Following the map that leads to you - Yusie

Il n'est pas difficile pour moi de trouver quelque chose à me mettre puisqu'à l'évidence, mon armoire n'est pas très remplie. A l'inverse de la dernière fois avec Elsie, j'ai opté pour une chemise blanche et un jean foncé. Quand je regarde le résultat dans le miroir, ça me paraît plutôt bien et ainsi, je crois pouvoir plaire à la rousse. Par contre, il m'est impossible de savoir si j'en fais trop avec la boîte de macarons qui lui est destinée et qui attend gentiment sur le canapé. D'une part, je ne sais absolument pas si elle aime ça et d'une autre part, j'ai vraiment peur qu'elle trouve ça un peu vieux jeu. Je me résouds tout de même à les prendre et décide de partir même si je crois qu'il est un peu trop tôt par rapport à l'heure que l'on avait convenue. J'arrive sans surprise avec quelques minutes d'avance et patiente dans la voiture jusqu'à ce qu'il soit vingt heures pétantes, persuadé que les filles ont toujours besoin des dernières minutes qui leur restent pour parfaire leur mise en beauté.

Je suis presque subjugué quand Elsie ouvre la porte parce que son sourire enthousiasmé me heurte plus encore que la beauté qu'elle dégage. Salut ! Tu vas bien ? Je ne suis pas sûr de la manière dont on doit se dire bonjour et j'opte plutôt pour une embrassade chaleureuse, un peu perturbé par la situation. Tiens, j'ai vu ça et je me suis dit que ça te plairait. Je lui tends la boîte dont elle s'empare immédiatement puis désigne la voiture du pouce. T'es prête, on y va ? Comme la dernière fois, Elsie est très belle et je note les efforts faits, silencieux sur ce que je pense pour le moment mais garde dans un coin de mon esprit le compliment que je pourrais lui faire un peu plus tard.

Dans la voiture, j'ai allumé l'autoradio sur une chaîne de musique serbe dont je ne comprends rien et baisse le volume au maximum, juste de quoi avoir un bruit de fond. Pas trop dur ton week-end ? Je sais que l'interne travaille ardemment et ce, quasiment tous les week-end; je l'admire d'ailleurs sur ce point et tout en nous dirigeant vers le restaurant que je nous ai choisi, nous discutons de choses et d'autres.

Nous sommes l’un comme l’autre, je crois, un peu intimidés et même si je ne suis pas censé l’être de ma stature d’homme, il me semble que tout un tas de choses m’ont assez détruites psychologiquement pour que je ne sache vraiment plus m’y prendre. Ma famille a toujours été dysfonctionnelle, mon père me traitait comme un enfant lambda, jamais comme son fils et de toute façon, l’alcool qui lui imbibait toujours le cerveau l’empêchait continuellement d’éprouver la moindre affection envers moi. Ma mère, même si elle voulait bien faire, ne parvenait pas non plus à être la figure maternelle dont un gosse a besoin, et c’est exactement comme ça que ma vie s’est construite -Ou pas d’ailleurs-.

Tout le temps que j’ai passé avec Elsie, j’ai prié cent fois pour qu’elle ne me trouve pas étrange, pour que je paraisse tout à fait normal à ses yeux parce que ça m’importe trop et l’image qu’elle se fera de moi se construit dès maintenant. Alors, quand elle prend la boîte de sucreries et me remercie, j’ai juste un léger signe de la tête pour lui signifier que ce n’est rien.

On se retrouve rapidement dans l’habitacle de ma voiture et ce n’est pas que je suis pervers mais l’image des jambes nues de la rousse me fait pas mal d’effet, si bien que mon regard dévie souvent sur ces dernières ! La conversation seulement me permet de garder l’esprit sain. Ouais, nickel, la routine. Et du coup, tu prévoies de déménager quand ? Je suis content que mes paroles l’aient un peu fait réfléchir et honnêtement, je n’aurais pas été serein de la savoir toujours dans ce même appartement avec le tas de mecs étranges qui défilent chez elle. Mais du coup, tu les recevras où tes patients ?

On arrive rapidement au restaurant et en bon gentleman que je suis, j’ouvre la porte de la voiture à Elsie pour ensuite lui ouvrir celle du bâtiment. J’ai choisi un restaurant assez chic mais décontracté, quelque chose qui me semblait parfait avec le type de rendez-vous que nous avons. J’espère que t’aimes la cuisine italienne ? En réalité c’est Maggy qui m’a fait découvrir ce restaurant et je lui en suis reconnaissant, juste pour ça.

