[UA] Homme en retard, liaison dans le tiroir - Slavina

Elle s'écarte de moi et j'en frissonne, comme une anticipation à ce qui va inévitablement se produire. Je reste contre elle, à rechercher instinctivement son contact par besoin de réconfort. L'idée même de devoir entrer dans cette putain d’église tout à l'heure me file des sueurs froides. Je n'ai jamais eu si peur de ma vie. "Chanter ?" Je cille, je n'ai pas vu les choses comme ça pas vraiment. C'est mon oncle mais on ne peut pas dire que je l'aime. Surtout en ce moment. Il n'y a jamais eu d'affect de toute façon, pas depuis mon enfance, seulement une relation familiale et hiérarchique qui plus est. Mon oncle n'est pas quelqu'un de facile à aborder, trop secret, trop manipulateur aussi. "humm...il fait pression... Ils veulent ce mariage." Ils le veulent tellement que peu importe le reste. Est-ce que je ne suis pas censé être un bon fils ? Est-ce que je ne suis censé vouloir une descendante pour la continuité de la Famille ? "Il a dit que sinon ils te renverraient de toute façon, que tu serais plus la bienvenue chez les Tigrovi, que tu devrais partir de Sarajevo, que je ne te verrais plus quoiqu'il arrive. Il s'en fout qu'on couche ensemble si je fais mon devoir à coté... et je sais pas, tu connais Mirko, il avait l'air très sérieux quand il a dit que je le regretterais si je m'entêtais et que toi encore plus . Je ne veux pas te voir plus jamais..."

Sa façon de tourner les choses, de reformuler mes propos m'énerve profondément. Comment peut-on être aveugle à ce point ? Comment peut-il encore leur trouver des circonstances atténuantes quand ils menacent, clairement, de m'éliminer ? C'est juste ahurissant. Si c'était un môme je pourrais comprendre mais merde, il a quarante balais maintenant, il serait temps de se réveiller et de voir la réalité en face ! Et pire, même sa manière de répéter ce qu'ils lui ont dit sonne de façon enfantine. Ton devoir ? Bon sang Slavenko mais tu t'entends ?! J'écarquille les yeux, toute tendresse m'ayant désertée parce que c'est trop gros cette fois, et très difficile à assimiler pour moi.

Je proteste malgré tout, parce qu'autre chose me révolte. Jelenko ne le laisserait pas faire ça. La rumeur courait qu'on couchait ensemble lui et moi, en réalité nos relations n'ont rien à voir, je le considère depuis longtemps presque comme... Un genre de père de substitution. Un peu étrange, je l'admets. Parce que tu crois qu'on va continuer à se voir si tu l'épouses ? Et parce que... Bon sang tu penses sérieusement que je vais rester chez les Tigrovi en sachant ça ?! Dieu que c'est mal me connaître.

Je suis choqué quand elle m'engueule, me réveillant brusquement de mon bain d'endorphines. Je me redresse, suivant son mouvement, en la dévisageant avec des yeux étonnés, remplis d'incompréhension. Est-ce que je m'entends ? Qu'est-ce que j'ai dit de si étrange ? Ce n'est pas un secret qu'on me demande d'agir pour les Tigrovi et la ma famille, avant mes intérêts personnels. Ça ne m'a jamais paru difficile avant cette fois-ci. Avant Nina.

"C'est bien pour ça que je voulais - que je devais - rien te dire. Tu serais restée si j'avais fermé ma gueule. J'aurais continué à te voir. Je..." Maintenant j'ai absolument fini de tout gaché. Elle va partir et je ne la verrais plus, coincé avec une mégère que je n'aime pas. Je ravale ma fierté, si tant est qu'il m'en reste "Reste...reste à Sarajevo. " Ne plus la voir c'est impossible, je secoue farouchement la tête de façon bornée.

