Un lit pour deux - Maleo

Nous avons roulé durant près de 6 heures et demi en comptant les pauses régulières qu’en bon flic j’ai tenu à respecter. Le voyage fait partie de l’escapade autant que l’arrivée à la destination et il m’est agréable d’être dans l’habitacle de ma vieille voiture en compagnie de Leo. La présence de Leo rend toutes les situations agréables. Le prisme de l’amour, sans aucun doute. D’ailleurs, nous parlons des enfants et des remarques et gentilles moqueries que nous avons du subir l’un et l’autre. J’ai ramené ma fille à sa mère et elle me manque. Nous gardons contact par sms et téléphone, au grand dam de mon ex-femme. Je suis surpris que Mira ne m’en ait pas voulu d’être avec une autre femme que sa mère, ce que je dis à Leo en lui confiant “Je crois qu’elle ne le prend si bien que parce qu’elle est amoureuse de ton frère, inutile de le nier. Est-ce que tu ne trouves pas ça un peu...étrange. Ton frère et ma fille et nous deux ? On croirait une de ces séries à l’eau de rose qui passent à la tv. Oui, j’avoue tout, je regarde ces idiotes séries italiennes qui passent sur TV Hayat. D’ailleurs ton frère ne te l’a pas dit ?” Depuis le départ de Mira, j’ai gardé Miro deux fois, ce qui m’a permis de croiser rapidement Leo. Tout est bon pour la voir même quelques minutes. Par contre cette semaine a été la folie, autant pour elle que pour moi, il faut bien justifier nos heures de liberté chèrement acquises pour partir en weekend.

Nous sommes parti le matin afin de pouvoir tranquillement récupérer les clefs dans l’après-midi. Nous avons pris le temps de manger en route sans nous presser. Arrivés à Split, nous nous engageons pour prendre le ferry et rejoindre l’île de Necujam, en face. “j’espère que tu n’as pas le mal de mer, j’ai oublié de te demander. La traversée n’est pas très longue et la mer est calme.” Il fait un temps superbe, grand soleil, ciel bleu et très chaud. J’ai mis un short long, un tee-shirt, une casquette qui me donne un air un peu ridicule sans doute. Pour conduire, j’ai mis des lunettes de soleil. A présent accoudé à la rambarde du ferry, au grand air, je regarde le paysage en osant passer un bras autour de la taille de Leo. Zarko rirait de moi sans aucun doute, mais je trouve que je progresse et m’enhardis de jour en jour au contact de la journée.

En redescendant du ferry avec la voiture, nous continuons encore quelques minutes pour atteindre notre destination. La chambre d’hôtes a pour avantage d’être indépendante de la maison principale. C’est même un tout petit gîte qui sera parfait pour nous, pas trop cher, mignon, très bien situé. Selon les conseils de mon ami, il n’y a qu’une chambre. Le lit ne m'a pas paru si grand que ça, mais j'ai craqué à l'ambiance romantique du lieu. De plus, on peut parcourir l'île à pied ou en voiture, profiter de plages superbes et explorer les villages alentours. Je me gare dans une rue près d'une maison en pierres. “C’est ici, regarde. Ça m’a l’air joli et comme sur les photos. C’est toujours à craindre que ce soit enjolivé sur internet ! On doit récupérer les clefs chez l’hôtesse, ils habitent la maison d’à coté.”

De premier abord, je n'étais pas très a l'aise avec le fait de partir en week end avec Malic. Non seulement cela voulait dire que nous allions dépenser de l'argent mais en plus cela signait le véritable début de notre relation en temps que couple et pour de bon cette fois-ci. Je suis assez pudique sur ce dernier fait parce que je sais à quel point il a été difficile pour que nous en arrivions là mais je sais aussi que ça l'est encore plus pour le blond. Dire que mon métier n'est pas un frein serait mentir parce qu'il en est bel et bien un mais il semblerait que Malic aie réussi à dépasser ce dernier point pour que nous puissions vivre notre amour au "grand jour".

Malic est venu me chercher à l'appartement et il a pu faire la connaissance de notre grand-mère, venue spécialement pour rester avec Miro le temps de notre week-end.
Dans la voiture les conversations vont bon train et il arrive que nous nous tenions la main quand la route le permet. Je ne sais pas comment je dois prendre le fait que Miro et la fille de Malic soit entichés l'un l autre. D'un côté, je suis heureuse pour Miro parce qu'il n'a définitivement pas beaucoup d'amis et je le sens beaucoup plus heureux depuis sa rencontre avec la jeune fille mais d'un autre côté, si cela
devait devenir sérieux entre eux, ça me paraitrait vraiment étrange vis à vis du policier et moi. Je crois qu'ils sont effectivement amoureux tous les deux… En fait, quand on réfléchit, Miro est ton beau-frère et je suis la belle-mère de Mira… -Je ris un peu- C'est vraiment bizarre de ce point de vue ! Mon frère m'a beaucoup parlé de Malic et je sais qu'il l'apprécie énormément, il me dit d'ailleurs souvent que ce serait génial si on vivait tous ensemble. Mais je crois qu'il incluait Mira dans ce projet utopique et dans ce cas je comprends bien mieux son envie ! Non il ne m'a pas parlé de ça… Par contre il m'a dit tout un tas d'autres choses. Il t'aime vraiment beaucoup tu sais, il me le dit tout le temps et il adore passer du temps avec toi, c'est limite s'il ne préfère pas que ce soit toi qui le garde... Je souris un peu avant d'ajouter: Puis tu sais pour Mira, ça se passera bien entre nous, j'en suis sûre… En tout cas, je ferais en sorte que tout se passe pour le mieux et Mira sera comme ma propre fille.

Le chemin est assez long mais il passe relativement rapidement parce que nous ne manquons pas de discussion puis les pauses régulières font que ça n'est pas trop monotone. Je suis surprise quand Malic me demande si je n'ai pas le mal de mer. En réalité, je n'avais pas réalisé que nous aurions à prendre le bateau. Je n'ai jamais pris le bateau. Je ne sais pas si j'ai le mal de mer ou pas… Mon ton est incertain mais je suis sûre que ce n'est pas pire que l'avion et sur le ferry, je m'étonne d'être aussi calme face à cette masse bleue qui se confond presque avec le ciel tant elle s'étend à des kilomètres en face de nous. Je pose ma main contre celle de Malic, celle qui tient ma taille et observe le paysage avec des yeux pétillants, essayant tant bien que mal de remettre à chaque fois mes cheveux dans un état à peu près potable malgré le vent. Ma robe blanche est très fluide et volle sous les coups de vent incessant, m'obligeant parfois à retenir le tissus qui dévoile mes cuisses. Si j'avais su, j'aurais opté pour un short ! Je ris en regardant Malic tout en essayant d'arranger ma crinière toute emmelée pour la millième fois.

