et de couleurs à son visage. L’espace d’un instant, la pompe cardiaque de Camenko lui tomba dans le ventre, puis dans les talons. Il était mort. Ce con de Slavenko était mort. Et il ne l’avait pas vu venir.

Nina s’immobilisa à quelques pas seulement de lui, les épaules basses, la mine affreusement triste.

« Il est... en soins intensifs... J'ai pu le voir rapidement mais... Je sais pas si tu... pourras y aller... »

Camenko hocha la tête, clignant des paupières pour digérer l’information. Il attrapa l’Américaine par les épaules et l’enlaça doucement dans une étreinte qu'il voulait rassérénante.

« Ça va aller. Ça va aller, répéta-t-il. Explique-moi. Qui t’a prévenue ? Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Qu’est-ce qu’il fait ici ? A l’hôpital, j’entends. »

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Date de naissance (rp) : 05/08/1992

Je vous jure que je me maîtrise, en tout cas autant que j'en suis capable, jusqu'à ce que Camenko fasse un pas vers moi. D'abord je me fige toute entière, tétanisée, les muscles crispés, retenant mon souffle quand il pose ses mains sur mes épaules. Mais il suffit qu'il m'attire contre lui, me ramène contre son torse pour que la digue cède et laisse éclater la vague violente de mes émotions. Mes doigts se crispent désespérément sur son haut que mes larmes viennent tremper sans que je puisse rien faire pour les en empêcher. J'ai envie de hurler que non, ça ne va pas aller, que mon mari est en soins intensifs et que personne n'a encore pu m'assurer qu'il allait survivre. Dans mon ventre, Tomas ne cesse de s'agiter comme s'il sentait mes angoisses, comme s'il savait lui aussi que quelque chose n'allait pas, et j'ai envie de mourir quand l'idée m'effleure que Slavenko ne tiendra peut-être jamais son fils dans ses bras.

Mes membres se sont remis à trembler, et je ne suis pas sûre de tenir encore debout. J'entraîne maladroitement Camenko sur le banc où je me trouvais encore quelques instants plus tôt, et quand on sent à quel point mes jambes ne me portent plus, on comprend sans doute pourquoi je reste assise depuis tout à l'heure. Je prends mon visage en coupe entre mes mains, les yeux clos, et j'essaie de chasser les larmes de mes joues, d'essuyer mes yeux mais surtout de reprendre mon souffle. Je ne sais que trop bien à quel point il est important que je réponde avec exactitude à ses questions, moi aussi j'ai besoin de savoir ce qu'il s'est passé et on aura besoin de toutes les informations pour ça. Je rassemble mes esprits, sourcils froncés par la concentration qu'il me faut pour me ressaisir. « Il a été retrouvé sur les berges par une flic qui passait par là, il s'est fait tabasser. Danica... Danica Vaterlili, c'est le nom de la flic qui l'a retrouvé. »

Awful

Date de naissance (rp) : 23/08/1981

Ce n’était certainement pas le lieu idéal pour un interrogatoire, encore moins le bon moment. S’il n’aurait eu aucun scrupules, en temps normal, à acculer sous une série de questions une femme enceinte, éplorée, ou même choquée, la proximité qu’il avait avec Nina lui intimait d’être moins virulent. Ce n’était pas parce qu’elle faisait partie de la famille qu’il se mettait en tête d’y aller doucement - Aleksandra n’aurait pas eu droit aux mêmes privilèges -, mais parce qu’il avait toujours apprécié ce petit bout de femme qui rendait un rien d’humanité à Slavenko.

Camenko n'osait imaginer l'état dans lequel l'Américaine se trouvait. Il n'y avait pas de colère en elle, qu'une sorte d'abattement terrible, comme si tous ses repères s'étaient effondrés et qu'il ne restait rien, presque rien pour la garder dans la réalité.

Il la suivit jusqu'aux sièges inconfortables qui rendaient les hôpitaux plus austères encore qu'ils ne l'étaient déjà. Nina s'y laissa tomber, ses grands yeux noirs plombés de larmes.

