Or perhaps that burning ire is being outweighed by ice-cold rage.

19 mai, 06h55

Assis sur le banc du vestiaires du QG, je viens de prendre une douche. Je suis tout juste de retour après ma mission au pays-bas. La mission en elle-même s'est bien passée. J'ai fait mon job mieux que jamais, concentré dessus parce que je ne voulais pas penser au reste. Je ne voulais pas penser à Nina risquant le bébé dans un stupide cambriolage, je ne voulais pas l'imaginer être surprise, se prenant une balle, être arrêté. Quand j'y pense, les scénarios catastrophes s'emballent dans ma tête. Ça va d'une fausse couche, à la mort de Nina et du bébé, ou à un accouchement en prison. La fête. Alors j'ai mis de coté, bien verrouillé et je me suis concentré sur ce que je peux maîtriser, ma mission.

Mais maintenant je suis de retour. Nous avons pris un vol de nuit privé et c'est ce matin qu'on s'est posé avant de finir le trajet en minibus. J'aurais pu rentrer à la maison mais la colère brûle toujours en moi, froide et incandescente tout à la fois. Je n'ai toujours pas envie de penser à Nina mais elle s'immisce dans mon esprit. Et je suis furieux. Furieux après elle. De toute façon puisqu'elle s'en fout royalement de moi, pourquoi je rentrerais ? Peut-être aussi que j'ai peur d'apprendre qu'elle n'est pas rentrée, qu'il est arrivé quelque chose. Vous savez quoi ? S'il lui arrivait quelque chose à NY, personne ne me préviendrait. Il n'y aurait personne. Je suis à l'origine de la moitié de ce bébé mais je n'ai aucun droit dessus, c'est de plus en plus clair. A quoi je sers alors ?

Clairement, j'ai besoin de faire le point. Je suis tellement en colère que rentrer maintenant serait catastrophique. Je ne veux pourtant pas que Nina s'inquiète comme j'ai pu m'inquiéter. J'envoie donc un sms laconique. Je n'ai pas envie de me préoccuper de la réponse alors je mets mon téléphone en silencieux. J'enfile une tenue plus décontractée que mon uniforme, bas de jogging, tee-shirts et basket avant d'aller errer dans la cuisine à la recherche d'un truc à manger.

Je suis rentrée depuis deux jours déjà, mais je n'ai pas eu de nouvelles de Slavenko depuis son arrivée à La Haye. J'ai appris qu'il serait avec Ymke, et ç'a ensuite été le silence radio toute la semaine. J'avais oublié cette histoire mais elle m'a de nouveau sauté à la figure, accompagnée d'une colère vive que je n'ai pas su éteindre, tout le reste de mon séjour. Ce n'est pas qu'elle le veuille qui me dérange, ç'a n'a jamais été que ça. Ce sont les avances qu'elle a pu lui faire et le fait qu'il ne l'ait jamais demandé de cesser, le fait qu'il ait laissé planer le doute, le fait qu'il l'ait laissée le toucher, qu'il ait laissé l'ambiguïté s'installer. Il a fait semblant de ne pas le comprendre, comme il le fait toujours, parce qu'il est tout bonnement incapable de se mettre à ma place. Parce qu'il est trop égoïste, et au fond surtout trop macho pour ça.

Il est parvenu une fois de plus à tout gâcher, la perspective d'Ymke et lui ensemble ayant suffit à me ronger le cerveau, et j'ai passé une semaine atroce. Et malheureusement quand je suis dans cet état-là, c'est tout le reste qui resurgit, toute la rancœur étouffée mais pas guérie. Sa réaction face à l'annonce de ma grossesse, sa froideur toujours face à ma détresse, son indifférence quant à mes envies pour notre mariage, et tout ce qu'il a pu cautionner qu'on me fasse sans jamais broncher. Et toujours en toile de fond cette impression étrange de n'être plus qu'une mère porteuse, dont il se débarrassera une fois son précieux enfant né.

Je tourne en rond depuis deux jours en attendant des nouvelles qui ne viennent pas, et lorsqu'il m'annonce qu'il n'a pas l'intention de rentrer, je vois rouge. Je lui écris, tente de l'appeler mais il ne décroche pas et je me sens une fois de plus mise de côté, insignifiante. Et surtout je suis seule, dans cette maison trop grande dans laquelle on n'a pas encore vraiment vécu ensemble. Contrairement à lui je n'ai pas l'intention de passer ma vie à fuir, alors je ne peux rien faire qu'attendre qu'il daigne rentrer. S'il rentre un jour.

