Look what you made me do - Slavina

2 février ; 17h15

Les yeux mi-clos, je tressaille sous le frisson qui me hérisse l'échine sous le parcours des doigts slaves, qui tracent pour la énième fois la ligne du harnais qui passe en travers de mon ventre. Ses caresses me font soupirer de plaisir, mais le désir s'est enfin tu, repu après ces quelques heures passées à s'étreindre encore et encore au creux des draps. Notre journée shopping n'a été que de courte durée, comme on peut l'imaginer, mais en rentrant pour se repaître enfin l'un de l'autre, nos bras étaient chargés de paquets... Enfin, surtout les siens, il ne portait pas les sacs de Ymke, alors j'ai tenu à ce qu'il porte les miens. Pour la forme. Pour l'ego.

Je tends le cou, vole à ses lèvres un baiser fondant. Tu m'autorises à me lever, juste une minute... J'ai deux cadeaux pour toi... Mon regard brille d'une lueur mutine et il ne fait même pas mine d'y résister. Ravie, je l'abandonne un instant dans le lit, me levant pour aller fouiller mon sac à main. Le parquet n'est pas froid sous mes pieds, la chambre de l'hôtel Beekman est bien chauffée, Dieu merci, et je suis même parvenue à nous obtenir l'une des rares possédant une baignoire. La plupart d'entre elles se trouvent dans les suites, mais je ne peux décemment pas dépenser des milliers de dollars chaque fois qu'on dort à l'hôtel. Enfin théoriquement si, je pourrais, maintenant... Mais j'ai d'autres projets, en témoigne le regard que je pose sur lui en me tournant de nouveau.

Je reviens sur le lit, m'y installe à genoux en lui tendant deux choses. La première, un petit paquet emballé dans du papier cadeau jaune à motifs étranges, pas très joli je l'accorde. Il contient une petite boîte, laquelle renferme le bracelet que je lui avais offert, et que j'ai retrouvé durant les jours où il était encore à Bruxelles. La seconde est une enveloppe, qui explique pourquoi j'avais besoin de temps. A l'intérieur se trouve l'acte de vente de mon appartement, que j'ai libéré définitivement jeudi matin, avant son arrivée à l'aéroport.

J'ai adoré la séance shopping avec Nina et après trois jours à bosser comme un fou à Bruxelles, je suis heureux de ce break avec elle. Notre facetime avorté m'avait laissé sur ma faim mais nous nous sommes sacrément rattrapé et c'est flottant dans une douce béatitude que je suis vautré dans le lit. Je me redresse et me cale dans les coussins tandis qu'elle se lève. Je soupire de bien être en la voyant évoluer dans sa tenue sexy, ses petites fesses affriolantes s'agitant comme si je n'en avais jamais assez. Pourtant j'admets que l'a fatigue me rattrape et je suis calme, une main reposant sur mon ventre dans une pose de tigre alangui de chaleur.

Je suis troublé à la mention de cadeaux et j'esquisse un sourire entre le timide et le surpris "deux cadeaux ?" Je les prends, pour les poser sur mes cuisses, choisissant d'abord le plus volumineux des paquets. Je regarde Nina pour avoir son approbation pour l'ouvrir et j'ouvre le paquet. La vue du bracelet déclenche une bouffée d'émotions tempétueuses dans le calme qui était le mien. J'en suis sans voix, la gorge trop nouée pour dire quoique ce soit. C'est traitre de me prendre dans un moment si vulnérable et je me concentre pour refouler des larmes d'émotion qui nuiraient à ma virilité ! Je caresse le métal où est gravé l'inscription en serbe, le surnom qu'elle me donne et que je chéris. J'esquisse un sourire ému et je lui tends le poignet et le bijou pour lui demander d'une voix basse "mets-le moi molim te zlato..." J'attends qu'elle s'exécute avant d'ajouter "Merci moj andjeo" Je suis heureux de ce présent, d'autant plus que je n'ai pas remis mon alliance et que depuis, je me sens nu.

