Tous les levers du jour, sans toi ne se relèvent pas - Slavina

9 mars ; 06h20 heure Balinaise

La joue appuyée sur l'épaule de Slavenko, les paupières lourdes du sommeil que je cherche à fuir, j'observe par la fenêtre du taxi les routes dont le décor se métamorphose sous mes yeux. En quittant l'aéroport, déjà, le paysage ne ressemblait à rien de ce que j'ai pu connaître au cours de ma vie. Même les larges avenues sont bordées de maisons traditionnelles, et après cinq minutes de voiture seulement, nous nous sommes retrouvés sur une autoroute au-dessus de la mer. Rien d'autre que la route droit devant, et tout autour ce bleu sublime, à perte de vue. Il ne faisait pas encore jour, mais à la lumière des réverbères, j'étais déjà éblouie. Ici la verdure est partout, les routes sont entourées d'arbres immenses, et à mesure que nous avançons, la nature se fait plus dense. Il faut une heure au taxi pour rejoindre la location, et pas une seule minute de ce trajet ne m'a lassée, alors que je suis pourtant épuisée, tant par les seize heures de voyage que par le décalage horaire. Tout est si différent des Etats-Unis, et même de Sarajevo ! Plus on s'éloigne de l'aéroport, plus les villes cessent de ressembler à ce que l'on connaît. Les petites maisonnettes aux toits de tuiles défilent, et toutes sont décorées de statuettes hindoues qui nous regardent passer. Et bientôt même celles-ci disparaissent pour ne plus laisser place qu'à la verdure, partout. Le taxi s'engage sur des chemins terreux, étroits et mal entretenus qui nous secouent et me réveillent un peu. On longe une rivière, et tout autour de nous même les sons ne sont plus les mêmes. Mes pupilles se dilatent, j'écarquille les yeux, me redresse un peu, le regard brillant.

Mon visage s'illumine lorsque la villa apparaît, à moitié engloutie par la jungle, perchée en haut d'une colline. Comme je le craignais, Slavenko va avoir quelques escaliers à affronter pour l'atteindre, mais il est en bien meilleure forme à présent et je peux dire, maintenant que nous y sommes, que le jeu en vaut la chandelle. Le chauffeur gare la voiture et sort pour récupérer nos bagages dans le coffre. La voiture était climatisée, mais à l'instant même où j'ouvre la portière, la chaleur humide et étouffante du lieu m'enveloppe toute entière. C'est une sensation étrange, assez désagréable au départ, à laquelle il faut s'habituer, ça nous a d'ailleurs fait tout drôle lorsqu'on est descendus de l'avion. C'est comme si même l'air s'infiltrant dans nos poumons était humide. Je ne porte qu'une robe légère, je me suis changée à l'aéroport, mais en quelques minutes ma peau est déjà moite. Il est encore très tôt, pourtant il doit déjà faire au moins 25°, et le jour commence à se lever, dessinant derrière la villa des halos orangés. C'est si silencieux, si beau, si irréel que j'en ai le souffle coupé.

Moi aussi le trajet me plait et c'est collé à Nina que je passe l'heure de voiture à regarder par la fenêtre. Je suis comme un gosse émerveillé. Je n'ai jamais rien vu de si beau, ni d'aussi vert ! Mon univers à moi c'est plutôt la ville que la nature et la jungle tout autour de nous, la mer, si peu de civilisation, c'est incroyable.

On nous large près de la villa et j'avise les escaliers avec un regard désespéré. Ce que Nina ne sait pas, c'est qu'avant hier soir je n'étais pas au QG comme je l'ai dit. En tout cas pas toute la nuit. Je suis passé aux arènes de combat pour me tester et le test a été douloureux. Alors c'est en serrant les dent que je commence à grimper les escaliers, je ne veux surtout pas que Nina se rende compte que quelque chose, elle me sermonnerait ou pire se ficherait en rogne. Elle n'a pas encore eu l'occasion de voir mes nouveaux hématomes et je ne sais pas encore comment je vais les justifier. En plus il fait hyper chaud, et humide, le seul avantage à cette situation c'est que Nina porte une robe fabuleuse.

Point positif, on nous monte nos bagages. "Tu sais srce, tu devrais passer devant moi, ça me motiverait pour tous ces escaliers..." Voilà faisons comme ça. En plus c'est réellement motivant. Et puis je peux faire des pauses pour admirer le paysage. "Tu as vu zlato ? Là bas ? Je crois que c'est une cascade au milieu des arbres ?" Je trouve ça incroyable, je crois que c'est le mot de ce voyage et la fatigue du voyage s'envole tant c'est magique. Je rattrape Nina de deux pas plus rapides et j'attrape son poignet pour la stopper. "Attends..." Je me porte à sa hauteur pour l'embrasser. Un tel paysage mérite un baiser passionné.

Je ne suis pas dupe de son commentaire, comme je sais qu'il est toujours plutôt lent pour grimper des marches. L'avantage, c'est que même si j'ai bien l'intention de visiter les alentours, nous ne sommes pas obligés de sortir tous les jours, et ça lui fera un peu d'exercice, il est temps qu'il se remuscle de toute façon. Et puis on a dix jours dans cette baraque absolument fabuleuse, il va mieux de jour en jour, d'ici qu'on s'en aille, je suis sûre que les escaliers ne lui apparaîtront même plus comme une épreuve. Je passe néanmoins devant lui sans broncher, je suis en plutôt bonne forme en fait, si on excepte les cachets dont je me gave et dont j'aimerais réduire les doses sans parvenir à franchir le pas. Je n'ai au contraire fait que les augmenter depuis qu'il est parti en mission à Banja Luka, et sa blessure n'a rien arrangée.

