Playmobil, en avant les histoires ! - Slavina

C'est exactement la crainte que j'ai lue dans les yeux d'Aleksandra, lorsqu'à la Slava Jelenko parlait de son fils à naître. J'ai bien vu dans son regard qu'elle n'était pas si convaincue que lui que ce soit un garçon, et je me demande ce que ça signifie pour elle. Ils sont mariés à présent, il ne peut pas la renier seulement sous prétexte qu'elle lui offre une fille. Je n'ose même pas imaginer à quel point ça doit être dur pour elle. Ou plutôt si, je l'imagine très bien, puisque j'ai vécu quelque chose de semblable dans un ordre différent lorsque je suis tombée enceinte, et que Slavenko ne voulait pas du bébé. C'est bien sûr moins grave pour Aleksandra, mais j'ai quand même une idée de ce que ça fait que d'être rejetée pour ce genre de choses. Encore que Jelenko ne l'a pas quittée, du moins pas que je sache.

Et pour être honnête, j'ai très peur de vivre la même chose. Il n'imagine pas alors à quel point sa réponse me rassure. Je crois que le soulagement se lit sur mon visage, la ligne de mes épaules se dénouant, de même que le nœud dans mon ventre. C'est vrai ? J'étais persuadée qu'il voudrait un garçon à tout prix. Je me penche pour poser un instant mon front contre le sien, le regard brillant d'émotion parce que... Ouais, je suis moins stressée mais pas moins émotive ! Au contraire, je suis toujours autant à fleur de peau. Alors ça veut dire que tu trouveras comment être heureux dans les deux cas, pas vrai...? J'ose espérer, tout de même, qu'un garçon le rendra heureux autrement que parce qu'il répond au schéma familial qu'on attend pour lui.

Je hausse les épaules, indifférent à la détresse de cette fille devenue ma belle-mère et que je ne connais pas vraiment. Je n'ai pas de compassion pour elle. "Bah ne t'inquiète pas trop. Je suis sur que mon père lui claquera un autre marmot dès qu'il le pourra." j'ai plus de compassion pour le bébé à naître et qui sera comme ma sœur Saskia, l'oubliée de la famille. Une ombre passe sur mon visage à cette idée mais je ne parle plus d'elle depuis que Nina m'a dit que si je voulais savoir où était ma sœur, je n'avais qu'à me bouger. Ce n'est pas si simple dans cette famille de non-dits. J'espère juste que la petite fille à naître pourra compter sur sa mère comme Saskia a pu compter sur la nôtre.

Je ne comprends pas bien le brusque accès d'émotion de Nina. "Quoi ? Mais de quoi tu parles srce...? je suis heureux !" Je pose ma main sur sa taille, bras enroulé autour de son corps. Ma main revient alors sur son ventre, possessive et protectrice à la fois. "Je me moque bien que ce soit un gars ou une fille. C'est mon petit haricot."

Je ne m'inquiète pas vraiment pour elle, en revanche oui, j'ai de la compassion, une certaine forme de pitié aussi sans doute. Je suis trop empathique pour qu'il en soit autrement. Pourtant, une partie de moi ne peut s'empêcher de songer qu'elle l'a choisi. Peut-être suis-je trop naïve de penser que les mariages arrangés n'existent plus. Je suis pourtant bien placée pour savoir que le libre-arbitre peut être une notion très abstraite.

Visiblement, mon angoisse n'était pas partagée, j'étais sincèrement persuadée que le sexe du bébé comptait à ses yeux autant que pour son père par exemple. Je suis donc vraiment surprise de sa réaction, et j'ai une bouffée d'amour immense pour lui à cet instant. Il m'enveloppe de son bras, possessif à souhait, sa paume épousant mon ventre et une brusque vague de chaleur m'envahit, me prenant par surprise. J'abandonne mon muesli -à peine entamé- sur la table, pour récupérer mes mains et en glisser une contre sa nuque. Volim te. Je me voûte sur lui pour venir chercher sa bouche, cueillant sur ses lèvres un baiser langoureux qui accélère mon rythme cardiaque. Je répète, la voix vibrante : Volim te, si tu savais comme je t'aime.

Très sincèrement, il m'arrive souvent de ne pas comprendre les réactions à fleur de peau de Nina. Mais pour une fois que ce n'est pas à mon désavantage, je ne me plains pas ! D'habitude c'est plutôt prémisse d'ennuis, mais cette fois, j'ai du donner sans le savoir une bonne réponse. Je n'avais pas l'impression d'avoir donné tant de signaux de préférence que ça mais peut-être bien que l'emploi du masculin pour parler du bébé, il donc, l'a trompée et aussi parce qu'une ou deux fois j'ai pu parler d'un fils, c'est vrai. J'ai plus de mal à me projeter avec une fille, c'est vrai aussi. Mais pour autant, je l'accueillerais avec la même joie d'un fils. J'ai lutté trop longtemps pour ne pas être totalement heureux d'avoir capitulé au désir d'enfant.

"I ja volim te srce moje. Volim vas obojicu" Son baiser m'électrise brusquement provoquant une brusque montée du désir jusqu'ici savamment tenu en laisse pour ne pas lui sauter dessus furieusement. Je la veux depuis que je l'ai aperçue nager ce matin. Je la veux parce qu'elle est trop sexy dans ce bikini qui me rend fou. Ses seins lourds me rendent fou, tout comme ses jambes au galbe parfait. Sous ses fesse, dans mon boxer, ma queue se gonfle, ne demandant qu'un petit encouragement pour durcir totalement. Le poids de ses fesses et la vibration de sa voix sont visiblement un encouragement suffisant. Je gronde brusquement, sans envie de jouer - je ne pense pas qu'on soit parvenu à jouer une seule putain de fois depuis des siècles. Dès qu'elle est dans les parages, on s'embrase au point d'être incapable d'attendre . Je sais que c'était sur sa liste de choses qu'elle voulait qu'on (re)fasse mais non, même au bungalow, y a pas eu moyen. Cette fois c'est pareil, je meurs déjà de désir "Viens sur moi, baise moi srce, molim te"