Plus il parle, et plus il aggrave son cas. Bon sang il devrait juste se taire, tout le temps, et se contenter de me baiser en fait, ce serait beaucoup moins problématique ! T'aurais continué à me voir et quoi ? C'est ce que tu veux ? Qu'on se contente de se voir comme ç'a été le cas ces dernières semaines ? Je secoue la tête, incapable d'assimiler ce qu'il me dit sans avoir envie de péter les plombs. Il me demande de rester et j'écarquille les yeux, ça dépasse l'entendement, putain mais dans quel bordel je me suis foutue ? Et comment, mon Dieu comment est-ce que j'ai pu tomber si éperdument amoureuse d'un homme qui finalement se comporte comme un enfant ?!

Mais non, bien-sûr que non je ne vais pas rester à Sarajevo ! Je me lève, rester dans le même lit que lui, sa peau contre la mienne, c'est soudain insupportable. J'vais me tirer d'ici, comme ça tu seras libre d'épouser ou non l'autre connasse sans m'utiliser comme une excuse. L'absence de révolte dans son regard embrase totalement la mienne, ils menacent de me tuer et il reste là, stoïque, pas même choqué, et il prétend qu'il m'aime ? Je désigne la porte d'un vague geste de la tête. Je veux que tu t'en ailles.

"Quoi ? " Je me décompose à son ton vindicatif, sa main qui me montre la porte et c'est comme si je me liquéfiais de l'intérieur. Je n me suis jamais senti aussi mal, et seule la fierté - et le fait d'être allongé dans le pieu - m'empêche de vaciller. Pour moi la voir c'est mieux que ne pas la voir, la voir c'est mieux que la savoir en danger ou morte, la voir, c'est le principal. Je ne comprends pas qu'elle me dise que je l'utilise comme excuse, ça n'a jamais été le cas, sinon je ne me retrouverais pas à devoir aller dans cette église dans quelques heures.

Son regard est si plein de haine que c'est insupportable. Je me lève à mon tour, obtempérant en silence. Je me rhabille à la va-vite, un peu n'importe comment, récupérant mes affaires disséminées. moins de cinq minutes après je sors de l'appartement, mes grolles même pas attachées. Une fois sur le pallier, je réprime un tremblement, sans trop savoir quoi faire ni où aller. Encore quelques heures de liberté, juste quelques heures...

Je me sens tellement idiote, soudain, d'avoir cédé, de l'avoir accueilli chez moi quand je me suis pourtant si bien débrouillée ces dernières semaines pour l'évincer de ma vie. J'ai été trop sensible à sa détresse, trop amoureuse pour me méfier, pour penser à me protéger. La surprise que je lis dans son regard me met encore plus en colère, à quoi s'attendait-il, de quelle façon pensait-il que j'allais réagir ? On m'a élevée en m'apprenant qu'on devait se battre pour ce qu'on voulait dans la vie, et je n'ai pas du tout l'impression qu'il se batte. Il baisse les bras, il a baissé les bras dès le premier jour, quand il a accepté d'aller au restaurant avec elle, pour leur faire plaisir, pour éviter les conflits. Je ne sais pas quand est-ce que j'ai cru que je pourrais faire ma vie avec un homme qui n'est pas capable de s'imposer pour ce qu'il veut, pour ce qu'il aime. Parce que oui, j'étais réellement en train d'imaginer ma vie avec lui avant qu'il ne gâche tout.

Dieu merci il ne lutte pas, ne proteste pas, et se rhabille sommairement pour sortir de chez moi. En même temps, ce n'est pas comme s'il était capable de lutter, n'est-ce pas ? Il suffit que la porte claque dans son dos pour que j'envoie valser contre le mur la tasse de chocolat abandonnée un peu plus tôt dans la soirée. Elle se fracasse dans un bruit désagréable mais ça ne me soulage pas, vraiment pas.

Le lendemain, début de matinée, coup de téléphone. La voix de Mirko très froide.

Slavenko est chez toi ? Dis lui de se magner de rappliquer, on l'attend chez son père pour qu'il se prépare. La cérémonie a lieu dans une heure alors c'est pas le moment de le retenir entre tes cuisses.