Si je ne rentre pas c'est parce que je sais que je ne suis pas assez calme pour le faire. La colère gronde et je sais que si je rentre comme ça, on ira inévitablement au clash. Peut-être que j'ai tort d'attendre, que je lui donne des armes contre moi, j'en suis conscient. Mais il n'y a de toute façon pas de bon choix. Je finis par regarder mon téléphone, simplement pour savoir si elle a répondu parce que dans ce cas là c'est qu'elle va bien, n'est-ce pas ? J'ai un sms et un message en absence. Malgré ça je n'ai toujours pas envie de rentrer. La colère a pris le pas sur le manque, c'est une sensation inhabituelle, désagréable.

La matinée s'étire et finalement j'essaye de répondre au sms. J'écris trois réponses différentes que j'efface. Tout ça me gonfle sérieusement. Je ne trouve rien à répondre. Sans doute parce que mon attitude m'énerve, tout comme celle de Nina m'a énervé. Je m’enferre tout seul. Le pire c'est que ça me rend malheureux, c'est évident. Il est passé quatorze heures quand je décide brusquement de rentrer. J'emprunte une voiture au QG, je n'ai pas envie de me taper les transports en commun ni un taxi.

Le portail mécanique installé juste avant la crémaillère me laisse passer et je garde la voiture près de la Mercedes de Nina. J'ouvre la porte, passe le seuil avant de déposer mon sac de voyage dans l'entrée. En me dirigeant vers le salon, j'annonce, constat qui n'a rien d'enthousiaste au vu de la situation "je suis rentré".

Je tourne en rond comme une lionne en cage, ma fureur augmentant à mesure que les heures défilent sans plus aucun signe de vie. Cette attente est à l'image des derniers jours, durant lesquels j'ai eu tout le loisir d'imaginer les pires atrocités, mais même le fait de le savoir rentré ne la rend pas plus facile à gérer. Je ne suis malheureusement pas en mesure de faire grand chose puisqu'il passe son temps à répéter à tout va qu'il n'a aucun droit sur cet enfant et que je peux me barrer avec, et je ne veux pas lui donner raison. Ce n'est pourtant pas l'envie qui me manque de partir d'ici, mais je ne saurais plus où aller. Je ne suis pas sûre de retourner à New-York de si tôt, ma semaine n'aurait pas pu se passer plus mal que ça.

Je suis, en plus de ça, malade comme un chien depuis deux jours. Je me tape, en plus des nausées constantes, de la fièvre et des courbatures contre lesquels je ne peux pas prendre le moindre antibiotique. Je n'ai droit qu'au Doliprane et autant vous dire que vu mon seuil de tolérance face aux cachetons, je pourrais sucer des bonbons pour avoir le même effet. Je passe la matinée à tenter de ranger ma valise entre deux passages aux toilettes, et une consommation excessive de tisanes au gingembre.

Je suis agenouillée devant les chiottes en train de rendre toute l'eau ingurgitée les heures précédentes lorsque la porte s'ouvre alors que je n'y croyais plus. Les larmes aux yeux, livide, je ne trouve même pas l'énergie de lui répondre, de toute façon je crois qu'il se fiche au fond de savoir si je suis là ou non.

Je n'ai pas l'impression que Nina soit là. Elle n'est pas dans le salon, ni la cuisine, personne dans la chambre. Je sors vers en passant par terrasse mais elle n'est pas là. J'allume une clope. Elle en a sans doute eu marre d'attendre et elle est partie faire un tour, ça je peux comprendre. Moi non plus je n'aime pas attendre. Je ne peux pas nier que je suis déçu, mais je peux comprendre. Je n'avais qu'à dire tout de suite à quelle heure je comptais rentrer. Je ne le savais pas moi-même ceci-dit.

Je jette mon mégot et je vais chercher mon sac dans l'entrée pour aller faire mes lessives. On a installé la machine dans la buanderie qui est près du barbecue intérieur. Je saisis mon sac d'une main quand j'entends un bruit au fond du couloir. Je me fige, attentif au son, cillant parce que je suis à cran mais c'est forcément Nina. En fait oui, c'est Nina dans la salle de bain, sans doute après avoir vomi vu qu'elle passe son temps à vomir, et à cambrioler aussi, ha ha. "Salut." J'ai un geste vague parce qu'elle vient de gerber et très sincèrement, je ne sais pas comment réagir. Je ne pense pas que ma compassion ou mon aide soient bienvenues. "du coup je te demande pas si ça va."

Je suis au bord de l'implosion, je le sens bien. Je tangue dangereusement sur un fil depuis plusieurs jours maintenant, et je ne sais quel miracle m'a permis de garder l'équilibre tout ce temps. Mais je bouillonne, intérieurement, des putains de changements qui sont en train de faire éclater les fondations déjà vacillantes de ma vie. Je peine à me relever et je crois que ce n'est que la force de l'habitude qui me permet de le faire. Je suis tellement fatiguée que je serais capable de seulement m'allonger là, par terre, et dormir. Paradoxalement je suis prise d'insomnies depuis quelques jours déjà, le décalage horaire n'ayant rien arrangé.

