If time would stop the moment we met - Slavina

Alors que je me tiens sage, tigre aux griffes rentrées, concentré sur sa tâche pour ne pas déraper, elle parle, tout bas. Mon cœur s'arrête, se brise et une drôle de chaleur m'envahit. Le sang bourdonne dans mes tempes lorsque je relève la tête en délaissant le bandage. Je ne suis pas triomphant, je suis malheureux autant qu'elle peut l'être. Dans mes rares moments d'altruisme j'aurais voulu qu'elle soit heureuse sinon j'admets que je rêve qu'elle ne m'ait pas oublié. Il y a du désespoir dans mon regard, des regrets aussi. "Nina"

Je me redresse et je me mets dans le canapé près d'elle, je lui offre mes bras, la ramène contre mon torse en caressant ses cheveux. Je parle bas aussi, d'une voix grave et sérieuse "tu me manques aussi Zlato. Tous les jours, tout le temps." et c'est encore pire depuis que je l'ai revue. Je pense à elle, je rêve d'elle, je fais tout pour trouver des ruses pour la voir. "Je t'aime encore, tu sais ça ... ?! " Elle dit que je ne l'ai jamais aimée. Peut-être que ma façon d'aimer est bâtarde, mais je l'aime de la seule façon dont je suis capable a priori. Je ne lui dis pas que ça ira ou que ça va passer, je n'en suis plus du tout convaincu. Ça n'est pas passé du tout en plus d'un an alors... Je la câline, caresse son cou, embrasse sa tempe, la berce de toute la tendresse dont je suis capable sous mes airs de brute mal dégrossie. "ti si moje zlato, moj andjeo, tu le seras toujours. Srce moje humm ?"

J'ai le coeur au bord des lèvres, l'impression d'être sur le point d'imploser et je ne peux plus me taire, c'est trop difficile. Je n'ai pas besoin de faire comme si ça ne me touchait pas, c'est justement ça le problème, il est parti comme s'il pensait que ça ne me toucherait pas, que ce n'était pas grave. Mais ça m'a brisée, et j'ai beau tenter de me reconstruire j'ai perdu en route une partie de mon âme, il le sait, je suis sûre qu'il le sait. Je n'attends rien de lui, je n'espère rien en retour, j'ai seulement besoin qu'il le sache, de briser ces non-dits entre nous.

Je retiens mon souffle quand il revient s'asseoir à côté de moi, hoquette à la seconde où il referme ses bras sur moi pour m'attirer contre lui. J'ai besoin de lui mais je ne le crois pas, ni quand il dit que je lui manque, ni quand il dit qu'il m'aime encore. Alors je secoue la tête, sans répondre pourtant parce que je ne veux pas d'une autre dispute, pas maintenant, je n'aurais pas la force de me battre contre lui et ma gorge est de toute façon si nouée que je fondrais en larmes au bout de dix secondes. Je suis déjà à deux doigts de pleurer. D'ailleurs ma voix tremble dangereusement quand je murmure : T'avais pas le droit... T'avais pas le droit de partir, de me laisser comme ça... T'avais pas le droit de renoncer, de m'abandonner. On aurait dû venir ensemble, se reconstruire, partir sur de nouvelles bases. On aurait dû essayer encore.

C'est évident que je n'ai pas choisi la méthode la plus classe, ni la moins douloureuse. Mais j'ai fait comme j'ai pu. J'étais en train de me noyer et je ne voulais pas l'entrainer avec moi. Je me retrouve ici à Sarajevo, enfin je crois. En tout cas je n'ai plus à y penser, ce n'est pas ce qu'on me demande et ça repose mon âme meurtrie. J'avoue piteusement "J'avais plus la force de me battre. Surtout pas contre toi." Bien sur que j'ai renoncé, je ne le nie pas. "J'ai pensé...que c'était mieux comme ça."


Je passe mes doigts sur son visage, hume ses cheveux, son odeur. Je sens les battements de son cœur contre moi. "Ne pleure pas. J'en vaux pas la peine Nina, ne pleure pas." Non je n'avais pas le droit, mais je devais partir, revenir ici, retrouver mes marques. A force de trop couler, de trop souffrir, j'avais besoin de retrouver le cocon rassurant de mes racines, retrouver qui j'étais. Je n'aurais pas pu le faire avec elle, et si j'étais resté on se serait détruit mutuellement. Je l'ai vu quand elle a avorté pour moi. C'était la pire décision du monde. Bien pire que celle de la laisser.