J​'acquiesce doucement, un peu gênée, anxieuse également, mais ça me semblait d'une importance capitale. Ce ne sont pas de vrais cadeaux dans le sens où je n'ai rien acheté réellement, mais je ne pouvais pas me contenter de lui rendre le bracelet comme ça, sans y mettre les formes. Et puis je dois admettre, même si encore une fois je ne regrette pas ma décision, que je me sens coupable depuis que nous sommes divorcés. Principalement à cause de la soirée d'anniversaire qu'il avait organisée et qui était, je le pense encore, parfaite. Ce n'est pas toujours à lui d'avoir des attentions à mon égard, et je sais aussi que je ne peux pas toujours attendre qu'il fasse un pas vers moi sans jamais en faire un dans sa direction. Depuis notre séjour à la montagne, je suis plus sereine, j'ai moins de rancœur en moi aussi. D'ailleurs j'ai bien mieux résisté aux tentatives de mes amis pour me détourner de lui. Parce que même si je ne le lui dirais jamais, ils s'y emploient tous avec ferveur depuis que Dimitri a eu le malheur de mentionner mon accident.

L'émotion -positive Dieu merci !- que je lis dans son regard m'émeut bien plus que je ne saurais dire, et je souris, rassérénée, en prenant le bracelet qu'il me tend. Je le noue à son poignet, ma gorge se nouant de le voir à nouveau sur sa peau. C'est une chose que je ne peux pas nier, que je ne peux pas nous enlever malgré toutes ses erreurs, malgré toute la douleur que j'ai pu ressentir aussi. Je peux remettre en question notre mariage, mais pas mes sentiments pour lui. Il est mon âme, j'en suis convaincue, cette autre moitié de mon être qui me manquait, depuis toujours. Je mords ma lèvre inférieure. J'ai cru comprendre qu'il te manquait...
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Je prends ses mains dans les miennes, les yeux rivés sur le bracelet qui orne à présent mon poignet. Autant j'ai désiré gardé mon alliance en partant - après tout on restait légalement marié - autant je n'ai pas pu lui faire l'affront d'emporter le bracelet où elle me déclarait son amour, pas quand elle allait me haïr d'être parti. Je hoche la tête en admettant l'évidence "oui, il me manquait". Comme elle m'a manqué aussi durant ces quatorze mois de séparation, bien plus qu'elle ne l'imagine. C'est quelque chose que je ne peux pas dire, j'ai compris que je devais garder certaines choses pour moi, simplement pour ne pas la blesser davantage en ajoutant confusion et incompréhension.

Je me penche vers elle pour un baiser avant de souffler "Hvala zlato moje" Je presse ses mains avant de m'emparer de l'enveloppe. J'espère bien naïvement qu'il s'agit d'un cadeau plus classique, histoire je puisse gérer. Des billets d'avion pour l’Espagne ou la Nouvelle-Orléans, je parie mentalement dessus mais je comprends mon erreur dès que je dois déplier des feuilles A4 agrafées ensemble. Non ce ne sont pas des billets. Je fronce légèrement les sourcils en me concentrant pour lire. Je crois bien que je pâlis sous le choc et j’entrouvre la bouche sans qu'un son passe, rendu pour la seconde fois muet comme une carpe ! Je lève des yeux incrédules sur elle avant de m'exclamer pour demander confirmation de ce que mon cerveau n'assimile pas "Tu as vendu ton appartement ?"

​Je n'étais pas très stable sur mes appuis concernant ce cadeau, si vous voulez tout savoir. Il a mentionné le bracelet une fois depuis que nous nous sommes retrouvés, mais c'était avant que je décide de divorcer malgré tout et je craignais que ses désirs aient changé entre temps. Après tout puisque j'ai voulu annuler notre mariage, il aurait pu choisir de ne plus du tout croire à cette marque d'amour -pourtant sincère- de ma part. Mais c'était quelque chose que je devais faire, un risque qu'il me fallait prendre... Pour nous réconcilier, dans le meilleur des cas, ou pour être fixée sur ses intentions, dans le pire des cas. J'avais surtout besoin qu'il sache que mes sentiments pour lui sont toujours bien présents, malgré les choix que j'ai pu faire et qu'il ne comprend toujours pas, je le sais. Son baiser me rassérène et je souris contre ses lèvres. Volim te.