J'ai passé le reste de la nuit dehors, et je suis rentrée très ivre, et accompagnée. Le téléphone qui sonne à une heure plus que matinale manque de réveiller le type affalé à côté de moi dans le pieu -je devais vraiment être mal pour le laisser dormir ici- et je tâtonne sur la table de chevet pour décrocher. Je grommelle un genre de "ok" à l'intention de Mirko parce que je ne suis pas idiote et je n'ai pas vraiment envie de me prendre une balle sous prétexte que j'ai été impolie (il en est capable) et je sors du lit, à poil, pour tenter de joindre Slavenko. Je tombe direct sur messagerie, et appelle son frère qui, bien évidemment, ne sait pas où il se trouve.

Agacée, je réveille mon amant de la nuit pour lui dire de se tirer, ce qu'il fait sans trop insister, et j'attends qu'il soit parti pour localiser, sans trop de mal, le téléphone du slave. Comprenez bien que j'avais des envies de meurtre hier soir, mais je suis malgré tout inquiète pour lui, alors je m'habille à la va-vite lorsque j'ai l'adresse, et je me tire pour tenter de le retrouver, et le ramener de force à son oncle puisqu'il semblerait qu'il ne soit pas capable d'être indépendant et autonome. Ahem. Rien qu'à l'adresse, je devine ce qu'il foutait, je sais très bien que de nombreuses raves sont organisées là-bas.

Je suis sorti de chez Nina et j'ai regagné ma bagnole. J'y suis resté une bonne heure, je l'ai même vue sortir de chez elle. Je ne l'ai pas suivi, je suis pas con, et il y a des choses que je ne veux pas savoir. Je suis passé par chez moi avant de partir au nord, sur le site des JO. Il y a toujours un tas de gens là-bas mais peu de Tigrovi y vont, c'est trop gaucho pour eux, alors c'est ce qu'il me faut. J'ai besoin d'anonymat et de prendre une décision. Une décision qui me concerne moi, c'est ce que je réalise. C'est moi et personne d'autre. Mais d'abord, je fume et je bois, pour faire descendre la pression. Je vais aussi me battre dans l'arène ou plutôt je vais me faire dérouiller dans l'arène, ça serait plus juste ! Nom de Dieu, ça fait foutrement mal ! Mais ça a le mérite de remettre ma condition de mortel bien en évidence, le fait que la vie soit courte et blablablabla. Le fait que je loose tout aussi et que j'ai perdu Nina. Après je rebois, je parle avec des gars, des mac pas d'ici avec un accent à couper au couteau. L'heure avance. J'ai des trous de mémoire sur mon emploi du temps. Je sais que je suis en haut du toboggan géant quand l'aube se lève. Le spectacle est beau à couper le souffle. Dans un accès de poésie, je pisse debout face au soleil levant. Il caille.

Huit heures, j'ai pris un truc, je sais pas quoi. Je flotte, je suis allé chercher mon sac dans la bagnole. Je ne vais pas rentrer chez moi. Dans le bâtiment intérieur la fête s'étiole sous le soleil pâlichon de Sarajevo. J'avance sur le parking en direction du point de rendez-vous qu'on m'a donné. Une voiture se gare mais je n'y prête pas attention, c'est déjà assez difficile de marcher en levant les pieds pour pas trébucher.

Je ne m'attendais pas à tomber sur lui en arrivant sur le parking. Je pensais devoir aller le chercher dans la rave, peut-être même dans l'arène, et même si à cette heure les lieux se vident, j'aurais pu avoir du mal à le trouver. Je craignais surtout l'état dans lequel je risquais de le trouver, en fait... Et je ne suis pas particulièrement rassurée en le voyant. Il peine à marcher sans tituber, à foutre un pied devant l'autre. Je me gare, coupe le contact pour sortir de la caisse sans trop réfléchir. Je devrais probablement le laisser se démerder mais ce n'est pas dans ma nature de tourner les talons... Et je suis trop attachée à lui pour être insensible, c'est surtout ça mon gros problème. Les révélations de la veille n'ont rien changé à mes sentiments, elles y ont seulement ajouté beaucoup de rancœur et de colère.

Il ne semble même pas me voir réellement quand je sors de la voiture pour venir à sa rencontre, et il faut que je pose ma main sur son bras pour qu'il stoppe sa progression. Je me place devant lui, lève la tête pour essayer de croiser son regard. Slavo ? Il est de toute évidence complètement défoncé et je fronce les sourcils, l'inquiétude prenant de l'ampleur.