On reprend la voiture et arrivons au petit gîte réservé par le policier. De prime abord, ça m'a tout l'air d'un petit cocon parfait pour un couple et je suis émerveillée dès que nos pas nous conduisent devant l'entrée. C'est superbe. Que je déclare, les yeux rivés sur la dépendance, un léger tremblement dans la voix qui indique que tout un tas d'émotions me traversent. Il me faut un instant pour le ressaisir. Allons chercher les clefs alors… Tiens ça doit être ici. J'ai attrapé la main de Malic en voyant la petite pancarte qui indiquait les chambres d'hôtes et nous récupérons les clefs auprès d'une dame qui nous fait rapidement le tour du propriétaire. Elle nous quitte rapidement et nous nous retrouvons finalement seuls. C'est vraiment génial, ça a l'air parfait. Merci de t'être occupé de tout, je sais que c'était pas évident avec le boulot. J'ai un sourire à son attention et je finis par me lover contre lui, cherchant sa bouche de la mienne, concluant par un baiser passionné et amoureux. Mes bras autour de sa nuque finissent par se resserrer et je passe délicatement mes doigts dans ses cheveux que j'adore toucher, me hissant sur la pointe des pieds pour être plus agréablement installée.
Je me décale seulement quand je dois reprendre un peu de mon souffle. Est-ce que tu ronfles vraiment ? Je demande, un sourire rieur aux lèvres.

"J'aime beaucoup ton petit frère aussi, même s'il fricote avec ma fille ! C'est un garçon très courageux et si plein de vie. On s'amuse bien le soir. Il me montre les choses "à la mode" en matière de séries et de musiques. Mira sera impressionnée par ma culture à ce rythme là !"


J'aime le vent de la mer et l'horizon bleutée, on se sent tout de suite en vacances. On venait parfois à la mer avec mon ex-femme quand Mirjana était petite: je me souviens des expéditions ennuyeuses en bord de mer, à faire de traditionnel pâté de sable avant que la marée montante ne les efface. De ces moments là, les moments sereins, de bonheur, c'était dans je prenais la gamine sur mon dos pour courir dans la mer, le nez au vent. J'aime le vent de la mer. Il a une connotation de bonheur, et cette fois elle est encore plus marquée, puisque je partage ça avec la première personne dont je suis amoureux. C'est merveilleux. J'ai le sentiment de voler sur un nuage. Alors je ris avec Leo de la voir se battre contre le vent, sa robe légère s'envolant, et ses cheveux se décoiffant. Ça lui va si bien ! "Tu es très jolie dans cette robe."

Le gîte s'avère très bien, et les gens qui nous accueillent sont adorables. Ils ont laissé une bouteille de vin et une corbeille de fruits du jardin en guise de cadeau d'accueil. Mes mains sagement posées sur sa taille, le baiser de Leo m'enivre et je suis presque gêné de ses remerciements. "De rien, j'avais vraiment envie de faire un break. Avec toi c'est au-delà de mes espérances." Sa question me fait à nouveau rire. "Mon ex s'en est plainte quelque fois mais pas trop souvent. Alors tu verras bien, il n'y a qu'une chambre. Tu pourras toujours m'expédier sur le canapé si je ronfle." Le code est établi, la porte de sortie gentiment ménagée : ce sera ronflement le mot-clef ! "Je vais chercher les sacs, visite !" Enfin, elle va vite faire le tour je pense, l'endroit est minuscule mais coquet. Comme la météo prévoit du beau temps, nous pourrons manger sur la terrasse et ce sera parfait. Je dépose les sacs dans la chambre. "Veux-tu que nous allions marcher un peu pour repérer les environ proches ?"

Malic ne manque jamais de me rappeler à quel point Miro est courageux et honnêtement, je le crois aussi. Mon petit frère est incroyable et il est devenu une figure de bravoure pour moi. L’espoir ne le quitte jamais et je dois dire qu’à mon niveau, en prenant en considération toutes les choses que j’entends, il y a quelques fois où par contre, l’espoir me quitte. J’évite d’y penser la plupart du temps, enfilant mes oeillères qui me permettent de rester debout. Un sourire m’illumine après ses paroles, je réponds seulement: C’est important pour moi que vous vous entendiez bien. Je n’aurais jamais parié sur la relation qu’ont Miro et Malic, aurais plutôt pensé mon petit frère réticent à toute approche masculine me concernant.

Une légère teinte pourpre maquille naturellement mes joues lorsque le policier me complimente et ce n’est pas tant la gêne qui me fait réagir ainsi mais plutôt la surprise de le voir si à l’aise avec moi. Merci. Rétorqué-je simplement, assommée par la beauté de l’eau bleutée qui nous entoure.

Nous rions ensemble dès que les ronflements viennent se mêler à la conversation et j’ajoute, malicieuse: Et si c’est moi qui ronfle, hein ? J’ai les yeux rieurs et je resserre un peu notre étreinte juste avant de m’éloigner, jaugeant des yeux le gîte pour visiter comme me le propose le blond. Oui, allons-y ! Nous sortons finalement et main dans la main, on s’éloigne doucement de la maison d’hôte pour visiter les alentours. L’eau nous entoure complètement et on aboutit sur une petite jetée faite de gros rochers où quelques barques bougent au gré des vagues. C’est vraiment mignon… Je tourne la tête vers Malic, heureuse et souriante, rapprochant nos corps en passant mon bras dans son dos. L’eau est tellement claire, ça donne vraiment envie de se baigner. J’avance d’un pas comme pour me confirmer le côté limpide de la mer. Tu veux te baigner ? Je propose, déjà émoustillée. Cela fait des années que je ne me suis pas baignée dans la mer et là présentement, sous cette chaleur, j’en meure d’envie !

"Si tu ronfles, promis, c’est quand même moi qui irait sur le canapé." Je sais être galant au moins a minima et je lui laisserais bien évidement le lit.

