À défaut de vivre on peut mourir ensemble - Slavina

C'est de l'interrogatoire à la vieille école. A coups de poings, de baffes, alors je gère pas trop mal. En tout cas assez pour ne pas cracher les bonnes réponses. Je me tais, souvent, insulte, beaucoup, donne des fausses réponses, de temps en temps. Et je perds la notion du temps. Mon cerveau mouline en arrière plan pour comprendre ce qu'ils me veulent parce qu'au départ je ne comprends pas du tout la nature des question. Ils sont jeunes, très jeunes pour des mafieux et enflammés, et peu à peu je commence à comprendre. Ce n'est pas du tout une mafia croate, mais un groupuscule d'étudiants d'extrême gauche, je ne suis même pas sur que le second soit vraiment croate, peut-être est-ce un groupe mixte ? Mon insulte sur la présence de politiques croates à la fête nationale serbe avait du faire plus mal que je ne le pensais. Pour autant, je ne les prends pas pour des novices ou des enfants de chœur. Ils sont armés et n'hésitent à cogner et menacer. Des activistes extrémistes. C'est encore plus dangereux qu'une mafia, ils sont des idéaux et des convictions qui en plus sont à l'opposé des miennes.

Je comprends aussi qu'ils pensent que les Tigrovi sont impliqués dans la disparition de Davor Dragičević, la terreur de la SNSD. Franchement, on aurait bien aimé. On a essayé de le chopper mais ce bâtard se cache. Il a même publié un message sur Facebook récemment ! Mais eux n'y croient pas. Ils le pensent prisonnier. A l'ironie de la situation. , j'ai un rire qui finit dans un gargouillis de sang que je crache sur le béton froid. Au loin un coup de feu retentit, et mon cœur s'accélère, je pense au pire. Mais l'un des jeunes sort et revient très vite en gueulant, à la fois paniqué et excité, mauvais mélange. Ils me prennent en otage pour tenter de sortir vivant de la nasse qui s'est refermée sur eux. Je surveille le moment où je pourrais tenter ma chance.

​Camenko ne me répond pas, ce qui est forcément très mauvais signe, et fait seulement signe aux gars qui arrivent dans son dos de tracer pendant qu'il entre dans la pièce. T'es blessée ? Je secoue la tête pendant qu'il tranche les liens à mes chevilles et à mes poignets. Je me suis méchamment cogné la tête et c'est peut-être grave, mais en-dehors de ça je me suis seulement écorché les bras en tentant de me libérer, ils n'ont pas eu le temps de me frapper -autrement que pour m'assommer- ou de me tirer dessus. ​Forcément, lorsqu'il avise le sang séché sur mon visage et celui, plus frais, sur mes bras, il a une moue dubitative mais garde ses commentaires pour lui. Je tente de me redresser, les membres endoloris, m'étire un instant pour les réveiller.

Sors par l'avant, la voie est dégagée. J'écarquille les yeux en bondissant sur mes pieds, manquant de me rétamer au passage mais c'est une autre histoire. Quoi ?! Je me tire pas sans lui ! Il a un soupir agacé, c'est bien la première fois que je vois une once d'énervement sur son visage d'ailleurs mais je ne l'ai vu qu'en des occasions festives. Je te demande pas de te barrer, mais d'attendre dehors, Nina, bouge ! Je lui passe devant en lâchant un Non. sec et je boitille hors de la pièce. Au sol devant la porte gît le corps du type qui gardait probablement notre piaule, et je me penche pour ramasser son arme, pas encore vide. Un méchant vertige me prend lorsque je me redresse mais j'essaie de ne rien laisser paraître. Camenko décide sans doute qu'il n'a pas le temps de se battre avec moi et repasse devant pour ouvrir la voie, visiblement très agacé cette fois.

Les Tigrovi sont venus nombreux, et ils ont bien fait si j'en crois la taille de l'endroit où nous sommes et le nombre de corps qui jonchent déjà les couloirs. On progresse rapidement, efficacement, moi seule suis à la traîne évidemment.

A moitié trainé, je peste mentalement parce qu'ils ne semblent pas vouloir me libérer les pieds quand justement l'un d'entre eux en entendant des bruits proches se penche pour couper mes liens de pieds afin que j'aille plus vite. J'ai toujours les bras douloureusement entravés dans le dos mais je peux enfin poser le pied correctement. Je crois enfin savoir où nous nous trouvons, un ancien bâtiment universitaire aujourd'hui désaffecté et que le groupuscule doit squatter. C'est immense et un vrai dédale, ils le connaissent par cœur et moi pas, mais je me fie au bruit des cris, des coups de feu, que je reconnais comme le déploiement des Tigrovi dans le bâtiment.

Je saisis ma chance à un croisement, je frappe brutalement d'un coup de tête en arrière celui qui me tient - un nez craque, un cri de douleur - et me dégageant de sa prise, je me jette à l'abri du mur pour courir dans le couloir perpendiculaire. Le temps que l'autre réagisse, j'ai atteins le bout du couloir et j'entends une balle qui fuse loin de moi. Bras dans le dos, j'ignore la douleur et je fonce vers les bruits de ceux que j'espère être mes compagnons.