Je vais dans la salle de bain pour me rincer, essayer de reprendre mes esprits aussi, et je suis appuyée sur le meuble quand Slavenko me rejoint. Les mains tremblantes, crispées sur le lavabo, je lève le nez pour croiser son regard dans le miroir. Parce que tu aurais demandé autrement ? Il n'avait pas l'air de se soucier de mon état en ignorant mes appels toute la matinée, pas plus que le reste de la semaine quand il n'a pas cru bon prendre de mes nouvelles. J'imagine qu'il était trop occupé avec Ymke.

Je croise son regard, le soutiens dans le miroir. Elle est pâle, mais je sens de la colère, aussi forte que la mienne sans aucun doute. Nos regards se heurtent, accusateurs, c'est comme ça que je le ressens. Ma mâchoire se crispe. J'aurais encore du attendre avant de rentrer ou pas. Est-ce qu'on peut apaiser la colère par l'absence ? Visiblement pas et ni l'un ni l'autre ne savons prendre de recul. Je hausse les épaules. Mon visage figé, regard sombre trahit par son anormal immobilisme le maelstrom de sentiments délétères qui m'agitent "surement." Ou pas vu son regard. L'amertume bien présente me surprend une nouvelle fois. Ce sont des vagues que je ne contrôle pas, comme je ne contrôle rien dans ma vie à ce qu'il semblerait. Rien de ce qui est important et c'est ça qui m'angoisse. J'évite les questions qui m'agitent, les importantes, les délicates, les difficiles pour demander "t'es rentrée quand ?"

Je suis persuadée du contraire malgré sa réponse. Il ne m'aurait pas demandé comment je vais, quoiqu'il advienne, parce qu'il ne s'en est pas soucié. Pour être tout à fait honnête je n'ai pas la sensation qu'il se soit déjà réellement soucié de moi. J'aimerais dire que c'est depuis mon arrivée à Sarajevo mais finalement, ce doit être depuis bien avant cela, puisqu'il ne s'en est pas non plus soucié quand il a quitté New-York en me laissant derrière lui. J'ai toujours su que son sens de l'empathie, de la compassion était assez limité, j'ai l'impression de réaliser chaque jour un peu plus à quel point j'étais loin du compte. De toute évidence, non, je ne vais pas bien, et mon mal-être est constant. Il ne fait qu'osciller depuis des semaines, m'octroyant quelques moments de bonheur, de soulagement durant lesquels je crois naïvement que tout va bien aller, avant que tout ne dérape à nouveau.

Il y a deux jours. Il le saurait s'il m'écoutait, s'il avait demandé, ou même seulement s'il s'intéressait, après tout c'était écrit dans l'agenda. J'attrape une petite serviette pour m'essuyer rapidement le visage avant de m'écarter du meuble. J'évite soigneusement tout contact avec le slave au passage. On ne s'est pas vus d'une semaine et il a mis une matinée entière à rentrer chez nous. Moi non plus, je ne lui demande pas comment il va. Il est en vie et j'en ai marre d'être la seule à me soucier des états d'âme de l'autre. Je sors de la salle de bain pour aller m'asseoir sur le lit, parce que je suis juste à bout de résistance.

Bien sur que je savais quand elle devait rentrer. Je gère à peu près toutes les dates des agendas en ce moment. J'ai noté ses heures de départ et d'arrivée, mais après tout puisqu'elle décide de cambrioler à l'arrache elle aurait aussi bien pu décider de changer ses billets. Je vois bien son geste pour m'éviter et je me pousse d'instinct en réponse. Machinalement sans trop savoir pourquoi, je la suis, toujours en trimbalant le sac.

Je le pose. "J'imagine que tu ne ne veux pas voir le médecin ?" Question rhétorique, elle dit systématiquement non quand j'angoisse pour son état. Comme si rien n'était jamais grave alors que moi, je flippe. Je ne sais jamais comment aborder les choses. Comment dit Nina ? Crever l'abcès ? Tu parles...comme si c'était aussi simple. Je m'accroupis face à Nina, les avants bras posés sur mes cuisses et mes genoux pour me tenir en équilibre. Mon regard cherche gravement le sien. "J'comprends pas ce que tu fais, Nina. Qu'est-ce que tu cherches à prouver ? "

Il me suit dans la chambre sans que je comprenne trop pourquoi. Je ne suis pas vraiment habituée à ce que ce soit lui qui cherche à tout prix la discussion. Encore que je ne suis pas sûre qu'il veuille réellement discuter, j'ai du mal à comprendre ce qu'il essaie de faire ! Je fronce les sourcils, l'amertume bouillonnant dans mes veines parce qu'il semble persuadé d'être le seul au monde à s'inquiéter pour notre bébé, et parce qu'il me prend visiblement pour une inconsciente. Il oublie vite à quel point j'ai souffert de l'avortement, à quel point il a été dur de m'en remettre, à quel point j'ai désiré cette grossesse. Comment peut-il croire que je la mettrais ainsi en péril simplement par orgueil ? Décidément il ne me connaît toujours pas. Tu imagines mal. Je passe une main sur mon front encore moite. J'ai vu un médecin, c'est la grippe, et ce n'est pas dangereux pour le bébé. C'est la première question que j'ai posé, et la seule réponse qui l'intéresse, je crois.