Il veut tellement plaire à sa famille, les rendre fiers que j'ai projeté sur lui les désirs de son père, de son oncle aussi. Quand il parle de ce bébé, c'est toujours à un garçon qu'il fait allusion, à tel point que j'ai fini par me demander s'il ne voulait pas un fils avec moi, et non un enfant tout court. Ma capacité à me faire des idées, à tout réinterpréter -et toujours pour le pire- n'est plus à prouver, je le sais aussi, c'est pour ça que j'avais besoin de poser la question. Mais après son rejet brutal il y a deux ans, après toutes nos disputes, et maintenant que les médecins m'affirment que ce bébé va naître, rien ne pourrait m'émouvoir plus que ces quelques mots. Il nous aime, tous les deux, sans conditions. Je ne sais par quel miracle je ne fonds pas en larmes dans ses bras, tant l'émotion me prend aux tripes, me noue la gorge. La sensation de son corps qui s'anime sous le mien m'aide sans doute, l'émotion se diluant dans la vague de désir qui me heurte.

Son appel rauque et bas, exigeant, achève de me faire perdre le contrôle et je me laisse totalement aller à la tension qui me dévore. Je me soulève pour basculer à califourchon sur ses genoux, tirant sur son boxer pour le libérer. En ce moment je suis constamment brûlante, et les préliminaires s'ils sont agréables sont d'une inutilité consternante tant il suffit d'un mot pour m'enflammer toute entière. J'ecarte mon maillot et m'empale sur lui d'un seul mouvement, profond et sans à-coups tant je suis moite, prête à l'accueillir, comme si je n'avais jamais attendu que ça... Ce qui est le cas, je dois bien l'admettre. J'étouffe un cri rauque contre sa bouche, mordant ses lèvres en gémissant. Putain, putain. Je m'accroche à ses épaules, y plante mes ongles en m'immobilisant, parcourue d'une longue vague de chaleur.

Au fond Nina n'a pas tout à fait tort, je crois qu'instinctivement je pense à un petit gars parce que je me sentirais forcément plus proche. Est-ce que le fait que ça plaise à mon père joue ? J'imagine que oui, je ne vais pas me mentir là dessus. Cependant, quand je regarde Nina, l'image d'une petite fille s'impose très nette. Elle aura les yeux de sa mère et sa peau claire. En plus, depuis que je sais qu'Aleksandra va avoir une fille et même si c'est idiot à dire, j'ai étrangement bien moins la pression du sexe de l'enfant. Je ne veux surtout pas être comme mon père, déçu par une chose aussi triviale.

Elle m'obéit si rapidement que j'en suis davantage électrisé. Son insatiabilité du moment me ravit autant qu'elle m'épuise la nuit ! Je suis loin de me plaindre cependant, je retrouve nos passions du début quand être cinq minutes en présence l'un de l'autre conduisait fatalement au sexe. On se souviendra du rendez-vous pour le dépistage qui avait fini en baise violente sur ma table de cuisine. J'empoigne ses fesses à pleines mains pour pouvoir la soulever, la manipuler sur moi, brutal dans mes gestes, si furieusement excité à présent que j'aspire à cette délicieuse brutalité. Je plonge mon nez entre ses seins doux et chauds, y étouffe mes grognements barbares, la mords de plaisir quand celui ci me terrasse avec la même fulgurance que chaque étreinte de ces derniers jours. Il est peu probable qu'on arrive à baiser en plus de 5 minutes ces derniers temps ! Même quand elle dort à moitié, elle est tellement mouillée et chaude qu'on atteint l'orgasme rapidement. Mais plus nos étreintes sont rapides, violentes et extatiques, plus elles en appellent d'autres, encore, et encore. Je pense toujours à ces pauvres rats de labo shootés à la cocaïne, qui finissent par crever de faim et de soif. On va finir comme ça, sauf que notre coke à nous, c'est le sexe. Je presse le corps de Nina contre moi, la plaquant contre ma peau en grondant, englué de plaisir, d'amour, de satisfaction et de cette légère frustration à ne pas réussir à faire durer nos étreintes "Jebote Nina..."

Malgré sa supplique -ou son ordre- c'est finalement lui qui mène la danse, me manipule comme une poupée de chiffon. Je ne me contente pourtant pas de me laisser faire. J'accompagne ses gestes, me porte plus fort vers lui pour augmenter encore la brutalité de ses coups de reins. Je perds rapidement le souffle et la raison, haletante, gémissante entre ses bras. J'irradie si fort que j'en tremble, geins de la morsure de ses dents sur mes seins, de la prise trop ferme de ses doigts sur mes hanches. Je ne sais pas comment il est humainement possible d'être encore excitée à ce point-là, comme s'il comblait un manque de plusieurs jours alors qu'on a fait l'amour dans la nuit, avant de s'endormir. Pourtant je suis fébrile, extatique et surtout réceptive comme si on ne s'était pas touchés depuis des semaines. On part en même temps, synchrones comme souvent, et je le serre spasmodiquement contre moi, le nez dans ses cheveux.

Je ne comprends toujours pas comment on passe en quelques secondes d'une conversation plutôt sérieuse à cette frénésie de sexe qui me dépasse. D'ordinaire je suis avare de mots d'amour, surtout depuis mon arrivée à Sarajevo, pourtant cette fois ils m'échappent en flots que je ne contrôle pas. J'encadre son visage de mes mains tremblantes, lèche ses lèvres en susurrant d'une voix éraillée ces déclarations d'amour qui me brûlent la langue. Je lui dis comme il me rend folle, qu'il me fait perdre la raison, que j'ai envie de lui constamment, que je voudrais n'avoir jamais à quitter ses bras, sa peau, je répète inlassablement comme j'ai besoin de lui, et comme je l'aime, encore, toujours et à jamais.