Une coloc’ ? C’est une bonne idée. Au moins financièrement, même si je pense qu’il y a beaucoup de contraintes à vivre constamment avec quelqu’un, surtout si c’est quelqu’un qu’on ne connaît pas. Je regarde Elsie qui me dit prévoir de se déplacer chez ses patients et je fronce les sourcils instantanément quand je réfléchis aux conséquences que ça pourrait avoir. Tu sais… S’ils viennent pas chez toi parce que c’est dangereux… Ca l’est tout autant si tu vas chez eux. Je ne voudrais pas être trop moralisateur mais c’est la vérité, le mieux serait qu’Elsie ait un local, ou que quelqu’un l’accompagne lors de ses déplacements. Désolé… Mais je voudrais pas qu’il t’arrive quelque chose, en fait. Peut-être que je pourrais t’accompagner parfois ? J’ai bien conscience que ça paraît compliqué pour tout un tas de raison mais je crois apprécier la rousse assez pour n’avoir aucune envie qu’elle dépérisse entre les mains d’un type louche.

J’ai choisi ce restaurant parce que je sais qu’ils y font de très bons plats et que la nourriture italienne est certainement la plus appréciée. En d’autres termes, je ne prends pas beaucoup de risques en emmenant la rousse ici.
Nous sommes installés à une table assez éloignée des autres personnes et je remercie intérieurement le serveur de nous avoir placé ici; Nous sommes au calme et c’est tout à fait en accord avec un premier rendez-vous. C’est ma cousine, qui est à moitié italienne, qui m’a fait découvrir ce restau, elle m’a dit qu’ils cuisinaient presque aussi bien qu’en Italie. Je lui octroie un sourire et nous commençons par commander nos boissons; toujours pas d’alcool pour moi. Tu dois rentrer tôt ce soir ? Que je demande, laissant sous entendre un after si elle le souhaite.

J’inspire un peu plus profondément en serrant le volant entre mes mains quand Elsie rétorque. Oui, c’est sûr que j’étais content de trouver quelqu’un pour m’aider. Je n’ose pas insister sur le fait que j’aimerais protéger un minimum Elsie et je crois qu’il serait malsain que je m’impose alors qu’on ne se connait qu’à peine. J’aimerais lui dire de m’appeler si elle a des ennuis mais je suppose qu’elle sait comment faire en cas de problème, elle est intelligente et je ne doute pas qu’elle sache se défendre comme il faut, qui plus est.

Je souris à la question de la rousse. Non, non… On a le côté russe en commun. Honnêtement j'aurais préféré que ce soit le côté italien, ce qui m’aurait évité certainement bien plus d’emmerdes que ce que je n’ai eu. Malheureusement, ce genre de chose ne se choisit pas et si c’était le cas, ce serait sans doute bien moins compliqué.
Je laisse passer un léger silence après ma question tout en buvant dans le verre que l’on vient de nous apporter. J’ai un regard soutenu pour Elsie et un léger rebond dans le fond de la poitrine quand elle m’affirme ne rien n’avoir à faire après notre dîner. Moi non plus… En fait j’espérais justement que t’aies rien à faire. Je lui souris, sincère. Je t’aurais bien proposé un ciné mais c’est compliqué de trouver des séances en VO ou en sous-titré ici… Dis-je en commençant à feuilleter le menu. On verra bien ce qu’on pourra faire après… T’as choisi ce que tu voulais ?

Le sujet se termine tout seul et tant mieux parce que je ne me sentais plus à l’aise à propos des types à qui Elsie procure des soins. Je suis bien conscient d’en avoir fait parti et je ne pourrais d’ailleurs jamais remercier assez la rousse pour ça. Néanmoins, j’ai une sorte de satisfaction par rapport au fait qu’elle songe à déménager et c’est une bonne chose quand on imagine le genre de personne à qui Elsie doit avoir à faire.

Un sourire mutin se faufile sur mes lèvres en remarquant les rougeurs de la jeune femme et c’est assez flatteur de voir son visage s’animer autant au contact de mes simples paroles. D’un côté, c’est assez rassurant parce que j’étais bien mal parti pour qu’on en arrive là.

Les cours particuliers de serbes avec la rouquine n’ont pas encore commencés mais je sais qu’Elsie fait de son mieux pour trouver un créneau et qu’elle ne manquera pas à sa promesse. C’est la raison pour laquelle je ne lui en tiens pas du tout rigueur. Ouais, ça sera sûrement plus simple comme ça. Tu veux venir regarder un film chez moi ? Du coup ? Ca ne change pas tellement de la dernière fois mais je pense que nous serons certainement un peu plus à l’aise ce soir et surtout, Elsie sera sobre.