« Il a été retrouvé sur les berges par une flic qui passait par là, il s'est fait tabasser. Danica... Danica Vaterlili, c'est le nom de la flic qui l'a retrouvé. »

Camenko se tendit à l’évocation de ce patronyme qu’il avait beaucoup trop entendu ces dernières semaines. Brigade des mœurs. Ce n’était généralement pas cette unité qui inquiétait le Klan, mais si Vaterlili avait transmis à l’antigang ce qu’elle savait, si elle avait ne serait-ce que chuchoté le nom de Drazavic, si elle avait eu l’indécence d’indiquer à ses petits collègues qu’un des membres les plus influents du Tigrovi se trouvait au fond d’un lit d’hôpital après avoir été passé à tabac, ils ne tarderaient certainement pas à voir poindre à l’autre bout du couloir des uniformes aux blasons fort déplaisants.

« Qu’est-ce qu’elle sait ? »

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Date de naissance (rp) : 05/08/1992

« Elle ne m'a pas donné beaucoup de détails... Elle a entendu la bagarre, et qu'on le balançait à l'eau. Je ne sais pas si elle a vu ses agresseurs, je ne crois pas, elle ne l'a pas mentionné en tout cas... Mais... » Je fronce les sourcils en me rappelant d'une phrase que la flic m'a dite, et qui ne m'a pas fait percuter plus que ça jusqu'alors. « Elle a dit qu'il était armé et n'avait même pas dégainé. Elle pense qu'il connaissait les agresseurs. » Et que c'étaient donc des alliés, autrement il aurait été sur ses gardes. Mes doutes sont encore loin de se porter sur les Tigrovi, en revanche j'ai une autre idée en tête. « Je sais que vous frayez avec la mafia Russe, tu crois que ça pourrait être eux ? Ils auraient retourné leur veste...? » Je ne cherche pas à porter d'accusations à tort, j'essaie juste, vraiment, de comprendre.

Me focaliser sur ces questions m'aide à ne pas penser au fait qu'il ne se réveillera peut-être jamais. Je refuse que ce soit une option, je n'y survivrais pas, je le sais déjà. « Elle voulait ouvrir une enquête mais j'ai demandé à ce que rien ne soit fait tant que Slavenko n'était pas réveillé. Si personne ne porte plainte, il n'y aura pas d'enquête... Tu sais je ne suis pas sûre qu'elle connaissait son identité. Elle n'a pas prononcé son nom une seule fois, son portefeuille s'est peut-être perdu dans l'eau, j'en sais rien. »

Awful

Date de naissance (rp) : 23/08/1981

C’était plus qu’essentiel de connaître l’ampleur de l’enfer dans lequel ils plongeaient pour pouvoir s’en extirper au plus vite. Camenko avait du mal à croire que quelqu’un ait pu crucifier Slavenko à ce mouroir qui empestait le désinfectant et les médicaments. L’odeur de bon matin lui donnait la nausée.

Les coudes sur ses cuisses, les mains jointes entre ses genoux, les yeux rivés sur le linoléum qui gondolait lentement par endroits, Camenko fronça les sourcils. Il prit une inspiration et se passa la main à l’arrière du crâne pour rendre un peu d’ordre à ses pensées trop dissipées à une telle heure de la journée.

« Elle ne m'a pas donné beaucoup de détails... Elle a entendu la bagarre, et qu'on le balançait à l'eau. Je ne sais pas si elle a vu ses agresseurs, je ne crois pas, elle ne l'a pas mentionné en tout cas... Mais… Elle a dit qu'il était armé et n'avait même pas dégainé. Elle pense qu'il connaissait les agresseurs. »

Son cœur manqua un battement en entendant les derniers mots de la brune. L’évidence s’écrasa brutalement dans son esprit, inscrivant en lettres cramoisies le nom détestable de Mirko ; mais il la repoussa pour ne pas songer au pire, ne pas penser que leur oncle se retournait contre eux quand ils étaient proches, si proches de le renverser.