Les mots d'amour de Nina, ce flot rare qui me tombe dessus emporte mes défenses comme un tsunami emporterait une digue. Couplé à la déferlante d'endorphines, la vague d'émotions est si puissante que je ne contrôle plus rien du tout. Nina me ravage, me piétine le cœur, le broie menu et il ne bat que pour elle avec des pulsations frénétiques douloureuses. Après ces jours de doute, les heures sombres qu'on a vécu récemment - c'est encore réellement sensible dans mon esprit, parce que ses reproches je ne les avais pas vu venir cette fois et que j'ai eu ce sentiment d'impuissance terrible - elle ne se rend pas bien compte comme elle me retourne l'âme. Je suis heureusement niché contre ses seins, à respirer nos odeurs mêlées et à tenter de ne pas gémir, ne pas couiner de plaisir et de désarroi (non pas négatif cette fois, mais plutôt teinté d'une surprise hallucinée) Quand elle relève mon visage, je ferme les yeux pour ne pas chialer, ce qui serait très embarrassant à ce stade.

J'oublie tous nos projets de la journée et je la soulève, ses jambes nouées à ma taille pour l'emmener dans la chambre. J'ai le caleçon baissé sur les fesses mais personne n'est là pour mater le ridicule qui ne me touche pas. Je n'ai qu'un objectif, la chambre et le lit. J'y dépose mon trésor merveilleux, fondant sur Nina avec délice, ma bouche sur ses seins qui décidément me rendent complètement fou. Je les embrasse et les cajole, les complimentant gentiment en les déclarant les plus beaux de l'univers. A un moment, je les libère du haut de maillot de bain, et j’ôte aussi le reste de nos fringues pour qu'on soit nus. Peut-être bien que si on baise encore une ou deux fois on arrivera à jouer, c'est l'objectif que je me suis donné pour ce weekend. J'aime bien cet objectif, il est plutôt sympa, non ? Ha ha...

En attendant, je m'occupe de Nina et de son joli corps d'albâtre ! Mais Dieu qu'elle est belle ! Ses courbes douces m'affolent à chaque passage de ma bouche sur elle. Je lui ronronne en boucle comme elle est divine, belle à mourir, tellement sexy que j'en ai le souffle coupé. Je la noie de compliments dans toutes les langues avant de me retrouver silencieux entre ses cuisses, trop occupé à nous gouter sur sa chair pour continuer à parler. J'attends qu'un nouvel orgasme la secoue pour daigner remonter contre elle. La voix éraillée, je soupire "j'ai envie qu'on reste ici...on pourrait baiser toute la journée ? Je veux...je veux jouer. Ce serait bien qu'on y arrive ... "

Je lis l'émotion dans son regard sombre et je sais que la même brille dans le mien. Moi aussi, je suis déboussolée, et toujours ébahie d'être dans ses bras parce que j'ai réellement cru, lors de notre dernière dispute, qu'on ne se relèverait pas. Mais n'est-ce pas le cas à chaque fois ? J'ai eu exactement la même sensation le jour où je lui ai annoncé être enceinte. Je suis dévastée de ces montagnes russes émotionnelles qui me brisent toujours un peu plus fort. Je lui ai dit que la passion entre nous me manquait, et c'était le cas mais je n'ai jamais regretté nos violentes disputes ni nos déchirures. J'aimerais qu'on arrive à s'aimer aussi fort sans pour autant se faire de mal, je ne suis pas sûre de supporter encore d'autres blessures. La grossesse me met face à cette fragilité, cette vulnérabilité que je réfrène sans cesse. Elle me force au repos en décuplant non seulement mes émotions, mais aussi les réactions de mon corps qui n'a de cesse de demander grâce. Depuis notre réconciliation, je m'efforce de lever le pied, pas tant au niveau du travail que par rapport à notre relation trop tumultueuse. J'ai lu quelque part que le bébé, même in utero, ressentait les émotions de la mère. Je ne veux pas lui faire subir neuf mois d'angoisse et de douleur. La seule chose que je ne maîtrise pas, c'est mon hyper-émotivité, celle qui embue mes yeux face au regard tourmenté du slave.

Il m'emporte dans la chambre où on disparaît sous les draps, et le flot de compliments sous lequel il me noie achève de briser mes défenses. Ce sont ses caresses, ses attouchements plus doux qui apaisent mes larmes, et je ne suis plus qu'une boule de nerfs à vif, complètement vidée, quand il revient me prendre dans ses bras. Ma main glisse maladroitement sur sa joue, je passe ma jambe par-dessus les siennes pour l'emprisonner entre mes cuisses. Il me faut quelques instants encore pour retrouver l'usage de la parole. On reste ici, moja duša, on a toute la journée, toute la nuit pour jouer... Je scelle cette promesse d'un baiser langoureux, je ne suis que trop heureuse de sa proposition qui me rappelle toutes nos escapades à l'hôtel. Mais pour l'heure j'ai besoin de récupérer un peu. Je bascule sur le dos, en l'entraînant avec moi pour qu'il me surplombe. Mes doigts glissent tout doucement sur mon ventre, à peine plus rond. Je demande d'une voix basse, entre l'amusé et l'inquiète : Tu crois que tu auras encore envie de moi, dans quelques semaines... Dans quelques mois ?