J’avais envie de prendre des cannelloni… Après, je sais que leurs pâtes aux fruits de mer sont excellentes, tu devrais goûter. L’atmosphère est étrangement changeante ce soir. De nos yeux qui se croisent sans vraiment s’accrocher à nos mains que l’on évite de trop rapprocher. Je me sens proche d’Elsie sans réellement l’être; surement à cause de ces trop nombreuses choses que l’on ignore encore l’un sur l’autre et surtout, de ce qu’Elsie ignore de moi...

Elsie n’a pas l’air de réfléchir un long moment avant d’accepter et ça me conforte dans l’idée qu’elle aime malgré tout ma compagnie, c’est sûrement un bon début. Hum… Bah on mettra un truc en streaming, on aura plus de choix comme ça. Je réponds en souriant. Je suis un peu insouciant à ce moment-là, ne pense pas vraiment à l’après et peut-être que ça peut paraître bizarre mais avec la rousse, je n’ai pas forcément envie que d’un coup rapide et succinct. L’idée de l’embrasser à nouveau m’a bien sûr effleuré l’esprit et je suppose que nous en arriverons à cette finalité de toute façon, mais lui faire l’amour me semble encore un peu éloigné puisque présentement, je ne planifie absolument rien dans notre relation.

Tu verras, c’est super bon. Dis-je à propos de son plat. Ouais, bien sûr. C’est d’ailleurs pour ça que je t’ai fait choisir un truc totalement différent. J’pourrais goûter aussi comme ça. J’avale quelques millilitres du vin qu’on vient aussi de nous apporter après avoir trinqué avec Elsie. Ouais, j’ai pas vraiment le choix, je peux pas manger des plats préparés tout le temps. Je fais un rapide calcul mental, la réflexion sur le visage suivi d’une grimace, parce que merde, le temps passe vite... Ca doit faire à peu près 15 ans que je dois me démerder, j’ai toujours, ou presque, vécu tout seul donc… Après, je dis pas que ce que je fais est super agréable à manger. J’ai un petit rire suite à cette constatation. Mais je me débrouille, ouais. Et toi ? Elsie a l’air d’être ce genre de fille très débrouillarde qui a du s’occuper de beaucoup de choses depuis petite alors, je ne doute pas qu’elle sache cuisiner, et certainement mieux que moi !

Un sourire se loge sur mes lèvres et je n’arrive plus à l’en déloger. Mes yeux sombres observent les siens et puis toutes ces tâches de rousseurs qui parsèment son visage, qui font d’elle cette fille un peu originale qui commence réellement à me plaire, autant physiquement que mentalement. J’ai bien conscience du fossé qui nous sépare et je crois me sentir inférieur à elle parce qu’à part être un ancien dealer qui travaille pour une agence d’escort maintenant, je ne suis pas grand chose à côté de cette interne douée d’intelligence. Tu manges pas beaucoup ? Je n’ai jamais connu aucune fille avec un appétit équivalent au mien, ça ne m’étonnerait pas qu’Elsie soit issue du même genre.

Ouais, c’est sûr. Mais je crois pouvoir dire que je me démerde plutôt bien, j’essaie même de varier. Je n’irais pas jusqu’à dire que je suis un grand chef cuisinier mais il y a pas mal de bases que je gère et que je pratique suffisamment pour que tout ce que je fasse soit mangeable et à avaler. Oui, c’est vrai que t’as dû t’occuper d’eux, tu m’en avais parlé la dernière fois. Non, moi je suis fils unique… Je souffle, le regret toujours un peu présent quand je pense que j’aurais pu avoir quelqu’un de ma famille sur qui pouvoir compter.

On nous amène, peu de temps après, nos plats respectifs et je suis d’ores et déjà presque satisfait quand je sens les effluves de la sauce qui revient à mes narines. Bon appétit, j’espère que t’aimeras bien. Le comble serait qu’elle n’apprécie pas et au pire, on pourra toujours échanger nos plats. Je jauge son regard à sa première bouchée et attends que ses paroles suivent sa déglutition avant de pouvoir me féliciter. Alors ? Osé-je demander.

Aux dires de la rousse, j’inspecte poliment son buste peu développé et les os saillants de ses clavicules que je peux apercevoir à côté de son haut immaculé. Je hoche la tête. T’es pas épaisse, c’est sûr. Tu fais un peu de sport ou t’as pas du tout le temps ? Le sport qu’elle pratique doit sûrement se constituer uniquement de son boulot qui demande quand même pas mal d’effort et je l’imagine un instant dans sa blouse blanche en train de courir à droite à gauche; cette vision m’amuse un petit peu, je l’avoue. De mon point de vue, Elsie est parfaite mais mon avis est certainement tronqué puisque je ne l’ai jamais vue sans ses vêtements. Néanmoins, ce que je vois d’elle me plaît déjà ainsi, aucun doute sur ce que j’en penserais si je la voyais nue.