« Je sais que vous frayez avec la mafia Russe, tu crois que ça pourrait être eux ? Ils auraient retourné leur veste...?
- Non, ça ne peut pas être eux, assura-t-il en hochant la tête. »

Camenko espérait sincèrement que Maggy lui aurait fait part de la trahison qui leur pendait au nez. Il refusait de croire qu’elle se serait tue, surtout après ce qu’il s’était passé entre eux - et malgré leur dernière dispute. Il doutait cependant que Vadim ait donné un tel ordre. Les Drazavic étaient trop influents en ville pour que la Bratva s’en fasse des ennemis. Et quand bien même il leur arrivait de s'associer aux Russes, ils n'en étaient pas moins des alliés dont il fallait se méfier. Slavenko serait resté sur ses gardes s'il les avait vus à l'horizon ; il aurait fait sauter le cran de sûreté bien avant qu'ils n'approchent.

« Elle voulait ouvrir une enquête mais j'ai demandé à ce que rien ne soit fait tant que Slavenko n'était pas réveillé. Si personne ne porte plainte, il n'y aura pas d'enquête... Tu sais je ne suis pas sûre qu'elle connaissait son identité. Elle n'a pas prononcé son nom une seule fois, son portefeuille s'est peut-être perdu dans l'eau, j'en sais rien. »

Il faillit soupirer de soulagement mais fut interrompu par les vibrations de son téléphone. Camenko se releva dans un bond, collant le portable à son oreille. Il gronda quelques ordres, évoqua le contact qu’ils avaient aux mœurs et le nom des hommes de l’antigang qu’ils payaient grassement pour qu’ils ferment les yeux sur leurs petits crimes, et rappela aimablement à son interlocuteur qu’il était employé pour l’informer de ce qu’il se passait à toute heure du jour, mais également de la nuit. Il raccrocha sèchement, passa une main dans ses cheveux en bataille et revint près de Nina.

« Tu as bien fait de lui dire d’attendre. On va faire ce qu’il faut pour calmer tout ça. Je vais m’occuper d’organiser le transfert de Slavenko, il ne vaut mieux pas qu’il reste ici. Il s’accroupit devant elle, lui attrapa une main et se radoucit. Depuis quand tu es là ? »

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Date de naissance (rp) : 05/08/1992

A l'assurance dont il fait preuve en répondant que la Bratva ne peut pas être responsable, je fronce les sourcils. Comment a-t-il trouvé le temps de se renseigner, durant les vingt petites minutes, à peine, qu'il lui a fallu pour se rendre ici ? Avec le temps j'ai fini par comprendre que Camenko est capable de bien des miracles, il semble avoir des yeux et des oreilles partout, même dans les endroits où l'on ne s'attend pas à le trouver. S'il a, comme moi, pensé à la mafia russe en premier lieu, peut-être a-t-il eu le temps de leur passer un coup de téléphone rapide dans la voiture. Si son informateur est fiable, quelques minutes suffisent pour obtenir cette information. Soudain ça ne me semble pas si incohérent. Alors je hoche la tête, prenant pour acquis ce qu'il m'affirme parce qu'il est la seule personne à laquelle je peux faire confiance dans ces conditions. Slavenko lui confierait sa vie, je le sais, je ne peux que m'en remettre au discernement de mon mari en espérant qu'il ne se soit pas trompé dans son jugement.

Je le regarde s'éloigner pour passer un appel, et mon regard se perd sur l'horloge accrochée au mur. Je surveille l'heure, partagée entre l'envie de retourner le voir et la crainte de devoir affronter à nouveau son corps meurtri, son visage abîmé. On m'a de toute façon prévenue que les visites étaient terminées, qu'il faudrait revenir demain... Mais je sais bien au fond qu'il me suffirait d'insister un peu pour passer outre le règlement. Une femme enceinte, ils ne peuvent rien me refuser, pas vrai ?

Je suis un peu plus blême, un peu plus défaite encore lorsque Camenko revient pour s'accroupir devant moi. Ses mains enveloppent la mienne, sa peau me paraît chaude quand j'ai l'impression de mourir de froid depuis des heures. Une partie de moi est soulagée d'avoir fait ce qu'il fallait, l'autre songe que ça ne changera rien s'il ne se réveille pas. « Je sais plus trop... J'ai dû arriver vers une heure du matin, un peu avant... Dès que la police m'a appelée... » Je passe ma main libre sur mes yeux encore humides. « Je suis désolée de pas... de pas t'avoir appelé tout de suite j'étais... » J'achève ma phrase d'un haussement d'épaules, je crois que le désarroi se lit sur mon visage.