Il ne s'excuse pas, ne me dis pas qu'il regrette et je sais pourquoi, parce qu'il ne regrette pas. J'ai eu l'espoir fou, je le sais, qu'il m'avoue s'être trompé. Pas sur son retour à Sarajevo mais sur notre séparation, qu'il me dise qu'il n'aurait pas dû mettre un terme à notre mariage, qu'il n'aurait pas dû partir comme ça. Des dizaines d'autres solutions me viennent à l'esprit, et j'aurais pu les lui proposer si seulement il avait bien voulu qu'on en parle. J'aurais tout accepté pour lui. Qu'on déménage ensemble à Sarajevo, qu'il déménage seul pour voir ce que ça donne, qu'on se voit moins souvent, seulement une fois de temps en temps pour renouer... Tout pour ne pas vivre cette brutale séparation sans transition. Pour ne pas passer d'une vie où je passais mes journées avec lui à une vie dont il ne faisait soudainement plus partie. Il n'est pas parti pour moi, c'est un mensonge, il est parti pour lui. C'était mieux pour toi. Seulement pour toi.

Je secoue la tête quand il me demande de ne pas pleurer, je sais très bien qu'il n'en vaut pas la peine, c'est au moins une chose que le temps m'a permis de comprendre. Pourtant j'ai beau connaître toutes ses failles, tous ses défauts, tout ce qu'il a pu faire, ça ne m'empêche pas de l'aimer à en crever, encore aujourd'hui. Il est mieux ici, c'est une évidence. Il ne regrette pas notre vie à deux, ce qu'on était ensemble. Peut-être qu'il dit vrai quand il prétend que je lui manque, mais je ne lui manque visiblement pas suffisamment. Comme on s'en doute, j'ai fini par fondre en larmes entre ses bras, le trop-plein d'émotions m'achevant complètement. Je finis par décider ce que j'aurais dû décider depuis le départ : Je crois... Je crois que je vais rentrer à New-York... Dimitri viendra prendre le relais.

"Pour moi ? Oui en grande partie. Mais pour toi aussi. Enfin je crois. " Si on regarde la situation froidement, comment aurait-elle pu vouloir un mari violent, qui l'a bat et la violente et qui lui refuse un bébé ? Même le psy m'a traité de psychopathe, alors bon, arrêtons de nous voiler la face deux secondes bon sang ! "Je ne pouvais rien te donner de bon. J'ai essayé, mais..." Mais finalement, j'ai tout raté, vraiment tout.

Elle m'annonce qu'elle veut rentrer à NY et je comprends. C'est tellement dur de ne pas être ensemble en se voyant. Je n'aurais pas pu rester à NY au risque de la croiser, je n'aurais jamais tenu quatorze mois comme ça. Ici il n'y a pas ou peu de souvenirs d'elle. Ils sont dominés par le passé ou ce nouveau présent. "C'est toi qui voit... Je regrette de t'avoir fait souffrir Nina. J'aurais du... " Je soupire, admettant du bout des lèvres parce que j'ai peur d'ouvrir la boite de pandore mais j'ai du mal à supporter qu'elle me haïsse. "J'imagine que j'aurais du pouvoir en parler plutôt que de partir comme ça. " Sauf que... j'avais fait le choix le plus facile pour moi en me disant qu'au moins je lui donnais une raison supplémentaire de me haïr.

Je me tourne vers elle, me décale pour pouvoir prendre son visage dans la coupe de mes mains. Je cherche son regard, pose mon front sur le sien en chuchotant "Je n'ai pas tellement envie que tu rentres à New-York." Je viens cueillir un baiser frémissant, doux, et terriblement doux-amère dans la passion qui bouscule mes sens avec la fureur d'une tempête. Je gémis contre sa bouche, lâchant la bride au manque, à ce besoin irrésistible qu'elle m'a toujours inspiré et dans lequel je me noie délicieusement.