Je note le sourire sur les lèvres de la rouquine et le soleil qui perce dans sa voix lorsqu’elle nous impose un concours de nourriture et à mon tour, mes lippes s’étirent pour finir par lâcher un rire. T’as peur de rien toi ! Mais ok, ça me va. On commence quand ? Manière que je sache d’emblée quand j’aurais la chance de revoir Elsie et l’idée de la voir souvent me met sans doute un peu trop de baume au coeur tant je suis en train de le sentir bouger rapidement sous ma cage thoracique.

Notre relation est assez étrange parce que je n’arrive pas à mettre des mots sur ce que nous sommes et définitivement, nous ne sommes pas que de simples amis. D’ailleurs, nous n’avons même pas eu le temps de nous découvrir ‘amis’ avant que je ne décide de l’embrasser et Elsie représente bien plus qu’un simple flirt. Je crois être complètement paumé à cet instant précis.

Je récupère la fourchette qu’elle me tend quand nous venons de recevoir nos plats et sans attendre j’engloutis la bouchée préparée par El’. J’me suis pas trompé. C’est excellent. Je lui rend sa fourchette avant de reproduire le même geste et lui tendre un peu de mon plat embroché. Le mien aussi est délicieux.

Nous décidons de faire l’impasse sur le dessert, le repas ayant été un peu trop copieux à notre goût et nous nous retrouvons à marcher dans la rue qui mène à ma voiture. Mes pas sont un peu lents parce que j’ai l’impression que le temps passe beaucoup trop vite quand je suis en sa présence et je n’aime pas cette sensation, comme si j’essayais d’attraper un liquide entre mes mains. C’était vraiment sympa. Ca va ? T’as bien mangé ? Que je demande, soucieux de savoir si Elsie a ressenti exactement la même chose que moi.

Pas surpris de la réponse d’Elsie, je hoche simplement la tête de bas en haut, compréhensif. A contrario, j’ai le temps de faire du sport, je pourrais même m’engager dans plusieurs choses à la fois parce que mon boulot se fait principalement de soirée ou de nuit mais je n’ai pas encore trouvé le moment de m’inscrire où que ce soit. D’ailleurs, je crois que le meilleur moyen de me défouler serait de m’inscrire dans une salle de boxe qui me donnerait l’impression de défoncer quelques crânes à défaut de pouvoir casser le crâne des slaves qui mettent mes nerfs à bout . (cc Slavo)

Je réfléchis un instant à la possibilité que l’on puisse se voir vendredi et je n’hésite pas un seul instant avant de lui répondre, du tac au tac: Vendredi pour le déjeuner, ça te va ? J’ai souvent pas mal de boulot le vendredi soir. Le vendredi soir c’est comme le premier jour des soldes. Le début du week-end est toujours florissant pour les affaires de Nina, la semaine terminée, les bourges du coin peuvent totalement s'adonner à quelques faveurs comme celles accordées par les escorts de l’agence.

On s’installe silencieusement dans l’habitacle de la voiture et je démarre immédiatement avant d’entendre la jeune femme s’inquiéter du film que l’on choisira. Honnêtement, je suis vraiment pas difficile, j’aime de tout. Par contre, si t’as envie de regarder un film d’horreur, pourquoi pas, ça fait un bail que j’en ai pas vu. C’est peut-être cliché de proposer ça à Elsie mais dans l’instant, je ne vois pas vraiment où est le problème. Qu’est-ce que tu préfères toi ? Je préfère sincèrement que la rousse choisisse, sûrement de peur que mon choix ne lui convienne pas.

Honneur aux dames, nan ? Je réponds, le sourire au coin des lèvres et honnêtement, ça m’arrange qu’Elsie commence notre petit défi. Premièrement, j’ai aucune idée de ce que je pourrais bien lui cuisiner et deuxièmement, même mes plats les moins élaborés sont parfois fades au point que ça ne me donne même pas à moi-même l’envie de les manger. Seulement, maintenant que j’ai accepté, il va falloir que je fasse un effort pour essayer de garder l’image que j’ai donné à la rouquine et je compte faire de mon mieux, c’est déjà pas mal.

Okay, on fait comme ça. J’ai un léger rire attendri parce que ça la rend soudainement vachement mignonne d’avoir peur d’un simple film d’horreur et tout le long du trajet, je me demande ce que je vais bien pouvoir lui proposer.
On arrive rapidement chez moi et comme ce n’est pas la première fois qu’elle vient ici, je passe l’étape de la visite cordiale et l’invite à s’installer et à faire comme chez elle.