S'il y a une chose qui a du mal à changer chez moi c'est toujours ce truc d'accepter d'être heureux, d'y avoir droit. Malgré mon job - ou peut-être à cause de mon job - j'ai une notion précise du bien et du mal. Je ne suis pas un psychopathe quoiqu'on en pense, je sais très bien que mes actions ne m'emmèneront pas au Paradis. Je vis avec parce que dans mon monde, la fin justifie les moyens et que je suis de toute façon un soldat obéissant. Je ne me leurre ni sur mon besoin de violence, ni sur ma capacité de destruction massive. La plupart du temps, ça ne me pose pas de problème, je me moque du regard des autres à l'exception de ma famille - qui est dans le même modèle - et surtout de Nina. Avec elle, je n'ai jamais été très à l'aise concernant ce que je fais. Il y a toujours eu cette marche manquante et cette ambivalence troublante. Quand je l'ai connue, elle sortait d'une phase douloureuse de sa vie et je suis tombé amoureux d'elle alors que j'avais les mêmes caractéristiques que le bourreau auquel elle venait d'échapper. Tobias. Quand je suis dans ces bras, je me demande parfois pourquoi j'ai droit à tant de douceur. C'est à la fois une surprise et un émerveillement continu. Mais bien sur quand ça va mal, je me dis que c'est normal, que je n'ai pas vraiment le droit à tout ça, que je ne le mérite pas. Dans cette optique ses mots d'amour me mettent toujours dans un drôle d'état.

On se colle l'un à l'autre et ça suffit à m'apaiser. Elle pourrait me demander de décrocher la lune, je le ferais. Je suis tellement amoureux et dépendant d'elle que c'est effrayant. Ça ne fonctionne que parce que je sais que c'est réciproque. Quand je doute de ce fait, ça devient vraiment très, très compliqué ! Je mange Nina du regard alors qu'elle roule sur le dos. "Je sais pas...ça me semble plutôt bien parti pour. Je te trouve tellement... bandante ! Y a pas d'autre mot. J'espère que c'est normal ?" On a le droit de trouver une femme enceinte mega sexy ?

Sa réflexion m'arrache un rire et je secoue la tête, amusée, le regard brillant. Tu me trouves bandante parce que j'ai des gros seins et pas encore trop de ventre ! Pour l'instant je dois admettre que l'effet est plutôt plaisant, en tout cas je l'imagine ! Je n'ai jamais eu une poitrine trop menue, mais elle était simplement raisonnable. Là, mes seins sont plus lourds, tendus, et souvent compressés dans la lingerie ce qui attire le regard un peu plus encore, j'en ai conscience. Pas sûr que ce soit encore le cas quand j'aurais un ventre si gros que tu ne pourras plus me serrer contre toi ! Cela dit, je doute d'être de ces femmes qui, enceintes, deviennent énormes. J'ai encore beaucoup de nausées et pour l'instant malgré le très léger arrondi de mon ventre, la balance affiche surtout quelques kilos en moins ! Le médecin m'assure que la tendance s'inversera dans quelques semaines, mais vu mon gabarit, elle penche plutôt pour une prise de poids légère. Dans tous les cas ça ne m'inquiète pas vraiment pour moi, seulement pour le regard que Slavenko posera sur moi ensuite.

Je prends la main de Slavenko pour y nouer mes doigts, et poser nos mains jointes sur mon cœur. Je sais que ça semble encore tôt pour en parler, mais il va falloir qu'on commence à chercher une nounou pour l'année prochaine... Je ne sais pas comment ça se passe ici, mais à NY il faut s'y prendre plusieurs mois à l'avance. La crèche n'est même pas une option, avec nos horaires étranges à tous les deux, il nous faut une personne qui puisse faire des horaires décalées, et qui soit également disponible plus ou moins à la dernière minute. J'ai un peu peur que ce soit difficile à trouver.

"humm...j'sais pas, ce sera plus un problème technique nan ? Quand je ne pourrais plus te rouler sur le ventre ? Ha ha... Y a pas un kamasutra des femmes enceintes ?" C'est difficile d'imaginer Nina avec un ventre rond. De l'imaginer enceinte jusqu'aux yeux et dans mes bras. Peut-être que j'aurais peur de lui faire mal ou de faire mal au bébé, peut-être que je serais toujours fou de son corps parce que finalement les changements se font progressivement alors... "Peut-être que c'est toi qui aura plus envie..." J'ai lu ça dans le bouquin des "papas" - mon dieu, ce mot me donne des sueurs froides par moment - respectez le désir de la future maman, un truc dans le genre. En gros, il peut arriver que votre main redevienne votre meilleure amie comme au temps de l'adolescence. "On verra bien srce. Tu sais, on est pas mal créatif, j'crois qu'on s'en sortira." J'ajoute avec mon ironie grossière "tant que tu m'tailles une petite pipe de temps en temps !"

Contrairement à Nina, je ne m'inquiète pas de trouver quelqu'un mais j'ai des critères précis. "ça devrait aller pour trouver, y a plein de femmes ici qui font ce job... garder des enfants." Peu de femme travaillent réellement, pas mal s'occupent de leur foyer et pour combler les fins de mois difficiles bossent au black en garde d'enfants. "mais j'aimerais trouver quelqu'un qui vient à la maison la journée garder le bébé. Qui s'occupe un peu de la maison aussi. Une serbe." Une pro-serbe. Parce que mon nom est connu et je suis parano. Je veux savoir mon bébé en sécurité. Je demanderais à Camenko de se renseigner sur notre future nounou quand on l'aura trouvée.