Je stoppe avant de réaliser que c'est parce qu'on m'arrête. Je secoue la tête, en proie à une hallucination de plus. Toute la nuit je l'ai vue devant moi. Elle a même danser avec moi, elle a ri de moi quand je me suis fait battre, elle a fumé les mêmes clopes, me les piquant avec son air charmeur, elle a bu dans ma bouteille avant de me répéter qu'elle m'aimait. Tout ça c'est du vent. Elle finit toujours par dire va-t-en. Je grogne "Encore toi ? Je sais...je sais...va-t-en" je relève la tête en ignorant mon hallu, pour essayé de me repérer. Où est-ce que j'allais déjà. Je soupire et je pose mon sac rempli de fringues et d'armes au sol dans un bruit lourd. Je fouille mes poches à la recherche d'une clope dans un paquet froissé. Encore faut-il réussir à l'allumer. Ma Ninallucination reste là et les pupilles explosées, je fronce les sourcils devant sa persistance. "J'y allais là..." Elle m'a dit jeveux que tu t'en ailles, et finalement, j'ai trouvé que c'était le moins mauvais des conseils qu'on m'ait jamais donné !

Il me regarde, et pourtant j'ai comme l'étrange impression qu'il ne me voit pas vraiment, même quand il me parle, le son de sa voix est étrange, faux je crois, ou lointain plutôt. Slavenko qu'est-ce que t'as pris ? Savoir au moins ce qu'il a ingéré m'aiderait sans doute à l'aider, de toute évidence il ne s'est pas contenté de fumer, et je ne crois pas qu'il soit sous speed non plus, au contraire, il a l'air de tourner complètement au ralenti. Il n'est pas seulement en redescente pour autant, il serait plus lucide que ça sinon.

Je fronce les sourcils en avisant son sac auquel je n'avais jusque là pas prêté attention, et je me penche pour l'ouvrir et regarder son contenu, sans gêne. La vue des armes, et des vêtements, me fait ciller et je me redresse, une lueur affolée dans le regard. Tu allais où ? Slavenko qu'est-ce que tu fais ?

J'ai un geste contrarié "hé ! j'ai pris ce que tu m'as donné" La fille brune qui m'a donné un buvard contre des billets, c'était Nina j'en suis sur. Alors je ne comprends pas sa question. Pourquoi est-ce qu'elle me poursuit si elle veut que je parte. Je m'acharne à allumer ma clope, la flamme vacillante du briquet s'évertuant à en esquiver le bout. Une fois que c'est miraculeusement fait, je tire une taffe qui m'éclaircit à peine les idées. Nina fouille dans mon sac et Je fronce les sourcils à sa nouvelle question. Pourquoi pose-t-elle les questions dont elle connait les réponses, ça reste un mystère. Je me frotte vigoureusement la nuque pour éclaircir ce mystère. "Je pars. C'est bien ce que tu m'as dire de faire ? J'ai réfléchis, c'était un bon conseil. Je pars, j'ai trouvé des mercenaires. Je dois rejoindre leur fourgon avant qu'ils partent." J'hésite, avec soudain la peur d'être en retard "Il est quelle heure ? Et pour une fois, je n'ai pas peur de l'heure à cause du mariage. Je balance d'un ton buté et agressif "j'épouserais personne d'autre que toi"

Sourcils froncés, je secoue la tête. Bordel mais qu'est-ce qu'il raconte ? Slavo je t'ai rien donné... Est-ce qu'il m'a confondue avec une autre, une qui me ressemblait peut-être ? Est-ce qu'il m'a hallucinée ? L'idée commence tout juste à m'effleurer... Je ne m'agace pas, alors que je devrais sans doute, mais je suis trop sensible à son mal-être pour me mettre en colère, en tout cas pour le moment. Je fouille ma veste, en tire mon téléphone pour regarder l'heure. Il est huit heures et demi. Je ne comprends pas pourquoi il répète ces mots inlassablement. Je t'ai demandé de partir de chez moi, pas de quitter le pays ! Mon ton est plus sec quand je fais remarquer : Fallait y penser le jour où t'as donné la bague à la mauvaise fille. Ou même avant ça, quand il a tenu à continuer les rendez-vous organisés par sa famille au lieu de rester avec moi. On n'a jamais eu l'occasion de construire quoi que ce soit de réel ensemble. Il n'est pas le seul fautif, les choses auraient peut-être été différentes si je n'avais pas voulu qu'on reste cachés... Je crois que je voulais surtout être sûre que c'était sérieux, et aujourd'hui encore j'ai l'impression de m'être trompée. Allez, ressaisis-toi, tout le monde t'attend chez Jelenko.

