J'aime trop les animaux pour être vegan / Niisha

Avoir trois emplois du temps en un me permet de ne jamais m'ennuyer, ou presque – sinon il reste les jeux sur mon téléphone où je tente de poutrer Jasmine qui est bien, bien trop forte pour moi, et ce sur tous les jeux existants c'est fou – et surtout de ne pas me laisser trop de temps pour réfléchir.
Malheureusement la réflexion s'impose souvent à moi sans que je ne le veuille vraiment.
J'ai tenté de la jouer cool quand Niilo a refait son apparition, mais sa proximité a réveillé pas mal de choses que j'avais réussi à enfouir sous les alluvions du temps ; sa chaleur me manque et depuis que je l'ai croisé je n'ai pas arrêté littéralement de rêver de la Norvège.
Tous en choeur avec moi : inconscient de merde !

Je suis pas loin de l'entrée de la fac à fumer une cigarette au goût de sucre, encore une invention géniale de marketeux qui tentent de rendre le suicide par cancer classe, quand une silhouette attire mon attention.
Si Sobaka avait été là il se serait sans doute approché de Niilo en remuant la queue amicalement, mais même en étant une foutue princesse russe Disney j'amène pas mes animaux à la fac.

Donc je vais me charger de saluer Niilo pour mon chien.

« Hey, soldat. »

S'il me sort que gnagna il l'est plus je crois que je le gifle.

« Je te paie un café ? »

Sans doute pour tromper le mensonge ou l’absence, va savoir, tu es passé par la rue du complexe scolaire ce matin pour te dégourdir les jambes entre deux obligations. Les ordres se font toujours attendre et les directives qui restent floues n’engagent pas le moral des troupes. Les cerveaux s’échauffent, malgré le fait que la Norvège soit réputée paisible. Tu t’es échappé du quartier général de la division pour une petite demie-heure, et ta volonté est bientôt saluée de la présence d’Alyosha.

« Tiens salut, ça fait vraiment bizarre de te croiser près d’un endroit pareil. »

Tu lèves le nez en direction du complexe comme si ce dernier allait soudainement abandonner d’éventuels charmes d’illusions et se transformer en gigantesque maison de la bite, tandis qu’il t’invite boire un café.

« J’étais justement venu chercher ça. » confies-tu sincèrement. « Je te suis. »

Fronçant le nez devant l’odeur du bâton parfumé sur lequel il tire comme un enfant tirerait sur une de ces pailles de plastique gorgées de sucre du début de la décennie, tu t’allumes ta propre clope, moins odorante mais pas moins nocive, loin s’en faut.

« J’ai pas écouté la dernière fois ou alors tu l’as pas dit, tu étudies quoi, donc ? »

Niilo me traite d'abruti le plus poliment du monde – c'est une qualité norvégienne tout du long de mon séjour là-bas ils n'ont pas arrêté et sans paraître se rendre compte le moins du monde qu'ils étaient insultants – et je lui réponds d'un sourire gracieux.

« Oui, je sais toujours lire. »

A NY il m'avait demandé une fois si j'savais ; il a dû regretter ensuite parce que j'ai noyé son appart de fonction sous les bouquins, j'avais pas grand-chose d'autre à faire hormis me branler, jouer à la console & promener les chiens, qui n'étaient que deux à l'époque.
Beaucoup de gens trouveraient ce genre de vie formidable ; et je vous répondrais que je trouve beaucoup de gens débiles.

« Que je t'offre un café ? Tu fais bien. Celui de la cafet est étonnamment un des meilleurs de la ville, tu vas voir. »

Je le précède peu discrètement des fois qu'il me matte le cul, pour me rapprocher des cendriers même s'il vient d'allumer une clope. Je secoue légèrement la tête.

« J'étudie l'art. Et j'adore ça ! »

Mais il y a bien trop de choses qui me passionnent dans la vie, je fatigue tout le monde et moi le premier.