Ce que je fais ? Je répète bêtement, comme chaque fois que je ne comprends pas la question qu'il pose. A quoi est-ce qu'il fait allusion, au juste ? Après tout moi je suis rentrée, et je l'ai même attendu ici sans savoir quand il allait revenir, ni même s'il reviendrait tout court !

Je cille, la surprise se peignant sur mon visage. "La grippe ?" Je pensais que c'était simplement encore ces nausées qui la tourmentent. Si elle est malade depuis deux jours, ou plus, elle aurait pu m'envoyer un SMS, m'appeler. Je ne comprends pas pourquoi elle me tient à l'écart. Est-ce la colère, la rancœur, ces actes qu'elle me prête sans que je les ai commis ?

Elle répète ma question mais vu la situation, ça me semble futile de parler. Ce n'est pas le bon moment. "Laisse tomber, rien...tu devrais t'allonger, te reposer. On en parlera plus tard" Qu'est-ce que ça change de toute façon ? Je ne suis pas sur que ça effacera la colère comme ça. Je n'ai jamais pensé que parler le faisait. Je tends la main pour la poser sur son front, moite et chaud. "Tu as pris un doliprane ? Je vais t'en apporter avec de l'eau, recouche-toi" je me redresse dans un craquement de cartilage, grognant vaguement aux courbatures qui persistent.

Je suis toujours nauséeuse, ce n'est pas une nouveauté, je vomis seulement un peu plus ces derniers jours et je crois que c'est surtout dû à mon humeur trop noire, ou peut-être qu'il y a seulement des périodes comme ça... J'en sais trop rien, j'ai jamais été enceinte avant. Enfin, jamais si longtemps. Ahem. Mais non, les nausées de grossesse ne rendent pas fiévreuse, ni courbaturée, ou alors je n'étais pas au courant. L'idée de l'appeler pour l'en informer ne m'a même pas effleuré l'esprit. Il n'a pas cherché à savoir si j'étais morte ou vive alors qu'il est encore persuadé que je suis allée me fourrer dans une mission dangereuse, alors pourquoi en aurait-il eu quelque chose à foutre que j'ai la grippe, sérieusement ?

Comme je m'en doutais, il abandonne toute tentative d'explication avant même d'avoir réellement entamé la conversation. Ça me surprenait, aussi, que ce soit lui qui veuille parler. Je secoue la tête. J'ai pris ce qu'il faut, c'est bon. Je n'ai pas besoin de lui, c'est trop facile de se pointer maintenant la fleur au fusil et de me proposer un verre d'eau. Ce n'est pas d'eau dont j'ai besoin, je suis encore capable d'aller me servir à boire ! J'ai envie de me lever, par pur esprit de contradiction, parce qu'il me demande de me recoucher ! Mais je dois me rendre à l'évidence que j'ai encore très peu dormi -décidément j'accumule le manque de sommeil- et que la maladie m'épuise plus encore que la grossesse ne le faisait déjà. Alors à contrecœur je m'allonge, rabattant sur moi la couverture, plus pour dresser une barrière symbolique entre nous que par frilosité.

"ok, comme tu veux." Je bats en retraite, comme toujours quand je fais un pas en avant vers elle mais qu'elle le refuse. Je ne suis pas le genre à tendre l'autre joue et elle n'est pas du genre à laisser le bénéfice du doute, surtout pas à moi. " si tu as besoin, je suis à coté" Je reprends mon sac de linge pour partir à la buanderie comme prévu initialement.

Une nouvelle fois, je me demande comment on en est arrivé là. Tout me semblait bien et puis il y a eu cet échange de SMS, et le nom de Ymke. Je n'en ai parlé à Nina que parce que sinon elle aurait considéré cela comme un mensonge par omission selon ses propres termes et que c'est quelque chose qu'elle abhorre. Elle ne supporte pas ça. Donc je lui ai parlé de la présence de Ymke, et aussitôt c'était comme si j'avais couché avec cette femme. Mais j'ai juste l'impression que c'était un prétexte. Cela fait un moment qu'on ne se comprend plus. Pourtant, avec le déménagement, le bébé, la préparation du mariage, à part quelques accrocs j'avais ce sentiment merveilleux de parvenir à construire quelque chose. J'ai même eu des jours de bonheur si intense que c'était presque irréel. Sans doute était-ce trop pour moi.