Et paradoxalement, j'étais bien plus sereine quant à la seconde surprise. Je comprends mon erreur quand je vois la tête qu'il tire, et qui me fait brusquement douter de moi, violemment même. Je pâlis à mon tour, me rassied sur mes talons, le cœur battant un peu trop vite et ce n'est pas de bonheur cette fois, mais bien d'angoisse. Je crains d'avoir fait une énorme connerie, qu'il me dise qu'il ne veut plus qu'on achète ensemble finalement, qu'il n'est pas sûr de vouloir que je reste à Sarajevo ou que sais-je encore ! Et quand je devrais me taire, je parle, beaucoup trop, pour dissimuler mon stress... Ce qui a bien entendu exactement l'effet inverse ! Je... Je pensais... Enfin c'est que je n'en ai plus l'utilité, je n'avais pas... J'ai pas l'intention de revenir habiter ici. Enfin si tu veux toujours de moi... Chez toi ? Ma voix tremble, mal assurée. Je me suis dit qu'on aurait besoin d'argent pour s'acheter une maison, ou un terrain pour faire construire une maison, et un appartement à Brooklyn, ça se vend bien, très bien même. J'ai mis le Chalet en vente aussi mais... Enfin ça pour le coup, ça se vend beaucoup moins bien alors... Il faut pas compter dessus de suite. Je reprends mon souffle, baisse les yeux, me hasarde à demander : C'est... Un problème ? S'il me répond oui je suis bien dans la merde, parce que je ne peux pas vraiment faire machine arrière !
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Ah si Drazavic, t'avais bien compris pour une fois. Et ça m'étonne tellement que j'en reste coi ! Je crois qu'une part de moi s'était faite à l'idée que Nina ne serait jamais totalement à l'aise à Sarajevo et même j'étais intimement convaincu qu'un jour elle rentrerait à NY. Ici elle a ses amis, un boulot qui lui plait, une clientèle plus respectueuse, un super appart', et tout le monde parle sa langue natale. En plus, elle ne risque pas de se faire kidnapper, tirer dessus ou je ne sais quoi quand je ne suis pas là. Je sais très bien que Dimitri essaye encore de la persuader de rentrer et ça me ronge de ces doutes acides et pernicieux.

Heureusement pour moi, mon corps réagit avant ma voix (on sait comme je suis doué pour dire des conneries, mais visiblement aussi pour me taire quand il faut pas). Je me jette contre elle -littéralement- pour la faire taire d'un baiser à couper de souffle. Il y a bien cette petite voix qui me dit qu'elle ne devrait pas mettre autant d'argent, que c'est à moi d'acheter notre maison, mais pour le moment j'envoie gentiment se faire foutre ma fierté masculine.

​Je ne connais pas du tout les prix de l'immobilier à Sarajevo, je ne me suis pas vraiment renseignée sur la question, mais je serais quand même prête à parier qu'ils sont bien moins élevés qu'à New-York. Bon, je n'aurais de toute façon pas assez pour acheter totalement la maison, ou même payer la construction, parce que j'avais du faire un prêt pour une partie de l'appartement et qu'un quart de la vente au moins me servira à le rembourser. Mais ça reste une somme d'argent conséquente et je me suis dit qu'on allait en avoir besoin. Bref, j'étais intimement convaincue que c'était une bonne idée, un gage de ma bonne foi pour qu'il cesse de s'imaginer que je prévoyais de rentrer à New-York... Quand Arthur a su que je vendais l'appartement, il est devenu fou, on s'est violemment disputés et à l'heure actuelle je ne suis pas du tout certaine qu'il m'adressera de nouveau la parole un jour. Je crois que j'ai perdu l'estime de quelques uns de mes amis... Alors la réaction de Slavenko me fait flipper grave.