Te rapprochant des cendriers avec l’objectif de fumer rapidement, ce qui ne change pas réellement de d’habitude en fait, tu t’appuies sur la grille séparant la rue du gigantesque complexe comme s’il s’agissait de se charger de toutes les choses nocives du monde pour se préparer à pénétrer là dedans. Tu n’as jamais foulé le sol d’une université, trop con pour ça que tu es, et trop rebelle à l’époque face à l’autorité. Malgré ce que l’armée a fait de toi – de bon, en plus – tu ne saurais reprendre place sur les bancs d’une école toute la journée en ayant conscience de la merde qui se déroule dehors et contre laquelle, par petites touches, on peut tout de même faire quelque chose.

« Des études d’art ? Ce genre de truc qui consiste à critiquer en long en large et en travers quelque chose qui ne ressemble à rien jusqu’à se convaincre que c’est beau ? » pouffes-tu.

Ton regard bleu se heurte au sein et tente de traverser sa cornée pour atteindre une âme qu’il n’a de toue façon pas. Un Alyosha qui fait des études est un Alyosha qui a trouvé un sens à sa vie.
Ca te pince le cœur, quelque part, que ce sens ne soit plus toi.

J'ai un rire sincère, essayant de remettre la main sur une quelconque contrariété ou indignation envers ses propos pour une discipline qui s'est vite avéré une passion, mais en fait non, ça me fait juste vraiment rire. Je me rappelle de sa réaction lorsque je l'ai entraîné à travers l'Ermitage à Saint-Pétersbourg ; Niilo aime beaucoup de choses...
Mais l'art n'en fait pas partie.
Quelque chose se contracte dans mon ventre quand je me rappelle la façon dont il me regardait à ce moment-là.
A moins que ça ne soit celle qu'il a de me regarder maintenant ? Je dissimule dans mon écharpe un léger frisson troublé, mal.

« Ouais ça consiste un peu en ça, c'est parfaitement mon délire, tu imagines bien. »

Enfin, s'il se rappelle comment je suis.

« J'me rappelle bien que c'était pas le tien », je précise dans un rire.

Je pose mon regard bleu foncé sur lui, me faisant de nouveau la réflexion que le voir à poil me manque terriblement, détourne le regard avant qu'il ne soit trop insistant – qui je trompe, il s'agit de moi, j'ai le regard trop insistant de base.
Je suis incapable semble-t-il d'exprimer le manque étrange que j'avais de lui, mais j'essaie :

« Je suis content de te revoir ! Même si ça fait trop bizarre que ça soit ici. »

Disons qu'en Norvège ou à NY j'aurais tenté de l'embrasser. Ici...

« Eh bien je... »

La petite hésitation que tu marques, à l’idée de lui dire ce que tu ressens, cette peur de lui faire mal, montre que trop de choses vous lient déjà l’un à l’autre.

« Je n’imagine pas, en fait. On ne se connaît pas beaucoup, si on y réfléchit. »

Et le temps a fait son office, pour effacer un grand nombre de souvenirs rangés tranquillement dans une routine, qui te convenait, personnellement. Si te forcer à oublier certains fragments a facilité la rupture – car oui, bien sûr que ça en était une.
Oui.
Oui, terriblement.

« Du tout. » tu confirmes en égrenant ta cigarette dans le cendar boulimique.

Tu remarques qu’il détourne le regard, chose qui dans les rares souvenirs qu’il te reste de lui, ne lui ressemble pas, mais ne poses aucune question à ce sujet. Tu te souviens de tes retrouvailles bouillantes avec Lieven, qui elles, te conviennent. Sans sentiments, sans état d’âme, juste l’essence de ce qui est bien, à ce moment précis.
Tu arraches à ton cerveau les jeunes pousses de ton empathie exactement comme tu plantes dans le cendrier la cigarette non terminée.

« Ca fait bizarre, oui. »

Tu achèves de souffler une dernière bouffée mêlée de brume, amorces un pas vers la grille.