Face à ces questions philosophiques, je fourre mon linge dans la machine avant de lancer le programme. Il fait beau et je sens que l'après-midi va être longue. La soirée aussi sans doute. Je n'ai pas envie de glander devant la tv, ni de rejoindre Nina, je sais déjà que ça va l'emmerder. Je tourne un moment en rond avant que mon regard ne se porte sur le jardin. Humm m'occuper du jardin, voilà une occupation ! Je n'ai pas tondu la pelouse depuis mes 8 ans, on va rire deux minutes...enfin ça doit pas être si compliqué de démarrer une tondeuse ! Je sais manier un char d'assaut !

Je ne prends même pas la peine de lui répondre, il n'est jamais là au moment où j'ai vraiment besoin de lui, j'ai trop de fierté pour lui demander de l'aide après-coup. Croyez-moi j'ai bien compris que je ne pouvais compter que sur moi. Les quelques accrocs auxquels il songe n'ont pas été de petits détails insignifiants à mes yeux. Ils m'ont profondément blessée, comme à chaque fois, et je n'ai plus depuis un moment déjà cette sensation de parfaite harmonie entre nous. Au contraire, j'ai l'impression qu'on vit sur deux planètes différentes, qui passent leur temps à entrer violemment en collision. De temps à autre, la rencontre se mue miraculeusement en caresse, mais ça reste je crois assez exceptionnel. La dernière fois que je nous ai sentis vraiment connectés, sur la même longueur d'ondes, c'était à Bali. Depuis, tout ne fait que dégénérer constamment, et si ça ne part pas en véritable drame c'est parce que le bébé à venir nous force à être plus raisonnables. La présence de Ymke à La Haye n'était pas un prétexte, juste l'élément déclencheur.

Comme d'habitude, le sommeil me fuit. Il me faut presque une heure pour m'endormir, et je ne parviens à somnoler qu'une demie-heure avant d'être réveillée par des pensées trop noires, prémices à mes cauchemars redevenus récurrents. Je me lève, agacée, passe dans la salle de bain prendre une douche rapide avant de partir à la recherche de Slavenko. Ça me gonfle quand on est là à passer nos journées à s'éviter comme des cons. C'est dehors que je le trouve, dans le jardin en train de tondre la pelouse, et vu la surface il va en avoir pour un moment. Je vais récupérer un soda dans le frigo pour le lui apporter, peut-être pas en signe de paix mais au moins... D'accalmie provisoire ? J'en sais trop rien. J'approche de lui, et lui tend la canette.

Après avoir galéré un petit peu - ce n'est pas ma faute la tondeuse n'est pas récente, j'ai racheté les outils de l'ancien propriétaire qui partait en appartement - j'ai réussi à la démarrer. L'herbe est haute, personne ne s'est occupé du jardin tout le temps de la vente et comme il a fait beau es derniers jours, et je misère. Pourtant, j'éprouve une certaine satisfaction à cette tâche qui réclame mon attention. C'est reposant. Être à la maison, savoir Nina dedans a aussi un coté rassurant qui délite la colère dans le passage appliquée de la tondeuse. Étrange effet de l'activité que je découvre. J'amorce mon virage en bout de ligne et j'aperçois Nina qui vient vers moi avec un soda. J'en reste bouche bée.

J'arrête la tondeuse et j'essuie une goutte de sueur sur mon nez. Je tends la main pour prendre la cannette qu'elle me donne. Un sourire un peu hésitant se peint sur mon visage "merci" J'avale une longue gorgée de coca sans lâcher Nina du regard comme si elle allait s'évaporer. Il ne s'est pas passé beaucoup de temps, je viens à peine d'entamer la tonte. Ce qui veut dire qu'elle ne s'est pas vraiment reposée. Je ne peux pas m'empêcher de demander même si j'ai une chance sur deux qu'elle m'envoie bouler "Comment tu te sens ?"

Son air surpris ne m'échappe pas mais je ne suis pas vraiment d'humeur à m'en amuser. Heureusement, je n'ai pas non plus l'énergie nécessaire pour m'en agacer ou en être blessée, mon ego a trop morflé je crois qu'il est anesthésié pour le moment. Si j'avais l'intention de lui répondre que mon état ne le regarde pas/ne l'intéresse pas, je ne me serais pas pointée avec un Coca. Je hausse les épaules. J'en sais rien. Mal, je me sens atrocement mal mais ce n'est pas tant dû à la grippe je crois qu'à ce qui me travaille depuis mon retour de New-York. Tu fais une pause ? Je désigne la tondeuse, je sais qu'il n'a pas eu le temps de faire grand chose mais il faut qu'on parle et oui, qu'on crève l'abcès. Moi, en tout cas, j'ai besoin de crever l'abcès. J'ai un espèce de monologue coincé dans la gorge depuis quatre jours et il est en train de me brûler l’œsophage. Au bout d'un moment soit j'en parle soit j'implose.