Je secoue la tête, les sourcils froncés, essayant de répondre d'une voix dure mais les larmes y sont trop présentes pour que je puisse donner le change. Arrête de décider à ma place de ce qui est bien pour moi. Oui, je lui reproche plus la façon dont il est parti que le fait d'être parti tout court. Parce que c'était lâche et irrespectueux, parce qu'il connaissait mes penchants pour la drogue, mes tendances suicidaires aussi et que partir comme ça c'était prendre le risque que je me foute en l'air. C'est trop facile, de prétendre que c'était le mieux pour nous deux, de te faire croire que c'était pour me protéger. Ca soulage peut-être ta conscience mais c'est des conneries.

Je ne parviens même pas à le croire quand il me dit qu'il regrette de m'avoir fait souffrir. Honnêtement je pense que ça ne lui importe pas, qu'il n'y a pas pensé un seul instant. En plus d'être lâche il a été égoïste parce qu'il a seulement pensé à lui. Et je me déteste de lui avoir laissé ce pouvoir sur moi, de le lui laisser encore aujourd'hui.

Tout mon être se crispe quand il prend mon visage entre ses doigts, je crois mourir sous la douceur de son baiser, il a toujours été trop doué pour se faire passer pour un agneau, loup qui rentre ses griffes mais seulement une fois qu'il vous tient déjà entre ses crocs. Je m'arrache à ses lèvres, sans pour autant m'arracher à ses bras, je n'en suis pas encore capable, une chose à la fois... Je peux pas faire ça... C'est trop dur... Je peux pas... Je peux pas te voir, et voir la vie que t'as construit sans moi... Je peux pas.

Je la relâche aussitôt, l'amertume se mêlant à la déception alors que je m'efforce de me dire que c'est le mieux. Bien sur que c'est le mieux. On ne remet pas un poussin dans sa coquille ! Je capitule tout de suite "tu as raison. Je comprends." J'inspire et me détache d'elle avant de me pencher. "Allez viens, je t'emmène au lit." J'ajoute avec un sourire d'une noire ironie, consommant jusqu'à la lie mon désespoir, parce qu'à mon sens c'est comme ça qu'on s'en sort, sans fausse complaisance. "Pour dormir !" Je la soulève comme une plume pour l'emmener à la chambre où je la dépose avant de m'écarter"J'ai mis le chauffage, tu ne devrais pas avoir froid et il y a la couette. Demain je t’appellerais un taxi."

Je fais un geste vers la salle de bain, il faut passer par la chambre pour y aller, comme dans le Bronx, amusant d'y penser maintenant. "je vais prendre une douche, ne fais pas attention à moi, j'irais dormir dans le salon après." Je pue la vodka, la fumée, la transpiration, il est temps d'y remédier. Je me glisse dans la salle de bain et je m'y déshabille avant de me coller sous l'eau froide de la douche. J'ai toujours cette habitude, d'autant que le ballon d'eau chaude est vraiment petit ! Pour une fois je prends un peu plus que 2mn histoire de me remettre aussi les idées en place, mes pensées tournoyant autour des paroles de Nina.

Je lui en veux, terriblement, de me relâcher sans insister. C'est que je dois être complètement schizophrène parce que pour une fois il ne fait pas preuve de lâcheté ou d'égoïsme, chercher à me retenir serait cruel et je le sais... Pourtant je ne peux m'empêcher d'être déçue. Encore. Mes propres ambivalences m'épuisent. Ma gorge se noue douloureusement quand il me soulève dans ses bras pour m'emporter dans la chambre. Ce geste me rappelle tellement de souvenirs que je ne sais pas comment je fais à ne pas fondre en larmes une nouvelle fois. J'ai à peine cessé de pleurer...

Je n'ose plus ouvrir la bouche, je hoche la tête à tout ce qu'il dit, à tout ce qu'il propose en songeant qu'il serait ridicule que je me batte pour une histoire qu'il a déjà laissée derrière lui. Il n'a jamais eu l'intention de renouer, j'y ai cru pourtant quand on a couché ensemble mais c'était faux. Il voulait profiter une dernière fois, c'est la mélancolie qui l'a poussé dans mes bras, pas les regrets, jamais. J'attends qu'il disparaisse dans la salle de bain pour me glisser sous les draps qui sont imprégnés de son odeur et je m'y enfouis toute entière, désespérée comme jamais. Bien-sûr je crève d'envie de le rejoindre sous la douche, je suis sûre qu'il ne me repousserait pas... Mais je trouve le courage de ne pas bouger. Je me recroqueville sur moi-même, dos à la salle de bain, fermant les yeux aussi fort que je peux comme si ça pouvait le faire disparaître.