L'adrénaline prend le dessus sur la douleur, comme sur l'angoisse, parce que je n'ai qu'une seule idée en tête : retrouver Slavenko. Ce serait certainement plus sage, parce que les Tigrovi n'ont pas besoin de moi, mais sortir du bâtiment sans lui n'est même pas une option envisageable dans mon esprit. Je refuse catégoriquement de m'éloigner, au grand dam de Camenko qui réalise à quel point je suis un boulet quand je me traîne derrière le groupe qu'ils forment. Je vais forcément moins vite qu'eux, dois-je rappeler qu'on a eu un accident de voiture ?, mais je parviens à trottiner malgré tout, et je ferme la marche avec Stanislav. Mon arme ne me sert pas à grand chose, le ménage a été fait derrière nous et s'il y a des ennemis, ils se trouvent devant...

C'est en tout cas ce que je pense jusqu'à ce que de nouveaux coups de feu retentissent dans notre dos. Je pivote juste à temps, vise l'ennemi qui tire en même temps que moi. Je le touche dans l'épaule et sa balle fuse, me touchant au mollet. Je lâche un cri sourd en trébuchant, m'effondre à moitié sur Stanislav qui me réceptionne d'un bras en grondant, mitraillant le tireur de l'autre jusqu'à ce que celui-ci s'effondre. Blême, je me penche sur ma jambe nue, la balle est ressortie mais ça fait quand même un mal de chien et ça saigne pas mal. Voyant que je suis toujours debout malgré la blessure, signe que ce n'est rien de trop grave j'imagine, Camenko gronde, furieux cette fois, dans un serbe que je comprends parfaitement, à Stanislav. Putain emmène-la dehors ! Je proteste, en anglais, trop souffrante pour réfléchir à traduire. Non! Non, je peux marcher ! Ma tronche dit l'inverse mais ça m'est égal. Stan qui ne me comprend sans doute pas mais n'osera plus jamais me toucher contre mon gré s'immobilise face à mon ton querelleur.

J'entends des pas derrière moi qui me pourchassent et un regain d'énergie me fait accélérer sous l'adrénaline qui rushe brutalement. Je me dirige vers les cris et j'aperçois les Tigrovi, armes pointés vers moi. Mon frère est là et je crie en plongeant au sol "derrière moi ! ". Je tombe lourdement et sans grâce sur le coté, parce que j'ai toujours les mains attachées, grognant sous le mon propre poids qui écrase mes côtes. L'homme qui me suivait est abattu dans une salve de balles et Camenko vient me libérer de mes liens. Je relève la tête, du sang coagulé dans les cheveux, le visage marbré de coups dont j'ignore la douleur - bien présente pourtant. Les mains appuyées au sol, les muscles des bras douloureux et qui tremblent, je tousse, la gorge sèche. "faut trouver Nina." Je ne sais pas pourquoi Camenko lève les yeux au ciel mais je suis immensément soulagé quand il répond "Elle est là." Je cligne des yeux en levant la tête tandis que Camenko m'aide à me relever. Sans me soucier des hommes présent, je demande à Nina qui émerge à peine entre les masses sombres des hommes de main du Klan"srce, tu va bien ?"

​J'entends Camenko souffler, et très franchement je pense qu'il est à deux doigts de me soulever de terre pour me jeter par une fenêtre quelconque histoire de me forcer à sortir du bâtiment. C'est dommage, lui qui semblait m'apprécier ! Mais il n'a heureusement pas le temps de le faire, un cri nous parvient de l'autre côté du couloir et je me tourne, tentant d'apercevoir par-dessus les épaules des Tigrovi l'homme qui court vers nous. Mon cœur fait un bond dans ma poitrine lorsque je reconnais Slavenko. Le soulagement est de très courte durée lorsque je vois l'état dans lequel il se trouve, et j'ai un mouvement pour m'élancer vers lui. Stanislav, bien plus prévenant que je ne l'aurais cru, anticipe ce que j'avais complètement oublié, à savoir que ma jambe me lâche, et il me rattrape de justesse avant que je ne me rétame sur le sol. Une grimace de douleur déforme mon visage toujours trop pâle et je tâche d'ignorer le vertige qui me saisit.

Malgré le fait que ma jambe pisse le sang et que je sois très probablement sur le point de tomber dans les pommes -encore- je hoche la tête à la question du slave, le regard brillant un peu trop parce qu'il est blessé, et pas qu'un peu. Mon état n'a plus la moindre importance, pas à mes yeux en tout cas. Je titube, difficilement, jusqu'à lui, avec cette impression atroce que mon cœur pulse dans mon mollet. Je veux m'agenouiller mais je n'y parviens pas, et c'est quand je tends la main que Camenko nous interrompt. On n'a pas le temps, faut qu'on se bouge. Il fait un signe à l'un des gars dans mon dos qui, bien moins timide que Stan, me soulève brusquement du sol. Et même s'il est évident que j'aurais eu du mal à marcher, je proteste, pour la forme : Eh !

Une bouffée de joie me saisit à la vue de Nina, suivie une rage à la voir blessée et d'un accès de jalousie mal placée en voyant Ivan la soulever du sol. Je serais bien incapable de la porter moi-même, mais le constater me fait mal et m'assombrit de fureur qui n'a aucun exutoire possible. Je fait un signe à un camarade en demandant d'un ton brusque "passe-moi ton AK." Je suis un Drazavic, je ne vais pas rester désarmé à me faire dorloter ! Je suis le groupe, collant le train à Ivan et Nina.