Machinalement je regarde derrière moi, la ligne pas tout à fait droite de l'herbe tondue. Une seule ligne mais pourtant j'acquiesce quand elle me demande de faire une pause "bien sur." Je sais bien qu'il faut qu'on parle. J'ai passé la matinée à me préparer à ça. C'est la raison pour laquelle je ne suis pas rentré tout de suite. Mais tout à l'heure, quand elle m'a dit qu'elle avait la grippe, je me suis dit que pour elle, discuter avec 40 de fièvre n'était pas l'idéal. J'accompagne donc Nina vers la terrasse, là se trouve déjà des chaises et une table en bois achetées pour le barbecue. Je m'y assieds, avale une autre gorgée de coca avant de poser la cannette sur la table. Les mains libres j'allume une cigarette qui ne sera pas de trop. Je croise le regard de Nina, volontairement et très grave, je lui fais un geste pour qu'elle commence. Autant me faire allumer tout de suite, comme ça ce sera fait.

Je hoche la tête et le suit jusqu'à la terrasse pour qu'on se pose sur les chaises. Evidemment, puisque c'est moi qui suis venue vers lui, c'est à moi d'entamer la discussion mais je réalise que je ne sais pas par où commencer. Cela dit comme j'ai vraiment peur de la suite, je crois qu'il est préférable de commencer par ce qui ne l'incrimine pas, sinon il va se sentir acculé, et se braquer directement. Je le connais. J'ai un peu de mal à envisager une discussion qui ne finirait pas en drame en ce moment, et je ne sais pas si je suis en état pour encaisser un drame. J'ai encore en mémoire ma crise d'angoisse le jour de son anniversaire.

J'ai pas fait de cambriolage. Autant commencer par là, non ? Puisque c'est de ça qu'il m'en veut. Il l'aurait su, s'il avait appelé, s'il avait insisté, s'il avait cherché à discuter aussi. Je ne l'ai pas fait mais je lui en veux, parce que c'est ce que je fais, ce que j'ai toujours fait de ma vie et que je n'envisage pas de m'arrêter durant neuf mois. D'autant qu'on va avoir besoin d'argent plus que jamais. Et pour ce qui est de mettre le bébé en danger, son travail nous expose tous encore plus que le mien. Mais si ça me tracasse ce n'est pas vraiment ça qui me blesse le plus. Le regard rivé sur le sol, je poursuis d'une voix basse : Et je suis pas sûre de retourner à New-York, en tout cas pas pour le boulot... Je pense que je ne vais plus travailler avec Dimitri.

Je bloque parce que très sincèrement je suis étonné qu'elle ait renoncé. J'ai réellement cru qu'elle le ferait, qu'elle l'avait fait. A cause de Ymke, à cause de notre dispute au téléphone, de sa farouche et constante volonté de prouver mille et une choses, son indépendance, son esprit de révolte, que sais-je encore. "Vraiment ?" Je cille avant d'ajouter sans trop savoir si le faire c'est une connerie ou pas "merci". J'ai peur pour le bébé, c'est vrai. C'est difficile d'avoir lutté toute sa vie pour ne pas avoir de môme et maintenant d'en désirer un si fort que j'ai peur de tout. Ne pas parler du bébé aux autres, avec ces trois mois en ligne de fond. On en parle pas avant, c'est bien trop risqué, il existe ce bébé mais pas encore assez... J'ai la trouille. Je ne suis pas sur de réussir à passer le cap si par malheur on n'avait pas de chance. Alors ajouter des risques à l'équation, c'est insupportable.

"Quoi ? Mais...pourquoi ? Je croyais que ça se passait bien ? L'activité ici, ça marche non ? Et..." J'ai raté des épisodes. Tout fonctionnait bien non ? Bien sur j'ai un peu merdé avec Dimitri. On s'est un peu engueulé mais depuis, j'ai fait attention à ne pas interférer. "Écoute, si c'est à cause de moi, j'irais lui parler, m'excuser...J'ai jamais voulu me mettre en travers de votre taf..."

Je ne suis pas étonnée qu'il tombe des nues, il a souvent une image si noire de moi, de ce que je peux penser, de l'égoïsme qu'il me prête que ça ne me surprend pas. Il est encore aujourd'hui persuadé que j'ai trop d'ego pour reculer, ce qui est ridicule quand on sait que je suis toujours là alors qu'il a mille fois piétiné mon ego sans ménagement. J'ai mis ma fierté de côté depuis longtemps, rendant définitivement les armes en acceptant de m'installer ici après ce qu'il a fait. J'ai l'impression que le temps qu'il a passé à Sarajevo sans moi l'a endurci, rendu plus imperméable encore qu'il ne l'était avant, c'est plus difficile à gérer que je ne l'aurais cru.

