Les sommets immaculés - Slavina

"D'accord, on ira ensemble" je suis content de cette petite victoire. Je ne perçois que trop bien ses réticences à venir au QG. J'imagine que ma famille et les Tigrovi lui déplaisent, comme à NY, sinon pourquoi tant d'hésitations ? Mais je veux tout faire pour réconcilier les différents aspects de ma vie et faire que Nina se plaise chez les Tigrovi comme faire que ces derniers acceptent une américaine sans réticence. J'ai du boulot dans un cas comme dans l'autre.

"Tu sais, je préfère quand tu joues la parfaite secrétaire que la petite femme d'intérieure mais mes collègues ont d'autres fantasmes, alors rien que pour les faire rager, j'invente. Mais tu sais que j'ai déjà tout ce qui me plait pas vrai mon ange ?"

Je souris, à la fois amusé et attendri de notre conversation que je qualifierais de romantique, et à la fois troublé et excité de sa présence. Je mourrais pour un de ces baisers là, quand elle est suspendue à mon cou, quand elle a ce regard à la fois sombre et mutin, quand elle a ce sourire. Ma gorge se noue, mon cœur s'accélère alors que je lèche sa bouche jusqu'à nouer sensuellement ma langue à la sienne, lâchant u peu la bride au désir qui est chaud et lourd dans mon ventre, présence familière. Je finis par répondre après un moment à l'embrasser, entre deux mordillements de sa bouche "Je suis tellement fou que je ne vais pas te baiser dans la neige parce que je sais comme tu es frileuse srce moje..."

Je souris, amusée de ses justifications qui ne sont pourtant pas nécessaires. Joueuse, je hausse nonchalamment les épaules. D'accord, c'est comme tu veux, je t'attendrais pas nue sous un tablier à fleurs alors. La prochaine fois que je te ferais à manger, ce sera en combinaison de ski. Je ne vois pas pourquoi il faudrait se limiter à un seul fantasme, je tiens à réaliser tous les siens, et à me renouveler sans cesse, pour qu'il ne se lasse pas. Surtout, qu'il ne se lasse pas. C'est assez éreintant au quotidien, douloureux aussi, d'osciller sans cesse entre ces deux craintes, ces deux désirs contradictoires. Une part de moi veut l'envoyer au diable, ne pas se soucier de ce qu'il peut vouloir ou penser, parce qu'après tout il ne le mérite pas, il est parti. Mais une autre, pétrifiée par l'angoisse, n'aspire qu'à s'aliéner pour lui plaire, répondre à la moindre de ses exigences, pour qu'il n'ait rien à me reprocher et ne songe plus jamais à m'abandonner. Trouver l'équilibre entre les deux et difficile, long aussi, et pour la première fois j'ai l'impression d'y parvenir... Mais je me méfie, j'ai trop peur que ça ne dure pas.

C'est bien sûr plus facile d'oublier tout ça quand il m'embrasse de cette façon-là, à faire s'envoler des papillons dans mon ventre. Je glisse le bout de mes doigts dans ses cheveux, souris contre ses lèvres même si le désir me tenaille moi aussi. Je t'en suis extrêmement reconnaissante, je suis pas sûre que j'y survivrais et j'ai pas tellement envie non plus que ta queue finisse gelée. C'est que la température est quand même bien dans les négatifs. Cela dit, je ne suis pas suffisamment sage pour résister à souffler, d'une voix subtilement plus rauque. Mais toi... Tu pourrais glisser tes mains sous les couvertures... J'aurais pas froid...

Je proteste dans un grondement joueur "Les secrétaires ne mettent pas de combinaison de ski, mais plutôt cette jupe moulante noire avec le haut transparent bordeaux..." Je suis sur qu'elle voit de quel ensemble je parle. "Avec tes talons, les hauts." J'aime bien ses talons hauts, comme ça je ne suis pas obligé de me plier en douze quand on baise debout. C'est technique.