Le bâtiment est grand et soit les "étudiants" ont lâché l'affaire, soit on n'emprunte simplement pas les mêmes couloirs. On ressort de la nasse de béton et on s'engouffre dans une des camionnettes Tigrovi, à l'arrière. Je me mets aussitôt près de Nina, l'attire vers moi dans un geste autant protecteur que possessif. J'ai eu peur de la perdre, et l'avoir mise en danger me rappelle trop les jours sombres du Bronx. Ce sera toujours comme ça, je la mettrais toujours en danger rapport à ce que je suis, ce que je fais. Pourtant, j'ai pensé qu'ici à Sarajevo, ce serait moins le cas. Je chuchote, mon front contre sa tempe, ma main enroulée autour d'elle encadrant son visage. "ça va toi ? on va qu QG, le médecin va regarder ta jambe."

​Je n'ai aucune envie d'être portée, encore moins par un autre que Slavenko, mais je sais reconnaître quand j'ai suffisamment fait chier mon monde et là clairement, c'est le cas. On a retrouvé le slave, c'est la seule chose qui compte, alors je prends sur moi et je serre les dents en m'accrochant au cou d'Ivan tandis qu'on regagne l'extérieur. La pression retombe un peu, et plus encore une fois qu'on est enfin sortis du bâtiment, encore plus grand que je ne l'aurais cru. Comme l'adrénaline diminue, la douleur se fait sentir plus fort et je commence à avoir des sueurs froides mais je ne dis rien, prends sur moi parce que de toute façon il n'y a rien à faire. En plus de ça, Slavenko est bleu d'ecchymoses et en comparaison, ma blessure me semble bien dérisoire.

J'ai un lourd soupir de soulagement, de fatigue aussi, quand je me retrouve enfin assise, mais surtout dans les bras de Slavenko. On se niche l'un contre l'autre, de toute façon seuls à l'arrière de la camionnette, faisant fi du conducteur et de l'autre passager. Je pose mon front contre le sien, tends une main tremblante vers lui, la glisse contre sa nuque dans un geste possessif à l'image du sien. Je secoue la tête. C'est rien... Mes doigts glissent dans ses cheveux, une vague de douleur me soulève la poitrine. C'est surtout toi qu'il faut examiner... Je soupire, effleure ses lèvres des miennes en soufflant très bas, par pudeur : Moja duša...​

Je happe ses lèvres, frémissant et troublé tout à la fois, tourmenté d'amour teinté de peur. Je caresse sa joue doucement, avec ce soin méticuleux quand ça touche à son bien-être, sa sécurité aussi. Je souffle à voix basse, gêné par la présence de mon frère et de Stan mais pas assez pour que ça contrebalance la peur que j'ai eu et qui demande à s'exprimer dans la tendresse de l'avoir retrouvée indemne (ou presque) "moj andjeo" J'esquisse un sourireen secouant la tête "je vais bien, ne t'inquiète pas pour moi, c'est rien de grave." Je souris à nouveau en ajoutant ce qu'elle sait déjà que je vais dire "des bobos" Certes, je me suis bien fait casser la gueule, mais rien de sérieux comparé à une balle ! J'ai mal aux muscles, aux abrasions des poignets et des chevilles et au crâne du coup reçu, mais je sais qu'il n'y a pas de traumatisme ou rien de cassé. Ça prendra quelques jours pour se résorber.

Je me penche pour examiner la jambe de Nina, ça suinte encore de sang et j'enlève mon pull pour faire compression sur la blessure. Je demande au chauffeur "On arrive quand ?" "deux minutes, on y est presque." "tu as récupéré mon téléphone Cam ?" "Oui, bien joué d'ailleurs."

Dès qu'on arrive, nous sommes pris en charge par le médecin de garde du QG, Nina et moi nous retrouvons dans l'infirmerie et je dis au Doc "occupe toi d'elle d'abords, je dois faire mon rapport." C'est une excuse pour que Nina accepte de se faire soigner en premier. J'en profite donc pour expliquer à Camenko ce que je sais des hommes qui nous ont agressés.

​Je secoue la tête quand il me demande de ne pas m'inquiéter, il devrait bien savoir pourtant depuis le temps que c'est impossible. ​Je sais bien que ce n'est rien de vital, si c'est là ce qu'il entend, mais ça reste très impressionnant, et malgré ses efforts pour le cacher, je devine que ça doit également être hyper douloureux. En ce qui me concerne je ne vais pas nier que j'ai affreusement mal, mais j'ai surtout eu tellement peur de ne jamais le revoir qu'à ce stade le soulagement prédomine encore. Je commence cela dit à avoir des sueurs froides et je suis ravie d'apprendre qu'on arrive bientôt. Je me penche vers lui, du côté du dossier pour glisser ma bouche près de son oreille et murmurer, aussi bas que possible, d'un ton lourd de promesses qui cache pourtant une inquiétude bien réelle : Je vais m'occuper de toi...

Je ne m'écarte de lui que lorsqu'on arrive, et je ne fais pas la maligne en insistant pour qu'il se fasse examiner, parce que j'ai un besoin urgent d'antidouleurs. Slavenko s'éloigne et je m'en remets au Doc sans broncher. Je crois que j'essaie surtout de faire bonne figure pour ne pas passer pour une mauviette auprès des gars, alors que de toute évidence ils n'en auraient pas grand chose à faire.

Quand Slavenko revient dans l'infirmerie -je ne sais combien de temps plus tard- je somnole à moitié sur le lit, shootée par les médocs mais aussi sonnée par le contrecoup de ce qu'il s'est passé. J'ai eu droit à un simple pansement compressif sur la jambe, exactement comme pour le flanc lorsque les russes m'ont tiré dessus. Décidément, les hommes qui me visent avec une arme à feu ratent toujours leur cible.