Je secoue la tête. C'est pas à cause de toi. Enfin pas officiellement, mais je sais très bien que ma décision de me remarier avec Slavenko m'a fait baisser dans l'estime de beaucoup de monde. Ils ont tous trop peiné à me sortir la tête de l'eau pour supporter de me voir replonger. Dimitri ne m'a pas connue au plus mal, mais il n'échappe pas à la règle. Je hausse les épaules, comme si ce n'était pas grave alors que ça l'est. On a des relations difficiles depuis quelques temps. Je me suis pris la tête avec un client important qui nous a lâchés, il a plus envie de gérer l'agence à Sarajevo. Je ne suis pas sûre qu'il en ait réellement eu envie un jour, il a tenté de se forcer, pour moi, avant que notre relation se détériore.

Je vois bien que ça lui tient à cœur et j'aimerais comprendre mais elle distille si peu d'informations que c'est compliqué de se faire une idée de ce qui coince. "Mais je ne comprends Nina...C'est peut-être juste une mauvaise passe. Si tu dois aller plus à NY avant que la venue du bébé ne t'empêche de le faire, je comprendrais. On peut...je sais pas, trouver une solution. C'est juste un client, ça arrive, c'est pas si grave, des clients, tu en trouveras d'autres. Et pourquoi ça vous empêcherait de travailler ensemble ? Il peut gérer NY et toi ici, ça n'empêche pas que vous voyez une même agence. Quel est le problème ?
Pourquoi tu dis que vous avez des relations difficiles ? C'est ton ami non ?" Je ne sais pas pourquoi mais il semblerait que ma jalousie s'éveille. j'ai comme un doute et je demande - de façon assez calme étonnamment "C'est ça le problème ?"

Si je suis sincère, moi non plus je ne comprends pas bien. Mais je crois que ma vie toute entière me file entre les doigts depuis plusieurs semaines, j'avance en pilotage automatique sans savoir ce que je fais, où je vais, ni même pourquoi. Je pourrais aller à New-York tous les mois ça changerait rien au fait qu'à partir du mois d'octobre je ne pourrais plus prendre l'avion, et qu'ensuite je n'aurais plus le temps d'y aller. Plus le temps, ou plutôt plus l'envie. Je ne sais pas encore quel genre de mère je serais, mais j'ai trop désiré cet enfant pour que l'idée de le laisser loin de moi toute une semaine ne me terrifie pas. Quant à l'emmener avec moi, je ne suis pas inconsciente et je ne vais pas imposer une dizaine d'heures de vol à un nouveau-né, ni même à un enfant en très bas âge.

Est-ce que c'est ça le problème, le fait qu'on soit amis ? Je sais pas, notre relation fonctionnait différemment, avant. Peut-être que ça ne peut juste pas marcher si on fonctionne autrement. On était très proches, on passait beaucoup de temps ensemble, on montait les projets ensemble, on démarchait les clients à deux, on organisait tout ensemble parce qu'on était complémentaires. Aujourd'hui j'ai beau bosser comme une dingue je ne suis plus investie de la même manière, parce que ma vie n'est plus seulement axée autour de CWM. Finalement Dimitri me rejette pour les choix que je fais, de la même manière que l'a fait Rauera il y a quelques mois, et peut-être bien que Yulian fera pareil sous peu. Je suis longue à la détente parce que le rejet devrait faire partie intégrante de ma vie, maintenant.

Je tends la main vers elle pour prendre la sienne, dans un geste de réconfort naturel. "Je suis sincèrement désolé srce... Je pensais que ça marcherait." Je suis contrarié et ennuyé de la situation, me sentant responsable au fond. Elle est restée à Sarajevo pour moi, tout lui échappe à cause de moi. Tout ce qu'elle a construit quand je n'étais pas là. J'ai conscience que ce n'est pas juste. "Qu'est-ce que tu veux faire ? Est-ce que tu va continuer ton agence ? Tu crois que ça peut encore s'arranger ?"

Je réfléchis gravement à nos options. "ce que je t'ai dit il y a plusieurs mois. C'est toujours vrai. Si tu veux qu'on retourne à NY, on peut. Si ça compte pour toi,on peut" J'ai cette impression qu'elle se sent piégée avec moi. Ça fait quelques semaines déjà que j'ai ce sentiment. Est-ce depuis qu'elle est enceinte ? Non, avant je crois. On ne décide de passer à l'étape supérieure que lorsque des évènements dramatiques nous y poussent. Par exemple, elle n'a bien voulu envisager qu'on se remarie uniquement parce que j'ai failli crever. Je ne suis pas très sur qu'on soit dans une démarche saine, en fait je suis presque sur que non.

J'ai un soupir, l'air grave et préoccupé. J'ai un geste autour de nous "Est-ce que ça te convient tout ça ? A parler franchement...j'ai l'impression que non. Tu sais...je ne fais pas tout ça pour te mettre en cage" Avant oui. Le mariage à Vegas, c'était une façon de me l'attacher. J'en ai réalisé le ridicule depuis. J'ai grandi. Elle m'a fait grandir.