Lavé et enroulé dans la serviette, je sors le plus silencieusement possible de la salle de bain. La silhouette de Nina repose dans mon lit, recroquevillée. Je l'observe quelques secondes et je vais jusqu'à la fenêtre pour descendre le store relevé. Je re traverse la pièce et je gagne le salon. Je laisse la porte entre la chambre et le salon entrouverte, parce qu'autrefois ses nuits étaient souvent peuplées de cauchemars. Je ne sais pas si ça a changé. Je ne dors pas tout de suite. Je me cale dans le divan, un coussin sous la tête et je surfe sur mon téléphone pour voir les nouvelles. Demain quand Nina sera partie, je m'occuperais du cas de Javan - je n'ai certainement pas oublié ! Et une fois que ce sera fait, et qu'elle sera rentrée à NY, j'essaierais de l'oublier à nouveau ou plutôt de vivre avec son absence.

Je baille et je fume une cigarette avant de me décider à poser mon gsm pour dormir un peu, un bras calé sous la tête.

Chaque seconde passée ici me tue, à tel point que je regrette d'être venue ce soir. Mais je n'ai pas su faire autrement, quand j'en ai la possibilité c'est toujours dans ses bras que je cours quand ça ne va pas, quand j'ai besoin d'aide. C'est sûrement aussi un peu à cause de ça qu'il a fini par partir, parce que j'avais trop besoin de lui... J'écoute les bruits de la douche, et puis de pas quand il marche dans la chambre mais je ne rouvre pas les yeux. Il part se coucher et cent fois j'hésite à le rejoindre. Je pourrais me glisser sous la couverture, me blottir contre son corps brûlant sans rien dire, seulement pour avoir droit encore un peu à sa peau avant de partir pour toujours. Au lieu de ça puisque je ne dors pas, j'écris à Dimitri pour lui expliquer, vaguement, la situation. On cherche ensemble des billets d'avion, pour le lendemain, il faut qu'il arrive quand je pars, je ne veux pas laisser les filles seules ici. Je trouve un vol pour le samedi soir, que j'achète sans réfléchir. Parce que si je réfléchis, je vais aller dans le salon réclamer sa bouche plutôt que de rentrer chez moi... Mais je ne peux m'empêcher de penser que je ne suis chez moi nulle part où il n'est pas.

La nuit est longue, entrecoupée de réveils où je peine à me rendormir. Nina est à coté ! Comment voulez-vous que je dorme ? Je me rappelle ces jours où on dormait séparé quand elle me battait froid, parce que j'avais fait une quelconque connerie (j'en ai beaucoup à mon actif, difficile de toutes les énumérer.) Je n'ai jamais aimé ça, je voulais toujours qu'on soit quand même ensemble, même si elle m'en voulait. Je crois que ça a changé le jour où on a su qu'elle était enceinte, les jours qui ont suivi ont été tellement durs.

Je me lève très tôt, l'aube pointe et je traîne pour ne pas réveiller Nina. Je ne veux pas la réveiller, je voudrais qu'elle reste là, éternelle belle au bois dormant. Je rentre dans la chambre et je m'assieds au bout du lit pour la regarder dormir. Je consomme mes regrets. Elle est belle entre les draps froissés malgré la vétusté de l'appartement. J'imagine le sien beaucoup plus beau, avec cette touche féminine qu'elle avait apporté au nôtre. Dans tout mes scénarios Nina est entourée de "beau", des belles choses, des belles personnes, une belle vie. Elle a raison, j'endors ma conscience.