Mais aujourd'hui pour la première fois je ne pense pas à tout ça, et quand il attrape mon poignet pour me stopper, je pose sur lui un regard étonné. Jusqu'à ce que ses lèvres trouvent les miennes. J'enroule un bras autour de son cou, l'embrasse langoureusement avant de m'écarter dans un sourire. J'ai trop envie de découvrir la villa pour m'attarder ici. Je grimpe les dernières marches, pour atterrir devant une lourde porte en bois que je pousse, elle a été déverrouillée. Le truc est clairement luxueux, le chauffeur de taxi était d'ailleurs envoyé par le propriétaire, c'est lui qui nous a remis les clés. La pièce, immense, dans laquelle on entre, est stupéfiante. Elle n'est bordée de murs que sur deux côtés, les autres côtés étant totalement ouverts sur la terrasse, où j'aperçois déjà la piscine. Il y a une table immense, de grands canapés, tout le nécessaire pour un espace commun. J'ecarquille les yeux, la piscine est plus grande que je le pensais, elle semble se jeter dans le vide. C'est magnifique ! Tu as vu comme c'est tout... Tout ouvert sur la jungle ! J'ai l'air d'une petite joueuse avec mes envies de baies vitrées ! Je m'avance plus loin dans la pièce, pour finalement poser les pieds sur la terrasse. Oh, c'est là regarde ! Les cordes suspendues ! Dessus sont disposés d'énormes coussins blancs, immaculés.

Ma gazelle s'échappe et je la suis tant bien que mal. Je m'échauffe au fur et à mesure de la montée et paradoxalement les dernières marches sont les moins difficiles. Je la rejoins dans le salon alors qu'elle est en tain de s'extasier sur les meubles en bois exotiques. Tout est très beau, parfaitement agencé et en effet tout est ouvert. Parfois il y a un voilage ici et là. C'est joli.

Je m'avance vers le carré de cordage, je n'ai pas trop le vertige parce qu'il y a une pente tout autour de la villa, pente qui si elle est abrupte est couverte d'une végétation luxuriante. On se croirait sur une colline de feuilles. Avec mon treillis, mon tee-shirt et mon pull noué à ma taille, j'ai chaud. La transpiration colle le tissu à mon dos, auréolé de sueur. Je regarde Nina et un sourire éclaire mes traits fatigués mais sereins. Je me sens comme ça depuis l'accident (j'appelle comme ça le fait de m'être fait tiré dessus si je veux.) Je suis comme dans un état de grâce et ici c'est le Paradis sur terre.

J'avise une table dehors avec des jus de fruits et des fruits frais aussi, je m'en approche pour en servir un verre avant de demander à Nina "tu veux un jus de fruit srce ou je te laisse explorer la villa, la terrasse et la jungle ?" Je me moque gentiment d'elle parce que je la trouve merveilleuse dans son enthousiasme enfantin et tout à fait justifié. Je m'assieds pour ôter mes godasses, porter des rangers par 40° humide est un calvaire que je n'ai pas endurer, je suis en congé

Je ne crois pas avoir déjà été à ce point émerveillée dans ma vie, et je n'en reviens pas d'avoir hésité quant au choix de la location. La villa a beau avoir été conçue avec un soin particulier, des matériaux de qualité, dans un agencement qui a du coûter extrêmement cher... Elle est ce parfait équilibre entre quelque chose de luxueux et à la fois terriblement brut. Son emplacement est incroyable, le fait que tout soit ouvert donne l'impression que la jungle fait partie intégrante de la villa, et même dans le choix des matériaux, il y a quelque chose de sauvage, dans le sens très primitif du terme. Les cordes suspendues me fascinent, je n'ai jamais eu le vertige bien au contraire, mais le cadre est si surprenant que je n'ose pas encore m'aventurer. La joie très enfantine que je ressens à être ici se dispute au syndrome de l'imposteur, omniprésent chez moi, qui me souffle que je ne devrais pas être là. Slavenko à raison, c'est le paradis sur terre alors je n'y ai pas vraiment ma place !

Je suis béate d'émerveillement quand sa voix me ramène à la réalité. J'esquisse un sourire presque gêné, secoue la tête. Non, je veux tout découvrir avec toi. Selon le site internet, l'endroit est presque conçu pour les voyages de noces (ou dans notre cas les voyages de fiançailles) et je ne veux pas m'aventurer plus loin sans lui. Je le rejoins donc à table tandis que le chauffeur réapparaît. Il nous informe poliment, dans un anglais approximatif, que nos bagages sont dans la chambre. Il nous laisse un fascicule et se retire, nous abandonnant la somptueuse villa. Je plissé le nez pendant que Slavenko me sert à boire, et regarde le papier. Il est empli d'informations et de numéros. Y a la liste des activités à faire autour avec le site internet pour avoir l'itinéraire... Et des coordonnées. On peut appeler des masseurs haha, ou commander à manger chez le traiteur, et rappeler le chauffeur aussi si on veut qu'il nous balade dans la région. Ce sont des prestations payantes bien-sûr mais je trouve ça génial. J'ai déjà payé un supplément au moment de la réservation pour que le frigo et les placards soient remplis, j'avais peur qu'on ne puisse pas aller faire de courses tout de suite ! Normalement il y a de quoi cuisiner pour les premiers jours, mais surtout un dîner spécial lune de miel de prêt.

Je retire mes chaussures tandis que Nina décide de revenir vers moi. Mon sourire est lumineux et mon regard indulgent tandis qu'elle prend cet air de petite fille coupable d'avoir plongé les deux mains dans le bocal de bonbons. Je donne un pourboire au chauffeur en le remerciant en indonésien, dans l'avion j'ai au moins fait l'effort d'apprendre trois mots : bonjour, merci et s'il vous plait. Le minimum des voyageurs. Il sourit et je crois que c'est parce que mon accent est à chier. J'ai beau parler plusieurs langues étrangères, aucune n'est asiatique et les accents sont très particuliers.

Ha, j'espère qu'il y a l'itinéraire pour aller à la cascade, ce serait une chouette balade. Je goûte une gorgée de jus de fruits, très étonnant, et je repose mon verre en me relevant. Je tends la main vers Nina. "allons voir l'intérieur" Marcher pieds nus sur le bois est très agréable comme sensation et j'ai un sourire, comme un gosse. "Je suis pas sur d'avoir envie qu'un masseur autre que moi te masse...Une masseuse à la limite, si elle est jolie et que je peux mater." Bien sur que je plaisante, avec mon humour mal dégrossi habituel. "La douche est vraiment chouette. J'ai bien envie de l'essayer." Il fait tellement chaud ici qu'on est forcément irrésistiblement attiré par l'eau. "Et après la douche, une sieste dans le truc dehors, t'en penses quoi srce ?" Je l'enveloppe de mes bras, me collant dans son dos, nez dans ses cheveux, en essayant de me montrer persuasif. Je la trouve terriblement excitante dans cette petite robe légère. "Ti si divna" Mes mains glissent sous le tissu, persistantes dans leur exploration sensuelle.