"Je vois pas comment ma queue en toi pourrait geler mon ange, t'es aussi chaude du dedans qu'il fait froid dehors." Je vous jure que c'est un compliment. J'ai une fausse moue hésitante à sa proposition, le regard déjà à la fois plus brillant et plus sombre. "Mais t'as des collants...Enfin t'as une robe c'est déjà ça." Je chipote les couvertures pour me glisser dessous suffisamment pour avoir une main au chaud, l'autre étant toujours nichée contre son cou et son visage. Je me heurte à une veste chaude et en descendant, un pan de gilet qui dépasse Je soupire de frustration "Tu as combien de couches de tissu dis-moi ?" En désespoir de cause, je pose ma grosse patte sur sa cuisse, d'un geste lourd et possessif, pressant la chair fermement.

Je plisse le regard en réfléchissant avant qu'un sourire n'illumine brièvement mon regard. Brusquement, je plonge sous les couvertures à la recherche de mon objectif : descendre ses collants pour m'enfouir entre ses cuisses.

Mon visage s'illumine d'une lueur mutine. La façon dont il se souvient toujours de mes tenues me conforte dans l'idée que tous mes efforts vestimentaires ne sont pas vains. Je sais encore ce qui lui plaît, ce qui l'excite, ce qui titille sa curiosité et ce qui le fait sortir de ses gonds. Tu sais quoi ? Ça fait une éternité qu'on n'est pas allés faire les magasins ensemble... Je crois que j'ai besoin de nouveaux tailleurs... Et je crois que tu devrais m'offrir de la lingerie, vu comme tu maltraites celle que j'ai. Les séances d'essayage avec lui ont toujours été riches en... sensations. Et je suis parfaitement disposée à mettre mes talons hauts pour aller faire du shopping. Cela dit il fait toujours plus de vingt centimètres de plus que moi et mes talons ne seront jamais si hauts, sinon ça s'appelle des échasses.

La formulation de sa phrase me tire un rire, ainsi qu'un haussement de sourcils. Chaude du dedans ? Je secoue la tête, dépitée, un sourire amusé accroché aux lèvres. On l'a déjà fait cela dit, de baiser dehors par des températures très froides, quand il s'était isolé dans ce chalet dans les bois par exemple. Mais il ne neigeait pas ! Je frémis délicieusement d'anticipation lorsqu'il cède, glisser ses mains sous les couvertures c'est déjà céder. Ma bouche contre la sienne je susurre : Six couches je crois... En comptant mes sous-vêtements... Mais mes culottes n'ont jamais représenté le moindre obstacle à ses yeux, bien au contraire. Sa main sur ma cuisse semble irradier de chaleur et les battements de mon cœur s'emballent furieusement quand il disparaît pour tenter d'accrocher mes collants. Je soulève le bassin, non sans une grimace de douleur parce que m'appuyer sur ma jambe blessée s'avère toujours compliqué, pour l'aider à faire glisser les fringues le long de mes jambes. Dans le mouvement, l'air glacial s'infiltre sous les couvertures ainsi soulevées et je frissonne violemment sous la morsure du froid.

"J'adorerais faire les boutiques avec toi moj andjeo. Pourquoi pas quand on ira à NY ? Il y a beaucoup plus de boutiques là-bas, et plus de lingerie...plus de tout." Plus de liberté aussi pour baiser dans les cabines mais ça je le passe sous silence.

Mon compliment la fait sourire et je prends un air innocent, en tout cas c'est mon but mais généralement j'échoue à ce jeu là, faut croire que j'ai naturellement une tête de coupable, le délit de sale gueule sans aucun doute ! Je rouspète gentiment "six couches c'est beaucoup trop..." Sous les couettes, je me tortille et je fais du mieux que je peux pour l'aider à me donner l'accès à son corps. Tout en essayant de ne pas trop remuer les couvertures pour ne pas faire trop de vent mais peine perdue ! Je retire mon second gant en le tirant du bout des dents, je veux pouvoir toucher Nina et sa peau trop douce.