Elle a un demi soupir dans son sommeil et il m'émeut bien plus que je ne devrais l'autoriser. Sa fragilité et sa beauté m'ont toujours infiniment touché. Sa force aussi parce que quoiqu'elle en dis, elle est forte, bien plus que moi. Je chuchote "Je suis désolé mon amour. Je ne savais plus quoi faire là-bas, pour moi, pour nous. Je me noyais. Je t'aurais entraînée au fond avec moi, j'ai bien failli avec... - même si elle dort, je n'ose plus lui désobéir et dire le bébé. J'esquive le mot dans un soupir . Je passe une main lasse sur mon front. Je parle tout seul, tout bas, puisqu'elle dort et que je ne veux pas la réveiller - Tu sais souvent je me demande. Comment est-ce qu'on peut aimer quelqu'un si fort et lui faire tant de mal, j'ai pas la réponse... Je t'aime Nina. C'est pour ça qu'il faut que tu rentres à NY, parce que j't'aime et que tu me manques. T'as raison, c'est bien trop dur de te voir là sans être avec toi. J'ai envie de te toucher, j'ai envie de caresser ta peau, d'embrasser ter lèvres. J'ai envie de toi, d'être avec toi. ja volim te." Je me tais en secouant la tête. Tu es pathétique Slavo. Laisse la partir.

Je dors, moi aussi, très mal. Mes nuits sont toujours agitées, et c'est bien pour ça que je reprends de la kétamine, malheureusement elle est restée dans ma chambre d'hôtel et je n'ai rien, ce soir, pour m'aider à dormir. Savoir Slavenko dans la pièce d'à-côté ne m'aide pas. La tentation est bien trop grande de le rejoindre et de quémander le secours de ses bras pour éloigner mes cauchemars. Et puisque je ne le fais pas, je passe une nuit affreuse. Je finis par sombrer, d'épuisement, bien des heures plus tard, à peine bercée parce que les draps ont son odeur et que je la trouve, encore aujourd'hui, rassurante. Mes songes sont peuplés de son visage, de souvenirs de nos étreintes et de notre vie ensemble, je voudrais ne jamais plus me réveiller.

C'est sa voix qui finit par me tirer du sommeil, mais je somnolais trop pour percevoir le sens de ses paroles, je n'en ai entendu que le son. Je m'étire longuement dans un soupir avant d'ouvrir enfin les yeux pour croiser son regard. Mon visage s'illumine malgré moi, je n'y peux rien, et pourtant une ombre de douleur passe dans mon regard noir. C'est sans doute parce que je sais que je pars demain, mais je ne parviens même pas à être gênée qu'il soit là à me regarder dormir. Je me redresse, grimace parce que ma mâchoire endolorie se rappelle soudain à moi. Salut... Je dois avoir une sale tronche, vraiment, mais ça m'est égal. J'esquisse un sourire triste, parce que je crois que c'est la dernière fois qu'on se voit. Merci de m'avoir laissé ton lit...

Je la vois s'éveiller et son visage s'éclairer et le mien fait de même en retour. J'ai un élan naturel vers elle que je réprime brutalement. "Salut" Je souris, je lui souris, à elle, je la dévore du regard avec une intensité douloureuse. "De rien. Je crois qu'il est pas très confortable hum ? Bien dormi quand même ?" Je m'approche d'un espèce de glissement ou de saut sur le matelas pour remonter plus haut. Je tourne un peu son visage, grimace avant de le caresser sur le coté d'un geste tendre que je n'ai pas envie de réprimer. "Bon c'est pas super sexy, mais ça va encore. Ça devrait vite partir, t'en fait pas. " Elle a dit qu'elle rentrait à NY et moi aussi je pense que c'est la dernière fois qu'on se voit. Pour de bon cette fois puisque je n'irais pas au USA et qu'elle ne remettra jamais les pieds ici. La même douleur de la déchirure traverse mon regard et me coupe le souffle. Je prends sa main dans les miennes, triture ses doigts en silence. Je cherche les réponses dans son regard, hésitant longuement avant de poser la question. "Alors tu rentres à NY ? Tu es sure ? Tu peux...tu peux rester. Je ne t'ennuierais pas si c'est ce que tu crains." J'esquisse un sourire pâlichon de bonne volonté.