Ma main dans celle de Leo, la promenade m'enchante et j'avise les barques. "Peut-être qu'il est possible d'en louer une, on se renseignera." Sur la mer, ça doit tout de même être un peu plus compliqué que sur un lac même s'il n'y a pas trop de vagues. Je souris par devers moi, c'est le genre de situation où l'on se veut romantique et où l'on finit ridicule.

"Mais mince, quel idiot je fais, je n'ai pas mis mon maillot de bain." dis-je en regardant mon short avec dépit. Je ne l'ai pas mis pour faire la route et je n'ai pas pensé à me changer au gîte, pensant qu'on se promènerait seulement. Pourtant, j'encourage Leo à céder à son impulsion, ce serait trop bête qu'elle n'en profite pas, elle a l'air d'en mourir d'envie et il fait un temps superbe. "Mais vas-y toi ! Je tremperais mes pieds pendant que tu te baignes !" J'ôte mes chaussures et chaussettes pour les tenir à la main et descendant de la jetée, je marche sur le sable pour me rapprocher de la mer.  "vas-y ! Tu sais nager au moins ?" dis-je en plaisantant. de nous deux c'est Leo qui voyage, je suis sur qu'elle sait nager !

Je ne sais pas ce qui m’avait pris mais j’avais bel et bien mis un maillot sous ma robe, comme si nous allions directement nous baigner alors que je ne connaissais pas le moins du monde le programme que Malic nous avait réservé. Je regarde mon coéquipier alors que j’hésite encore à retirer mon seul habit. Je ne suis pas forcément une fille très pudique mais je suis en droit de penser que si je me déshabille maintenant sous le regard de Malic, la gêne sera certainement présente ! Mais lorsqu’il insiste, je me mets à regarder l’eau bleutée, pensive, mordillant mes lèvres frénétiquement. Je sais nager oui ! Quand on partait chez notre tante avec Miro, on allait toujours se baigner dans un lac. C’était infesté de moustiques… C’était pas très agréable mais on était contents quand même ! Je souris à Malic tout en le regardant retirer ses souliers et ses chaussettes, ce qui me décide à finalement soulever ma robe pour me retrouver en maillot. J’ai longuement hésité en choisissant celui-ci parce que je ne voulais pas paraître trop nue aux yeux du blond et c’est finalement en pensant aux rougeurs dont il se couvre souvent que j’ai choisi un une-pièce blanc avec quelques liens lacés sur la poitrine. Je finis par relever mes cheveux à l’aide d’un élastique et m’approche du bord de l’eau pour m’asseoir sur un gros rocher plus avancé que les autres. Je me demande si elle est bonne… Je trempe précautionneusement mes douilles à la surface de l’eau et tourne le visage vers le policier. Elle est bonne ! Bon… Allez… Je lance, comme pour me donner du courage. D’une poussée, mon corps pénètre dans l’eau tout entier et comme pour le vélo, je n’ai visiblement pas oublié comment nager. Elle est super bonne ! Tu devrais venir quand même ! Allez ! Viens ! Et puis si son caleçon est mouillé, ce n’est pas la mer à boire !

"Tu ne crains rien avec moi, je suis toujours celui qui se fait piquer par les moustiques. Je les attire."

Je suis déçu de ne pas avoir pensé à me changer mais ce n'est pas très grave, tant que Leo ne se croit pas obligée de renoncer à ce plaisir pour moi. Nous sommes là pour profiter de la mer et du soleil et nous détendre. Je pose chaussures et chaussettes dans le sable et sort mes lunettes de soleil jusqu'à présent coincées dans ma poche. Je ne peux quand même pas m'empêcher de rougir en voyant la jeune femme émerger de sa robe pour arborer un maillot de bain si sage soit-il. J'ai beau avoir senti son corps près du mien lors de nos soirées canapé, glisser mes bras à sa taille,je n'étais pas préparé à tant de beauté. J'en crains même de la mettre mal à l'aise si je l'admire trop franchement ! Elle a de longues jambes, fines et ses hanches ont juste assez de rondeur pour mettre en valeur leurs galbes. Son long cou parfait sa silhouette longiligne, lui donnant un port de reine.

Je souris en la voyant s'approcher avec précaution de l'eau avant de s'y jeter d'un coup ! Mon sourire se transforme en rire discret. Elle se tourne vers moi, ses cheveux se déployant sur l'eau. Quelle beauté à la voir sourire aux lèvres, chassant cet air mélancolique qui la hante souvent. J'hésite mais finalement je capitule facilement. "D'accord, d'accord, j'arrive !" Je me suis promis de me "lâcher" comme dirais Zarko ou il m'aurait surement dit plus crument de me décoincer. Dans son langage inimitable. J'enlève mon tee-shirt, dévoilant non sans gêne mon torse mes bras tatoués. J'enlève aussi mon bermuda, ne gardant que mon boxer en lycra noir. Prudent, j'approche des rochers et de l'eau pour tâter la température du pied. Je peux difficilement me montrer timoré après que Leo y ait plongé quasiment directement mais l'eau fraiche me fait frissonner. J'avance jusqu'à mi-cuisses en grimaçant à cause des cailloux. J'aurais du prendre plus à droite au niveau du sable mais je voulais rejoindre Leo.

L’eau qui m’entoure me fait un bien phénoménal. La mer a ce don de me procurer un bien être d’une ampleur qui n’arrive jamais en temps normal et quand mes yeux roucoulent avec ceux de Malic, le sentiment est encore plus décuplé. Je souris, insiste et espère que le policier se lâchera un peu et qu’il me suivra dans l’eau bien qu’il n’ait pas pensé à prendre de maillot et c’est finalement sa capitulation qui me fais le plus plaisir. Étrangement, je n’arrive pas vraiment à détourner le regard lorsqu’il se déshabille et ce n’est pas tant mon côté pervers qui parle mais plutôt la curiosité de découvrir son corps, ses tatouages et tout ce qui fait que j’admire sa personne toute entière. Bon, j’ai mentis, elle est un peu fraîche quand même ! Je grelotte un petit peu mais il suffira de quelques brasses pour que cette sensation désagréable me quitte.