Je fois plus ou moins bien calé, je me délecte. Il est si bon de faire plaisir à Nina ! Je commence doucement, pour qu'elle soit encore câline, qu'elle fourre ses mains dans mes cheveux, qu'elle m'intime d'y aller plus fort. Puis, fourbe je laisse une main aller chercher un peu de neige. On a eu des jeux avec des bouteilles de vodka gelées et je me souviens que ça lui avait plu. Ça m'avait énormément plu aussi. A défaut de ce merveilleux liquide, la neige au moins est aussi froide. Ma main gelée effleure ses chairs, mes doigts s'enfoncent et se réchauffent dans le va-et-vient que j'imprime sans hâte. Je frotte à nouveau de la neige sur son sexe avant de le réchauffer de ma bouche, alternant les sensations pour lui faire perdre la tête.

​Il confirme, une fois de plus, qu'il a bien l'intention de venir à New-York avec moi, et ça me réchauffe de l'intérieur. Je souris, acquiesçant parce qu'il a raison, il y a plus de tout à New-York, c'est bien pour ça que quitter les Etats-Unis est si difficile d'ailleurs. D'accord, on fera une séance shopping à NY. Je n'ai pas besoin de beaucoup d'efforts pour être convaincue que l'important, c'est d'être avec lui, peu importe l'endroit. J'aurais accepté de vivre au beau milieu du désert, si ça m'avait permis d'être à ses côtés. Le reste, tout le reste, n'est que décorum. J'en profite, en abuse, en demande tant que j'en ai l'opportunité, mais je me passerais de tout pour lui, sans hésitation. Est-ce qu'il le sait ?

Croyez-le ou non, mais je ne m'attendais pas du tout à ça en lui demandant de glisser ses mains sous les couvertures ! Je pensais sincèrement qu'il se contenterait de ses mains, pas qu'il plongerait en apnée pour me goûter ! J'exécute docilement ses désirs sans même qu'il ait besoin de les formuler, simplement parce qu'ils sont l'écho des miens. J'ôte mes gants à mon tour pour glisser mes doigts dans ses cheveux, m'accrocher à son épaule, me tendre vers lui dans un soupir de désir contenu. Et puis un cri aigu m'échappe quand sa main, glacée par la neige, glisse entre mes cuisses. Je renverse la tête en arrière, sursaute à chaque fois que ses doigts sont glacés, m'alanguit lorsqu'il me réchauffe, et ainsi perdus au milieu de nulle part, mes gémissements résonnent en s'envolant plus haut.

Le désir, le plaisir charriés dans mes veines sont brûlants, et ils me réchauffent à une vitesse affolante. L'étrangeté de la situation, l'excitation d'être dans l'interdit aussi -même s'il y a peu de chances qu'on nous surprenne- ajoutent à mon plaisir et je monte rapidement dans les tours. Il me connaît de toute façon trop bien, ses attouchements sont trop précis, ses petits jeux alternant le chaud de sa langue et le froid de la neige me font perdre la tête et il ne me faut que quelques minutes de ce traitement pour me laisser aller à la vague de chaleur qui me monte dans les reins.

Je n'aurais pas su me contenter de juste glisser la main entre ses cuisses quand je peux m'y nicher au chaud sous les couvertures. Il n'y a personne ici, la neige vierge de tous pas avant notre passage témoigne que le lieu est perdu. J'aime sentir Nina jouir contre ma bouche, contre mes doigts, son corps s'arquer sous mes soins, ses soupirs se faire lourds, et ses gémissements de plaisir me font toujours frissonner de désir. Autant dire que je bande furieusement rien que parce qu'elle jouit entre mes mains. Je la laisse profiter du flux et reflux de l'orgasme, ma joue appuyée durant ce temps contre sa cuisse avant de remonté et d'émerger, le visage rouge, de dessous. J'ai chaud et je dois vaillamment résister aux pulsions qui me ceignent les reins. Mais je l'aime assez pour ne pas la culbuter dans la neige même si la vue de sa peau blanche sur le blanc immaculé des sommets serait surement très beau. Et sincèrement, je n'ai pas envie d'une gâterie à la va vite. Je me réserve pour la maison.