"Oh ! Pourquoi tu t'énerves ?" Non mais c'est vrai quoi, les hallucinations ne devraient pas avoir le droit de vous engueuler, la moindre des choses c'est que le produit de votre imagination fasse ce dont vous rêvez en secret ! Je commence à secouer la tête avant de renoncer parce que ça fait mal "Tu m'écoutes pas ! Je ne vais pas chez mon père. Je vais pas me marier. Je pars au Pérou ! ou bien en Afrique... je sais plus..." Je hausse les épaules et je tente de ramasser mon sac et j'y parviens seulement du deuxième coup ! Je titube deux pas, soupire, me tourne vers ma belle hallucination "bon tu viens ? " Je lui adresse un grand sourire charmeur (enfin je crois) en ajoutant "Je te donnerais une bague" Si ça lui fait plaisir, moi ça me va !

Pourquoi je m'énerve ? Excellente question. J'inspire longuement, pour ne pas lui répondre parce que la liste serait terriblement longue et que vu son état, ça ne mènerait absolument nulle part. Au Pérou ? Ok, ça devient vraiment difficile de ne pas s'énerver, hein, sérieusement, je fais de mon mieux pour rester calme et raisonnable, mais là il mérite juste des baffes histoire de le réveiller un peu. Donc ses options, c'est soit se marier, soit partir au Pérou, génial, merveilleux. Et après il prétend que ç'a à voir avec moi ! Il continue d'avancer, Dieu seul sait vers où d'ailleurs, et j'attrape son bras de nouveau. Slavenko, arrête de dire n'importe quoi, on va pas partir avec des mercenaires en Afrique. Je soupire, ramasse son sac toujours au sol, il comptait partir sans ? Viens, je te ramène chez toi. T'as besoin de décuver, là. Je ne suis pas du tout sûre qu'il soit en mesure de se rendre à l'Eglise.

"Non, je te dis que j'y vais pas !" Genre, chez moi ?! Ils vont m'y attendre, pas question ! J'ai envie de changer d'horizon et surtout j'ai pas envie d'épouser la mégère. Je grimace et secoue la tête. Je me rends compte que Ninallucination porte mon sac, je croyais l'avoir ramassé... Je dévisage la jeune femme qui me fait face. Elle est toujours aussi belle et je lui souris d'un air intéressé. Je m'approche d'un pas, le regard éclairé d'un espoir, un demi-sourire aux lèvres "J'te suis si on va chez toi..." Je tends la main pour la saisir mais je la rate. Une autre voiture arrive sur le parking, la Mercedes bien connu de mon oncle. En sortent Mirko qui a l'air en colère, et Camenko qui a l'air effaré. Mon père n'est pas là. La phrase me trotte dans ma tête Jelenko l'aurait pas permis de quoi on parlait déjà ? J'ai la brusque sensation d'une sueur froide qui me ramène dans le monde réel. En reculant de deux pas, je gronde comme l'animal aux abois que je suis "Non"

Mirko avance, la fureur froide dans le regard, mon oncle explose rarement, il est juste dangereux. Camenko a juste l'air paumé. "Bon je savais que tu le trouverais. Svenko, grimpe dans la voiture ! " Je jette un regard peiné et d'homme trahi à Nina, c'est elle qui m'a vendu ?! Elle me hait déjà tant que ça ?