En fait cette location était particulière parce que les prix possibles variaient énormément en fonction des prestations demandées. Il était par exemple possible d'avoir un chef à domicile pour toute la durée du séjour, disponible H24. Au départ plutôt abordable pour l'endroit paradisiaque, l'endroit peut devenir extrêmement cher si on choisit ces options luxueuses. Pour certaines personnes, ça peut sembler tentant... Moi, j'avais surtout envie qu'on soit absolument seuls tous les deux, sans personne pour nous déranger. Perdus en pleine nature, loin de tout, je ne veux rien d'autre que lui et je pressens déjà qu'on risque de souvent oublier de manger ! C'est donc le chef qui a préparé le dîner de ce soir, mais il l'a laissé au frigo avant de partir, de même que le jus de fruits étrange posé sur la table extérieure. Je plisse le nez quand Slavenko me tend la main. Attends. Je me penche pour, moi aussi, retirer mes chaussures, abandonnant mes sandales dans un coin de la terrasse avant de le suivre.

On s'aventure à l'intérieur -mais les lieux sont conçus de sorte qu'on a toujours l'impression d'être en extérieur malgré tout- et je souris à sa plaisanterie. Je suis trop heureuse d'être ici pour qu'une once de jalousie prenne le dessus. Je suis désolée moja duša, mais la seule personne que tu vas pouvoir mater pendant dix jours, c'est moi. La salle de bain est accolée à la chambre, au lit immense au pied duquel se trouvent nos valises, et je souris. J'ai vu d'autres photos, il doit y avoir une baignoire dedans-dehors quelque part aussi... Mais je ne sais pas encore où, c'est beaucoup plus grand que je ne le pensais ! Ses bras se referment sur moi et je soupire de bien-être en posant mes mains sur les siennes. J'en pense que ton programme est parfait...

Il suffit que ses mains glissent sur ma peau pour qu'un soupir de désir me soulève la poitrine. Je penche la tête sur le côté, réclamant silencieusement sa bouche contre ma gorge. Mes achats vont te plaire je crois... Je n'ai pris que des robes très légères, certaines transparentes, très peu de lingerie aussi... Et celle que j'ai emportée est très sexy.

"alors tu devras te contenter de moi comme masseur srce moje. Je suis sur qu'ils nous prêterons tout ce qu'il faut, les huiles qui sentent bon et tout..." C'est un endroit pour une lune de miel ici, le bien-être mais aussi très certainement le sexe sont prépondérants, en tout cas j'espère ! J'espère aussi que malgré les baies vitrées et les terrasses ouvertes, nous aurons toute l'intimité voulue, je ne suis pas spécialement exhibitionniste, même s'il m'arrive parfois d'oublier l'endroit où je me trouve, uniquement par la faute de Nina."On cherchera cette baignoire après Ribica, je vais mourir de chaud si je ne prends pas cette douche. "

Je ris silencieusement contre sa gorge, rire de loup amoureux, tout prêt à dévorer sa proie. "Il n'y a pas que tes achats qui me plaisent moj andjeo... tu le sais ça non ? Mais j'aime bien te voir dans ces petites robes, humm ? L'hiver est long et quand tu t'emmitoufle comme un papillon dans son cocon, c'est pas pratique..." Je ne vous fais pas un dessin. J'aime toucher sa peau à longueur de temps, j'aime en voir la blancheur immaculée, j'ai besoin de la sentir sous mes doigts. Je soupire contre son cou, le lèche pour le goûter avec mon cœur qui s'affole soudain sous l'afflux brusque de désir. Toutes ces heures de vol niché près d'elle sans autre choix que subir le désir sans l'assouvir. On peut dire que j'apprends la gestion de la frustration avec Nina et même j'en éprouve parfois un certain plaisir. Avec elle, j'apprends à jouer, à désir, à repousser les limites du plaisir. Tous les autres n'ont jamais été là que pour assouvir un besoin, des envies, éprouver des plaisirs éphémères. Nina c'est tellement différent qu'elle me fait perdre la tête.

Je pose une main sur sa gorge pour maintenir sans mal son cou gracile et le livrer à mes baisers tandis que de l'autre main je pelote ses fesses sous la robe volante et légère. C'est tellement délicieux. Je la pousse sensiblement vers une baise vitrée à moitié ouverte, face à la jungle. Le désir pulse, bat dans mes tempes, mon ventre, ma queue, je défais la fermeture de mon treillis, avec des envies d'assouvissement brutal, sauvage.

Je hoche la tête, parce que je connais déjà la réponse. Je te promets qu'il y a tout ce qu'il faut. Je le sais parce que c'était compris dans le packaging "lune de miel", que j'ai choisi sans aucune honte parce que j'avais envie d'un voyage romantique même si je ne l'admettrais jamais à voix haute. Sur le lit, il y a des serviettes de bain pliées en forme de cygne et des pétales de roses, des fleurs sur la table du salon, et je suis certaine que dans la salle de bain avec la baignoire, il y a des bougies comme celles sur les tables de chevet. On n'est pas encore passés devant, parce qu'il me semble que c'est du côté de la seconde piscine, mais il y a une sorte de petite pergola avec la table de massage, et je suis sûre que les huiles de massage s'y trouvent. Quant à moi même si je ne le dis pas encore, j'ai emporté dans mes bagages quelques surprises qui devraient beaucoup lui plaire. Contrairement à lui je ne crains absolument pas le manque d'intimité, déjà la maison est en hauteur par rapport au reste de la jungle, il a fallu monter une centaine de marches pour l'atteindre, ensuite nous sommes entourés par la nature ! A moins que des voyageurs grimpent aux arbres pour regarder à travers nos fenêtres, on ne risque rien. C'est ça qui est merveilleux d'ailleurs, le fait de pouvoir presque vivre dehors sans être vus.