J'éclate de rire. T'as pas vraiment besoin de me rouler sur le ventre, mh, la levrette ça marche très bien jusqu'à la fin, je suis sûre. Quoi on a dit qu'il fallait parler détails techniques, pratiques, non ? Je secoue la tête, sans l'ombre d'un doute quand il sous-entend que je pourrais ne plus avoir envie de lui. Ça me semble absolument insensé. J'aurais toujours envie de toi, je serais peut-être un peu plus fatiguée mais je te voudrais toujours. J'ai du mal à imaginer comment je pourrais être plus fatiguée que je ne le suis déjà, mais là aussi, la gynéco m'a promis une nette amélioration dans les jours ou les semaines à venir. Il paraît qu'au deuxième trimestre, les femmes enceintes ont plus d'énergie. Mais il n'y a pas de règles et on vit toutes les choses différemment alors j'attends de voir. Je roule des yeux. T'en fais pas pour ça, va. J'ai pas peur qu'on manque de créativité, juste que tu veuilles plus me toucher. Quant aux gâteries qu'il réclame, il devrait depuis le temps savoir que ça me plaît au moins autant qu'à lui. Je fronce le nez en songeant soudain à autre chose. J'espère que mon ventre n'aura pas trop grossi d'ici le mariage, ça va être difficile de trouver une robe... J'avais trouvé la robe parfaite mais je ne suis plus sûre du rendu que ça peut avoir si j'ai un ventre rond. Je ne pourrais m'en occuper qu'à la dernière minute, mon corps change constamment.

Je fronce les sourcils quant à ses exigences pour la nounou, je sens qu'on ne va pas être d'accord. Je veux une femme qui parle anglais. Qui le parle couramment, pas qui baragouine deux mots. Mon bébé va déjà vivre dans un pays qui n'est pas le mien, il va entendre parler serbe toute sa vie, je ne veux pas que la femme qui le garde ne lui parle qu'en serbe. C'est important pour moi qu'il parle anglais et bien, j'ai même envie qu'il connaisse cette langue avant de connaître le serbe mais je ne suis pas sûre que Slavenko approuve. J'ai pas envie d'une femme de ménage qui se contente de lui donner à manger quand il a faim. Je voudrais... Je sais pas, qu'elle fasse des activités avec lui, qu'il sorte, qu'il voit du monde, pas qu'il vive confiné...

Nos inquiétudes sur notre avenir sexuel me semblent pour l'instant bien dérisoires vu notre appétit du moment. J'imagine mal des semaines de disette alors que je suis gavé d'endorphines sexuelles. Dans mon esprit, on joue à se faire peur.

Oh non, je ne vais pas proposer de repousser le mariage pour une robe. C'est déjà assez galère à organiser, elle m'a rendu la bague je ne sais combien de fois et moi je veux que le bébé ait des parents mariés. Traitez moi de vieux jeu, je m'en branle. "tu trouveras srce..." Je sais que c'est une préoccupation toute féminine que la robe de mariée mais très sincèrement, je ne suis pas inquiet. Nina sera magnifique. Elle sera ma femme à nouveau. Je trépigne d'impatience que ce jour arrive.

"Pourquoi anglais ? On lui parlera déjà anglais nous..." Bah ouai, on parle anglais entre nous, et logiquement ça devrait continuer. "Je veux qu'il apprenne le serbe. Si elle lui parle anglais et nous aussi, il ne comprendra même pas la langue de son pays ! Il aura l'air malin en arrivant à l'école !" Je fronce les sourcils en secouant la tête "j'ai pas parlé d'une femme de ménage. Tu me prends pour qui zlato ? Mais tu sais il y a des espèces de...gouvernantes ? C'est pas comme ça que vous appelez ça ? Comme...tiens comme Mary Poppins !" Quant aux activités, je suis perplexe... Un bébé ça dort, ça bouffe, ça chie... après pour les détails...

Je plisse le nez, perplexe. Tu vas pas lui parler serbe, toi ? Parce que je sais déjà que tous les autres Drazavic lui parleront serbe. Cela dit, je n'ai pas l'intention qu'il voit les autres Drazavic toutes les semaines non plus ! Il faudrait voir à ne pas trop m'en demander de ce côté-là. Je crois qu'une partie de mon cerveau refuse encore d'admettre que je vais élever un enfant à Sarajevo. J'imagine que ça ira mieux lorsque le bébé sera là, peut-être que je me sentirais plus intégrée d'ici là... J'en sais trop rien, mes interactions sociales dans cette ville sont limitées et ça ne va pas aller en s'arrangeant si je dois renoncer à ma boîte ! Une gouvernante ? Je fronce les sourcils, peu convaincue. J'aimerais que la femme qui s'occupe de mon enfant n'ait pas en plus à penser aux courses ou au ménage, s'occuper d'un bébé c'est déjà une activité à part entière et à temps plein !

Je finis par trancher dans un haussement d'épaules. Je sais pas trop, je crois qu'on devrait commencer à se renseigner... On se marie dans un mois à peine, on va éviter de tout faire en même temps ça nous réussit pas... Mais on se marie le 6 juillet, d'ici là tu peux peut-être demander à ta cousine ou je ne sais pas à qui de se renseigner sur les femmes qui pourraient faire l'affaire. Ce serait bien que d'ici la mi-juillet on ait une liste, pour pouvoir s'en occuper après le mariage, tu crois pas ? J'admets que je ne suis pas sûre, seule, de savoir vers qui me tourner.

Sa question me prend au dépourvu. C'est un bébé ! Je ne vais pas lui tenir des monologues! Bon j'admets ne pas savoir ce qu'on fait avec un bébé. Je ne m'en suis jamais occupé à part peut-être ma petite sœur mais je ne m'en souviens plus et en plus, j'étais un môme aussi. "Je sais pas, les deux surement. En anglais quand tu seras là en tout cas et il va nous entendre parler ensemble en anglais. " C'est clair que dans mon esprit, cet enfant est un serbe, élevé en RS. Un point c'est tout. Le serbe est indispensable. D'ailleurs je fais remarquer " Tu sais, j'ai appris le hongrois uniquement avec ma mère et je le parle bien . "

"Ecoute on verra, si il faut, on prendre une nounou et une femme de ménage." Je ne vais pas me prendre la tête avec ça. La main d’œuvre ici n'est pas chère, on est loin d'être à NY. Ce ne sont pas des métiers bien payés, Nina et moi on pourra certainement se le permettre. Je ne veux surtout pas que les tâches ménagères ou de parents nous éloignent l'un de l'autre. J'ai parfois un peu peur de la perdre au profit du bébé. "Je demanderais à ma cousine, ou à la femme de Stefan, d'accord ? Ou même Aleksandra, tiens...autant que ça serve !"
Je soupire. Si Nina veut une liste, elle aura une liste. Elle demande j'exécute, puisque ça la rassure.