​Je secoue doucement la tête. Non, c'est vrai, il est pas très confortable... Mais j'étais toujours mieux qu'à l'hôtel. L'hôtel où, pourtant, le matelas est bien plus épais, les draps bien plus doux... Mais dans le lit de l'hôtel je n'ai pas son odeur. Je me redresse un peu mieux quand il approche, grimace légèrement au contact de ses doigts sur ma mâchoire. C'est pas très grave, je mettrais du maquillage... Je hausse les épaules, de toute façon quelle importance puisque je m'en vais. Je baisse les yeux sur nos mains jointes, caresse doucement ses doigts comme il caresse les miens. C'est pas ce qui me fait peur Slavo... Je peux pas rester... Tu sais bien que je peux pas... Être dans cette ville, sans lui, c'est trop dur, je ne pourrais pas le supporter, j'ai déjà du mal à le supporter maintenant. Je lève sur lui un regard triste. J'ai déjà changé mon vol... Je prends l'avion demain.

Je vois la douleur qui passe dans son regard et je repousse la couverture pour venir près de lui. Je me niche dans ses bras, appuie ma joue contre son torse dans un geste câlin. Pourquoi me priverais-je si c'est la dernière fois ? C'est mieux comme ça... Je me serre contre lui, hume son odeur pour tenter de la graver dans ma mémoire. Je finis par lever le nez vers lui, je pose mon front sur le sien, pose ma main sur sa nuque. Promets-moi de faire attention à toi, molim te... Mes doigts glissent, doucement, sur l'angle de sa mâchoire, il est bien plus facile d'être tendre, de laisser la colère de côté maintenant que je suis sûre de rentrer. Je peux rester à distance si je sais que tu vas bien... Dis-moi que tu seras prudent...

"De toute façon tu es très belle, bleu ou pas." Je peux me risquer à un compliment quand je me meurs d'amour pour elle. Je hoche la tête quand elle me donne la date. Mon Dieu si vite, j'en ai le vertige. "Ah, déjà ?" J'ai une moue mi-dubitative mi-approbatrice. "oui je sais, je sais..."

Je fonds d'amour quand elle se niche contre moi, je suis obligé de fermer les yeux très fort, un tigrovi, un homme, ça pleure pas. Je la respire, la serre contre moi, son front se pose sur les mien et je tremble sous la caresse de sa main sur ma nuque. Je me voûte, un gémissement douloureux, animal reste coincé silencieusement dans ma gorge. J'ai mal.

J'enlace Nina avec précaution avant d'oser ouvrir les yeux frémissant sous ses doigts que j'embrasse. "ne t'inquiète pas pour moi, je ne crains rien ici. Et je fais toujours attention tu sais bien. Et toi...toi, toi aussi prends-soin de toi srce. ok ?" Je viens chercher sa bouche doucement, tendrement, parce que je ne veux pas me laisser submerger par la passion ou le désir. C'est impossible, comment la laisser partir sinon ? Je noue ma langue à la sienne, boit son souffle doucement avant de la relâcher dans un effort surhumain "Je vais appeler ton taxi et je te fais un café le temps qu'il arrive"

Je sais bien que c'est précipité, que j'aurais pu attendre quelques jours de plus mais chaque heure supplémentaire passée dans cette ville augmente le risque que je me retrouvais entre ses bras. J'ai besoin d'y mettr un terme le plus rapidement possible, autrement je n'aurais jamais la force de repartir. Je ne sais déjà pas comment je vais pouvoir reprendre ma vie sans lui... Moi aussi, je fais toujours attention... Je glisse mes doigts dans ses cheveux et je me laisse happer par ce baiser qui me tue, notre baiser d'adieu. La douceur de sa bouche me brûle et contrairement à lui je ne trouve pas la force de retenir les larmes qui roulent sur mes joues. Il est encore là et pourtant il me manque déjà si fort que j'ai envie de mourir.

Je hoche bravement la tête, pourtant, le laisse s'éloigner tandis que je rassemble mes quelques affaires. Je bois mon café en silence, remets ma robe déchirée par-dessus laquelle j'enfile une veste à lui pour ne pas me balader à poil. Les adieux, puisque cette fois c'en est vraiment, sont trop douloureux pour que je les affronte. Je me contente de déposer un baiser sur sa joue sans rien ajouter, et j'ai la sensation de m'arracher le cœur quand je ferme derrière moi la porte de son appartement.