Du coup, je me contente d'un chaste baiser pour me calmer et je me colle à Nina un instant. Je brûle malgré la température extérieure. "Humm faut que je sorte de tes couvertures avant d'être incapable de repartir moj andjeo. On se rentre ?" On en a encore pour un peu plus d'une demi-heure avec le tour que je nous fais faire. J'embrasse les mains de Nina avant de récupérer mes gants et de sortir des couvertures. Je m'étire et la laisse se rajuster tant bien que mal. Une clope échoue à nouveau entre mes lèvres souriantes, apaisé que je suis par l'interlude agréable. Avant de remettre mes gants, j'approche du traineau-luge et je caresse les cheveux de Nina. Puis je me remets derrière pour pousser. "tu es prête mon ange ? on est reparti !"

​Il me laisse, comme souvent, profiter de l'orgasme, les vagues contractiles, délicieuses sur lesquelles je flotte grâce à lui. Ca n'a jamais été si bon, avec personne d'autre que lui. Forcément, à cause de mon passé, notamment au Red Manor, j'ai rapidement été une adepte -bien malgré moi- des étreintes très insatisfaisantes, pour ne pas dire douloureuses. Ma vie sexuelle, même après être arrivée à NY, n'était pas vraiment rose. Et puis après qu'il soit retourné à Sarajevo, j'ai eu un mal fou à trouver du plaisir dans d'autres bras, et tous les orgasmes auxquels j'ai eu droit étaient sous substances. Je pensais être difficile, avoir des désirs compliqués, ... Et puis il est entré dans ma vie et j'ai découvert ce que c'était que de désirer quelqu'un vraiment. Les sommets de plaisir que j'atteins dans ses bras me paraissaient irréels avant de le rencontrer. Et pourtant, je sais à l'instant où il revient me serrer contre lui, que l'aspect charnel de notre relation n'est pas la seule chose qui m'ait manqué. Je crois que ce n'est même pas ce qui m'a le plus manqué, à dire vrai.

Je lui souris, émerveillée, éperdue d'amour aussi, et j'opine. Oui, on rentre... Je tente de me rajuster comme je peux sans trop sortir des couvertures, et mon regard s'illumine une nouvelle fois à ses gestes, rien que parce qu'il glisse ses doigts dans mes cheveux. En route. T'auras mérité une récompense en rentrant. Et croyez-le ou non, mais je ne parle pas uniquement d'une récompense sexuelle ! Non, non, je pense à ça, oui, mais aussi à lui faire quelque chose à manger, pour compenser l'exercice !​ Je m'enroule une nouvelle fois dans les couvertures et le laisse se remettre en route. Moi, je profite du paysage en silence, prenant quelques photos de temps à autre, pour immortaliser l'instant.

Je m'échauffe à nouveau rapidement en poussant ce traineau, au bout d'un moment c'est plus facile puisqu'on descend ! C'est appréciable. On se prend un fou-rire en manquant verser dans un virage un peu raide et rapide mais on rentre finalement à bon port. J'ouvre la double porte en bois du garage - qui ressemble plus à une grange - et j'entre la luge et Nina dedans. Je viens soulever le tas de couettes avec ma femme lovée dedans "Allez hop ! A la maison, femme." grondé-je en riant. Je ne suis pas mécontent d'être rentré, j'ai à la fois trop chaud et trop froid, mes orteils de pieds froids dans les rangers et mon dos collant de sueur. Je dépose Nina dans le canapé comme une chenille qui attend d'éclore. Je l'embrasse à la volée avant de vite m'occuper de remettre une bûche dans la cheminée pour ne pas qu'elle s'éteigne. Puis je vais ôter ma veste et finir de fermer le garage et ranger la luge. "Tu voudrais un thé srce ? Ou une rakija chaude ?"