​ Je me fais aussi soigner - entre deux discussions Camenko se charge de me faire des points de suture à l'arcade sourcilière et au crâne et j'avale des anti-douleurs. J'ai bien sur croisé mon père qui a été averti et à qui j'ai fait le même rapport qu'à Camenko. Je reviens aussitôt que je peux près de Nina. En la voyant somnoler, j'interroge le médecin mais il m'assure que tout va bien. Je m'empare d'une couverture supplémentaire pour venir la poser sur Nina. Je caresse son front en repoussant ses cheveux en arrière. "Salut toi... Comment tu te sens srce moje, pas trop groggy ?" Je sais que les cachets qu'on lui a donné doivent l'assommer. "On va s'installer dans une chambre, tu veux ? Ce sera plus confortable que l'infirmerie." Je ne veux pas rentrer à l'appartement avant que le ménage soit fait. Un groupe va y passer pour s'assurer que personne ne nous attend, et une autre équipe s'occupe de remonter la piste du groupuscule. Les Tigrovi sont en effervescence.

J’emmitoufle Nina dans la couverture avant de la soulever, me retenant de grimacer quand son corps appuie sur mes hématomes. "Allez accroche-toi mon ange." La porter me console de ne pas avoir pu le faire plus tôt. Je me dirige lentement vers l'escalier et les chambres à l'étage. "On va dormir ici et demain matin on rentrera. Si tu as faim il y a largement de quoi manger srce. Est-ce que tu as envie de quelque chose ?"

​Les yeux mi-clos, je surveille quand même de loin que Slavenko se fait soigner correctement, je sais bien que les Tigrovi ont l'habitude des blessures mais je ne veux pas pour autant que celles de mon mari soient prises à la légère. Oui, souvent quand j'ai peur de le perdre j'oublie qu'on est divorcés. Je rouvre tout à fait les yeux quand il s'approche de moi, et mon regard s'assombrit à la vue de ses hématomes. Je hausse les épaules. Si, un peu... Je ne sais pas si ce sont seulement les cachets mais je lutte contre le sommeil depuis tout à l'heure, je ne voulais pas m'endormir avant de l'avoir vu. Je fronce les sourcils quand je comprends qu'on va dormir ici, et si je ne suis pas en état de protester, j'exige quand même, en bonne princesse que je suis : Une chambre à nous, hein...? Je sais qu'il y a des dortoirs principalement, mais je sais aussi qu'ils ont des chambres individuelles et je tiens à ce qu'on en ait une pour nous. Je n'ai aucune envie, encore moins dans ces circonstances, de partager notre chambre avec dix autres mecs.

J'enroule mes bras autour de son cou quand il me soulève et fais tout de même remarquer : Je suis pas sûre que tu devrais me porter, Slavo... Dans son état, il devrait se reposer au moins autant que moi. Je niche mon visage quelque part dans le creux de son épaule en secouant la tête, parce que je sais déjà qu'il ne me reposera pas au sol de toute façon. Non, j'ai pas faim. J'embrasse un coin de peau au hasard. Comment tu te sens...?

Son air de princesse exigeante me fait sourire. ​"Bien sur une chambre à nous mon ange ! Tu me prends pour qui humm ?" Je ne devrais sans doute pas la porter, mais je le fais quand même avec cette phrase farouche "c'est à moi de te porter. t'es ma femme." Moi non plus je ne pense pas au divorce, Nina est et restera ma femme, j'ai beau souffrir le matyre de ce divorce (et de mes côtes, ha ha) je n'en démords pas qu'elle reste ma femme, très ambivalent sur le sujet moi aussi. Je n'ai pas digéré que ce ne soit pas moi qui la sorte de l'immeuble, c'est très bête mais c'est comme ça. Alors c'est moi qui l'emporte à pas lent dans les escaliers, puis la chambre, et je tâche de ne pas flancher parce que ce ne serait pas très viril et qu'en plus elle s'inquiéterait ! "Je me sens très bien, je t'ai dit de pas t'inquiéter." Peine perdue bien sur !

Je la dépose doucement sur le lit, avec attention pour ne pas heurter son mollet blessé. Je me penche jusqu'à venir embrasser sa bouche chaude et douce, à la moue de princesse. "Tu n'as pas froid srce ? Je peux mettre le chauffage en plus..." Mon regard reflète mon inquiétude. Elle aurait toutes les raisons de m'en vouloir et je crains qu'une fois qu'elle ne recouvre ses esprits elle ne m'en veuille et décide de se mettre en sécurité loin de moi. C'est cette peur qui me ronge à présent bien plus que la douleur ou l'inconfort des contusions.

​Je me serre contre lui dans un câlin-récompense parce qu'il va nous trouver une chambre rien que pour nous, et que j'en suis soulagée. Pour être tout à fait honnête, je suis rassurée de passer la nuit ici... Je ne sais pas du tout quelle heure il est, mais je sais que j'aurais angoissé de rentrer directement à l'appartement. Je suis encore trop stone pour bien le réaliser, mais j'ai quand même été secouée par le combo course poursuite - accident de voiture - balle en pleine jambe. Je ne m'offusque pas qu'il parle de moi comme étant sa femme, bien au contraire j'en ressens toujours cette satisfaction complètement ridicule puisque nous ne sommes plus mariés. Mais je perçois la pointe de jalousie dans sa voix et je le rassure d'un baiser sur sa gorge. Bien-sûr que c'est à toi de me porter, moja duša, je suis à toi. Mais j'étais cela dit reconnaissante qu'Ivan s'en charge parce que je n'aurais pas pu marcher jusqu'à la camionnette sans son aide... Ou très lentement.