Et puis il se jette sur moi, fracasse sa bouche contre la mienne et je bascule en arrière dans le matelas, son corps s'écrasant sur le mien. Mon rythme cardiaque s'affole chaotiquement, mes bras se referment autour de lui, et j'ai très envie de l'interrompre pour lui reposer la question à laquelle il ne répond pas... Mais heureusement moi aussi j'apprends à la fermer quand il faut ! Je pensais le désir éteint pour plusieurs heures au moins, mais les braises en flambent à nouveau sous la passion de son baiser.
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Je n'ai pas compris qu'il y avait une question à laquelle je devais répondre. Je n'ai compris que le fait qu'elle voulait vivre avec moi à Sarajevo, que son choix était fait, qu'elle refermait cette porte de sortie qu'elle s'était laissée et rien que ce fait me transporte de joie. Je l'embrasse follement parce qu'il faut bien que s'exprime ces bouffées brutales et violences de passion, d'amour absolu. C'est encore le seul moyen que j'ai trouvé ! Mon nez s'écrase sur le sien, ma langue cherche la sienne avec ferveur, dans un soupir extatique. Je mordille plus tendrement ses lèvres, laisse la volupté née des étreintes précédentes, d'une après-midi au pieu prendre le dessus. Je gronde tout bas, la voix cassée d'émotions intempestives "Nina, Nina...Nina..." Il n'y a que son prénom, il n'y a qu'elle. Dieu que je l'aime !

Contre mon ventre, je sens sa queue qui gonfle à nouveau, s'éveille au même désir que celui qui embrase déjà mes reins. À chaque fois que je nous pense rassasiés, j'apprends qu'on ne peut jamais l'être. De lui je veux plus, constamment, et les émotions qui m'agitent en cet instant ne font qu'amplifier ce désir perpétuel. Je replie ma jambe, la plaque haut contre sa hanche dans une invitation silencieuse et pourtant très explicite, je ne supporterais pas qu'il me fasse languir maintenant. Je ne sais pas comment il est possible que le désir soit soudain devenu si urgent, mais à la façon dont j'exulte quand il se fond en moi, on croirait qu'il ne m'a pas touchée de plusieurs jours. Je plante mes doigts dans ses omoplates, m'y accroche quand son regard happe le mien. Je ne lis pas de fureur dans ses yeux, pas de déception, ni de colère, et malgré son silence j'accepte enfin l'idée que, peut-être, je ne me suis pas trompée cette fois. Entre deux baisers où on se dévore, je balbutie des "oui" et des "encore" haletants, déjà tremblante. Nos mouvements s'accordent avec le même naturel confondant qu'à chaque fois et je me consume au contact de sa peau, encore brûlante contre la mienne.

C'est l'amour qui exulte dans le désir et le besoin de l'exprimer. J'ai découvert avec Nina que le sexe n'avait rien à voir avec le besoin physique comme je le pensais avant. Ou plutôt qu'il existe du sexe bien différent de celui que j'ai pu connaitre pendant longtemps, avant de la rencontrer. Avec Nina, alors que nos étreintes sont très charnelles, intenses c'est étrangement le mental qui domine. Ce sont mes émotions qui prennent le dessus et façonnent mon plaisir. Et cette fois c'est réellement un exutoire à un trop plein d'amour.

Rapidement nos corps s'unissent, je suis à poil et elle a si peu de tissu sur le dos ! Sa jambe va bien mieux et je ne crains plus de lui faire mal. Il n'y a nul besoin de réfléchir, il n'y a pas non plus de volonté de dominer, de jouer ou de se rassurer. Je l'ai déjà baisée pour chacune de ces raisons depuis qu'on s'est retrouvé à NY après ces trois jours de séparation. Cette étreinte est délicieuse parce qu'elle coule de source, je déconnecte dans le seul plaisir sensuel, la joie pure. L'orgasme me fauche aussitôt qu'elle jouit, et je la ramène contre moi dans un geste très possessif mais aussi très tendre. Le bracelet à mon poignet est un poids réconfortant qui m'avait manqué. Je viens poser mon front contre celui de Nina, je suis tremblant de ce plaisir brut et rapide, la sueur me coule dans le dos et je suis gavé d'endorphines. Ma voix est rocailleuse quand je souffle "volim te"

On exulte de façon si parfaitement synchrone que j'ai la sensation d'un seul et même orgasme, de ressentir les pulsations de son être jusque dans le creux de mon ventre. Quand nos corps vibrent ainsi à l'unisson, tout semble clair, d'une évidence déconcertante. Je sais alors qu'on s'appartient mutuellement, qu'il ne peut y avoir que lui et moi. Je ressens à cette seconde précise cette confiance absolue en lui, en nous, qui me fait défaut au quotidien. J'effleure doucement ses lèvres des miennes. Uvek i zauvek... Ma voix est empreinte d'une acceptation presque sereine, enfin, de ma dépendance, de la sensation que tout va bien aller. Elle s'étiolera sans doute quand nos corps s'éloigneront à nouveau, mais j'en profite tant qu'elle dure.