​Ca faisait longtemps, je crois, qu'on avait pas été simplement heureux comme ça, j'ai presque envie de dire stupidement heureux ! Quand on sait comme le Destin aime nous foutre sur la gueule, il faut être idiots pour croire que tout va bien... Mais là, tout de suite, j'ai envie de juste profiter de l'instant présent, avec lui. Et son rire si rare qui retentit, fait battre mon cœur plus vite, plus fort. ​Il me soulève de la luge, m'emporte à l'intérieur, me portant comme une mariée, et ma poitrine se serre un instant à cette constatation. Je le suis du regard, le dévorant des yeux, fascinée de le voir s'activer encore quand à sa place je me serais seulement vautrée dans le canapé. Tu ne crois pas qu'on a mérité une douche plutôt...? C'est une douche ou une baignoire ici ? L'idée du thé est tentante, mais je sais bien qu'il est en sueur, qu'il a chaud, et qu'il a sans doute envie de prendre cinq minutes pour lui. Pour nous, en fait, parce que je n'ai pas vraiment l'intention de le laisser aller se doucher seul.

Nina a raison à propos de ce bonheur inattendu. Après les tensions de ces derniers jours - je devrais même dire semaine - je ne m'y attendais pas. Elle a eu une excellente idée de vouloir partir. "Il y a une petite baignoire qui fait office de bac à douche." Je suis désolé de la décevoir sans doute, ce chalet est particulièrement vieillot, à l'image de beaucoup de maisons de village. "Mais je te fais couler un bain, et tu me laisseras ton eau srce moje. Je te masserais le cou si tu veux, ça te ferait plaisir ?" Je passe indifféremment du serbe à l'anglais. En même temps, je mets une casserole à chauffer et je sors la rakija parce que j'ai vraiment envie d'un truc pour me réchauffer, et je ne suis pas un grand fana du thé, même si j'en bois parfois pour accompagner Nina. "Tu es sure que tu ne veux pas de vruca rakija ? ça te réchaufferait..."

J'ai retiré veste et rangers ainsi que mon pull, j'évolue mieux ainsi dans la maison bien chauffé. J'avoue que je ne serais pas contre me débarrasser de la sueur de la balade, mais je ne suis pas pressé. Le temps que ça chauffe, je reviens près de Nina, m'asseoir sur un coin de son canapé. Je demande d'un ton ronronnant de gros tigre qui rentre ses griffes et se fait peluche "Si tu m'embrassais srce moje ? "

Ce n'était pas un pari très risqué, par le passé chaque fois que le quotidien devenait trop tendu, trop douloureux, nos escapades nous permettaient toujours de nous retrouver et surtout de nous pardonner nos blessures mutuelles. Je savais que ça se passerait bien, encore qu'avec nous tout est possible, mais cette fois je sentais bien qu'il nous fallait un environnement différent, neutre aussi. Je suis heureuse de ne pas m'être trompée. Je plisse le nez en l'écoutant avec attention, si je veux comprendre le serbe je me dois d'être parfaitement concentrée. J'aime assez d'ailleurs sa résolution de me parler serbe plus souvent, je sens bien que je progresse beaucoup plus vite ainsi. Je réponds pourtant en anglais, principalement parce que je ne suis pas sûre de trouver mes mots. C'est toi qui a poussé mon carrosse pendant une heure Slavenko, ce serait à toi de prendre un bain et de te faire masser. En plus j'ai pas envie d'un bain sans toi... Je me fiche bien que le chalet n'ait pas de baignoire, j'y suis seule avec lui et ça en fait le meilleur endroit au monde.

Je lui souris en acquiesçant. Bien-sûr que je veux de la Rakija... Je dois me comporter comme une vraie slave maintenant ! Comme il fait chaud à l'intérieur, je peux repousser un peu les couvertures dans lesquelles il m'a enroulé, mais je garde néanmoins un plaid sur mes épaules, on se refait pas. Je me penche pour ôter mes chaussures et souris en le voyant me rejoindre. Je me redresse pour me glisser près de lui et passer une main sur sa joue. Sans hâte, je noue mes lèvres aux siennes, dans un baiser voluptueux dont la douceur me chauffe le ventre. Quand on achètera une maison, on en choisira une avec une baignoire...