Awful

Date de naissance (rp) : 23/08/1981

Depuis quand Slavenko était-il là ? Depuis combien d’heures se rongeait-elle les sangs en imaginant le pire. Le regard du trentenaire dériva sur le ventre de l’Américaine. S’il n’entendait pas grand chose aux grossesses, il se doutait bien que l’anxiété qui parcourait ses veines, doublée d’un manque de sommeil, ne pouvait profiter au bébé. Son frère ne le pardonnerait jamais s’il arrivait quoi que ce soit au petit, il le savait pertinemment. Lui-même ne se pardonnerait pas.

« Je sais plus trop... J'ai dû arriver vers une heure du matin, un peu avant... Dès que la police m'a appelée... »

Elle essuya ses yeux. Mais ils s’embuèrent à nouveau de larmes à l’instant où sa main quitta son visage si pâle qu’il en devenait transparent.

« Je suis désolée de pas... de pas t'avoir appelé tout de suite j'étais...
- C’est rien, ne t’en fais pas pour ça. »

Camenko n’aurait pas été si doux s’il avait eu quelqu’un d’autre en face de lui. Nina, effondrée, ne pouvait imaginer combien quelques heures pouvaient jouer dans la course aux renseignements. Ne pas savoir de suite, c’était perdre trop d’informations, de temps et de coups d’avance. Le brun se sentit plus aveugle qu’il ne l’était déjà, mais il ne pouvait blâmer son interlocutrice pour autant. Elle était trop abattue pour prendre du recul sur la situation et analyser les répercussions de chaque minute perdue ; son esprit courait vers Slavenko quand celui du Slave mesurait l’ampleur des dégâts.
Il ne parvenait pourtant pas à être en colère. Il en voulait à ses subordonnés de n'avoir pas tenu leur rôle correctement en lui transmettant la nouvelle ; mais Nina trouvait grâce à ses yeux depuis toujours. Sans doute parce qu'elle était la dernière personne qu'il aurait voulu voir mêlée à leurs petites histoires familiales. Elle méritait mieux que ça.

« Je vais chercher un café avant d’aller le voir, j’ai encore des appels à passer. Je vais essayer de trouver son médecin surtout. »

Il avait besoin de comprendre ce qu’il se passait exactement et ne souhaitait interroger encore Nina de peur qu’elle s’effondre une bonne fois pour toutes, au point qu’il serait impossible de recoller les morceaux.

Le brun se releva dans un craquement d’articulations.

« Tu as besoin de quelque chose ? »

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Date de naissance (rp) : 05/08/1992

Je ne sais pas si Camenko est sincère lorsqu'il m'assure que le temps de latence dont j'ai fait preuve pour le joindre n'importe pas, mais à cet instant ça n'a pas d'importance. J'ai besoin de le croire, et c'est le choix que je fais parce que je serais incapable de supporter le poids de la moindre once de culpabilité au regard de ce qu'il s'est passé... De ce qu'il se passe encore. Lorsque je suis entrée dans sa chambre tout à l'heure, Slavenko ne s'était pas encore réveillé, et ils m'ont affirmé qu'ils le placeraient sous coma artificiel durant quelques temps. Je ne sais pas s'il se réveillera un jour, ni même dans quel état, et je réalise honteusement que je ne suis pas en mesure de gérer la situation. Nos relations ont toujours été compliquées, elles le sont plus encore depuis que je l'ai rejoint à Sarajevo, mais il reste encore aujourd'hui le pilier de ma vie, celui qui me maintient debout lorsque j'ai la sensation que tout s'effondre autour de moi. Je ne sais plus relever la tête seule, je ne sais pas comment vivre sans partager l'air qu'il respire. J'ai pourtant été forcée de le faire quatorze mois durant, mais on connaît tous les palliatifs qui m'ont aidée à y parvenir. Ce soir je n'ai pas le moindre secours, pas la moindre drogue doucereuse pour apaiser la douleur qui me donne, depuis plus de cinq heures, l'impression d'être en train de mourir.