Je me serre un peu plus fort contre lui, hoche la tête. Je sais... Vivement l'été, je resterais en robe tout le temps c'est promis... Et puis dans notre future maison, on surchauffera partout tout le temps, je n'aurais pas besoin de me couvrir. On ne peut pas dire que je sois la nana la plus écolo de la planète hein... Encore que si on a une cheminée, ce sera parfait ! L'agent immobilier ne nous a pas encore rappelés, on devrait avoir son appel dans la journée, c'est encore la nuit à NY... Je suis un peu anxieuse mais je l'oublie rapidement sous les caresses de Slavenko, soudain plus possessives.

Malgré la frustration et le manque de ces derniers jours, je me sens d'humeur joueuse... Je ne sais pas si c'est parce que je sais que nous avons le temps, ou bien parce que je le sens soudain plus impatient que moi, et que ça me plaît pour une fois. Plaquée contre la vitre, j'y pose mes mains à plat pour me tendre vers lui, me cambrant dans une posture volontairement provocatrice où mes fesses se pressent contre son bas-ventre. Il ouvre son treillis mais je bloque ses mouvements en tendant une main derrière moi pour empaumer sa queue par dessus son boxer. Je renverse la tête en arrière sur son épaule, tourne le visage vers sa gorge que je lèche. J'ai envie de te sucer.

"Humhumm avec la cheminée ce sera parfait. Tu pourras mettre ce petit pyjama qui m'excite, tu sais celui quand t'es fâchée après moi, avec le short. Je le trouve terriblement sexy, c'est ça ma punition pas vrai mais je t'avoue que c'est pas très efficace ! " Je peux évoquer nos combats, nos disputes sans angoisse parce qu'on est ici, à l'autre bout du monde, seulement nous deux loin des autres. Or ce sont les autres qui nous mènent sans cesse à nous heurter. Ma famille trop envahissante, ses amis trop proche, quand on est que tous les deux ça va plutôt bien. "Et en été tu roderas en bikini autour de la piscine. Je devrais sans doute tuer deux ou trois voisins, mais c'est un détail." Je me sais d'une jalousie maladive, possessif à l'extrême. Depuis le premier jour je l'appelle mon trésor, parce qu'elle est unique et à moi.

Je grogne de surprise quand elle arrête mon geste, me contrariant dans mon désir. La frustration crispe mon ventre dans une vague plus forte qui se poursuit quand elle me chauffe. Des images explosent dans ma tête à sa voix sensuelle et évocatrice. Je réponds d'une voix rauque "ça c'est une sacrée bonne idée zlato. Mais enlève ta robe, j'ai envie de te voir nue quand tu me suces." Je ne la relâche pas tout à fait, juste assez pour l'aider à ôter le bout de tissu joli qui échoue au sol. J'enroule une main dans ses cheveux, l'incite à se mettre à genoux tandis que je reste debout face à la baie vitrée. Je peux m'y appuyer d'une main, l'autre toujours crispée dans les cheveux de Nina. Je n'ai qu'à baisser les yeux pour la voir dans cette posture terriblement excitante qui me fait bander par son seul pouvoir érotique.

J'étouffe un rire à la mention du pyjama, il a raison je l'ai acheté quand j'étais en colère après lui. Tu plaisantes ? C'est hyper efficace puisque tu le trouves sexy mais que tu ne peux pas m'avoir, c'est parfait. Ce n'est pas vrai du tout, ce n'était pas le but lorsque je l'ai acheté, en fait je voulais surtout quelque chose qui me dissimule un peu mieux parce qu'à l'époque j'étais toujours nue ou nue sous un tee-shirt à lui. Là je me disais que je serais moins accessible... Ce qui ne fonctionne pas puisque le short est lâche et qu'il peut aisément glisser sa main dessous sans même avoir à l'ôter ! Tu crois que les voisins nous verrons dans la piscine ? Me semblait qu'il n'y avait pas de vis-à-vis... J'avais espoir de me baigner nue, en fait. Je papillonne des cils d'un air tout sauf innocent.

C'est pourtant d'une voix suave que je détourne son attention de son objectif, susurrant l'idée contre sa peau comme si je lui laissais la main quand je ne fais que lui insuffler mes propres désirs. Il m'ordonne d'ailleurs de me déshabiller, sans doute pour se donner l'illusion de ce contrôle qui lui est si cher mais on sait bien tous les deux qu'il en faut plus pour me mâter. Et ça tombe bien, je ne demande qu'à me plier à ses désirs, mais ma docilité se mérite et j'aime le pousser dans ses retranchements. Je pivote et, une fois débarrassée de ma robe, m'agenouille en culotte à ses pieds. Je tire sur son boxer pour l'en défaire, le descendre le long de ses cuisses avant de plaquer mes mains sur ces dernières pour me pencher sur lui. Son sexe se tend déjà fièrement vers moi et j'ouvre la bouche pour poser mes lèvres sur son gland. Les yeux mi-clos, je le suçote doucement comme une friandise à déguster. Des flashs d'images violentes surgissent sous mes paupières, sa queue enfle dans ma bouche, mon ventre se tord de désir, je voudrais qu'il me martèle avec, mais je sais que la frustration déclenchera mieux sa brutalité que n'importe quelle supplique.

Je savais bien que ce pyjama était destiné à me torturer d'une façon ou d'une autre. Il me rappelle dans les moments les plus noirs combien elle est désirable, combien je l'aime et c'est une façon efficace de m'amadouer ! Et Malgré sa connotation négative, j'adore ce pyjama, c'est irrationnel. Cette façon de dévoiler juste un peu d'elle quand je voudrais tout voir a le don de me rendre fou. De la même façon que la lingerie d'ailleurs. Ce que j'aime c'est devoir déballer Nina, et jouer avec le tissu me fait monter dans les tours.