Qu'on se le dise, je n'ai pas un tempérament dépressif, et j'aime ma vie. J'ai toujours été content de ma vie, même quand j'étais en taule, ou plutôt je m'en suis toujours satisfait. J'ai de grandes capacités à me contenter de ce que j'ai, je m'adapte. Mais Nina a toujours été différente pour moi, parce qu'elle est la seule capable de me faire sentir heureux, rempli de bonheur et pas seulement joyeux sur l'instant. Elle a ce truc particulièrement dangereux, celui de me remplir de désirs, de rêves, d'espoir et de joie. Elle est celle qui me fait désirer plus que ce que j'ai, c'est particulièrement flippant en fait si on y réfléchit. Elle me pousse à me projeter, à voir plus loin que juste demain.

Je souris amusé de sa répartie sur la rakija "C’est vrai que j'aurais jamais pensé me marier avec une croate !" ça j'ai le droit de le dire, même si on a divorcé, on a été marié, c'est donc une vérité et pas un déni. Je frémis sous sa caresse douce, me perds dans son baiser voluptueux qui fait resurgir l'amour avec une telle force que c'est douloureux de brutalité. "On fera des travaux si il faut, je n'imagine pas une salle de bain pour toi sans baignoire moja ribica. Et pour ce soir, je me contenterais d'une douche avec toi, mais après une rakija..." Heureux, je fourre mon nez dans son cou et ses cheveux, m'appuyant contre elle un instant en attendant que notre boisson soit prête.

Parce que tu pensais te marier avec une américaine ? Personnellement, je n'aurais jamais pensé à me marier tout court, j'avais toujours été convaincue que ce genre de choses n'était pas fait pour moi, et ça ne me rendait pas malheureuse, je n'en ressentais simplement pas l'envie ou le besoin. Après son départ, et aujourd'hui encore, est revenue cette conviction que je ne suis pas vouée à être la femme de qui que ce soit. Quoiqu'il en dise, même s'il a toujours prétendu ne pas vouloir divorcer, je sais bien que notre mariage décevait sa famille et je l'imagine soulagé aujourd'hui de ne plus être une déception pour eux. Encore que pour que ce soit tout à fait vrai, il faudrait qu'on se sépare à nouveau... Je fronce le nez, surprise de la tournure que prennent mes pensées à la simple évocation de notre mariage.

Un sourire étire mes lèvres à sa promesse de ne pas me forcer à vivre dans une maison où je ne pourrais pas satisfaire ma passion pour l'eau. Dans mes rêves les plus fous, on aurait une piscine, mais je n'ose même pas le formuler à voix haute, je ne sais pas si c'est possible, s'il en aurait envie... Ou même s'il fait assez chaud en été ici pour ça ! Il est parfait pour ça notre appartement, une baignoire pour moi, une douche pour toi... Les deux étant suffisamment grandes pour qu'on puisse en profiter ensemble, c'est surtout ça le plus important. Je tâtonne pour trouver sa main et y nouer mes doigts, revenant dans un sourire sur sa formulation qui m'intrigue. Qu'est-ce que tu imagines d'autre pour moi... Pour nous ? Si tu penses à la maison parfaite...

"Oui, une américaine de Louisiane figure-toi..." En l'état actuel de la politique, une croate, ce n'est pas si mal mais jusqu'à quand ?! Je souris en repensant aux moments où je disais qu'elle était aussi butée qu'une slave, j'avais bien raison. On l'a imaginé hongroise, polonaise, irlandaise aussi parfois ou même serbe. Mais voilà que ma femme est croate. Je sais qu'elle n'est pas encore prête à continuer les recherches sur sa mère alors je n'en parle pas plus.