Un long moment on reste ainsi, à seulement se bouffer du regard, à humer la peau de l'autre. Quand enfin on se déprend l'un de l'autre, mon rythme cardiaque s'est apaisé. Je me blottis entre ses bras, le nez levé vers lui, alors seulement je me risque à rompre le silence. C'est avec toi que je veux être... Je n'ai plus besoin de l'appartement, je n'ai rien à faire où tu n'es pas. L'agence marche à Sarajevo, elle marche même très bien, alors pourquoi nous torturer encore ? Je n'ai pas besoin d'échappatoire, ce n'est qu'une ridicule illusion. Il n'y a pas d'issue à la passion qui nous lie, même quand il est parti je n'en ai pas trouvé.

Je vibre, émerveillé de sa tranquille acceptation, avant de répéter Uvek i zauvek...


De longues minutes plus tard, elle est dans mes bras et assis dans le pieu, je caresse son visage, son épaule avant de répondre sur mon rythme lent, d'autant que je me sens un peu halluciné, ça me semble tellement irréel, comme un rêve qui se réalise. "srce...c'est plus que ce que j'espérais, merci, merci moj andjeo." Une fois encore je suis obligé de m'interrompre histoire de ne pas passer pour une fiote à cause de l'émotion. Je soupire et embrasse son épaule en y frottant mon nez. "J'avais peur qu'un jour tu préfères rester ici, que Sarajevo ne te plaise pas." Sans même parler de moi, de ma vie dangereuse, de mes failles, de ses amis aussi qui veulent la raisonner. Je ne me sens pas toujours solides sur mes appuis entre ma culpabilité et mon manque de confiance, mais que dire pour elle, perdue dans un pays étranger. Je me risque à un aveu particulièrement rare, avec cette crainte de défier le sort en l'avouant à haute voix. "Je suis tellement heureux, Nina, tu me rends tellement heureux."

Il trouve enfin les mots pour me rassurer, pour me convaincre si j'en doutais encore que non, il n'est pas déçu ou effrayé de ma décision. Maintenant que c'est fait, sans annulation possible, je peux me confier sans crainte. Je ne veux pas te mentir mon amour, les USA me manquent souvent, New-York me manque souvent... J'ai parfois le mal du pays, et c'est parfois difficile d'être une étrangère à Sarajevo... Mais ce n'est pas pour ça que je veux partir. Je veux rester avec toi, toujours, et je sais que ta vie est là-bas. Soyons honnêtes, je finirais par me plaire à Sarajevo, mais si j'avais pu choisir n'importe quel pays pour m'y installer, mon choix ne se serait pas porté sur la Bosnie. Ce n'est qu'une concession que je fais, pour avoir le droit de vivre à ses côtés. J'ajoute tout de même dans un sourire tendre, en frottant mon visage à sa peau. Et puis Sarajevo me plaît, tu sais ? Je ne m'y sens pas encore chez moi, mais ça viendra... En tout cas je l'espère de toutes mes forces.

Son aveu accélère les battements de mon cœur et je lève sur lui un regard empli d'émotions bien trop fortes pour qu'elles n'en soient pas oppressantes. Je sais bien que c'est loin d'être une vérité absolue. Je le rends heureux maintenant, mais on ne peut pas dire que je le rende heureux au quotidien... Je tends la main, pose mes doigts sur sa joue. C'est tout ce à quoi j'aspire, Slavenko, je t'assure... Le mal que je peux lui faire est tellement involontaire ! Pour casser un peu l'émotion presque dramatique du moment, je demande dans un sourire, la voix un peu trop vibrante pour qu'il soit dupe cela dit. Tu veux bien, alors...? Qu'on achète une maison à nous ? La question sous-jacente c'est est-il d'accord pour qu'on commence à chercher là, maintenant, en rentrant ?