Et je m'en veux un peu plus encore lorsque mon visage se décompose, une bouffée d'angoisse me heurtant brusquement, quand il m'annonce qu'il va s'éloigner. Un instant le souffle me manque, et je dois me mordre la joue au sang pour ne pas laisser les sanglots me secouer de nouveau. J'ai envie de l'implorer de ne pas partir, de ne pas me laisser toute seule. Je voudrais me jeter à ses pieds comme une enfant s'accroche fébrilement à la jambe de son père pour ne pas qu'il parte au travail. Je voudrais le supplier de ne pas me laisser seule, lui dire comme j'ai peur de ne pas tenir le coup, que je ne suis pas assez forte pour garder la tête hors de l'eau.

Mais je n'ai que trop conscience de la pression que je jetterais sur ses épaules à agir de la sorte. C'est à moi d'être forte, je ne peux pas me permettre de me reposer sur lui. Je n'ai déjà plus le droit, depuis bien longtemps, de me reposer sur son frère... Alors je secoue vaillamment la tête, et m'efforce de maîtriser ma voix du mieux que je peux lorsque je réponds. « Non... Non, c'est gentil, merci. »

Awful

Date de naissance (rp) : 23/08/1981

Camenko ne voulut pas insister lorsqu’elle refusa qu’il lui apporte quoi que ce soit. S’il nota l’éclair de crainte qui passa dans les yeux de la brune, il ne pouvait s’attarder davantage quand il y avait trop de choses à régler, trop de lanternes à éclairer pour espérer y voir un tout petit peu plus clair dans ce merdier. Le trentenaire attrapa son téléphone, pianota quelques secondes, faisant défiler la liste de ses contacts. Il posa une main sur l’épaule de Nina qu’il trouva glacée sous ses doigts.

« Je reviens vite. »

Et il colla le portable à son oreille, s’éloignant en se pinçant l’arête du nez, claquant d’une voix grave certaines consignes au pauvre bougre qu’il eut à l’autre bout du fil. Le Serbe ne réapparut dans le couloir qu’une quinzaine de minutes plus tard, cramponné à un gobelet de café comme un pope à son kamilavkion.

« Je ne savais pas ce que tu pouvais boire ou non, souffla-t-il en lui tendant un petit verre en plastique. Je t’ai pris un jus. »

Ça ne pouvait pas faire de mal à un bébé. Sans doute moins qu’une dose de caféine, en tous cas, dont lui ne se privait absolument pas. Camenko se réinstalla sur son siège, vidant de moitié son godet. Il ferma les yeux quelques secondes, appréciant à sa manière le goût terne d’un allongé de cafétéria d’hôtel-Dieu. Il clapa sa langue contre son palais, retrouvant ses esprits, tendant à Nina la barre chocolatée qu’il tenait encore dans une main.

« Tiens. Tu sais qu’il va me tuer s’il se rend compte que tu as perdu du poids en se réveillant. Alors remplume-toi un peu, je tiens à ma vie. »

Le Slave esquissa un sourire réconfortant avant de retourner au critique de la situation.

« Deux hommes vont arriver pour le surveiller. »

Veiller, surtout, qu’on ne soit pas tenté de terminer un travail déjà bien commencé. Camenko aurait aimé la rassurer en lui promettant qu’elle pourrait se fier à eux, mais il ne souhaitait pas mentir. Il portait aux mercenaires dépêchés une confiance toute particulière - somme toute supérieure à celle qu’il accordait présentement aux hommes du Tigrovi. A défaut de savoir entre quelles mains placer sa vie, il aimait mieux suivre la seule et unique loi qui prévalait en toutes circonstances : celle de l’argent. Les contractors s’achetaient grassement, leur honneur et leur parole avec. Il pouvait être sûr qu’ils ne seraient pas tentés de lui planter un couteau dans le dos tant la mission proposée leur rapporterait gros quand il était bien incapable d’en dire de même des membres du Klan. Si Mirko avait commandité l’agression, plus aucun des frères à qui ils s’en remettaient habituellement ne pouvait être sollicité.