Le lit m'accueille, moins inconfortable que je ne l'aurais cru, et je hoche la tête. Je veux bien pour le chauffage... S'il te plaît. J'ai froid, j'ai toujours froid c'est vrai, mais à cet instant plus encore que d'ordinaire. Je ne sais pas si c'est le contrecoup du choc ou bien le fait que les chambres ne sont pas particulièrement chauffées... Je m'allonge sur le flanc, de sorte que mon mollet blessé soit vers le haut et ne me fasse pas mal... Ou pas trop. Moi aussi je m'inquiète furieusement, mais pour des raisons différentes. Je me demande ce qu'ils lui ont fait tout le temps qu'il est parti. Je me redresse sur un bras, fronce les sourcils et souffle : J'ai eu tellement peur quand ils t'ont emmené...​

Je m'acquitte de ma tâche de faire au mieux pour que Nina soit bien. J'allume le chauffage, je mets la lampe de chevet pour une lumière tamisée, et je surélève son membre blessé comme c'est conseillé. Je lui ôte ses chaussures avant de péniblement ôter les miennes. Je viens m'allonger près de Nina. Je me couche sur le flanc pour lui faire face, un bras ramené au dessus de son corps. Mon regard s'adoucit sur elle avant que je ne réponde à sa question - est-ce une question ? "Je savais qu'il fallait juste que je tienne pour qu'on nous trouve. Que les Tigrovi tarderaient pas. Moi c'est pour toi que j'ai eu peur." Je bouge mon bras, le soulève et mes doigts viennent effleurer son visage, en explore le contour. "c'est pas ton monde, je suis désolé mon ange, je nous pensais à l'abri..." C'est la première fois que ça m'arrive ce genre de trucs. Il ne m'arrive rien en dehors des missions normalement, il faut dire aussi qu'avant de retrouver Nina, je vivais 90% du temps au QG, je passais 90% du temps avec des Tigrovi. On n'attaque pas une meute, et quand bien même, celle-ci sait se défendre.

Je soupire doucement, viens bécoter son nez, sa bouche, ses joues, avec tendresse et douceur. "Je devais t'ignorer, tu le sais ? Pour ne pas qu'ils croient que tu es importante, pour ne pas qu'ils te torturent à ma place." S'ils avaient su qu'ils suffisaient de la menacer pour que je balance tout, on aurait été mal !

Les sourcils froncés, je le suis du regard pendant qu'il ôte mes escarpins, à la fois désolée qu'il ait à s'occuper de moi vu son état, et en même temps touchée qu'il le fasse. La tenue que je porte encore n'est pas la plus confortable qui soit pour dormir, loin de là. Avec mon chemisier à moitié ouvert et ma jupe de tailleur trop moulante, j'ai l'air d'avoir tourné un mauvais porno. Puisqu'on a une chambre à nous je peux me déshabiller tu crois...? Te piquer un tee-shirt ? Je ne m'en fais pas pour lui, je sais qu'il a des vêtements de rechange ici. Ce n'est pas mon cas et je n'arriverais pas à dormir dans cette tenue... Déjà que je risque d'avoir du mal à bien dormir tout court. Je ne crois pas qu'ils aient fait autre chose que le cogner, il n'a pas l'air honteux ou traumatisé... Et même si les bleus sur sa peau m'horrifient, je suis soulagée qu'ils se soient contenté de ça.

Ma peau frémit imperceptiblement au passage de ses doigts et je fronce les sourcils en secouant la tête. Bien-sûr que c'est mon monde... Tu es ma famille, si c'est ton monde, c'est aussi le mien. J'étais déjà consciente du danger lorsqu'on vivait dans le Bronx, c'est toujours le cas aujourd'hui. Je sais pertinemment qu'un jour, quelqu'un pourrait m'utiliser pour l'atteindre. C'est un risque que je suis prête à prendre. Son aveu me fait froncer les sourcils une fois de plus et je secoue la tête. J'ai pas réfléchi à ça... J'ai cru que tu étais seulement passé en mode militaire... Cet état d'esprit qui le transforme et qui fait que souvent, je ne le reconnais pas. De la même façon que j'ai découvert une autre facette de Camenko, ce qui me fait penser à autre chose. Tu as parlé à ton frère...? Je crois que j'ai perdu mon seul allié chez les Drazavic. J'avoue dans une grimace d'excuse.

Je n'arrive pas à me faire à l'idée qu'elle soit en danger. Je sais bien qu'elle même n'est pas une enfant de chœur, mais le principe même d'être cambrioleuse, c'est de faire ça tout en discrétion pour ne rien risqué. Moi, mon boulot c'est d'être le bulldozer. "heu...oui ça aussi sans doute." Je fronce les sourcils moi aussi, ayant du mal à faire la part des choses dans mon attitude. "Cam ? bien sur que je lui ai parlé..." On a échangé nos infos et nous avons fait notre rapport à nos supérieurs dont notre père. "est-ce qu'il t'a dit quelque chose ?" je suis troublé parce que Cam ne m'a rien dit de particulier.

"Attends, je vais aller te chercher un tee-shirt, on en parle après, ok ? J'ai des affaires dans le vestiaire. Tu bouges pas mon ange." Phrase bien inutile puisqu'elle devrait clopiner sur un pied, mais ma têtue de femme en est capable. Je me relève difficilement, mes muscles se sont refroidis et je commence à morfler malgré les antalgiques. Ce sera pire demain. Je descends donc au vestiaire, péniblement, croise deux ou trois Tigrovi qui veulent m'inviter à boire un verre mais je décline. Puis muni d'affaires propres et d'une bouteille de coca pêchée dans le frigo, je remonte dans la chambre. Je pose le coca sur la table de nuit et je viens aider Nina à se déshabiller. Il y a tâche plus désagréable me dis-je en défaisant les boutons de son chemisier pour la seconde fois de la soirée. Je me penche pour embrasser le cou de Nina quand je reviens sur la question épineuse "Qu'est-ce qui s'est passé avec mon frère ? Il y a eu un problème ?"