Je crois que j'ai la trouille parce qu'on n'a jamais parlé d'éducation tous les deux, on n'a jamais parlé de ces choses concrètes qui pourtant sont le quotidien qui nous attend. On s'est dit qu'on voulait un enfant ensemble, mais on ne s'est pas posés plus de questions. Enfin si, moi je me suis seulement demandée si j'étais prête à élever ce bébé toute seule si d'aventure Slavenko m'abandonnait à nouveau. Mais au-delà de ça, on n'a jamais évoqué le reste. J'ai peur que cet enfant baigne si fort dans la culture serbe qu'il n'ait jamais rien de moi, j'ai peur de ne pas parvenir à lui transmettre d'autres valeurs que celles qu'il apprendra ici. Face à l'entêtement de Slavenko, je sais que je ne peux pas lutter. Pourtant, c'est moi qui m'expatrie pour lui, une "gouvernante" américaine ou au moins anglophone m'aurait rassurée. Mais je doute de pouvoir lui faire entendre raison. On l'emmènera aux USA ? C'est une question, mais plus pour voir sa réaction que pour lui demander la permission. Mon enfant saura d'où je viens, et donc d'où il vient lui aussi. Il ne sera pas seulement serbe. Il sera serbo-américain, n'en déplaise à son père et à tous les autres.

Je fronce le nez avant de demander, ou d'exiger serait plus juste : Demande aux trois. S'il te plaît. Avec trois listes, je devrais pouvoir réussir à faire un tri digne de ce nom, j'ai peur d'être extrêmement difficile quant au choix de la personne qui va garder mon bébé, mais j'imagine que ça peut se comprendre, surtout dans un tel pays ! J'ai déjà quelques critères indispensables à l'esprit, et oui le fait qu'elle parle anglais en est un, je n'en démordrais pas ! Même si elle parle serbe à notre enfant, je veux qu'elle puisse comprendre l'anglais.

Je soupire, ça m'angoisse rien que d'y penser. Je ne le sens même pas encore bouger et j'ai pourtant un mal fou à m'imaginer confier ce bébé, notamment parce que je n'ai pas de personne de confiance ici, pas d'amis vers lesquels me tourner. Je ne me sens pas entourée, jamais de la vie je ne demanderais à un membre de sa famille de s'occuper du bébé ! Dieu comme les choses seraient plus simples si nous étions en Louisiane... Je bascule sur le flanc, vient poser ma joue sur son épaule, inquiète à présent. Tu crois que je devrais... je sais pas, aller à des trucs de sport pour femme enceinte ou ce genre de conneries ? Essayer de rencontrer d'autres futures mamans ? Ou ce serait ridicule ? Autant vous dire que je ne m'imagine pas du tout faire ce genre de choses ! Mais je suis bien obligée d'admettre, tout bas, un peu honteuse : En-dehors de toi je me sens un peu... Seule ici... J'ai un peu peur pour la suite.

Je regarde Nina un peu bizarrement, elle en a de ces questions étranges aujourd'hui ! "Ben ouai, pourquoi pas ? Tu y retournes assez souvent. Les bébés, et les enfants peuvent prendre l'avion j'imagine ?" J'ai déjà vu des mômes dans les avions, et je suis presque sur d'avoir déjà vu un bébé. Je ne sais pas à quel âge c'est possible. Il parait qu'il y a des bébés nés dans les airs. Tout doit être possible !

J'esquisse un sourire face à son entêtement et je capitale "Oui M'dame, je demanderais au trois" Ça ne me dérange pas de le faire et je suis d'accord que le bouche à oreille est encore la façon la plus facile d'obtenir des noms fiables. Quoiqu'en y réfléchissant, je pense bien qu'Aleksandra va rester à la maison. Mon père n'a jamais été du genre à laisser ses femmes travailler, sauf peut-être la mère de Camenko puisqu'il n'était pas officiellement avec. Est-ce qu'il l'entretenait pour qu'elle reste à la maison ? Je n'en sais foutre rien et je me vois mal demander à mon frère ! Il y a des sujets tabous. Sa mère et la mienne ont été en "concurrence" pour le même homme, notre père. Pourtant, je ne me sens pas moi-même en concurrence avec Camenko. Peut-être bien que j'ai été absent trop longtemps pour ça ou que le fait que Jelenko ait fait vingt ans de taule a changé la perception de nos relations filiales. Je trouve Cam plus proche de Mirko que de Jelenko. Nous n'en avons jamais vraiment parlé, jetant un mouchoir sur le secret de polichinelle qui fait qu'on est demi-frère, et pas frères. Ça m'est égal, je suis juste content d'avoir un frère. Je ne pense pas qu'on aura un second enfant avec Nina, déjà un, c'est limite un miracle, mais je me demande si c'est pas un peu triste d'être enfant unique... Plus jeune j'avais Saskia, aujourd'hui j'ai Cam.

Elle me distrait de mes pensées sérieuses par une question qui retient mon attention. Non pas pour la question en elle-même mais parce qu'elle trahit un sentiment de solitude qui m'inquiète chez Nina. Je me redresse en la calant contre moi pour caresser ses cheveux. "C'est à cause de ton boulot ? Est-ce que ça se résout ?" Oui je suis inquiet, Nina est une personne active et ici, elle se morfond, j'ai peur qu'elle se lasse. "Tu sais srce, tu peux aller à tous les cours que tu veux si tu penses que ça te fait du bien. J'ai pas envie que tu t'ennuies ou que tu te sentes seule, srce moje. A la clinique, ils font des trucs comme ça, y avait des brochures. Comme c'est la clinique la plus chère et la plus réputée de la ville, tous les étrangers y vont. Tu devrais bien trouver des copines anglophones si c'est ça qui te manque." Des copines, c'est mieux que des potes.