Pour l'instant, je n'ai pas besoin de monter dans les tours, je suis déjà chaud comme la braise. Je suis trop impatient pour me montrer joueur ou raisonnable et j'ai déjà basculé dans l'instinctif. Je retiens un grondement animal, les yeux baissés sur elle, noirs de désir, d'instinct de domination aussi, quelque chose de profondément viscéral. Je la laisse faire, une main lourde posée sur sa nuque, les doigts emmêlés de cheveux. J'observe ses seins lourds qui viennent toucher, frotter mes jambes dans le mouvement qu'elle fait pour se pencher. De l'autre coté, sa chute de reins me donne des désirs indécents. Je ne supporte par très longtemps ses agaceries, sa façon de juste sucer mon gland sans jamais le prendre en entier, sans m'envelopper. C'est trop bon - des arcs de plaisir électrique me parcourt - mais frustrant à l'excès. Je crispe ma main dans ses cheveux, la bloque pour éviter qu'elle ne se refuse et pénètre plus fermement sa bouche, m'enfonçant d'une poussée ferme dans sa chaleur.

Des hanches, j'imprime un rythme régulier pour aller et venir entre ses lèvres. Je ne vais pas profondément mais rapidement, la forçant à me prendre en bouche. Puis je ralentis mais en modifiant l'amplitude, à venir buter dans sa gorge avant de me retirer pour qu'elle me suce sur toute la longueur. Je baise sa bouche plus qu'elle ne mène la danse et je trouve ça plus que bon, satisfaisant aussi bien pour mon ego que pour le plaisir physique en lui-même. C'est toute la nuance avec Nina, les émotions et le psychiques se mêlent de la partie en amplifiant toutes les sensations.

Il lâche la bride à ses pulsions terriblement vite et ça m'emplit d'une satisfaction malsaine et finalement très animale. Parce que ça signifie que le désir flambe déjà trop haut, qu'il ne me résiste pas, et bien-sûr comme notre vie sexuelle n'est pas au beau fixe depuis quelques semaines (à cause de nos séparations puis de sa blessure), ça me rassure dans ma capacité à lui faire perdre la raison. Je n'ai que peu d'emprise sur notre étreinte dans cette position alors je tends une main pour la crisper sur sa fesse, l'autre venant entre ses jambes envelopper ses testicules. Je lape sa queue du plat de ma langue quand il ralentit la cadence, le prenant tout entier dans ma bouche, suçant son gland quand il se retire pour mieux revenir s'enfoncer dans le fourreau de mes lèvres. Les yeux grand ouverts, levés sur lui, je suis les émotions qui apparaissent sur son visage et transforment ses traits, obscurcissent son regard et crispent ses mâchoires.

On a tout le temps du monde et si le désir me tenaille, me brûlant le ventre, je ne suis pas pressée de l'assouvir. Je crois que j'ai au contraire envie de jouer avec ou plutôt qu'il joue avec moi, je veux me languir de lui et le réclamer. Je ne le laisse même pas faire mine de s'éloigner de moi, mes mains accrochent ses hanches et je force le mouvement pour accélérer de nouveau. Sa main s'agrippe plus fort à mes cheveux mais je ne le libère de mon joug que lorsque je le sens prêt à venir. Je me redresse, décolle mes fesses de mes talons en l'enveloppant de mes doigts pour l'achever de quelques insolents mouvements de poignet. Il se répand en longs jets chauds sur mes seins, maculant ma peau, blanc sur blanc. Je me penche encore, presse mes lèvres sur son ventre dans un baiser chaud et tendre, comme une récompense à s'être laissé aller. Il a mené la danse, presque tout du long et pourtant je ressens un delicieux sentiment de puissance à être parvenue à lui faire rendre les armes. Je me relève, me coule entre ses bras pour réclamer un long baiser dans lequel je bois son souffle erratique. Je susurre contre sa bouche, mutine : Maintenant j'ai une vraie raison de me doucher...

Je déconnecte très rapidement, sans chercher à lutter contre l'envie de jouir d'elle. Le fait qu'elle m'accompagne sans chercher à lutter contre mes désirs me remplit de cette joie, de cette pleine satisfaction lorsqu'elle se donne à moi, lorsqu'elle m'appartient sans une once de restriction. Peut-être bien que c'est malsain, ouai, mais alors je m'en fous royalement alors que le plaisir grimpe avec cette fulgurance inouïe.

Me voir éjaculer sur sa peau blanche, la maculer de mon sperme, de mon odeur me fait grogner de joie, de plaisir pur. Outre la libération et l'orgasme, c'est une fois de plus au delà de ça. J'ai le regard brillant, je plane, heureux, repu et quand elle vient m'embrasser, je l'enlace sans me soucier de maculer mon tee-shirt. J'embrasse Nina à pleine bouche, nos goûts se mélangeant. Je ronronne ébloui, sans vraiment prendre garde à sa plaisanterie, seulement à son air mutin, ce sourire qui me fait fondre. Je suis complètement sous le charme de Nina. Je pose mes mains sur ses si jolies épaules à la peau de lait. J'effleure ses cheveux, son cou. "oui, allons prendre une douche moje zlato..."

La douche n'est qu'à quelques pas et j'abandonne mon pantalon et mon caleçon sur place pour y aller. Mon tee-shirt suit le même chemin alors que j'allume l'eau. Je laisse bien sur Nina régler le thermostat même si j'aspire à de la fraîcheur à présent. Je regarde les gels douche à disposition, testant leur odeur pour savoir laquelle je veux retrouver sur le corps de Nina. Je fourmille d'envie de la laver. Je hausse un sourcil dubitatif en commentant "Fleurs d'orchidée...ça me semble pas mal"

Je frotte mon nez contre le sien, ferme les yeux quelques secondes, le temps de faire retomber un peu le désir qui me tourmente à un niveau plus gérable. C'est plus facile parce qu'il ne m'a pas encore vraiment touchée et je parviens encore à prendre sur moi pour l'instant. On s'éloigne ensemble de quelques pas pour découvrir la douche, protégée par un auvent de bois, cachée par un petit mur de pierres grises. C'est délicieusement classe et pourtant très sobre, rien qu'un robinet planté dans un mur de pierres, comme une cascade qui jaillirait de la roche. La salle de bain n'est pas climatisée puisqu'elle est ouverte sur l'extérieur, et il y règne cette même chaleur humide qui me donne, à moi aussi, envie de fraîcheur.