​Je secoue la tête, parce que non, Camenko ne m'a rien dit de particulier finalement, à mon grand étonnement d'ailleurs parce qu'à sa place je crois que j'aurais perdu mes moyens plus d'une fois. Je bouge pas. Comme il s'éloigne, je réfléchis à ce qu'il s'est passé, et au fait que j'ai très certainement eu tort de m'entêter et de les suivre malgré tout. Si j'étais sortie dès qu'il m'a trouvée, comme il m'avait demandé de le faire, je n'aurais pas été blessée. Pourtant je ne regrette rien, parce que même si j'ai été absolument inutile, j'étais là. J'aurais eu l'impression d'abandonner Slavenko en partant et ce n'était pas possible.

​Quand il remonte dans la chambre, je me suis assise sur le lit, et mon regard s'éclaire à le voir, simplement parce qu'il est là et que la même bouffée d'amour douloureuse me soulève la poitrine chaque fois que mon regard croise le sien. C'est encore plus vrai aujourd'hui que j'ai eu peur de le perdre. Un sourire à la fois amusé et attendri étire mes lippes quand il entreprend de défaire mon chemisier alors que je serais parfaitement capable de le faire moi-même... Mais le contact de ses doigts sur ma peau est trop agréable pour que je le repousse, aussi je me laisse faire, savourant la sensation exquise. Je secoue doucement la tête à sa question. Pas un problème, non. Je hausse les épaules, esquisse une moue d'excuse. Disons qu'il a découvert que je n'étais pas la femme la plus obéissante qui soit... Et je pense que si je n'avais pas été ta femme, il m'aurait assommée pour me faire taire et me traîner dehors.​​

Le ta femme me fait vibrer de bonheur, le regard éclairé d'amour. J'ai un léger rire en imaginant très bien la scène de ma femme bornée tenant tête à mon pauvre frère dépassé par la chose. "Ah ? Il devait bien se douter que tu étais comme ça..." Au vu de mes confidences, il devait déjà se douter que Nina était différente et rebelle. C'est pour ça que je l'aime. Je grogne avec amusement "je crois que je vais lui donner l'autorisation de t'assommer. tu aurais du te mettre à l'abri, zlato moje" Rien ne compte plus que sa sécurité et je suis affreusement désolé de sa blessure au mollet. Je fais glisser lentement la jupe serrée le long de ses cuisses à la peau de soie. Je l'effleure, le désir au creux du ventre à la vue de son corps parfait. Je prends soin de ne pas lui faire mal en ôtant le vêtement et une fois que c'est fait, je lui donne le tee-shirt à manches longues que j'ai dégoté pour elle.

De mon coté, j'enlève mon treillis et mon pull pour me coucher en caleçon et tee-shirt à nouveau face à Nina. Je rabats les couvertures sur nous mais je laisse la lampe de chevet allumée. Je me colle au plus près de Nina, ma chaleur la réchauffant, comme toujours j'irradie. Je glisse une main sous son tee-shirt, sur ses fesses, ma paume reposant sur la chair et le tissu fin de sa culotte. Comme toujours frôler la mort me donne envie de baiser mais je me tiens sage parce que Nina est blessée. Je me contente de sa présence, son odeur, de l'avoir entre mes bras alors que j'aurais pu la perdre. Je ronronne à son oreille "ti si moja zena, moja porodica, volim te src moje"

Je fronce les sourcils face à son amusement, si je ne regrette rien, j'espère quand même ne pas avoir réellement attisé la colère de son frère. Je sais que dans ce genre de situations, ça n'a absolument rien de drôle. S'en douter ? Pourquoi ? Tu t'es déjà plaint de mon indocilité, moja dusa ? Une lueur mutine fait briller mon regard. Je me demande jusqu'à quel point il se confie à Camenko. Sur nos disputes, nos différends, notre vie à deux... Je me confie finalement assez peu, surtout depuis que je suis venue habiter ici puisque mes amis proches sont restés à New-York. Seul Dimitri a réellement droit à mes confidences. Et puis bien sûr Slavenko, dans une certaine mesure. Je secoue doucement la tête. Tu sais que tu n'as pas ce pouvoir, pas vrai ? Donner aux gens le droit de m'assommer. Et ça n'a rien à voir avec le fait qu'on ne soit plus mariés. Je serais pas sortie sans toi... Je pouvais pas t'abandonner. J'avoue autre chose, gênée cette fois. J'ai déjà eu le sentiment de t'abandonner en les laissant t'emmener... Lui ne l'aurait pas fait, j'en suis sûre, il aurait trouvé un moyen de me protéger. Et je m'en veux à mort de n'avoir rien fait.

J'enfile le tee-shirt qu'il me passe après m'avoir déshabillée et je m'allonge ensuite pour l'observer pendant qu'il ôte ses vêtements à son tour. La vue de son corps marbré d'ecchymoses me fait frémir d'effroi. Sa main glisse sur ma peau quand il me rejoint et un frisson de désir me hérisse l'échine. Je passe le bout de mes doigts sur son visage, la tristesse au fond du regard. Je suis tellement désolée qu'ils t'aient blessé, mon amour... Je tremble contre lui, le cœur soulevé de douleur et d'amour à la fois quand il répète que je suis sa femme, sa famille. De ma main libre, je cherche la sienne pour nouer nos doigts. Mon front se pose sur le sien, nos regards se happent et je viens cueillir sa bouche avec langueur, lentement. Tout contre ses lèvres je murmure : On se remariera un jour, Slavenko...?