« Bon on va le boire ce café ? »

Il hésite, ce qui ne ressemble pas vraiment à sa façon de procéder, termine sa phrase, qui me fait un drôle d'effet. Un peu comme si quelqu'un dans une foule m'avait décalé sans me demander mon avis dans un manque de respect parfaitement serein.
Bref, du grand Niilo.
Je lui jette un drôle de regard, étonné, un rien échaudé ; je crois qu'il m'en veut pour être parti alors même qu'à l'époque il m'avait répondu que c'était une bonne chose parce que je n'avais rien à faire là – enfin c'est ce que j'en ai retenu en m'éloignant avec trop de tristesse pour que ça soit vraiment sain.
J'ai un rire trop sec pour passer réellement pour amusé :

« C'est vrai on a juste vécu quelques mois ensemble, on se connaît vraiment pas. »

Quel crétin.
Je tourne les talons, maintenant agacé par son attitude, mais pas résolu à le laisser partir comme ça, en vrai bon prince capricieux ; en outre j'ai dit que je l'invitais et les Kourakine n'ont qu'une seule parole. Je commande donc deux cafés à la pauvre petite serveuse que je terrorise sans même lui avoir parlé – réputation de merde – et prends place dans la salle.

« Vous allez rester longtemps en ville avec ton unité ? »

Mon genou se cogne dans le sien, sans que ça ne me dérange outre mesure, on connaît mon amour du contact.

« C’est difficile de faire réellement connaissance de quelqu’un qui n’ouvre quasiment la bouche que pour sucer. » réponds-tu en finissant de frotter la clope contre le bord du cendrier comme s’il s’agissait de frictionner cette plaie béante dont tu entrevois l’ouverture avec une sorte de sadisme vengeur.

Si les norvégiens paraissent doux, et ils le sont, leur sens de l’accueil n’a d’égale que la froideur de leur contrée ; ainsi, il est tout à fait possible de les fréquenter pendant des lustres sans avoir l’impression de les connaître, avec cette facilité presque inhumaine qu’ils ont de dresser naturellement des barrières entre le monde et eux, comme si une menace terrible pesait perpétuellement sur leur conscience.
Et précisément ce qui t’a marqué, c’est cette capacité d’Alyosha à ouvrir perpétuellement sa gueule, mais ne jamais se confier, à donner continuellement son avis mais changer brutalement de sujet lorsqu’il estimait que celui qu’on évoquait était trop…
Trop.

L’amertume du café, passable au demeurant, arrive à équilibrer celle de tes pensées, tandis que tu hausses de tes massives épaules à la question d’Alyosha.

« Je sais pas. Ca devait être l’affaire de quelques semaines, et finalement les ordres traînent, alors pour l’instant on est tous d’astreinte et on attend. Il paraît que cette ville en a besoin mais je ne sais pas de quoi elle a besoin exactement et je suis pas certain que ce soit d’une armée qui n’y connaît rien à leurs affaires, mais bon. On suit les ordres. »

Le café prend un trajet différent sur tes papilles ce qui te donne l’impression de la brusque ressortie d’un goût jusqu’alors bien caché, et tu chasses cette étrangeté d’un mouvement de langue au coin de ta lèvre.

« T’es en quelle année, alors ? »

Comme d'habitude Niilo a le mot parfait pour être vexant et me faire taire un petit moment, pinçant les lèvres de contrariété. Je hausse des épaules :

« J'avais un bon souvenir de la Norvège avec toi, moi, si tu pouvais éviter de me le pourrir... »

Bien sûr le départ en était d'autant plus pénible, mais s'il parvient à retourner mon avis dessus, le séjour prolongé ne compensera plus la tristesse du moment où j'ai pris l'avion direction les pays slaves.
Il ne resterait plus que les merveilleuses vacances en Russie, et j'en ai un peu marre que tout finisse systématiquement par se casser la gueule... Je hoche de la tête plus familier de Sarajevo vu que j'y vis depuis un moment maintenant.

« Oui elle a besoin, mais je ne sais pas précisément de quoi elle aurait besoin pour aller mieux. »

Probablement un bon coup de lance-roquettes pour nettoyer certaines zones ; mais ça je vais pas le dire j'ai pas envie de me faire remarquer, ou en tout cas pas pour ce genre d'idées. Le mouvement de langue de Niilo attire mon attention, ravive des envies & des souvenirs, et je me décale sur ma chaise dans un geste nerveux.