Après m’être enquis sur ce qu’elle voulait boire, je nous sers donc un verre chacun pour enfin en venir au but et m’installer sur le canapé tout en cherchant ce qu’on pourrait bien regarder ensemble. T’as déjà vu le dernier ‘Ca’ ? La suite sort bientôt au ciné, si t’aimes bien, ça nous donnera l’occasion d’y aller... J’attends son feu vert avant de lancer quoi que ce soit, cherche même une bande annonce pour éviter qu’elle ne soit surprise ou qu’elle m’avoue sa phobie maladive pour les clowns.

En toute honnêteté, ça m’arrange vraiment pas mal qu’Elsie commence notre défi, ça me permettra d’avoir le temps de réfléchir à la manière dont je vais bien pouvoir la contrer.

Je check pendant un moment les sites de streaming en quête du film que je nous ai proposé et relève le visage sur Elsie seulement quand elle me demande si je veux qu’elle nous serve quelque chose à boire. Je cligne des yeux et mets un instant pour réagir parce que je suis légèrement troublé par l’odeur qui émane d’elle et que je n’avais pas remarqué avant que nous soyons aussi proches sur mon canapé. Oui, vas-y, fais comme chez toi. J’ai des trucs à grignoter dans les placards aussi, si tu veux. Même si je doute qu’après ce qu’on vient d’ingurgiter, elle ait vraiment envie de manger encore.

Je finis par laisser charger la page et invite Elsie à s’installer comme elle l’entend même si, vu la grandeur limité du canapé, elle n’a pas d’autres choix que de rester bien assise à côté de moi.
Je suis clairement beaucoup plus intéressé par la rousse que par le film et mon esprit n’arrête pas de créer des scénarios dans lesquels on se retrouve, m’empêchant de me concentrer totalement sur les images qui se déroulent à l’écran. T’es bien installée ? Que je souffle discrètement, de peur de la déranger. Puis, naturellement, au fil du temps, chacun s'avachit à peu près comme il l’entend et je me retrouve à capturer la rousse d’un bras derrière la nuque quand je la sens se rapprocher rien qu’un peu.

Assis l’un à côté de l’autre, nos jambes se frôlant comme le font d’ailleurs nos bras, on reste faussement concentrés sur le film qui n’effraie pas encore véritablement. J’ai beau avoir eu des dizaines de conquêtes, je n’ai jamais su faire dans le romantisme et ce genre de situation me semble bien peu familière, je dois bien l’avouer. Parfois, je n’ai même pas besoin de réfléchir que la fille en question est déjà dans mon lit et pourtant, ici, avec Elsie, tout me semble bien plus compliqué. La réflexion me hante plus que le clown du film et je me demande pourquoi est-ce si différent avec la rousse qui, pourtant, semble réceptive à toutes mes tentatives de séduction. Il y a une sorte de pureté qui émane de la jeune femme, quelque chose de précieux qui a été poli à coups de principes et valeurs, choses qui m’ont été longtemps inconnus. Puis, quand je croise son regard, parfois, il me semble n’avoir pas vraiment le droit de toucher à cette page vierge qui la compose.

Mon passé a toujours été un frein pour moi parce que je n’arrivais tout simplement pas à tourner la page et j’étais resté coincé dans cette mélancolie qui dictait mon quotidien. Seulement, depuis que je suis à Sarajevo, j’ai l’impression d’avoir tourné cette page, d’avoir enfin pu accéder à quelque chose de moins sinistre et je ne peux pas le nier, mon passé me hante beaucoup moins maintenant. Par contre, dans ce genre de situation et face à une jeune femme comme Elsie, j’ai comme l’impression de revivre les années antérieures qui m’entachent et qui risqueraient d’entacher aussi la rousse. Et il y a peut-être un peu de manque de confiance en moi qui fait également que je ne suis pas sûr de pouvoir coller à une fille qui me semble aussi parfaite qu’elle.

J’ai un sourire quand nos regards se croisent et qu’elle détourne expressément les yeux. Je réprime un léger rire avant de souffler: J’te vois, tu sais… Ca fait un moment que j’ai laissé tomber le film et je finis par confronter nos yeux pour de bon en posant une main contre sa mâchoire, l’obligeant à garder le visage tourné vers moi. Tu me déconcentres. Je déclare, tout en singeant l’agacement et finis par sourire à la rousse avant de l’embrasser, d’abord assez précautionneusement puis bien plus passionnément quand je sais qu’elle n’est pas réticente.