Automatiquement, mon corps se rapproche de l’homme et il ne suffit qu’une demi-seconde pour que je l’arrose à foison de l’eau un peu fraîche qui nous entoure. Je ne suis plus une gamine mais je crois avoir eu trop longtemps les charges des adultes à porter pour oublier qu’un jour j’étais enfant et qu’il aurait fallu que j’agisse comme tel; je me rattrape aujourd’hui ! Un rire fluet me gagne tandis que j’attrape Malic par le bras pour l’emporter avec moi dans l’eau, faisant éclabousser les alentours largement. Je me glisse instinctivement contre lui, un bras derrière sa nuque et comme nous avons pieds, nous ne risquons pas grand chose quand j’attire son visage vers le mien afin de lier nos bouches pour la énième fois. Ses lèvres ont un goût salées -ou c’est peut-être les miennes- et pour la première fois depuis que nous sommes si proches, je mêle ma langue à cette union passionnée. Je perds doucement mon souffle mais les yeux fermés, je continue de savourer chaque partie de lui en quête de l’affection qui m’a toujours manqué.

Je suis surpris de la température de l'eau. La piscine est plus chaude où je vais nager à Sarajevo. C'est la piscine municipale pourtant, réservée pour la Police à certaines heures creuses, le soir. J'aime y aller de temps en temps, avant ma patrouille de nuit. "C'est surtout le contraste avec dehors !" Il fait si chaud, si beau que le ciel d'un bleu limpide se reflète dans l'eau translucide. C'est superbe. Aussi superbe que Leo dans son maillot de bain blanc.

Haaaaaaaaa !!!! C'est froâaaaaaa Je suis surpris parce qu'elle m'arrose, m'assaillant sans remord ! Et je finis à l'eau sans avoir pu (ou osé) me défendre. Je frissonne sous l'étau froid qui m'enserre, très vite réchauffé par le contact de Leo qui passe ses bras autour de mon cou. Elle m'embrasse et les bras autour de sa taille, je la hisse vers moi pour mieux profiter de ses lèvres douces. C'est un des baisers les plus passionnés que nous ayons échangé, loin de la timidité de nos débuts. J'en suis chamboulé de l'intérieur. Nos bouches se relâchent un instant pour qu'on respire et se reprennent plus lentement, dans un frisson sensuel. Je garde sagement mes mains à bonne hauteur, pas trop aventureux même si l'eau les cacherait.

Je souris à Leo, ravi de se début d'après midi avec elle, ne regrettant pas d'avoir plongé en caleçon dans la mer. Elle me fait déjà faire des folies que je n'aurais jamais osé même à vingt ans. A cet âge là j'étais déjà marié avec un enfant ! "On nage ?" lui proposais-je en montrant le large ? Je ne nage pas trop mal, d'abord en brasse puis en crawle avant de faire demi-tour pour revenir vers Leo. "Elle n'est pas si froide quand on nage ! Viens !" J'ai un rire en réalisant "tu sais qu'on a pas de serviettes, c'est en sortant que tu vas grelotter. Je te prêterais mon tee-shirt si tu veux...et mes bras." osé-je ajouter dans un moment de folie.

L’eau m’étreint avant que Malic ne le fasse lui même, nos bouches accolées, nos respirations qui suffoquent du manque d’air que le baiser impose. Puis mes mains se baladent contre sa nuque, ses mâchoires et enfin ses joues, dégoulinantes du liquide salé qui nous entoure et dans lequelle mes frissons se confondent. Je ne ressens plus la fraîcheur de l’eau, ni même de l’impact qu’ont les cailloux sous mes pieds parce que mon esprit est simplement mis sur pause et l’instant est suspendu jusqu’à ce que je nous libère malheureusement. J’ai le coeur qui tambourine contre mes côtes, même si désormais nous sommes censés être bien plus à l’aise l’un envers l’autre, j’ai toujours le même sentiment quand nous nous embrassons, comme si c’était la première fois à chaque fois.

Ok ! Dis-je, aventureuse toujours et essaie de suivre Malic dès que ses bras l’emmène loin de moi, me laissant une drôle de sensation sur la peau. Je nage beaucoup moins vite que lui et me retrouve largement à la traîne mais le blond fais demi-tour et me rejoins quelques temp après. Eh, tu vas bien trop vite pour moi ! J’arrive pas à te suivre ! Je n’ai jamais appris à nager le crawle et ma brasse est digne des cours approximatifs de ma grand-mère, c’est dire ! Le soleil va nous réchauffer, ça ne me fait pas peur. Je souris, attendrie et penche légèrement la tête en filant mes doigts dans les cheveux ébouriffés de Malic. C’est gentil. On se réchauffera mutuellement, oui. Non sans sous-entendu, je continue de sourire, cette fois de manière plus mutine et finis par m’éloigner de l’homme en nageant, profitant tout simplement de la sensation que l’eau me procure, en plus de l’idylle que je suis en train de vivre. Me laissant aller, je termine mes quelques brasses et me laisse porter par la mer, flottante sur cette dernière comme un veritable bout de bois qui serait tombé là, une étoile de mer. Le ciel est magnifique, sans un seul nuage et je sens les rayons du soleil taper d’ores et déjà sur mon nez rougissant. Tu as prévu de la crème solaire ? Je l’ai oubliée…

Je rougis, souriant aux promesses qui se dessinent entre les mots, délicatement et avec notre pudeur habituelle. Je nage aussi, reviens vers Leo qui fait l'étoile, magnifique au soleil. Je pose le pied au fond, de l'eau jusqu'au torse. "Oui j'en ai un petit tube dans la poche de mon short." J'ai aussi une peau trop claire pour ne pas m'en passer, une peau trop claire héritée de mon père, comme mes yeux clairs, ce qui m'a toujours porté préjudice dans la famille de ma mère. Trop de sang serbe en moi, pas assez bosniaque à leurs yeux, mes dernières frasques n'ont rien fait pour démentir ce qu'ils pensaient de moi, et confortés dans leurs préjugés, ils hochent la tête d'un air entendu.