Bien sur, ça ne me tranquillise pas totalement. J'ai vécu 20 ans à NY et je pensais être parfaitement adapté alors que la nostalgie de l'exilé de m'avait réellement jamais quitté. Le seul cadre que j'avais chez moi en sortant de taule c'était la photo de Sarajevo prise par Ornella, et ce n'était pas à elle que je pensais en la regardant mais bel et bien à ma ville, à une époque de ma vie. Mais j'espère que Nina apprendra à aimer suffisamment le pays pour s'y plaire. J'ai bon espoir que les mois d'été la persuade comme ma ville peut être jolie. Je sais ce que c'est qu'être un étranger, je l'ai été trop longtemps. La grosse différence avec moi c'est que "Tu peux retourner en vacances ci quand tu veux srce...Si tu en as besoin. Je comprends, tu sais que je comprends pas vrai ?" Je suis jaloux oui, mais je ne suis pas con au point de nier ses besoins. "Bien sur que tu vas t'y plaire, t'es croate après tout, c'est un peu chez toi"

En même temps, être heureux au quotidien, on ne peut pas dire que ce soit Drazavic. J'ai pas eu le mode d'emploi, ce n'est ni notre moteur, ni notre aspiration principale. On a une mission, le reste est accessoire. "Bien sur que je veux, Nina ! On se trouvera une maison ou un terrain où faire construire." J'ai une moue avant d'ajouter quand même "Mais laisse moi le temps de trouver du fric ok ?" Il est hors de question que seul son argent serve ! Déjà qu'on n'est pas, plus, marié, je veux pas faire figure d'homme entretenu ou de gigolo !

​J'acquiesce doucement, dans un léger sourire. Je sais, oui... Je reviendrais. Je n'ai pas l'intention de ne plus jamais mettre les pieds à New-York, seulement je n'ai pas besoin d'y avoir un appartement qui m'appartienne. S'il vient avec moi, je préfère de loin qu'on aille à l'hôtel ensemble, parce qu'alors j'ai vraiment le sentiment de vacances à deux. Et s'il ne vient pas et que je dois venir seule, j'ai toujours des amis chez lesquels dormir. Disons plutôt des amiEs, parce que je ne suis pas sûre qu'il serait ravi de me savoir chez Dimitri pour la nuit, par exemple... Déjà le fait de comprendre la langue de mieux en mieux, ça change tout... Peu à peu, je peux prendre part aux conversations, notamment lorsqu'on est au QG et que la plupart des Tigrovi ne parlent pas un mot d'anglais.

Un petit rire m'échappe parce que j'attendais que la question de l'argent survienne, tiens ! L'inverse m'aurait foutrement étonnée, non pas que ça me dérange de tout payer mais il a toujours été opposé à l'idée, allez comprendre... Mmh je te laisse le temps, t'en fais pas... En attendant on peut quand même commencer à se renseigner un peu... Sans encore faire aucune démarche. Cela dit j'ai quand même une moue un peu dépitée parce que je crois qu'il se voile la face. Mais Slavenko... Je voudrais pas te vexer mais les Tigrovi te paient pas particulièrement bien, si on attend que t'économise, on déménage dans dix piges. Et encore, je suis gentille !

"Je trouve que tu te débrouilles drôlement bien en serbe, c'est pas une langue facile, je sais...mais t'as fait de gros progrès." J'ajoute en me moquant gentiment "étonnant pour une américaine ! Moi qui pensait qu'à part l'anglais et l'argot un américain ne pouvait parler aucune autre langue, tu me fais revoir mon jugement, zlato. Humm encore une fois ça doit être ton sang croate qui parle."


Comment dire...bien sur qu'elle me vexe ! Genre, je ne suis pas capable de lui offrir une maison ? Je m'assombris à sa remarque. "bien sur qu'on peut regarder, et j'aurais l'argent. Si on achète ensemble, y a pas de raison que tu mettes plus d'argent." Je concède déjà qu'elle mette la moitié, faudrait quand même voir à pas être plus orthodoxe que le pope.