Je n'ai qu'à ôter ma culotte pour me retrouver nue, et je me tourne vers Slavenko qui me rejoint. Il s'intéresse aux gels douche quand je pose les yeux sur lui et découvre, horrifiée, les stigmates d'une lutte dont je n'ai pas entendu parler. Sa peau se marbre d'ecchymoses que je n'ai pas vues, et qui sont donc forcément très récentes. J'écarquille les yeux, blêmes, me désintéressant tout à fait du parfum qu'il veut choisir pour moi. Mais qu'est-ce que... Comment...? Comment et quand, surtout ! Quand s'est-il battu et avec qui ? Etait-ce lors de sa soirée au QG ? Une engueulade avec un Tigrovi, peut-être ?

Même la douche n'est pas juste une douche. Le plafond est en bois comme une cabane et la pierre bleue du muret me séduisent. Elle est autant à l'intérieur qu'à l'extérieur et on voit la montagne et la jungle au loin, entre deux arbres. C'est fascinant.

Zut, tout au relent de plaisir s'accrochant à moi, j'avais oublié ce détail en enlevant mon tee-shirt mais de toute façon, elle aurait bien fini par s'en rendre compte. "Oh, ça...c'est rien srce." Je souris, rassurant mais aussi coupable parce que je ne lui en ai pas parlé uniquement pour ne pas me faire engueuler, exactement comme un gosse. "Juste un tout petit combat où j'ai pas spécialement brillé...Mais c'est rien, juste des bobos. Je ne voulais pas t'affoler avec ça. " On ne va pas chouiner pour quelques hématomes quand même ! Je brandis le gel douche, dans l'espoir de couper court au débat "Orchidée ?" et j'en verse une dose généreuse dans mes mains en adressant un sourire de chat potté à Nina, en tout cas c'est mon intention première.

Couper court au débat ? Dieu qu'il est naïf, c'est dingue ! J'écarquille les yeux quand il parle de combat. Pas de bagarre ou de dispute, mais de combat, et ça fait une sacrée différence. Un combat ?! Tu es allé te battre ? Est-ce qu'on est vraiment en train d'en revenir aux mensonges par omission ? J'étais vraiment convaincue qu'on avait enfin dépassé ce stade, qu'on pouvait se faire confiance et se parler, qu'on n'avait plus besoin de se cacher des choses... Il faut croire que moi aussi, je suis terriblement naïve. Tu es allé te battre et tu ne m'as rien dit ? Tu comptais m'en parler quand ? Je balaie son orchidée d'un geste agacé de la main, en croisant les bras sur ma poitrine, blessée. C'est bien, mon désir s'est envolé. Outre le fait qu'il m'ait éhontément menti, je suis sûre que c'était le soir où il m'a dit aller au QG parce qu'on était ensemble le reste du temps. Donc c'est plus qu'un mensonge par omission en fait, c'est un mensonge tout court ! Mais au-delà de ça, je suis furieuse qu'il soit allé se battre dans son état, alors que sa convalescence n'est même pas terminée. Non seulement il aurait pu faire une hémorragie interne, ou n'importe quoi d'autre de grave, mais en plus il décide d'aller se faire casser la gueule juste avant qu'on parte en voyage ensemble ! Il s'est dit "oh tiens, ce serait dommage que je sois en forme pour partir en vacances avec Nina, ce serait mieux que je sois éclopé." Putain mais quel con.

Aïe, vu le regard noir de Nina, la façon dont elle croise les bras, te voilà sacrément dans le pétrin Drazavic ! "Heu...oui..." Difficile de nier quand je viens de le dire juste avant et que j'ai les stigmates sur mon corps. Des tous petits stigmates, à peine des petits bleus on va dire, pas grand chose, non vraiment. "humm maintenant ?" Je savais que je ne pourrais pas lui cacher ces hématomes et j'ai toujours des traces quand je combats, même si je gagne. Il est très rare de gagner s'en se prendre quelques coups en retour, ça arrive mais c'est rare, je n'étais certainement pas assez en forme pour que ça arrive.

"Srce, ce n'est rien... Ecoute j'étais au QG et une chose en entraînant une autre, tu sais comment ça se passe, j'ai fais une virée aux arènes. Je voulais tester mon niveau, tu vois ? Alors bon... ça pêche encore un peu mais je ne craignais pas grand chose, ce sont juste des bleus, vraiment rien. J'ai été prudent, je te jure. Je ne voulais pas t'inquiéter avant le départ et tu vois bien maintenant que je vais bien ?" Elle me couve depuis plus de trois semaines alors forcément, j'ai essayé de la ménager, mais j'avais besoin de me tester. Et même si j'ai perdu, ça m'a fait du bien de me savoir capable d'aller sur le carré de combat. "Ne m'en veux pas zlato, molim te."

Mais c'est qu'en plus il se fout de ma gueule ! On croirait un môme que sa mère prend en flagrant délit en train de faire une connerie. Sauf que je n'ai aucune envie de me comporter comme sa mère. Peut-être bien que ce n'est rien de grave mais ça aurait pu l'être. Il n'aurait pas du y aller maintenant, c'était trop tôt pour ça, et il aurait encore moins du le faire sans m'en parler. Je suis blessée parce qu'on en revient toujours à la même excuse ridicule. Ne pas m'inquiéter, ne pas me blesser, ne pas me rendre malheureuse. Sous prétexte de me protéger -de lui ou de moi je ne sais pas- il finit toujours par me mentir d'une façon ou d'une autre. Il se comporte comme un enfant qui se cache de sa mère mais il me traite, paradoxalement, moi aussi comme une enfant à laquelle on ne pourrait pas faire confiance. Je secoue la tête, les larmes aux yeux, et le premier qui dit que je surréagis je le tue ! Non, tout ce que je vois c'est qu'on en arrivera jamais au stade où te seras capable de me parler. On dirait... Je sais pas, on dirait que tu me crains, que je t'engueule ou que je t'empêche de vivre. Moi j'en ai assez qu'il pense à ma place, qu'il décide pour moi de ce qui est mieux, de ce que je peux savoir ou non, de ce que je suis capable de supporter.