"C'est vrai que l'appart' est très bien mais je préférerais une maison à nous, pas une location." Je lui abandonne ma main, ravi de ses attouchements câlins. "Un jardin moyennement grand, je veux pas passer ma vie à jardiner mais c'est bien l'été quand il fait beau et une grande pièce de vie avec une cuisine américaine." J'ajoute avec un sourire narquois "Ça me poursuit, j'aime ça les américaines ! "

Je me lève pour aller chercher la rakija bien chaude que je verse dans deux tasses avec du sucre, du miel et des épices. Je choppe un paquet de biscuit au vol et j'apporte le tout sur le guéridon près du canapé. Je donne une tasse à Nina "attention c'est brulant" Je goûte la rakija et grimace "jebote, elle est forte ! J'avais oublié que mon cousin la faisait lui-même !"

​A la mention de la Louisiane, mon regard s'adoucit, j'ai fait la paix, plus ou moins, avec ma ville natale, ce qui me fait dire : J'aimerais t'emmener en Louisiane, un jour... Au printemps, ou à la fin de l'été, pas quand il fait trop chaud, tu supporterais pas... Je suis sûre que ça te plairait. On plaisantait là-dessus, parfois, après la mort de Tobias surtout, parce qu'avant ça je refusais catégoriquement l'idée de remettre les pieds à la Nouvelle-Orléans. Je lui promettais de l'emmener chasser le crocodile pour satisfaire ses pulsions viriles ! Je suis retournée en Louisiane depuis, peu de temps, pour retrouver les traces de ma mère biologique, faire signe à mes amis qui me pensaient morte aussi... Je n'ai pas osé y rester longtemps, alors que j'aurais bien voulu, j'avais trop peur de croiser un ancien client.

Je hoche la tête dans un sourire. Oui, moi aussi... Tu sais ce qui me plairait ? Tout en parlant, je caresse ses doigts liés aux miens dans un geste tendre. Un jardin avec... Une terrasse, une grande terrasse, on n'aurait pas besoin de l'entretenir ça. Et pas de vis-à-vis, mh ? A l'abri des regards. Mon regard pétille parce qu'on sait bien pourquoi je tiens à notre intimité ! Le prochain jour de repos que tu as... Tu m'emmèneras visiter la ville dans laquelle tu aimerais acheter, d'accord ? Je ne parle pas de chercher une maison tout de suite, je ne veux pas lui faire peur... Ni me faire peur ! Mais déjà tâter le terrain, voir à quoi l'environnement ressemble, essayer de me projeter un peu... Oui, ça me plairait.

Je soupire, retiens mon souffle quand il s'éloigne pour ne le reprendre que lorsqu'il s'installe de nouveau près de moi. Un rire m'échappe de le voir si surpris et je grimace. Si même toi tu la trouves forte... Je prends ma tasse malgré tout, courageuse, et trempe mes lèvres dans la boisson, brûlante, déjà, et ouais... Foutrement forte. Avec ce truc on est censés pioncer jusque demain matin non ?

"On peut y aller en été, je supporte la chaleur tu sais... je suis pas un sucre. Et ici il fait chaud aussi en été, tu n'as pas encore vu mais tu verras, tu vas aimer ça." Ma voix est peut-être un peu plus rauque. peu à peu je mesure le gouffre de ce que j'ai pu rater avec elle à cause de ma lâcheté, un été ici avec elle à la regarder tenter de faire dorer sa peau de lait pendant que je m'efforcerais de l'enduire de crème pour qu'elle reste immaculée. Plus que la culpabilité, le sentiment d'avoir été lâche est difficile à assumer, c'est contraire à tout ce qu'on m'a inculqué. J'aurais pu partir, mais j'aurais du le faire autrement. C'est quelque chose qui me travaille depuis que je suis à nouveau avec Nina, et ça chaque jour un peu plus. Je suis en conflit avec moi-même.

"pas de vis à vis ? Oh...ça ne va pas être simple à trouver... Les gens ici adorent rester groupés, ils aiment le sentiment d'appartenir à une communauté mais tu sais je connais des promoteurs immobiliers et on pourrait bien trouver quelque chose qui nous correspondent, quitte à faire construire sur un terrain." je frotte ma barbe d'un air pensif. "Je ne suis pas fixé. Pâle ou plus proche, Sarajevo mais coté RS, ce serait plus près pour le travail... Du moment que c'est du bon côté. Je t'emmenerais voir, mais tu n'auras pas de grande suprise par rapport à Sarajevo tu sais..."