​Ses moqueries sont tellement rares à mon égard que je suis un instant surprise, avant de lâcher un rire. Tu devrais faire gaffe à ce que tu dis, t'es encore sur le territoire américain jusque demain matin alors si j'étais toi, je ferais pas trop le malin ! Pour appuyer mes propos, je plante mes dents dans son épaule que je mordille, joueuse. Je n'y laisse pas de traces, pas cette fois, nos peaux sont déjà marquées par le passage de l'autre, nos retrouvailles ayant été... Explosives. J'ai été le récupérer à l'aéroport, et bien-sûr on n'a pas résisté à l'envie d'aller s'enfermer dans les chiottes dix minutes, mais même après ça, en allant directement à l'hôtel, on a passé toutes les heures qui ont suivi au pieu. Je crois que la frustration de notre facetime avorté avait laissé ses marques !

Je vois bien son regard qui s'obscurcit, la déception sur son visage et je me serre plus fort contre lui à ce constat, regrettant mes paroles aussitôt. Non, c'est vrai, ce serait atrocement injuste. J'ai toujours eu l'intention de te laisser m'entretenir. Et quelle meilleure façon d'ôter la tristesse de son regard que de me hisser sur lui pour coller une nouvelle fois ma peau à la sienne ? Et cette fois je vous assure que je n'ai aucune intention sexuelle en tête, je suis physiquement lessivée ! Je passe mes bras autour de son cou, remonte mes mains dans ses cheveux. On n'est pas pressés, je vais encaisser l'argent, vider le garde-meuble que j'ai loué ici pour y entreposer mes affaires, et on achètera quand on pourra, mh ?

C'est étrange cette sensation d'être un poids dans ses projets. c'est clair que financièrement, elle s'en sort mieux que moi parce que tant que j'étais seul ça n'a jamais été ma priorité. Je me moque bien de l'argent, de vivre avec seulement quelques dollars en poche, j'étais nourri-blanchi-logé et plus encore par les Tigrovi et le Pussynight. Je n'avais besoin de rien d'autre. Évidement avec le retour de Nina dans ma vie, les choses changent mais même si j'ai obtenu le salaire qui m'est du, je reste un homme de main en bas de l'échelle et je ne bosse plus 24/24. Être le fils du commandant n'y change rien je vous assure ! En tant qu'agent de renseignement et stratège, Camenko gagne beaucoup mieux sa vie que moi.

Elle se hisse sur moi ce qui évite que je ne me vexe encore plus, ma susceptibilité calmée par son simple contact sensuel. Elle me connait trop bien. Je passe mes bras autour de sa taille, mains sur ses hanches pour la tenir contre moi. Malgré tout, j'évite un peu le sujet, bien trop épineux pour moi d'autant que je n'ai pas de réelle solution pour l'instant, pour me concentrer sur un autre aspect "Qu'est-ce que tu vas faire de tes affaires au garde meuble ? Si tu veux en ramener une partie, il faudra les envoyer par bateau, ce sera long mais c'est le plus abordable. Sinon tu peux les vendre ? "

​J'admets que je ne comprends pas comment on peut mener une vie si dangereuse, prendre de tels risques au quotidien et accepter d'être si peu payé. Je sais bien pourquoi il le fait, je ne suis pas complètement aveugle, les valeurs défendues par les Tigrovi, le fait d'appartenir à un clan, de faire la fierté de sa famille aussi... Toutes ces raisons là, je peux les entendre et les comprendre. Mais merde, j'ai tendance à penser que ça mérite quand même de meilleures compensations. En plus de ça, reste le fait que je me connais, je sais déjà pertinemment que j'aurais forcément des envies plus ou moins luxueuses pour cette maison, et je n'ai pas vraiment envie de devoir y renoncer simplement parce qu'il refuse que je paye pour nous deux. A quoi bon avoir de l'argent si je ne suis pas autorisée à le dépenser ?

Non, j'ai pas tellement envie de les envoyer à Sarajevo... L'idée c'est pas qu'on construise tout, qu'on choisisse tout ensemble, mh ? Moi c'est ce dont j'ai envie en tout cas, sincèrement. J'ai filé les clés du garde-meubles à Dimitri, mes amis prendront ce qui les intéresse, si quelque chose les intéresse, et pour le reste je vais les vendre, ouais. J'ai dû meubler l'appartement quand je m'y suis installée et je ne sais pas trop quoi faire de toutes ces affaires, c'est vrai. Mais les meubles sont dans un état impeccable, quelqu'un les récupérera forcément, je ne m'inquiète pas vraiment pour ça. Après pour ce qui est des affaires persos, pas les meubles je veux dire... J'ai quand même deux ou trois cartons que j'aimerais récupérer, alors ouais, j'imagine qu'il va falloir que je les fasse parvenir par bateau. Des souvenirs, principalement, de la vaisselle aussi parce que c'est quand même idiot de la jeter quand on en a si peu nous-mêmes, des fringues, et un peu de matos informatique.