Mon regard se plisse d'amusement, une nouvelle fois. "Je ne me plains jamais de toi, moj andjeo" J'ai parlé d'elle, parfois, assez rarement finalement, du manque d'elle, de mon refus aussi d'épouser une gentille petite serbe et de fonder une famille, de mon absence de rêves aussi. C'est arrivé certains soirs calmes et fortement alcoolisés, quand Camenko et moi avions sans doute tous les deux besoin d'évacuer la pression familiale. Je sais bien qu'il subit la même que moi -peut-être moins forte parce qu'il est le cadet, et aux yeux de certains, le fils illégitime même si mon père lui a donné son nom - et que lui aussi voudrait être libre de ses choix. Il est plus rusé que moi, mon frère, sait mieux jouer le jeu de la duplicité, c'est Mirko qui lui a tout appris tandis que je tiens de mon père. "Ah bon ? Je n'ai pas le droit ?" Je ris tout bas, je sais bien qu'elle m'en voudrait à mort, mais si un jour ça lui sauve la vie, je n’hésiterais pas à aller contre sa volonté, parce qu'elle seule compte.

Je proteste doucement sans élever la voix "Tu ne m'abandonnes pas srce. Tu te mets à l'abri. J'ai besoin de savoir que tu es en sécurité. Et puis, c'était mon problème, ça concernait les Tigrovi... on a eu de la chance lors de l'accident de voiture." je soupire "on va pouvoir changer de caisse, elle est foutue"

"c'est rien mon ange, des bobos j'te dis, rien de grave et c'est ça aussi mon taf..." Je n'ai pas comme Camenko un rôle de stratège, je fais partie des premières lignes, des "tanks", c'est mon boulot. Son baiser langoureux hérisse ma peau, érige ma queue dans le carcan de tissu contre son ventre. Et au milieu du désir qui flotte entre nous, sa question me fait un drôle d'effet, me tourmente plus qu'elle ne me fait plaisir. Je déteste les situations bancales, mal réglées. Je ne veux pas être l'éternel fiancé et je commence tout juste à me faire une raison sur notre situation matrimoniale. Je n'ai pas envie de me projeter pour vivre d'un espoir illusoire qui mourra à chaque dispute, renaitra à chaque réconciliation. Je botte en touche avec un sourire en coin "je ne sais srce, quand tu me demanderas en mariage, peut-être ?"

Étrangement moi non plus, je ne me suis pas beaucoup plaint de lui. Quand il est parti j'étais dévastée, je pleurais son départ, son abandon, son absence. Je n'avais pas le temps de me plaindre, j'étais trop blessée pour ça. Et puis tous les autres dans mon entourage étaient déjà suffisamment occupés à se plaindre de lui à ma place. Moi j'ai longuement vécu dans le déni, dans un monde imaginaire fait d'héroïne, où j'oscillais constamment entre trips trop hauts durant lesquels je répétais qu'il allait revenir, et gouffres de désespoir qui me plongeaient en overdose. Et à cause de ces moments-là, il y a toujours une partie de moi qui est à présent persuadée que son rôle n'est plus de me protéger. C'est pour ça qu'en le voyant si distant dans cette chambre j'ai pensé assez facilement qu'il pourrait me sacrifier au profit des Tigrovi. Ça ne me semble pas insensé. Il m'aime et me protège... Seulement tant que ça ne contredit pas les objectifs et aspirations du Klan. Mes blessures ne se pansent pas, jamais, il y a toujours une partie de moi qui est surprise lorsqu'il rentre chez nous le soir. Mais au moins maintenant que nous ne sommes plus mariés, je suis plus sereine. Je me dis qu'il ne me doit plus rien, qu'il peut m'abandonner sans contraintes, que je me sentirais sans doute moins trahie. Non, pas le droit. Il n'a plus de droits, mais plus de devoirs non plus puisque c'est ce qui le pesait au point qu'il se sente obligé de fuir. Ma survie n'est plus de sa responsabilité.

J'accueille sa réponse sans tristesse, simplement déçue de ne toujours pas savoir où l'on va, ce que l'on est. Je réalise avec le temps que j'ai tué toute possibilité d'avenir pour nous en demandant le divorce. Je voulais repartir sur des bases saines, me sortir de ce mensonge douloureux qu'était notre mariage, mais je pensais en le faisant qu'on construirait autre chose. Qu'on repartirait à zéro. Seulement depuis que nous sommes divorcés, il ne parle plus d'acheter une maison à Pâle, il ne parle plus de projets pour nous, il n'est même plus question de partir en voyage ensemble. Je suis vouée à être l'éternelle petite-amie, je crois que c'est ça. Et maintenant qu'on a divorcé, il considérera toujours que c'était ma décision, alors que c'est lui qui est parti. Je secoue doucement la tête. Je crois que ton ego en souffrirait trop. Il est trop macho pour ça, et moi aussi à dire vrai. J'essaie seulement d'assimiler sa réponse, et ce que ça signifie pour nous. Et j'ai soudain cette impression qu'il n'y a plus vraiment de nous. Je soupire, éloigne le sujet aussi rapidement que je l'ai amené. Tu as de la crème, pour tes bleus ?