Je hausse les épaules en m'écartant de lui. J'avais pas réalisé qu'on jouait encore à se cacher l'un de l'autre. Il parle de construire quelque chose ensemble, de fonder une famille, de bâtir une relation sérieuse mais il est toujours là à faire semblant, à ne pas oser, à me dissimuler la vérité. Depuis cette conversation houleuse avec son père, je pensais qu'on avait convenu de grandir un peu. Visiblement je me suis trompée. Encore. Je sors de la douche sans même m'être mouillée, et je récupère une serviette dans la chambre pour essuyer ma poitrine encore maculée.

Jebote ! Je me décompose sous sa remontrance, c'est encore plus sérieux que je ne pensais. Tout ça parce que je suis allé faire un combat sans lui dire ? Ok ok, d'accord, je veux bien admettre que parce que j'ai été blessé, c'est un peu plus que ça. Je me rince rapidement les mains avant de partir à la poursuite de Nina. "Nina ! Attends !"

Je la rejoins dans la chambre et je m'excuse platement "Je suis désolé. Je ne pensais vraiment pas à mal." Ça n'avait rien d'un mensonge à mes yeux puisqu'elle le saurait tôt ou tard. J'ai juste préféré qu'elle le sache tard. Mauvais choix. "Je ne voulais pas que tu t'inquiète inutilement pour moi quand je serais aux arènes. Je savais que tu le saurais de toute façon, je ne me cache pas de toi. Je t'en prie srce, je suis désolé, j'aurais du te le dire plus tôt. " Je cille, troublé parce que j'ai l'impression de ne pas saisir tout le drame de la situation et ça me complique la tâche. Je demande naïvement avec un air désemparé "est-ce que c'est si grave que ça ?"

Il sort de la douche précipitamment pour me rattraper et c'est là que je réalise à quel point il a changé, parce que je peux vous assurer qu'une situation pareille, à New-York, aurait viré au drame. Il se serait sans doute emporté violemment, d'abord en me criant dessus, et puis plus probablement en tentant de me prendre de force pour se prouver que je ne pouvais pas le fuir. Ou bien il aurait cogné dans le mur et serait resté sous la douche, on n'aurait cessé de s'adresser la parole pendant des heures, des jours peut-être avant que la situation n'implose. Non, vraiment il y a du progrès. Pas seulement parce qu'il s'excuse, je ne lui demande pas de toujours me donner raison, mais parce qu'au moins il est ouvert au dialogue et surtout parce qu'il m'autorise enfin à avoir des émotions négatives. Avant je n'avais pas le droit de me mettre en colère ou de lui en vouloir, ça virait toujours à la catastrophe comme si j'allais forcément le quitter.

Ma colère retombe d'un cran face à ce constat, sans s'éteindre tout à fait, et je pivote pour lui faire face. Mais bien-sûr que c'est grave ! Tu es encore en convalescence, tu t'es pris une balle dans le bide et tu décides d'aller te battre sans même me dire où tu es ! Je fais quoi moi, si les choses tournent mal et que tu ne rentres pas ? Je m'imagine qu'il s'est enfui une fois de plus ? Et je me jette sous les roues d'une bagnole, très probablement. Outre le fait que je m'inquiète exagérément pour lui depuis qu'il a été blessé, il y a autre chose sous ma réaction et je finis par le lâcher d'une voix contrainte, basse de larmes contenues. Comment est-ce qu'on pourrait fonder une famille tous les deux si tu continues à me cacher des choses...?

A tout dire, dans le cadre paradisiaque qu'est la villa, je n'ai pas envie qu'on se déchire et qu'on perde des heures à se tirer la gueule. Peut-être qu'à la maison j'aurais péter un câble, essayant de prouver dieu seul sait quoi en criant plus fort qu'elle. C'est même dort probable. Mais ici ? On est censé faire un voyage magique, pré-nuptial en réalité, et je ne veux pas tout gâcher. Je sais pertinent que si j'avais été aussi sur de mon droit, aussi clean que ça, je lui aurais envoyé un texto en lui disant que j'allais aux arènes. Non, je n'avais clairement pas envie de me prendre la tête et donc je n'ai rien dit. Ce n'est sans doute pas hyper classe mais je ne vois rien de dramatique non plus. Je suis juste allé me battre.

Je réalise qu'elle a sans doute peur à posteriori et que le fait de le dire à retardement n'empêche pas son angoisse comme je le pensais. "ok, c'est vrai, j'aurais du te prévenir. Je n'avais pas du tout dans l'idée que ça tourne mal mais tu as raison, on sait jamais. Mais je t'assure que je savais ce que je faisais, je n'ai pris aucun risque que je ne puisse maîtriser." J'ai abandonné très rapidement quand d'autres circonstances j'aurais été plus loin quitte à finir en vrac. "Je savais qu'on partait le lendemain, j'ai fait attention." Il faut qu'elle me fasse confiance pour ça. Je fais bien plus attention quand elle est dans ma vie, pour elle.

Je reste bouche bée de sa déclaration. J'occulte complètement le coté de négatif de la phrase et une bouffée de joie brutale m'illumine, fait s'emballer mon cœur. On n'a pas reparlé de bébé depuis ce fiasco de tentative à la maison à vendre et qu'elle aborde le sujet, même de cette façon qui a l'air négative, me remplit d'espoir. Je m'avance assez pour prendre sa main dans la mienne tentant de garder un air contrit quand mon cœur, lui, s'envole de joie "je ne voulais pas te le cacher. Je savais bien que tu verrais les bleus. Je n'ai pas pensé que c'était important... Je ne te cache jamais rien d'important tu sais ? " J'essaye vraiment de ne pas mentir, même par omission et quand elle a cette impression, c'est parfois parce que je veux la protéger - mais ça elle déteste - ou parce que ça n'a pas la même importance pour elle que pour moi. Je fais de gros efforts sur ce sujet si important pour Nina. J'ose la question ultime "Tu l'envisages ? De fonder une famille avec moi ?" Je la mange du regard comme si je pouvais lire en elle (ce qui est totalement impossible avec Nina )

Disons que le fait qu'il ne m'ait pas prévenu avant d'y aller n'est pas grave en soi, même si bien-sûr j'aurais préféré. Je suis bien placée pour savoir que parfois les choses s'enchaînent et la soirée prend une tournure qu'on n'avait pas envisagée. Je ne suis pas sa mère, je ne demande pas à savoir où il est tout le temps, de toute façon avec son boulot ce serait impossible. Et puis contrairement à ce qu'il semble penser, il n'a pas besoin de ma permission pour agir ! Non, ce qui me blesse vraiment, c'est que même une fois de retour à la maison, il ne m'a rien dit. Peut-être que c'est vrai, que c'est plus important pour moi que ça ne l'est pour lui. Parce qu'il a l'habitude de se battre et qu'il ne considère pas ça comme un événement qui vaille la peine d'être relaté. A mes yeux c'est différent, notamment parce qu'il est encore en convalescence. Là-dessus je veux bien admettre qu'on ne place pas nos priorité ou notre notion de gravité au même niveau l'un et l'autre.