Je dois être foutrement faible parce que je ne peux m'empêcher de sourire, amusée et franchement presque attendrie par ses protestations boudeuses comme celles d'un enfant capricieux. Je vois bien à sa façon d'approcher les idées qui lui passent par la tête, mais le désir est très loin de mes préoccupations à cet instant précis. En revanche pour faire fondre ma colère, ça fonctionne plutôt bien. D'accord, je te laisse décuver chez moi si tu veux... Je ne lui promets rien de plus, prends seulement une voix douce parce que je crois qu'il faut que je m'adresse à lui comme à un enfant, sur ce coup-là. J'ai toujours dit qu'il était complètement immature dans ses réactions, la drogue ne fait que révéler ce trait de caractère chez lui !

Je lui tends la main dans un geste de paix quand j'entends la voiture arriver, et je fronce les sourcils. Comment diable nous ont-ils trouvé ? Est-ce qu'ils ont seulement traqué son téléphone comme je l'ai fait ? Ou bien est-ce qu'ils m'ont suivie ? L'idée me traverse parce que Mirko en est parfaitement capable, ça ne fait absolument aucun doute. Le poids lourd du sac d'armes dans ma main me rassurant, je me place entre Slavenko et son oncle, le slave n'étant de toute évidence pas vraiment en état de se défendre lui-même. Je tente une diversion, ne désespérant pas de pouvoir échapper à Mirko sans l'affronter frontalement. J'approche donc, parlant bas pour que Slavenko ne m'entende pas. Il te suivra pas, il est complètement défoncé. Laisse-moi le ramener, je le colle sous l'eau froide et je vous l'emmène.

Le regard de Mirko flamboie intérieurement et mon attitude à moi se fait encore plus butée. A la proposition de Nina, il va répondre mais Camenko lui coupe la parole. "Laisse faire mon oncle, tu vois bien qu'il est déchiré. Il faut qu'il cuve, il tient même pas debout. Elle peut le remettre sur pied en une heure..." Mon oncle consulte sa montre, réfléchit avant de lancer un long regard à Nina, plein d'avertissements "Très bien, ramène-le dès qu'il est capable de dire oui, je pense pouvoir négocier une heure de délai en prétextant un enterrement de vie de façon trop arrosé. Camenko, tu restes avec eux." "Mais..." Mon demi-frère n'a pas l'air jouasse de devoir tenir la chandelle mais il n'ose pas discuter ouvertement l'ordre.

Mon oncle s'en va, ennuyé sans doute mais alors je m'en branle complètement. J'ai juste un grand sourire ravi parce que je crois juste qu'il est parti pour de bon. Je viens enlacer Nina qui n'est finalement surement pas une hallucination sinon je passerait à travers comme avec les fantômes. Je pose mon menton sur son épaule en me faisant tout câlin et en ronronnant "embrasse-moi" J'ignore complètement mon frère qui a un geste d'exaspération en levant les yeux au ciel et en jurant. "on n'est pas dans la merde !"

Je suis sincèrement convaincue que sans l'intervention de Camenko, son oncle m'aurait seulement envoyée me faire foutre. Je ne cille pas devant les avertissements de Mirko, et ne promets rien, en me contentant de hocher la tête jusqu'à ce qu'il s'en aille. Je suis déjà un peu moins sous tension une fois Mirko hors du tableau, et je peux enfin me tourner à nouveau vers Slavenko. Il se coule dans mes bras, et je soupire en posant machinalement un baiser sur sa tempe. Je sais, c'est pas exactement ce qu'il attendait, mais c'est tout ce dont je suis capable à cet instant. Je sais pas ce que t'as pris, mais putain c'est sacrément fort. Je glisse tout doucement une main dans ses cheveux pour tenter de l'apaiser, et lève les yeux vers Camenko. Il faut vraiment qu'il décuve, tu sais où on peut aller ?

Je n'ai pas nécessairement l'intention de l'emmener à l’Église, mais je ne vais pas non plus le faire sortir du pays tant qu'il est dans cet état. Il ne veut plus se marier mais il a eu des semaines pour se décider et c'est maintenant qu'il se réveille. J'ai besoin d'être sûre que ce n'est pas uniquement la drogue qu'il parle, et qu'il ne regrettera pas une fois sobre. Je tends les mains vers les Drazavic. Vos téléphones, tous les deux. En attendant de savoir ce qu'on fait, je ne veux pas que Mirko puisse nous retrouver encore une fois. Camenko tire la tronche mais eh, c'est moi qui tient le sac d'armes alors il me file son téléphone, et je me charge de bousiller nos cartes SIM sans considération. Cam, steuplait, trouve-nous un endroit sûr où on pourra le faire décuver.