« Je vais également en envoyer deux à ton domicile, par sécurité. Il marqua une pause puis confessa à voix-basse : ils ne sont pas affiliés au Klan. »

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Date de naissance (rp) : 05/08/1992

J'essaie de me comporter comme une grande fille et de prendre mon mal en patience quand Camenko disparaît de mon champ de vision, pourtant Dieu sait que ça m'est difficile. Je n'aime pas rester seule, je n'ai jamais aimé ça et on sait combien la solitude me pèse quand Slavenko est en mission. Mais là c'est encore différent, parce que je sais qu'il est juste là, tout près, mais dans un état qui ne me permet pas de lui parler ou même de réellement sentir sa présence. Il y a des chances qu'il ne se réveille pas, j'en ai une conscience aiguë et je ne sais pas vivre avec ça. Je n'ai jamais été capable d'accepter le fait qu'il soit mortel, la perspective de le perdre m'a toujours terrorisée et quand on sait quel métier il fait, on comprend que ce soit difficile à gérer. Mais le bébé change tout. Il n'a pas le droit de partir sans avoir vu son fils, sans l'avoir au moins une fois tenu dans ses bras, ce n'est plus seulement envers moi qu'il a une responsabilité à présent, mais bien envers Tomas.

Le temps me paraît terriblement long, comme suspendu jusqu'à ce que Camenko revienne et je fronce les sourcils en avisant le petit gobelet qu'il m'apporte. Je n'ai pas soif, pas faim mais je comprends au regard qu'il pose sur moi qu'il faut que je me force. Ne serait-ce que pour le rassurer. Il doit être suffisamment perturbé par la situation sans avoir en plus à s'inquiéter de l'état de sa belle-soeur. « Tu n'es pas responsable de moi, Cam', et je te promets que je fais attention... Autant que j'en suis capable. » Je récupère la barre chocolatée pour lui prouver ma bonne volonté, sans pour autant l'ouvrir encore.

Les yeux rivés sur ma boisson, je hoche la tête. « Je veux être au courant de tout ce qu'il se passe, de ce que tu fais, de ce que tu apprends... Je sais que vous croyez tous me protéger en me tenant à distance mais c'est mon mari, le père de mon fils et je refuse d'être tenue à l'écart. » On ne dirait pas à me voir si dévastée mais j'ai déjà prouvé plus d'une fois que j'étais loin d'être inutile. « Est-ce que... Qu'est-ce que je suis censée faire ? » Je comprends à son aveu murmuré que les Tigrovi ne sont plus dignes de confiance, et même si je l'ai toujours soupçonné, l'idée qu'il ait pu être trahi par ses frères d'armes me glace les os.

Awful

Date de naissance (rp) : 23/08/1981

Nina devait comprendre qu’ils n’avaient pas grand monde à qui se fier tant qu’ils n’étaient pas certains de ce qu’il s’était passé. Il valait mieux congédier Aleska et les autres pour l’instant. Une fraction de seconde, Camenko songea que cette annonce aurait probablement ravi son frère. Il ne donnait pas cher de la peau de son subordonné si le moindre doute quant à sa loyauté était soulevé un jour. Slavenko se ferait une joie de lui rappeler que sa femme lui appartenait, qu’ils soient ensemble ou non.

« Tu n’es pas responsable de moi, Cam’, et je te promets que je fais attention… Autant que j’en suis capable. »

Il lui accorda un regard en coin et un sourire conciliant. A l’heure actuelle, le brun était bien incapable de dire s’il voulait la protéger par acquit de conscience, par loyauté envers son frère ou parce qu’elle était trop utile à ses projets personnels pour se permettre de la perdre. L’Américaine n’avait pas conscience de l’importance qu’elle avait. Dans sa main, Nina avait toujours été une caution qu’il gardait précieusement en attendant de pouvoir la jouer. Mais le trentenaire se tut, préférant le silence à une vérité dérangeante. Il refusait de cracher une bonne fois pour toutes sur l’humanité dont il manquait quand il orchestrait ses petites trahisons.

« Je veux être au courant de tout ce qu'il se passe, de ce que tu fais, de ce que tu apprends... Je sais que vous croyez tous me protéger en me tenant à distance mais c'est mon mari, le père de mon fils et je refuse d'être tenue à l'écart. »

Camenko hocha la tête et mentit, comme il savait si bien le faire :

« Je te tiendrai informée. »

De ce qu’il voudrait bien lui donner. Il ne pourrait jamais tout lui dire. Nina était trop sensible en ce moment pour entendre certaines choses. Elle avait toujours eu une forme de fragilité, une petite brèche à peine perceptible qui s’ouvrait fréquemment quand elle se tenait près de Slavenko. Elle pouvait prendre des proportions gigantesques au moindre faux pas.