Il prend ses mains dans les miennes et je lève sur lui un regard brillant de larmes qui, pour une fois Dieu merci, n'ont pas coulé. Je soupire parce que moi non plus je n'ai pas envie qu'on se dispute, encore moins ici qu'ailleurs, et en prime je comprends, vraiment je comprends son point de vue. Il faut vraiment qu'on se mette d'accord sur ce qui est important ou pas... Nos passés, nos caractères sont si différents qu'on a souvent du mal à se comprendre, simplement parce qu'on n'a pas du tout la même vision du monde qui nous entoure, la même notion de bien et de mal aussi. Essaie juste de te mettre à ma place... Si tu avais découvert des bleus sur ma peau comme ça au détour de la douche sans que je t'ai rien dit, je pense que t'aurais paniqué... Encore une fois, je suis consciente pourtant qu'on ne peut pas vraiment comparer, c'est injuste de ma part de le lui demander et je le réalise. Son métier, son quotidien impliquent qu'il se prenne des coups. Le mien pas du tout, les situations seraient très différentes.

Je n'avais pas anticipé la question qui suit et je hausse les épaules, gardant sa main dans la mienne quand finalement je m'assois sur le lit. Je ne sais pas... Je soupire, dodeline de la tête en lâchant : Peut-être... Peut-être, oui. Je sais pas. C'est très difficile pour moi, c'est un sujet douloureux et je suis hyper ambivalente sur le sujet. J'ai une liste longue comme le bras -et plus encore- de raisons pour lesquelles ce serait la pire idée du monde, de motifs pour ne surtout pas faire une connerie pareille... Et pourtant, je ne peux pas dire que sa déclaration ne me retourne pas complètement le cerveau depuis deux jours.

Réellement, je voulais la prévenir avant de me désaper mais ça ne s'est pas passé comme prévu. Je soupire tout doucement, retenant mon souffle entre chaque question, chaque réponse. "J'aurais tué celui qui t'aurait touché, tu le sais" ou j'aurais essayé du moins. Je hoche la tête d'un air de compréhension. "d'accord, je comprends, je vais essayer Nina mais toi, essaye de moins t'inquiéter pour moi. " Je ne dis pas que c'est désagréable mais c'est beaucoup trop déroutant. Par contre j'ai évolué, je suis prêt à faire des compromis comme quoi Nina arrive à me faire changer ma façon de voir la virilité mais uniquement si nous sommes dans une intimité parfaite. Le regard des autres - ma famille, les tigrovi - a encore beaucoup d'importance pour moi.

Je m'agenouille devant elle et je viens poser ma joue sur ses cuisses dans un geste câlin. Mes mains se posent sur le coté de son corps. Au repos, elles touchent le matelas et ses hanches. Je suis déjà heureux qu'elle y réfléchisse et ne fasse pas un blocage, je considère ça comme positif. Je préfère un je ne sais pas, un peut-être à un non ferme et définitif comme celui que j'ai pu avoir autrefois. Je sais qu'avec notre passif, l'idée la fait souffrir mais j'espère qu'elle va se faire à l'idée. Tout est renouveau depuis qu'on s'est retrouvé. Notre relation, notre mariage, notre façon de voir l'avenir aussi. Si j'avais été plus courageux à l'époque, on aurait un bébé de presque un an si je calcule bien. Mais je crois que je n'étais réellement pas prêt à ce moment là. Malheureusement, cette épreuve a fait partie intégrante du processus pour me préparer. Un mal nécessaire.

Dans un soupir, j'esquisse un sourire contrit. J'ai encore du chemin à faire là dessus pas vrai...? Il a diablement raison, je m'inquiète bien trop pour lui. Je me suis toujours souciée de lui, j'ai toujours eu à cœur de prendre soin de lui et de le protéger, pas comme lui peut me protéger, d'une façon moins brutale bien sûr et sans doute moins efficace. Mais depuis l'incident j'exagère clairement le maternage et il est grand temps que ça cesse. Comme il s'agenouille devant moi, je glisse mes mains dans ses cheveux dans un geste tendre, mais aussi repentant. Excuse-moi de m'être énervée, c'était idiot. Je lui prête encore trop souvent de mauvaises intentions, je suis trop rapidement convaincue qu'il pense à mal. Autrefois je l'idéalisais complètement, et c'est encore le cas sur certains aspects de notre vie, mais lorsqu'il omet de me dire quelque chose, lorsqu'il fait une erreur, aussitôt je pense au pire et je le diabolise. Je culpabilise beaucoup de ce constat. J'ai un sourire en demandant : Alors tu t'es bien battu malgré tout...? C'est triste parce que c'est un cercle vicieux mais le fait de surréagir comme ça ne risque pas de l'encourager à me parler plus souvent, je le sais aussi.

Je me voûte sur lui pour l'envelopper de mes bras, enfouir mon nez dans ses cheveux et aborder ce sujet si tabou. Est-ce que toi... Tu es sûr d'en avoir vraiment envie ? Je veux dire... Vraiment, vraiment sûr. Ce n'est pas une décision à prendre à la légère et je refuse de l'envisager si lui-même n'est pas certain de ce qu'il veut, ou de pourquoi il le veut. Le simple fait d'y réfléchir me fait souffrir, je ne veux pas que ce soit vain, peu importe la décision que je prendrais.