Je ne m'y attendais tellement pas que je me fige à son geste de nouer ses doigts aux miens. Je baisse les yeux sur nos mains jointes, surprise parce que je sais très bien qu'il était en colère contre moi et au fond je ne sais pas pourquoi il ne l'est plus. Est-ce seulement le fait de savoir que j'ai renoncé au cambriolage ? Je ne sais même pas comment répondre à sa question. J'en sais rien, je ne sais pas s'il me laisse garder le même nom, si on peut se contenter de dissocier les deux ou s'il faut que je reparte à zéro... On n'en a pas parlé. J'étais trop en colère et trop blessée aussi pour avoir une discussion sérieuse, posée. Je ne serais pas toute seule, les filles qui sont venues à Sarajevo veulent y rester par exemple, mais si je dois tout reconstruire ça va sérieusement compliquer les choses. Ce que je sais c'est que je ne peux pas me contenter de renoncer, il est hors de question que je devienne mère au foyer ou que je retourne chercher des petits boulots minables juste pour occuper mon temps.

Je lève un regard ébahi sur lui quand il propose de rentrer à New-York. Très sincèrement ça fait bien longtemps que je ne considère plus ça comme une option, en fait je ne l'ai jamais pensé sincère à ce sujet. Il a détruit notre vie -la mienne surtout- pour revenir ici, ça fait des mois qu'on se dispute et qu'il me demande de m'écraser pour ne pas sortir du moule de ce qu'on attend qu'il soit. Alors non, je suis très franchement persuadée depuis mon arrivée ici que si je dois repartir à New-York, ce sera seule. Il désigne la maison, ce qui nous entoure mais je sais qu'il parle de notre vie en général... Et je crois que la question qu'il pose est juste la goutte de trop qui me fait craquer. Peut-être parce que ça fait des semaines que j'attends qu'il la pose ? Mes yeux s'emplissent de larmes et je secoue la tête en détournant le regard. Non... Non ça me convient pas...

Mais je ne sais pas comment exprimer vraiment ce qui me dérange et me blesse, alors tout sort en vrac, dans un flot sans doute très illogique. Le bébé, la maison... je voulais tout ça. Je le veux encore... Mais toi et moi... Nous deux... Je sais pas, il manque... Je sais pas ce qu'il manque, j'ai l'impression que c'est plus comme avant. C'est comme si tu faisais acte de présence sans être vraiment là, je nous sens plus complices, j'ai l'impression qu'on partage plus rien ensemble ! Tu peux passer une semaine sans me voir et sans appeler, j'ai l'impression que tu t'es lassé, ou habitué à tout, je sais pas, j'ai l'impression que t'as plus besoin de moi, parfois je sais plus si t'es encore amoureux de moi.

"c'est à ce point là ? T'inquiète pas, si tu dois changer de nom, ce sera pas très grave, tu ne perdras pas tes clients. Tu auras toujours tes contacts ici." J'essaye de la rassurer. Son entreprise est bien implantée et connue, appréciée. Je le sais, tous mes contacts sont ravis.

Quant à LA question, je connaissais la réponse, je suis pas idiot. Je connaissais la réponse et c'est pour ça que j'ai mis un temps fou à la poser. Je n'étais pas près à l'entendre parce que j'ai très peur que tout m'échappe. Mais on est arrivé à un point où tout m'échappe quand même. J'ai tenté de retenir du sable entre mes doigts.

Je fronce les sourcils à ses explications qui me font un coup au cœur, me font sérieusement pâlir. Je ne sais pas quoi lui répondre, ni comment me défendre. Je secoue la tête avant de dire l'évidence en postulat de départ. "non, c'est pas ça. je t'aime. J'ai besoin de toi." ça c'est une certitude. Le reste autour est flou. Dans les faits, je sais me passer de Nina. J'ai vécu quatorze mois sans elle. Il suffit d'aller au QG, d'être un soldat et de se laisser porter par le courant. Ce n'est pas compliqué, au contraire, c'est même très simple. Mais je sais aussi que je préfère vivre avec elle que sans elle. Est-ce que j'ai tellement changé depuis NY ? Oui sans doute mais je n'avais pas l'impression que c'était mal. Je n'ai plus des crises de violence comme avant, j'ai évacué les années de prison dans la discipline militaire. Je croyais que c'était bien mais a priori, ça m'a donné des travers plus pernicieux. Autant dire que c'est une claque pour moi. Je relâche sa main pour essuyer ma paume moite sur mon genoux, machinalement. Je tire sur ma clope avant de répondre. Conversation lente mais je ne peux pas aller plus vite vu la complexité de ce que je ressens "J'essaye pourtant de faire au mieux. Tu crois que je débloque ? J'étais déjà comme ça à NY... non ?"