Je remonte vers la plage, me laissant dégouliner d'eau avant de m'asseoir pour ne pas rester trop exposé à la vue de tous, debout en caleçon mouillé ! Je frissonne un peu du contraste mais il fait rapidement chaud sous le soleil et se laisser sécher n'est pas désagréable bien au contraire. J'attends que Leo me rejoigne et je lui prête mon tee-shirt si elle a besoin de se sécher. Il est tôt, la plage est calme fréquentée seulement par des touristes. En confiance, détendu, je passe ma main derrière Leo pour la ramener sur son épaule avant de me pencher vers elle pour venir chercher un doux baiser, très sensuel. Je passe un pouce sur sa joue mouillée. "Tu as un petit coup de soleil. Attends..." Je m'écarte pour chercher le pot de crème dans la poche latérale de mon bermuda posé près de mes chaussures. "Voilà. Je crois qu'on peut s'en tartiner tous les deux sinon on va finir écrevisse." J'ouvre le tube, en verse sur ma main en lui demandant, désignant son dos nu "Je peux ?" Avec son accord, j'étale la crème sur son dos nu exposé au soleil. "Il faut que tu pousses tes cheveux sur le coté..." J'ai la sensation de caresser sa peau plus que de ne mettre de la crème. C'est non seulement très agréable mais cela me questionne aussi sur notre degré d'intimité et la question du lit pour deux. Il n'y a rien de mal à ça j'imagine, nous sommes après tout deux adultes ayant déjà eu une vie. Je ne vois pas ce qui me trouble autant. L'amour change vraiment tout à ma perception !

"Moi non plus, j'ai malheureusement hérité des gènes de mon père pour la résistance au soleil. On finira comme deux écrevisses assorties." Ce sera mignon  déjà qu'on rougit souvent l'un et l'autre - quoique j'ai l'impression que je gagne ce concours haut la main - voilà que nous arborerons cette rougeur en permanence. Au moins pourrais-je accuser les coups de soleil ! La peau de Leo se hérisse sous mes doigts et je ne sais pas pourquoi mais ça me rend tout chose. Je  résiste à l'envie d'embrasser son épaule uniquement parce que nous sommes en public. Puis elle s'empare à son tour du tube de crème afin de m'aider à me tartiner.

J'ai soudain très chaud parce que Leo s'écrase contre moi et que la sensation de ses seins doux est fichtrement troublante. Je n'ai pas été intime avec une femme depuis mon divorce, autant dire que je me sens aussi excité qu'empoté. Sans parler de ma gêne à une réaction manifeste et involontaire - heureusement que je suis assis, les jambes repliées - j'ai envie de me cacher dans le sable. Je dois être pivoine quand elle m'embrasse et je ne trouve à dire que "merci."  Mais je tourne la tête, me penche assez pour qu'un autre baiser puisse nous lier, à la vue de tous, on remarquera que je progresse sérieusement. Peut-être un peu trop ! Confit d'embarras, je m'écarte en faisant mine de remettre mon short et puis mon tee-shirt et mes chaussures, sans chaussettes à cause du sable. Je fourre celles-ci dans ma poche.

Je me lève, secoue le sable de mes vêtements avant de tendre la main vers Leo pour l'aider galamment à se lever (ou avouons-le, juste pour le plaisir de lui tenir encore la main) "Si on allait faire quelques courses pour ce soir ? On peut longer la plage jusqu'à la supérette et revenir par le même chemin. Ou alors on va au port des pêcheurs chercher des fruits de mer ou du poisson. Est-ce que tu aimes ça ? Qu'est-ce que tu aurais envie de manger ce soir ?"   A part les tapas et quelques plats exotiques, je ne suis pas très au fait de ses préférences.

Je suis radieux sous le soleil de Croatie, la main dans la main avec Leo. Je me sens revivre. Des mois d'ombre et de pluie oubliés. Je souris en pensant que le groupe contre la solitude a encore mieux fonctionné que prévu même si je ne pense pas le but premier soit un club matrimonial ! Je me sens amoureux pour la première fois de ma vie et mes pieds ne touchent plus terre ! "Super, allons au port alors, j'adore les fruits de mer moi aussi." Nos pas suivent la jetée en bois qui longent la plage. On aperçoit déjà le haut des voiles des navires parqués sagement dans le port. Je suis content que l'endroit lui plaise "on a tellement de chance avec le temps, c'est magnifique c'est vrai."

Je ne m'attendais pas à une conversation sérieuse et mon pas se ralentit tandis qu'elle m'explique comment elle envisage la suite. Si la nouvelle me fait plaisir, j'en saisis toute la difficulté pour Leo. J'ai déjà bien réfléchis à la situation avant de m'engager. J'aurais pu faire marche arrière, ne pas l'inviter pour un week-end en amoureux et rester fermement sur le terrain de l'amitié. Il se trouve que je suis déjà amoureux et que j'ai choisi de le vivre malgré le métier de Leo. "Je ne veux pas avoir l'impression de te dicter ta vie. Je me suis fait à l'idée que tu accompagnes des hommes pour autant que ça ne va pas plus loin et tu m'as dit que c'est le cas. J'ai confiance en ta parole. Si nous sommes ici aujourd'hui, c'est en toute connaissance de cause et puis, j'ai bien réfléchi, tu ne fais rien de mal, ce n'est qu'un service comme un autre, sourire, discuter. Comme une vendeuse de lingerie." Je souris parce que c'est ce qu'elle m'a dit qu'elle faisait au départ. Je n'ai pas envie d'une relation où la jalousie serait maitresse. Je mise sur la confiance que j'ai en Leo. "Ce qui m'ennuie plus, c'est ta sécurité. Ce sont des milieux peu surs, et tu as toujours le risque de tomber sur un de ces hommes irrespectueux comme au parc. Alors, si tu as envie d'arrêter, bien sur je t'aiderais, mais je comprends aussi qu'avec ton frère ce soit difficile pour toi d'avoir assez d'argent et de temps pour t'occuper de lui. Hormis les contraintes financières, tu as envie de devenir auxiliaire de vie ?"

Main dans la main, il me semble que nous ne sommes plus que tous les deux sur le long de cette mer qui me donne l’impression de vivre pour la première fois depuis des années. Je m’étais un peu oubliée les mois précédents. Je vivais uniquement pour Miro, le travail et l’argent que je devais rapporter. Je ne m’octroyais plus aucun plaisir; comme si je n’y avais plus le droit depuis que j’étais devenue escort et je me flagellais toujours très fort intérieurement d’avoir choisi ce chemin plutôt qu’un autre, plus sage. Oui, c’est vrai qu’on a beaucoup de chance pour le temps.