Le truc que j'ai pris. En arrivant sans doute de l'ecsta, puis de l'alcool, puis le truc que l'autre Nina m'a donné. Si on a plusieurs Nina, j'vous jure que ça va être compliqué à suivre mais je souris, content parce que mon oncle s'en va et que la seconde Nina - ou la troisième, je sais plus - m'embrasse sur la tempe. Si j'étais lucide j'identifierais surement la dope comme du LSD ou un hallucinogène de ce genre. Je me sens bien en fait. très...hight level, détaché de mes problèmes qui ont miraculeusement une solution : n'en faire qu'à ma tête. Je suis même plutôt docile à présent, obéissant à Nin3 en lui donnant mon téléphone tandis que mon frère couine.

"Et comment veux-tu que je fasse sans téléphone ?" râle Camenko de ce ton de gamin insolent qu'il peut avoir. "Bon attends, laisse-moi réfléchir une seconde. Tu as une caisse ? ... Ok, je connais une planque dans la montagne à une bonne demi-heure d'ici. Donne moi les clefs, je conduis pendant que tu t'occupes de lui"

La seule question que je me pose réellement à cet instant précis, c'est de savoir si Camenko est, ou non, digne de confiance. Je sais qu'il aime son frère, mais je sais aussi que Mirko est plus ou moins celui qui l'a élevé et qu'il lui est extrêmement loyal. Je me rassure en songeant qu'il n'a de toute façon plus de moyen de le contacter pour le moment. Alors je lui file les clés de la bagnole tout en lui rappelant, parce que j'ai toujours en travers de la gorge le fait d'avoir été menacée par son oncle, vous voyez ? Ok, j'te laisse conduire. Rappelle-toi juste que c'est moi qui suis armée, du coup j'te déconseille quand même de nous emmener n'importe où. Je m'entends plutôt bien avec Cam, on a souvent bossé ensemble, il est sympa... Mais j'hésiterais pas à lui tirer dessus. Bon, Slavenko m'en voudrait à vie, mais c'est un autre problème.

On remonte tous en bagnole, j'ose espérer qu'ils n'ont pas foutu de traceur sur la caisse mais j'en doute fort, et je monte à l'arrière pour veiller sur Slavenko, qui semble plutôt ravi de la situation. Je me cale contre la portière et l'attire contre moi comme le môme câlin qu'il est en cet instant. Tout en caressant machinalement son bras, je réfléchis à une solution, à la suite... Je suis prête à le ramener à l'Eglise une fois qu'il sera redescendu s'il n'est plus sûr de vouloir se tirer. En revanche, si ce n'est pas le cas, je sais déjà qu'on va devoir quitter le pays. Je réfléchis mentalement à nos options, mes connaissances qui ne soient pas en contact avec les Tigrovi. Arrête-toi dans une station service sur la route. Il y en a une pas très loin et j'y achète un téléphone jetable avec une carte SIM de rechange, je ne pourrais joindre personne sans mobile ! J'en prends un aussi pour Slavenko, mais pas pour Cam, j'ai pas 100% confiance figurez-vous. J'achète une bouteille d'eau fraîche aussi, que je ramène au slave dans la bagnole quand on reprend la route.

Camenko fait une moue explicite et d'un hochement de tête fait signe qu'il a bien saisi. Son visage se fait plus neutre, perdant l'agacement et l'amusement qui le titillaient depuis le départ de Mirko. Il n'est pas stupide, il comprend vite l'enjeu à voir Nina s'occuper de tout. Bien sur lui aussi est armé, mais il n'a pas envie de se confronter de cette façon à Nina et encore moins avec son frère défoncé au milieu. En tout cas, cela ne lui apparait pas comme nécessaire maintenant "C'est un chalet paumé à Jasik" Une demi-heure pour y aller, s'il faut revenir à Sarajevo, ce sera plus que l'heure octroyée par Mirko et il n'a pour l'heure aucun moyen de le prévenir.