Je note le pas le droit puisqu'elle insiste. Ça ne semble pas juste une plaisanterie. Ça me rend triste, conforte ma réponse suivante concernant le mariage. Je ne réponds pas sur le fait que mon ego souffrirait d'une demande en mariage, souffrirait-il vraiment plus que d'une demande de divorce ? Le désir s'étiole dans la tristesse. Je déteste cette sensation. Elle tente de faire diversion "De la crème ?" Je cille, ne comprends pas la question tout de suite. J'ai un vague haussement d'épaules à peine esquissé puisque je suis allongé "non, ça sert à rien." Je la rassure en ajoutant "J'ai pris des cachetons" Je relâche ma prise sur son corps, vient caresser son visage avant de déposer un tendre baiser sur ses lèvres "tu devrais dormir srce, je laisse la lumière allumée..." Je sais que ça peut éviter des cauchemars quand elle dort dans un lieu inconnu, et c'est ce que le QG est pour elle. Je suis ici chez moi, mais je mesure quand même le gouffre qui sépare encore nos vies. Reste à savoir si celui-ci va se réduire ou au contraire s'agrandir, c'est notre pari sur l'avenir ça. "volim te mon ange, si ça va pas tu me réveilles, ok ?"

Je lis la tristesse dans son regard, et contrairement à ce qu'on pourrait penser je suis loin d'y être indifférente. Le constat me tue de voir qu'on est encore blessés tous les deux et que toutes nos tentatives de guérison échouent lamentablement. On a failli se perdre aujourd'hui, on aurait pu ne plus jamais se revoir, est-ce que ça ne devrait pas tout réparer ? Est-ce qu'on ne devrait pas justement réaliser à quel point tout le reste est dérisoire ? Je n'ai pas envie de me faire une raison, de me dire qu'on n'a pas d'avenir, que notre vie ne sera jamais rien d'autre que ce qu'elle est aujourd'hui. Il ne veut plus rien construire, ça saute aux yeux et ça me tue mais je n'ose pas avoir cette conversation. Alors oui, je change de sujet, c'est plus facile, c'est à mon tour de faire l'autruche.

Je hoche doucement la tête quand il décrète qu'il est l'heure de dormir. En temps normal j'aurais sans doute refusé, ou tenté de l'amadouer autrement peut-être... Mais je lutte contre la somnolence induite par les cachets depuis un moment déjà et j'ai besoin de lâcher prise. Je réponds à son baiser et me niche contre lui, sombrant très rapidement dans le sommeil tant je suis épuisée. Ma nuit est pourtant agitée, et je suis très rapidement dérangée par des cauchemars où se mêlent les images de la journée, et les souvenirs de la fusillade du Stan's. Je me réveille en sueur, tremblante, et la douleur pulsant sourdement dans ma jambe endolorie. Il me faut quelques instants pour me rappeler que nous sommes au QG, et la lumière encore allumée dans la chambre m'apaise. À côté de moi, Slavenko dort encore et il est dans un tel état que je n'ose le réveiller. Je ne peux pourtant pas m'empêcher de tendre la main pour dessiner du bout des doigts, en effleurements aériens, les contours de son visage blessé.

Je dors un peu mais je me réveille dans la nuit et après avoir attendu un peu le sommeil qui décidément me fuit, je me lève. J'ai de toute façon trop chaud, soif, et faim aussi. Et puis la présence de Nina contre moi est une tentation trop douce et je veux la laisser dormir. Je descends donc à la cuisine qui se trouve dans un espace de la pièce principale des Tigrovi. C'est calme, un camarade s'est endormi dans le canapé. Il ronfle. Le temps que je me serve à manger et fasse réchauffer une assiette et Sonja me rejoint emmitouflée dans un long gilet noir. Elle s'assied sur une chaise à coté de moi et me propose une cigarette que j'accepte. Fumer en mangeant ne m'a jamais dérangé. "tu dors pas ?" Je la sais sujette à des insomnies et quand je suis arrivé ici, on se retrouvait souvent seul dans cette cuisine à boire une bière et à partager un paquet de clopes. Dernièrement, après la mésaventure avec Ymke, j'ai du aussi expliquer à Sonja ce qu'il en était avec Nina, qu'elle était la seule femme qui comptait pour moi. Je sais que je l'ai blessée, mais au moins depuis, elle n'essaye plus de me ramener dans son pieu. On a un statu quo.

Sonja observe mon visage et se moque de cet air qui parfois me faisait penser à Nina "ils t'ont salement amochés" Je souris, un peu bravache "Bah t'as pas vu leurs têtes !" Elle rit à cette blague pourtant définitivement nulle.Elle hésite et me demande "Elle est là-haut ?" Je suis surpris de la question. "Ouai, elle dort, elle a été blessée à la jambe." Ma voix vibre malgré moi, trahissant plus d'émotions que je ne devrais. Sonja penche la tête sur le coté, m'observant. "tu l'as dans la peau, n'est-ce pas ?" c'est la première fois qu'elle m'interroge ouvertement sur Nina. Je mords ma lèvre inférieure, peut-être que je devrais me taire mais Sonja a aussi été une amie avant tout quand je suis arrivé ici et que je ne connaissais pas grand monde, elle a été un réconfort quand j'allais mal. Je tire sur ma clope. "Je connaissais pas cette expression, mais je vois...Ouai, ouai je l'ai grave dans la peau." "Pourquoi t'es parti alors ?" je proteste en riant, pour ne pas répondre "Hé ! tu as décidé de me poser les questions à 1000$ ?"