Néanmoins, la discussion qui suit me rend un peu plus pragmatique. Ma relation avec le blond est toute fraîche mais je nous vois déjà dans dix ans et je n’arrive déjà plus à me défaire de cette image qui embellit fortement ma vie et mes pensées tant elle prend de la place dans ma tête. Alors, bien évidemment que j’ai pensé à mon travail et à tout ce que ça impliquait pour lui et moi. Je ne doute pas de la confiance qui règne entre nous mais je me suis mise trop souvent à la place du policier pour pouvoir dire que oui, moi, ça me gênerait que la personne avec qui je vie constamment sorte avec d’autres personnes que moi-même, ne serait-ce que pour s’afficher, sans plus. Je resserre mes doigts autour des siens, un peu subitement et mords l’intérieur de mes joues, comme soudainement anxieuse. Je ne sais pas… J’ai pensé à ça parce que la formation est courte et que c’est un métier dont on a besoin partout. Je ne sais pas Malic, je ne peux pas faire ça toute ma vie, vis-à-vis de toi, ça m’ennuie beaucoup mais vis-à-vis de moi aussi, en fait. Je ne suis pas du tout fière de faire ce que je fais et tu imagines, je mens à tout le monde, sans arrêt. C’est pas du tout comme ça que j’envisageais ma vie, tout simplement… Je soupire et détourne le regarde du slave. C’est méchant mais… Si ma mère n’avait pas été aussi égoïste, on n’en serait pas là, Miro et moi… Je me retrouve à payer l’emprunt d’une maison dont j’ai jamais vu la couleur. Si j’avais pas ça sur le dos, je pourrais y arriver avec un emploi normal et on ne serait même pas en train de discuter de ça tous les deux… On serait juste là, à profiter du moment, insouciants et sans problèmes. Je me tourne un peu vers lui, un sourire cassé aux lèvres. Merci d’être aussi gentil avec moi, mais tu sais, maintenant que j’ai un copain flic, je pense que je ne risque plus rien.

Je finis par m'arrêter de marcher et je me tourne vers Leo pour lui prendre les mains, la regardant avec sérieux pendant qu'elle m'explique comment elle voit l'avenir, notre avenir avec un peu de chance. "C'est vrai et c'est un bon métier, pas très gai peut-être. Je crois que tu ne devrais pas te focaliser seulement sur la durée ou l'argent, mais savoir aussi si ça te plait. Tu t'occupes déjà de ton frère en rentrant de ta journée, tu veux aussi le faire au boulot ? Est-ce que ça ne risque pas d'être pesant pour toi ? Tu te souviens quand on s'est rencontré ? Tu m'as dit que tu étais vendeuse, est-ce que c'est parce que c'est quelque chose que tu aimerais faire ? " Je souris à Leo, pour l'encourager, je ne peux pas dire que son métier actuel me réjouisse. Quand je l'ai vue avec cet homme au Casino, cela m'a fait mal, mais à ce moment là j'étais persuadé qu'elle allait plus loin que de l'escorte. Encore maintenant, je dois admettre que si je fais abstraction de son métier, des soirées passées avec ces hommes c'est en n'y pensant pas. Parce que si j'y pense, ça ne me fait pas plaisir mais je me raisonne. Elle ne fait rien de mal en tout cas pas vis à vis de moi. Cependant, je comprends son sentiment. N'ai-je pas voulu dire la vérité à Danica quand j'en ai eu l'occasion ? Parce que c'est libérateur "Tu es quelqu'un de bien Leo sinon tu ne te poserais pas tant de question. Je t'aiderais du mieux que je peux quoique tu veuilles faire."

Je secoue la tête, presse ses mains un bref instant "Ce n'est pas méchant c'est réaliste malheureusement, ta mère n'a surement pas su faire autrement. C'est un beau gâchis." J'ai un sourire timide, agréablement surpris du terme de petit ami. C'est toujours difficile de savoir où on se situe mais c'est aussi comme ça que je nous vois. "Malheureusement, je ne pourrais intervenir qu'après, ce n'est pas ce que j'appelle être un petit ami efficace." Je me rapproche de Leo, mon corps près du sien, presque collé et je passe un bras autour de sa taille. "tout s'arrangera Leo." Je prends mon courage à deux mains pour lui avouer. "Je t'aime. Tu n'es pas forcée de continuer ce métier qui te déplait, tu trouveras forcément autre chose et tu sais que je peux t'aider avec Miro. "

L’avenir m’effraie sans le moindre doute. La santé fragile de Miro, les finances instables, ces deux choses cumulées font de moi une bombe à retardement. Jour après jour, j’ai bel et bien l’impression de gérer, de garder les pieds sur terre quand il m’est difficile parfois de penser à ma vie sans avoir envie de pleurer; sauf qu’un beau jour, je sais pertinemment que tout me reviendra au visage comme un boomerang, clarifiant mon esprit que j’embue volontairement sans cesse.
Alors, quand nous sommes là, tous les deux, le coeur plein d’émotions et la tête remplie d’étoiles, je ne peux m’empêcher de penser que ce n’est qu’un moment et que j’ai bien intérêt d’en profiter avant que notre vie habituelle ne revienne au galop. Puis j’ai une sorte d’illumination un peu trop pragmatique qui me renvoie à la réalité et à toutes ces angoisses qui fondent mon quotidien et qui me poussent à ces interrogations liant notre couple. “Non c’est sûr, j’aurais peut-être pas le courage, tu as raison. Pour être honnête, je t’ai dit que j’étais vendeuse parce que c’est la seule chose qui m’est passée par la tête à ce moment-là… Je sais pas, je suis un peu perdue.” Je fronce les sourcils en mordillant mes lèvres tout en serrant les mains de Malic avec une certaine force. Mon regard est empli de remerciement et d’attendrissement face à l’homme et je prends une légère inspiration avant de relâcher la pression que je venais de me mettre toute seule.