« 2ème. C'est pas encore trop chargé ça me laisse le temps de travailler. Finalement j'ai repris le porno », j'informe sans savoir vraiment pourquoi.

Ton sang froid légendaire épargnera à ton ex-amant la glaciale vengeance d’une pensée selon laquelle s’il ne s’était pas cassé, il ne resterait rien de tout ça, parce que le verbe rester n’existe pas quand les choses se perpétuent. Ton sens de l’observation lui, remarquera de toute façon un assemblage d’indices de nervosité, de son mouvement sur sa chaise à sa manière détaché de ne donner aucun avis sur ce pays qui a quand même un passif notable avec la Russie, lui qui sait toujours tout.
Il se passe quelque chose, tu ne sais pas quoi, et tu n’as franchement pas envie de le découvrir là, tout de suite.

Un haussement de sourcils offre un premier commentaire à sa révélation.

« Oh, tu as tourné les deux qu’il te manquait finalement, ou tu as réussi à semer cet abruti et tu as changé de producteur ? »

Je sens vaguement un vent glacial comme celui qui pouvait souffler dans la Fameuse Forêt – oui elle a le droit à des majuscules – et je crois que Niilo a légèrement envie de m'étrangler.
S'il pouvait me baiser en même temps ça serait juste parfait – non j'en ai pas marre d'être obsédé, je suis vraiment coincé à un âge hormonal genre 16 ans, j'ai le feu qu'est-ce que vous voulez. Un jour j'irai ptêt consulter – mais je sais pas qui choisir entre l'endocrino ou le psy c'est ennuyeux.

J'ignore du mieux que je peux l'ambiance glaciale qui reste, sauf que Niilo est difficile à ignorer de base, encore plus parce qu'il m'excite, et comme il me répond il serait très impoli de faire comme s'il était pas là. Je lui redonne un coup de genou en lui glissant un regard par en-dessous, comme j'ai l'habitude de le faire pour flirter – enfin « allumer » en fait mais bref.

« Les deux, en fait, j'ai tourné ceux qu'il me manquait et d'autres. Il y avait même du public content de me revoir », je fais dans un sourire amusé, parce que putain ça se voit qu'il ne me connaisse pas. « J'peux t'accompagner promener tes chiens ce soir ? J't'ai pas montré la fin de la ballade qu'on fait avec Sobaka et Sanzam. »

Tu ne peux cette fois-ci pas faire mine d'ignorer le mouvement d'Alyosha sans que ça ne semble louche. Prenant une dernière goutte de réflexion et de café, tu poses ta main sur sa cuisse.

-Alyosha.

Ta paume repousse sa jambe loin de la tienne, sans violence mais avec une fermeté qui lui intime de rester à sa place.

-Je suis pris.

Dans tous les sens invoqués par le terme, même si l'un des sens est un mensonge à peine déguisé. On peut dire que Lieven est ta copine ? Non, on ne le dit pas. On le devine plutôt, mais surtout, on ne met pas des mots dessus.

-Je t'en veux et à mon avis seul le temps pourra y changer quelque chose. Me regarde pas comme ça tu sais très bien de quoi je parle. On se croisera au boulot, je n'ai pas envie de te voir autrement, vraiment.

T'aurais pu ajouter que t'es désolé, mais d'une part ce serait faux, d'autre part rien ne peut réellement adoucir ce que tu es en train de dire. Tu as tourné la situation absolument dans tous les sens, te demandant ce que tu aurais pu faire, rejetant la faute sur Alyosha en te disant que s'il avait pas autant de mécanismes de protection comme autant d'étapes d'un putain de siège d'Alésia, les choses auraient été plus simples. Mais en fait rien ne l'est, rien ne l'est jamais avec lui.

-Ma pause est finie, je file.

Tu réduis le gobelet de café à un froissement de carton recyclé et le lance gracieusement en obole dans la poubelle.
Comme s'il s'était agi de votre histoire.