Je hausse les épaules, ses réponses coulent tellement de source depuis tout à l'heure que je veux bien admettre que je psychote complètement. J'ai toujours tendance à noircir le tableau, notamment quand il s'agit de lui, j'en suis bien désolée d'ailleurs. Non tu as raison, c'est idiot comme question, je crois que j'angoisse pour rien... Excuse-moi. Ce n'est pas tant lui qui m'inquiète que sa famille, et je m'imagine toujours le pire. J'ai peur de ce qu'on projettera comme rêves sur cet enfants, des projets qu'on pourra imaginer pour lui quand je veux seulement qu'il soit libre comme ni Slavenko ni moi n'avons pu l'être dans notre vie.

Le sujet de mon travail est resté un peu tabou depuis ma violente dispute avec Dimitri, parce que je ne sais finalement pas quoi dire au slave. Je hausse les épaules, toujours pas sûre de moi. Il ne peut pas forcer les filles restées ici à rentrer à New-York, il veut qu'on dissocie l'agence, ça c'est certain, pour le reste je ne sais pas si j'aurais le droit de garder le même nom ou pas, ni les mêmes clients... Je hausse les épaules. C'est encore flou et je t'avoue que ces derniers jours je n'ai pas eu envie de m'angoisser avec ça... J'avais juste besoin de repos. Et je sais très bien que Slavenko est la dernière personne au monde qui pourrait songer à me le reprocher ! Tu as raison, la prochaine fois que j'irais à la clinique, je prendrais une brochure, je verrais si quelque chose m'intéresse ou pas. Et il va falloir que je me penche sur cette histoire quand même, et qu'on tranche avec Dimitri une bonne fois pour toutes. Je soupire, embrasse son épaule avant de souffler : C'est juste... Si je n'ai même plus l'agence, j'ai peur de devenir folle.

Je ne comprends pas bien ses craintes, mais je sais que Nina est une grande angoissée de nature (bon ouai, c'est l’hôpital qui se fout de la charité, mais nous n'angoissons pas tout à fait pour les mêmes choses.) En tout cas, bonne chose pour nous, là tout de suite, je suis bien et je ne m'offusque pas de ses sous-entendus qui pourraient pourtant finir par être vexant !

Je la laisse m'expliquer que c'est au point mort avec Dimitri. Je fronce les sourcils contrariés par la réaction de l'associé de Nina. Je savais bien que c'était un crétin, je le sentais pas ce gars ! Je l'aurais devant moi je lui péterais la gueule de causer tant de soucis à mon trésor ! Et pour me défouler aussi. "Bien sur que non il peut t'obliger à rien, il croit quoi ?! Pfff." Ça m'agace qu'il foute tout en l'air et créé du tracas à Nina. "Je sais bien srce que tu vas t'ennuyer si tu restes à rien faire. Je suis content que tu te sois reposée, tu en avais besoin - moi-aussi mais je ne l'avouerais pas aussi facilement - mais j'te demande pas de devenir mère au foyer ! Je sais pas, on dirait que tu as peur de ça...Tu vas remonter un business j'en doute pas moj andjeo. Tu as tout sous la main, les clients, les filles, le lieu...Tu es déjà coté aussi, ici, enfin à Sarajevo. Je suis sur que tout va bien se passer moj andjeo pour autant que tu refourres ton nez joli dans les affaires."

L'agacement de Slavenko me fait plutôt plaisir, je dois bien l'admettre, c'est toujours agréable de se sentir soutenue, de savoir qu'il est dans mon camp. Il pourrait aussi me dire qu'il m'avait prévenue que Dimitri n'était pas clair, je lui suis reconnaissante de ne pas me faire de leçon de morale. Je sais mon ange, personne ne me force à rien, j'ai juste pas envie de me battre. En temps normal pourtant, je crois que je l'aurais fait. Mais je suis dans une période où j'ai juste envie de me consacrer au bébé qui grandit en moi. Je ne veux pas de conflits, j'en ai assez des disputes, de devoir être toujours dans l'opposition. J'aimerais pour une fois que les choses soient simples, et j'ai envie de croire qu'on a vécu suffisamment de choses avec Dimitri pour qu'il ne soit pas borné, et mauvais, au point de vouloir m'arracher tout ce que j'ai. On doit pouvoir trouver un terrain d'entente.

Je souris face à ses craintes, caresse sa joue tout doucement. J'ai absolument pas peur de ça, mon amour, je t'assure que je sais que tu n'as pas l'intention de me demander de rester chez nous à m'occuper du bébé, je t'assure. Je lui vole un baiser, le prolonge un peu au contact de ses lèvres trop douces sur les miennes. Je vais m'y remettre, dès qu'on sera rentrés, j'appellerais Dimitri pour savoir à quoi m'en tenir. Et j'agirais en fonction. Je remonterais une autre boîte s'il le faut, je sais que les filles me suivront, celles qui sont ici en tout cas. Je frotte mon nez contre le sien. Et puis je t'ai, toi, c'est un avantage non-négligeable.

Si je n'aime pas Dimitri c'est parce que j'ai toujours trouvé qu'il se mêlait un peu trop de la vie de Nina. Je crois le problème c'est que tant que Nina allait dans son sens tout allait bien, mais à présent qu'elle a sa vie ici - avec moi - ça coince. Je crois qu'il pensait la contrôler, et qu'il y avait une sorte de relation entre le paternalisme et le désir latent (en tout cas de sa part à lui). C'est pour ça que je ne l'aime pas, la jalousie n'aidant en rien à l'apprécier. Et surtout Nina est une grande fille, elle peut décider pour elle même. D'ailleurs, je ne me mêle pas vraiment de ce qui passe d'ailleurs, me contentant de quelques conseils - comme consulter Eliza - et d'attendre qu'elle me dise si elle a besoin de moi.