Dans la voiture, je me vautre sur Nina, la tête collée contre elle. Je commence une redescente désagréable ponctuée de vagues de nausées et surtout de sueurs froides qui me glacent jusqu'aux os. J'ai froid et je cherche avant tout sa chaleur et ses câlins. Je ferme les yeux en me laissant bercer jusqu'à ce qu'une bouteille d'eau apparaisse sous mon nez. Ma notion du temps est complètement déformée mais je commence à en prendre conscience même si j'ai toujours du mal à distinguer la réalité de mon univers actuel. Je réalise que je crève de soif et j'avale une bonne partie de la bouteille. Je rends ensuite la bouteille à Nina et je coince mes mains entre mes genoux pour les empêcher de trembler. Je me tiens coi. Je ne sais plus ce que je fais dans cette voiture. Est-ce qu'on va au Pérou ? Il était question de ça je crois bien... J'interroge Nina du regard, dans un appel muet désemparé.

​Je sais très bien que Slavenko sera, de toute façon, en retard pour le mariage, et moi aussi ça me fait franchement flipper parce que tout va finir par me retomber sur la gueule, je le sais pertinemment. On m'accusera d'avoir tenté de l'empêcher de se marier, et avec la chance que j'ai, Mirko me butera quand même. Dans la voiture, je cogite grave, un peu désemparée face à la situation qui m'a complètement échappé, je dois bien l'admettre. Je garde Slavenko contre moi, caresse doucement sa peau pour tenter de le réconforter tandis qu'il tremble, en pleine redescente. Le voir comme ça me peine, même si je devrais me dire qu'il l'a bien mérité. Je me sens responsable parce que j'aurais probablement du lui mentir, le garder chez moi, faire semblant que tout allait bien et le laisser aller se marier tranquillement. A dire vrai quand je l'ai renvoyé, je pensais sincèrement que c'est ce qu'il ferait.

Le trajet se fait dans un silence religieux mais le temps qu'on arrive au chalet, Camenko a du s'arrêter sur la route pour que son frère puisse vomir. Je laisse à Cam le soin d'ouvrir la porte et moi, je sers de soutien au slave pour l'aider à sortir de la voiture, puis à entrer dans le chalet. Il y fait un froid polaire, forcément, et je grimace d'inconfort. Je referme derrière nous, cherche machinalement la salle de bain parce que là, tout de suite, il a besoin d'une douche. Je lance à Cam : Regarde voir si y a quelque chose dans les placards... Des conserves ou j'sais pas, p't'être du café...? Je lève le nez vers Slavenko, blême, mais qui semble plus lucide malgré tout. Tu viens avec moi...? On va prendre une douche, mh ?

Les routes sineuses de montagne me font gerber et c'est pas terrible. je bien content d'arriver, même si je commence un peu trop à récupérer ma lucidité à mon goût. C'est le moment où j'aurais envie de reprendre quelque chose, ou de boire, quitte à le gerber ensuite, mais personne ne m'en laisse le loisir et j'ai beau fouiller dans mes poches de mes doigts gourds, je trouve rien. C'était Nin2 qui m'avait filé ce super psychotrope de ouf.

Le froid n'est pas pire qu'avant, je suis de toute façon gelé, et je vois Camenko disparaître vers une pièce, j'imagine la cuisine. Je hoche la tête à la question de Nina, je me suis un peu vomi dessus et en plus ce "fumet" aigre, je pue la clope, la fumée, la sueur le tout accumulé à mes cheveux qui pendent salement sur mon visage. dans la salle de bain, je dois m'appuyer au mur un instant. Je pose les mains à plat avant de constater que je vais pas y arriver. Je demande à Nina - mes premiers mots lucides depuis plusieurs heures même s'ils sont prononcés d'une voie basse et rauque. "Tu peux m'ôter mes grolles ?" Parce que clairement, si je me penche, je gerbe encore et je vais pas m'en sortir. Je m'excuse d'une grimace de faire mon boulet, franchement je suis conscient qu'elle avait pas besoin de ça !