C'est fou comme je me rappelle bien des douleurs quand elles me tombent de nouveau dessus ; leur saveur et la façon dont elles m'impactent sont exactement les mêmes, souvent, que des années auparavant.
C'est valable pour des fractures comme je l'ai constaté en tentant une cascade somme toute stupide plus jeune, c'est valable aussi pour la façon qu'a mon cœur de se contracter dans ma poitrine. Niilo repousse ma jambe avec son côté iceberg qui me donne envie de le bouffer – pas dans le sens récréatif du terme. J'étrécis les yeux quand il dit m'en vouloir, arborant l'expression furieuse typiquement Kourakine, oubliant la petite voix en moi qui se désole que ça soit le cas.

« Va te faire foutre. »

ça tombe bien, ça semble être le cas, ça ne devrait pas autant m'énerver ; ou il devrait percuter que ça m'énerve, que ça m'a toujours énervé, sans que je ne parvienne à l'exprimer.

« C'est toi-même qui a dit que je n'avais rien à faire là-bas, je te trouve injuste. »

Je fais un mouvement de la main princier et agacé, franchement vexé, et cherchant à masquer le fait que sa réaction me fasse de la peine.

« Alors j'aimerais bien savoir ce que t'es venu faire à la fac. Juste me dire ça ? »

L'insulte tombe, froide et sans personnalité comme à chaque fois que Alyosha est blessé ou vexé. Tu n'y réponds rien. Ça servirait à rien du tout de déclencher une de ses crises dont il a le secret (Ça par contre tu as eu le temps de connaître).

-Mais je le pense toujours.

Très simplement tu as pensé avec égoïsme qu'il aller rester à ta solde jusqu'à la fin des temps, dans ce petit paradis enneigé et froid qu'est la Norvège. Ce n'est malheureusement pas ainsi que les choses fonctionnent. Sentant d'ailleurs qu'elles s'enveniment, tu te lèves pour partir.

-Je passais par là. Arrête de croire que je te suis et que je vais le faire jusqu'au bout du monde. Je t'ai retenu une fois et à ce moment là ouais j'aurais fait des milliers de kilomètres pour te reprendre. Là j'en ai plus envie.

C'est une des très rares disputes froidement calmes. Ce sont les pires à ton sens. Quand les gens trouvent encore la force de crier et de fondre en larmes, c'est que les événements, les choses, les gens leur importent. À partir du moment où cette situation ne t'inspire même plus du mépris, c'est juste la fin de tout. C'est ce que ça t'inspire à cet instant : la fin du monde.

Rien ne va dans cette conversation et plus ça va plus j'ai l'impression de ne rien comprendre, ce qui n'est pas exactement une sensation agréable. L'énervement voire la franche colère dispute à une immense tristesse ; j'ai bien senti le premier soir où on s'est tombés dessus par hasard qu'il y avait quelque chose d'étrange, mais j'ai voulu être optimiste, et j'me suis dit que ça irait.
Bon là l'optimisme je le mange comme une claque dans la gueule.
Je serai plus jamais optimiste pour la peine, tiens.

Je me mords la langue pour tenter de contenir les larmes qui affleurent, je le sais, conscient sans être trop inquiet du regard des autres : j'ai déjà une certaine réputation ici, un peu plus un peu moins ça ne me fait pas peur. J'ai juste cette bête envie que Niilo ne me voit pas pleurer, parce que lui, ça n'a pas l'air de lui faire grand-chose.

Mais il y a assez peu de choses qui ont l'air de vraiment l'affecter. J'avale ma salive pour essayer de stabiliser ma voix :

« Je crois rien, j'ai jamais cru ça. »

Un des effets de la grande confiance que j'ai en moi ; apprendre toutefois que c'était le cas et que ça ne l'est plus, eh bien, n'est pas l'expérience la plus agréable de la journée – et je tiens à dire que ce matin le chat m'a marché dessus, et que je me suis cogné un orteil dans le montant de la table, c'est dire.
Sentant que je ne vais pas tarder à me mettre réellement à pleurer, je me lève et récupère mon sac, laissant mon café format géant et bien trop sucré derrière moi sur la table, filant dans les couloirs.

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