Je m'éclaire à la récompense de son doux baiser, ses mains sur mon visage. A ses questions étranges, je commençais à me dire qu'elle avait une drôle de vision de l'avenir, comme si j'allais être particulièrement chiant à cause du bébé. Mais je suis plutôt serein, à me dire qu'on prendre les choses comme elles viennent et qu'on règlera les problèmes quand ils se présenteront. Si j'aime bien planifier certains trucs, je suis aussi quelqu'un qui s'adapte et se laisse facilement porter par le courant. "humhum tu m'as moi zlato moje. tout ira très bien srce..." Quant à moi, je n'ai pas encore décidé ce que j'allais faire. Moi aussi je fais ma phase d'incubation, espérons qu'elle dure pas 9 mois. Je devrais peut-être en parler à Camenko. Mais ça dépendra aussi de ce que Nina fait avec sa boite. Est-ce que je dois attendre pour lui en parler? Mon front se plisse sous la réflexion qui m'agite.

Je ne peux pas en vouloir à Slavenko de toujours se penser à l'origine du problème, je lui fais tellement de reproches depuis mon retour à Sarajevo que le contraire serait surprenant. Et même si j'ai eu toutes les raisons du monde d'être malheureuse et revendicative, je ne supporte pas l'idée de lui faire de la peine, et je ne voudrais pas qu'il se sente illégitime ou toujours remis en cause. Ce n'est pas le cas, et encore moins sur ce sujet-là. Ce n'est pas lui le problème, c'est moi. Je suis d'un naturel angoissé mais pas vraiment stressé au quotidien, parce que les boulots que j'avais avant ne me plaisaient pas ou bien que je les gérais comme je voulais. C'est la première fois que la situation me file entre les doigts de cette façon. L'agence, c'est ce qui m'a permis de me reconstruire, j'ai mis toute mon énergie dans ce projet, je lui ai donné tout ce que j'avais. Mais l'idée de départ était celle de Dimitri et je ne me sens pas légitime pour réclamer quoi que ce soit.

Malgré son assertion que tout va bien se passer, je le sens préoccupé, et je fronce les sourcils en glissant mes mains dans ses cheveux. C'est quand même fou comme toutes les discussions sont plus simples après l'amour, quand on est détendus et blottis l'un contre l'autre. Est-ce que ça t'inquiète...? Je plisse le nez, tente une plaisanterie qui finalement n'en est qu'à moitié une, je le sais bien : Je te laisserais casser les dents de Dimitri s'il est pas coopératif, si tu veux.

"Oh si t'as besoin, j'me dévoue srce !" J'esquisse un sourire, dans la chaleur de ce câlin doux qui nous mène à une conversation calme, ce qui est en effet assez rare pour être noté. Mais il faut dire aussi que la dernière discussion m'a bien calmé. J'aimerais bien ne plus avoir de bleus sur le corps avant de risquer une nouvelle conversation houleuse. Mais après la plaisanterie, je veux bien admettre du bout des lèvres "oui ça m'inquiète un peu"

Je soupire, non pas contrarié mais toujours indécis. J'ai toujours été écartelé entre Nina et mes obligations avec les tigrovi, je vous assure que c'est pas simple à gérer tout ce bordel dans ma tête. J'ai des désirs contradictoires entre celui d'être proche de ma famille - la mienne Nina et le haricot - et celui de bien faire mon taf et de plaire à mon père. Je ne suis pas sur qu'un jour je cesserais d'être tiraillé, ni qu'un jour les deux soient pleinement et sereinement compatibles. Ou alors c'est que je m'y prends vraiment comme un manche, ce qui est aussi très possible. Je me demande comment fait Stefan avec sa femme et son gosse, il est souvent fourré au Pussynight.

"Tu sais que Leg veut se lancer en politique ? De notre coté. Il pourrait avoir besoin de toi et de ta boite. Les filles sont un bon moyen de se faire des alliés ou de faire chanter ses ennemis."

Je fronce les sourcils, me rapprochant un peu plus de lui. Je suis désolée... Je veux pas te causer de souci... Et il n'y a pas de raison objective de s'en faire, ce n'est pas comme si nous étions à la rue. Le seul problème, c'est que je ne peux plus utiliser les cambriolages comme compléments de revenus, et je ne croule pas sous les missions de hacking en ce moment non plus. D'ailleurs certaines d'entre elles -la plupart en fait- impliquent d'aller sur le terrain et je doute fort que Slavenko me laisse y aller. Alors oui, en temps normal je crierais sans doute qu'il n'a pas à me donner son accord, mais moi aussi je pense au haricot... Je ne me pardonnerais jamais qu'il lui arrive quelque chose parce que j'ai été trop bornée pour mettre mon ego et mon besoin d'indépendance de côté. J'attends cet enfant depuis trop longtemps, je le veux trop fort pour ne pas ronger mon frein. Faut pas que tu t'inquiètes, c'est une période transitoire, c'est tout, je vais retomber sur mes pattes, tu verras. N'est-ce pas ce que je finis toujours par faire ? Avec pertes et fracas, souvent, mais j'y arrive toujours.

Il parle soudainement de Legence et je hausse les sourcils. Ah ? Non, je savais pas, ça fait longtemps que je l'ai pas vu... Tu l'as vu quand ? Je ne vais pas nier la petite pointe de jalousie qui me mord la poitrine, là, tout de suite. Enfin, j'imagine que moi non plus je ne lui dis pas toujours lorsque je vais voir Yulian. Ce n'est pourtant pas volontaire. Je lui proposerais nos services si j'arrive à maintenir la boîte à flots. Il est trop tôt pour se projeter tant que tout n'est pas réglé.