"Mais une maison c'est grand à meubler et si tu as des meubles auxquels tu tiens, c'est bête de les donner..." Je hausse les épaules, je veux bien m'impliqué, mais disons que le choix d'une chaise ne me transporte pas d'enthousiasme. Tant qu'on peut s'asseoir dessus..."Pour tes affaires, déjà j'ai droit à 15kg de bagages et j'en ai pris trois pour ces deux jours. On peut acheter un grand sac ou une valise et ramener des trucs si tu veux." Sa peau contre ma peau, je suis beaucoup plus conciliant, prêt à beaucoup de concessions. Elle sait trop bien me manipuler, et même quand le désir s'est tu, quand je suis éreinté physiquement, l'avoir dans mes bras change forcément mes perspectives. "On commencera à regarder en rentrant et on prendra le temps de trouver quelque chose qui nous plait. Et puis si on achète un terrain, après il faut faire les plans chez un architecte, j'aurais le temps de trouver du fric dans l'intervalle srce moje et de faire jouer quelques contacts. J't'assure que ça prendra pas dix ans. C'est pas comme si on était à la rue..." Je caresse son épaule dans un geste de promesse. L'important c'est déjà qu'on le veuille tous les deux, je n'aurais pas misé dessus il y a un mois !

Je dodeline de la tête parce qu'il n'a pas tort sur ce coup-là, ce serait jeter l'argent par les fenêtres... Et les meubles ! Mmh, tu as raison... On pourrait aller faire un tour au garde-meuble avant de partir demain midi alors. On regarde ensemble si on veut garder quelque chose, et je demanderais à Dimitri de s'occuper du transport. Il y a peut-être des choses qu'on peut récupérer, et puis on verra en fonction, rien ne nous empêche de finalement les changer une fois qu'on aura déménagé. Il me rassure, néanmoins, promettant qu'on peut au moins commencer à regarder lorsqu'on sera rentrés à Sarajevo, et mon visage s'illumine. Pour les plans je m'en occuperais, si finalement on achète un terrain. J'ai un très bon ami architecte, il sera ravi de s'en occuper, j'en suis sûre. Je penche la tête dans une moue un peu confuse quand il fait remarquer que nous ne sommes pas à la rue. Mes mains remontent doucement dans ses cheveux, je hausse les épaules. Non, je sais bien... J'ai juste... Hâte. C'est tout. Un mince sourire, un peu gêné, étire mes lèvres, et je me penche pour l'embrasser. Mais on prendra le temps qu'il faut.

Je ne pensais pas à l'argent en parlant des meubles, il y a des chances que les rapatrier nous coute plus cher que d'en acheter à Sarajevo vu les différences de prix entre les USA et mon pays ! Je pensais plutôt à elle et à son sentimentalisme envers les objets, chose qui m'est assez difficile de concevoir sauf rares cas, comme précisément le bracelet, ou encore quelques photos que je traine depuis des années. Je me mords la langue quand le nom de Dimitri lui revient encore en bouche. Ça m'agace et de façon très infantile, j'ai envie de dire que je m'en occuperais. Seulement, le russe a les clefs du garde-meubles, ce serait idiot. Le pragmatisme l'emporte sur ma jalousie, qui pourtant me titille méchamment.

J'ai un sourire brusque à sa mine de princesse faussement repentante. Je ne suis pas dupe, elle ne fait que semblant d'être confuse ! Je la taquine gentiment "Je sais, tu es impatiente. Je ne connais personne de moins patient que toi ni de plus têtue, srce moje" Mais elle sait bien que je l'aime pour tous ces petits défauts qui n'en sont pas vraiment à mes yeux. Je bascule avec elle pour nous lover dans le lit "oui on prendra le temps moj andjeo, tant que tu es avec moi, on a tout le temps qu'il faut..."