Je ne renchéris pas sur le sujet de ma mère, comme le dit si bien Malic, c’est un beau gâchis et je suis d’accord avec lui, aucun enfant ne devrait subir les bêtises de leurs parents. Malheureusement, on en fait partis avec Miro et je dois bien assumer ces conséquences, c’est même mon devoir. Je souris légèrement aux dires du policier et il n’a pas tort en disant qu’il ne pourrait intervenir qu’après, si quelque chose m’arrivait; mais ce serait déjà beaucoup mieux que de ne rien faire du tout !
Malic se rapproche pour me faire face en passant un bras derrière moi dans un geste rassurant et je lui souris en hochant la tête docilement quand il m’assure que tout se passera bien.
Tout d’un coup, je crois sentir mon coeur battre à un tel point que j’ai l’impression qu’il va se décrocher, ce juste avant sa révélation et je sens mes joues s’emprouprer complètement, ma respiration s’accélérer et mes jambes flageoller sous mon propre poids. Je ne trouve rien de mieux que de me hisser jusqu’à lui en passant mes bras autour de son cou, complètement abasourdie et déstabilisée. Mes doigts agrippent son t-shirt juste en haut de son dos et je niche mon visage dans son cou pour lui répondre en murmurant. “T’imagines pas à quel point je t’aime aussi… Merci pour tout.” Je ne trouve rien de mieux à dire parce qu’accepter son aide m’est difficile mais que mon amour est assez clair pour que je puisse lui avouer aussi facilement. Je reste un instant dans cette position tout en serrant le blond contre moi, amoureusement, le coeur battant et la peau bouillante. Je ne me retire que lorsque je m’y contrains et cueille un baiser sur ses lèvres, une main sur sa joue. “Tu es la meilleure chose qui me soit arrivée.” Je romps finalement l’étreinte pour récupérer sa main dans la mienne et nous remettre doucement en route, faisant redescendre les émotions en même temps.

Je ne veux pas la décourager - bien au contraire - mais je ne veux pas non plus qu'elle se jette dans un métier qui lui déplaira et la ramènera plus surement à sa vie d'escort après des mois de galère. Je crois sincèrement qu'elle devrait prendre le temps de se poser et maintenant qu'elle est dans la démarche de changer de boulot, savoir ce qui lui plairait. En cet instant, je ne suis pas sur d'être en train de dire ce qu'il faut pour l'aider et je me sens plutôt nul, illégitime à donner des conseils. Après tout, ce n'est pas que je pilote ma vie très bien de mon coté. Notre espoir est qu'à deux, nous pourrons peut-être faire mieux que tout seul. "Tu trouveras, je suis persuadé que tu trouveras"

Je deviens une nouvelle fois pivoine quand son aveu fait écho au mien. Ses remerciements me gênent infiniment "merci de quoi ? C'est toi qui m'a sorti de ma solitude." Je savoure le baiser qui nous lie avant que nous reprenions notre marcher lente, mes doigts se nouant bien plus naturellement aux siens. Je me sens apaisé, moins fébrile. Je suis officiellement son petit ami - le terme est approprié malgré nos âges respectifs - et je suis soudain plus serein du simple fait que notre relation est claire et définie. Sur le port, nous trouvons des étals vendant des fruits de mer tout frais. Un homme nous fait gouter des huitres, j'en achète avec d'autres fruits de mer, nous trouvons même une bouteille de vin blanc. A cet endroit et à cette époque de l'année, il y a encore assez de touristes pour nous offrir toutes ces commodités.

Le temps de nous promener, de choisir, de gouter, puis de rebrousser chemin, la fin de journée avance doucement. "Je te propose de rentrer au gite, de préparer un pique nique, j'enfilerais mon maillot et on ira manger sur la plage pour le coucher de soleil. Ce sera plus sympathique que le jardin et tu seras peut-être tentée par le bain de minuit ? Demain, nous visiterons l'île un peu plus."

J’esquisse un sourire en hochant la tête de haut en bas, d’accord avec Malic sur le fait que je trouverais bien ma voie un jour ou l’autre et le fait qu’il ne me mette pas de pression me rassure grandement même si celle que je m’impose moi-même reste toujours présente mais je suis bien plus sereine désormais. Merci juste d’être là et de m’accepter telle que je suis. Nous nous remettons en route et choisissons notre repas du soir en longeant le port.

Sur le chemin du retour nous discutons de tout et de rien, profitant des superbes paysage que l’île nous offre. Un bain de minuit ? Pourquoi pas… C’est une bonne idée. Je peux noter la différence qu’il y a dans le comportement du blond comparé à nos débuts et je suis très agréablement surprise de le constater de plus en plus au fur et à mesure du temps.
Nous rentrons au gîte et nous préparons ensemble le dîner avant de rassembler nos affaires pour retourner à la plage. J’ai passé des vêtements secs pour éviter la désagréable sensation d’avoir le tissu collé à la peau et nous nous remettons en route par la suite.
Arrivés là-bas, j’installe les draps de plage à même le sable et dépose par dessus le sac que j’avais en main. Nous nous asseyons l’un à côté de l’autre face à la mer et je me mets à déballer nos préparations. Mhhh, je crois qu’on va se régaler. A genoux, je défait le film plastique sur le plateau d'huîtres que nous avions choisi de prendre également.
Nous discutons tout en mangeant tandis que le soleil se met à décroître doucement devant nous, laissant dans le ciel plus qu’un dégradé de couleurs orangées et pastelles. Entre deux bouchées, j’ose demander à Malic: Je sais qu’on a déjà un peu abordé le sujet mais… J’aurais aimé en savoir un peu plus sur ta famille, ton enfance… Tout ça… Une manière pour moi d’évaluer un peu ce qui risque de m’attendre si je dois rencontrer sa famille un jour et même si je me projette certainement un peu trop, c’est aussi une excuse pour l’écouter parler, encore, parce que j’adore ça.

Je n'ai jamais eu dans l'idée de changer Leo. Je suis parti de ce qui faisait mon chez-moi selon l'expression consacrée parce que justement j'ai réalisé que celui que j'étais au sein de ma famille ce n'était pas moi. Je me conformais à un rôle qu'on m'avait attribué depuis de longues années et si pendant longtemps j'avais suivi ce fil blanc sans me poser de question, il ne me rendait pas heureux. Quand je l'ai compris, je suis parti alors je n'ai certainement pas la volonté d'imposer quoique ce soit dans la vie de quelqu'un d'autre. Même pour ma fille, j'essaye de la guider plutôt que d'imposer. Je ne crois pas qu'on puisse aimer bien en changeant les gens. Vouloir les changer c'est rendre tout le monde malheureux.