Il poussa un soupir fatigué, se plongeant dans sa réflexion. Il fallait être inconscient pour s’en prendre à un Drazavic quand la famille tenait la moitié de la ville par la gorge et l’autre par le service trois pièces. C’était d’autant plus suicidaire de s’attaquer à l’enfant prodige, celui qui avait toujours eu les faveurs de son père et comptait en son cœur comme aucun autre de ses rejetons. Jelenko plaçait trop d’espoirs et de confiance en son premier fils pour accepter qu’on le cloue à un lit d’hôpital sans ciller. Le Tigrovi avait bien des ennemis en ville, et sans doute plus encore dont ils ne soupçonnaient pas même l’existence ; pour autant, Camenko parvenait difficilement à croire que les Saranovic, seuls à pouvoir les concurrencer, se seraient permis un geste si risqué. Pas sans vouloir déclencher une guerre ouverte à laquelle ils n’étaient pas sûrs de résister compte-tenu de l’importance grandissante du Klan.

Le trentenaire réfléchissait trop. Ou peut-être pas assez. Plus les minutes passaient, plus la liste des possibles coupables diminuait, le laissant avec une pensée raisonnable et une autre bien trop traître pour être acceptable. L’hypothétique trahison de sa propre famille s’accrochait dans son crâne, bourdonnant sourdement malgré l’effort qu’il faisait pour ne pas songer à cette éventualité. Il avait beau se convaincre que l’attaque avait été perpétrée par cet ennemi encore inconnu qu’ils avaient dû affronter en juillet, sa certitude sonnait faux. Elle grinçait, couinait, puis s’effaçait, absorbée par l’acouphène qui résonnait dans son cerveau. Si la personne visée par les récents événements était effectivement Jelenko, nul doute que tous les moyens détournés seraient bons pour le toucher. Qu’importe les dommages collatéraux, pourvu qu’il souffre. Ils n’avaient pas pu avoir Aleksandra et le bébé, ils pouvaient avoir Slavenko. C’était logique. C’était évident. C’était se leurrer. Son aîné aurait dégainé s’il s’était senti en danger, acculé par des visages anonymes. Pourquoi Diable ne s’était-il pas servi de son arme ?

« Est-ce que... Qu'est-ce que je suis censée faire ?
- Tu devrais rentrer, te reposer. Quelques heures au moins. Ça ne sert à rien que tu t’épuises. Il ponctua sa phrase d’une gorgée de café. Il est tenace, ça va aller. Vous êtes une raison suffisante pour qu’il s’accroche, le bébé et toi. »

CODE BY ÐVÆLING

Date de naissance (rp) : 05/08/1992

Il a cette réponse que tous ont depuis des semaines, et auront sans doute encore pendant plusieurs mois. Me reposer. Rester à l'écart. Ne pas faire de vagues. Ne pas me fatiguer. Ne pas me mettre en danger. Veiller sur le bébé. Je sais déjà qu'on ne fera pas appel à moi pour la suite, je devrais déjà m'estimer heureuse si l'hôpital me tient au courant de l'état de mon mari. Tous ont peur de traumatiser une femme enceinte, de créer un choc émotionnel qui déclencherait des contractions. Il y en a des tas, des histoires de ce genre, des accouchements déclenchés par une épreuve psychologique trop difficile.

« Je vais passer chercher des affaires à la maison, mais je reviendrais ici... » Je ne rentrerais pas dormir chez moi, je ne veux pas retrouver ce lit trop grand sans lui. Et je ne veux pas laisser Slavenko sans surveillance. Je me lève difficilement, pose une main sur l'épaule du slave. « Merci Cam', on se tient au courant, ok ? » Je l'appellerais dès que j'en saurais plus sur son état, et j'espère malgré tout qu'il fera de même s'il a des informations sur ce qu'il s'est passé. Je ne me sentirais pas tranquille tant qu'on n'aura pas retrouvé ses agresseurs.

Je jette un dernier regard à Camenko, puis au couloir que j'ai peur de quitter, et je m'éloigne de la pièce dans laquelle repose le corps inerte de mon mari.

Awful

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