Nous revenons de promenade pour nous changer au gite et préparer notre pique-nique du soir. Les crustacés sont très frais et je me risque même à boire un verre de vin blanc, moi qui ne boit que si rarement du vin, et même de la bière, ce n'est pas vraiment une habitude, à tel point que lorsque je sors avec Zarko, je ne fais pas la différence entre bière alcoolisée et une bière sans alcool ! Je goûte la saveur inhabituelle à petite gorgée pour me familiariser avec elle. La question de Leo me fait sourire, je ne suis pas mal à l'aise de parler de ma famille qui depuis mon divorce s'est pourtant réduite à une peau de chagrin. "Oh, tu connais ma fille, je t'ai déjà parlé de mon ex-femme - pas trop souvent j'espère - alors tu veux surement que je te parle de mes sœurs ? L'ainée est plus âgée que moi, de cinq ans et demi elle s'appelle Saraï et est avocate en droit des femmes. Ma cadette s'appelle Sebina et elle est plus jeune de deux ans. Elle travaille dans un labo pharmaceutique et elle est mariée et a deux enfants. Puisque tu as vu mes tatouages tout à l'heure, ce sont elles qui sont tatouées sur mon torse, quand elles étaient jeunes, l'image vient d'une photo d'enfance. On ne se voit pas aussi souvent que je voudrais, elles n'habitent pas ici même si vient souvent à Sarajevo pour son travail et pour voir ma mère. Je t'ai dit que cette dernière est malade. En fait elle a fait un AVC il y a presque deux ans, et depuis on a du la placer en maison de repos, ici à Sarajevo."  

J’ai une légère moue désolée aux derniers mots du blond et j’inspire profondément avant de répondre: C’est bien que ta maman soit proche de toi, c’est une bonne chose. -Je lui souris un peu- J’aimerais bien rencontrer ta famille un jour. Enfin, je sais qu’on n’en est peut-être pas encore là, enfin quoi que… Mais ça me ferait plaisir. C’est une étape importante dans un couple que de rencontrer la famille respective de chacun et cette idée m’effraie autant qu’elle m’enthousiasme, je dois bien l’avouer.

Je grignote notre repas qui est vraiment un délice, je ne suis pas mécontente d’avoir accepté cette option quand Malic me l’a proposée et honnêtement, je préfère manger ici qu’au gîte bien qu’il soit très confortable et très mignon, la vue ici n’a juste rien à voir. J’ai l’habitude de boire du vin et celui que l’on a apporté est vraiment très bon, assez sec sans l’être trop, il se marie très bien avec les crustacés. Le vin te plaît ? Tu m’as dit l’autre fois que tu n’en buvais pas vraiment… Mais je trouve qu’avec les fruits de mer c’est vraiment bon, non ?

D’accord, on fait comme ça. Et de même, quand ma grand-mère sera à Sarajevo je te la présenterai aussi. Elle sera ravie de te rencontrer. Ma grand-mère n’attend que ça, que je lui présente l’homme qui sera censé faire sa vie avec moi et j’ai toujours eu une pression énorme vis-à-vis du fait de mon job dont elle ne sait rien, évidemment.

Je dodeline de la tête, me rapproche et me colle au blond alors que notre repas est terminé et que le soleil décline lentement. Nous discutons de tout et de rien, parfois de nous, de notre famille et de nos rêves dont la réalisation semble parfois un peu lointaine sans nous enlever les étoiles qu’ils nous mettent indéniablement dans les yeux.

Même quand le soleil est couché et que le ciel est devenu complètement noir, il fait assez pour que je n’aie pas à me couvrir. Je me lève soudainement après un léger temps mort entre Malic et moi et m’étend quelque peu avant de souligner: Tu avais parlé d’un bain de minuit non ? Je souris avec espièglerie, puis ajoute: Je sais qu’il n’est pas minuit, mais c’est tout comme. Je parle tout en retirant les liens qui entourent mon cou de la robe que j’avais passée quelques temps plus tôt. Me retrouvant en maillot, j’attrape la main du policier pour la tirer. Aller, viens !

"Je ne sais pas pourquoi mais je me dis que tu ressembles à ta grand-mère. Au moins de caractère. Et que si je la rencontre, ce sera comme si je te verrais dans quarante ans. Est-ce que je me trompe ? Peut-être que c'est juste du fantasme, tu sais, on dit toujours regarde les parents de la personne que tu fréquentes et tu verras comment elle sera plus tard, ha ha."

Mon bras autour des épaules de Leo me donne le sentiment que mon coeur bat à l'unisson avec le mien. Je n'ai jamais été aussi heureux non pas d'une joie éphémère à un moment plaisant mais plutôt de cette sensation de plénitude qu'on pourrait appeler bonheur. Je n'aurais jamais cru être fait pour ça mais il suffit juste d'oser parfois. C'est ce que je découvre avec la jeune femme aux yeux de biche qui a posé son fin visage contre mon épaule et dont la présence réchauffe mon corps.

Mon visage s'illumine de cette hésitation timide et pourtant enthousiaste à la proposition de Leo. "Oui, je crois qu'on avait parlé d'un bain de minuit... Et c'est mieux de le faire avant qu'il fasse complètement noir. Je nage bien mais la mer c'est différent de la piscine." Le soleil s'est couché mais l'obscurité n'est pas encore à son maximum. D'ici deux heures, il fera noir comme dans un four, l'île étant très peu polluée par les lumières, les habitations étant bien nombreuses que sur le continent. La natation est un des sports que j'aime pratiquer. L'hiver, je n'aime pas trop aller courir, alors la piscine est une bonne alternative et je ne connais rien de mieux pour se vider la tête que de faire des aller retour dans le bassin.

Je me remets sur mes pieds, mon regard ne pouvant s'empêcher de glisser sur les jolies courbes de Leo, seulement vêtue d'un maillot de bain qui ne fait que souligner sa beauté. Avec maladresse, je retire mon tee-shirt. Nous nous retrouvons dans l'eau qui me parait fraiche sur ma peau brulante. Je grimace un peu alors que Leo ne semble pas avoir de difficulté à entrer dans la mer, comme tout à l'heure ! "Tu es moins sensible au froid que moi ! Ne m'arrose pas s'il te plait !!! " Je fais mine de la menacer du bout du doigt mais je n'ai guère d'autorité en cet instant, peut-être à cause de ce sourire niais qui persiste à s'accrocher à mes lèvres ou du désir qui inévitablement luit dans mes yeux. Pourtant, je ne suis pas sur d'être légitime pour ça même si Leo et moi on est plus ou moins officiellement ensemble. Plus que moins j'espère. Cette invitation à des vacances n'était pas totalement innocente, nous en sommes tous conscient. Quand je finis pas être dans l'eau, je me rapproche de Leo, attiré tant par son regard lumineux des étoiles qui commencent à percer la tombée de la nuit que de façon moins romantique par ses courbes séduisantes.