Je hausse les épaules avec un sourire. "Quand elle est forte, on la coupe à la cuissons avec de l'eau. mais celle de la ville, y a pas besoin. J'ai oublié que Dragan faisait lui-même sa Rakija. C'est pas le même effet." Je secoue la tête "humhum non, avec ce truc, on est censé avoir chaud, se retrouver à poil et baiser tout le reste de l'après-midi. Mais d'abord je vais pisser ! " Un rire m'échappe et je pose ma tasse avant de me lever. "Ne bois pas tout !"

C'est quand je reviens que mon téléphone sonne et que je décroche pour avoir mon père à l'autre bout du fil. Instinctivement, ma posture change, militaire et raide, comme si je l'avais en face de moi !

​S'il fait chaud j'aimerais forcément ça, j'adore l'été... J'ai peur qu'on cuise à l'appartement, d'ailleurs. Je ne sais pas à quel point les températures peuvent monter ici, et la mer est loin... Dieu que j'aurais aimé, un jour, vivre en bord de mer ! Malheureusement je ne crois pas que ce soit dans les projets du slave, et moi mon seul projet c'est de rester où il est. Mais l'été en Louisiane il fait vraiment très, très chaud, ça monte dans les 40° facile. Et surtout c'est une chaleur humide, ça peut être assez désagréable... Disons que pour visiter la ville, il y a mieux. C'est sûr, si on planifiait de rester à l'hôtel ça n'aurait pas d'importance, mais là je veux quand même plus que ça. Je crois que j'arriverais à le faire sans crainte, s'il est avec moi.

Il doit me traduire la phrase suivante parce que je ne comprends vraiment pas tout, mais dès qu'il le fait mon regard s'illumine brusquement, comme celui d'une enfant le soir de Noël. Construire ? C'est vrai, tu voudrais bien ? Un sourire se dessine sur mes lèvres, émerveillé, peut-être que je m'emballe trop vite, que ce n'est qu'une idée lancée comme ça et qu'il ne pensait pas que je la prendrais au sérieux. Je me redresse un peu, je ne veux pas l'effrayer. Ok, je sais que ce serait long, et bien-sûr ça coûte cher mais... J'aimerais vraiment ça, tout construire de A à Z, on pourrait faire exactement ce qu'on veut, quelque chose qui nous ressemble vraiment... Ou au pire, si on trouve juste les fondations, ça me va aussi... Mais sur un terrain sans vis-à-vis quand même ! En ça le Chalet me plaisait beaucoup, pour toutes les possibilités qu'il représentait. On aurait pu en faire quelque chose d'assez dingue, je le sais.

Je repose ma tasse et me laisse retomber en arrière dans le canapé pendant qu'il va pisser, et je me redresse juste sur un avant-bras pour le suivre du regard pendant qu'il téléphone. Sa posture change, son regard aussi et je fronce les sourcils, anxieuse parce que je crains que ce ne soit une mauvaise nouvelle... Ou qu'on l'appelle en mission. C'était le deal, qu'on ne parte pas loin pour qu'il puisse aller au QG si besoin.

"Bah ici à Sarajevo, ça monte à du 30-35° en journée et plus frais le soir, parce que on est un peu en altitude...mais à Mostar ou à Neum, c'est plus du 35-40°. C'est l'hiver qu'il fait froid ! Ca ressemble un peu à NY en fait ... Mais ça doit pas être si humide que ta Louisiane, la preuve, on n'a pas d'alligators !"

"heu oui pourquoi je ne voudrais pas ? C'est pas plus compliqué de construire que de faire les travaux d'une maison de A à Z... Tu verras la villa de mon oncle à Banja Luka, il a fait construire. Bon c'est un peu grand je trouve, mais ça te donnera une idée."

La conversation est assez brève, d'abord mon père me signifie une mission que j'accepte évidement sans réfléchir, c'est mon commandant encore plus que mon père vous voyez ? Ensuite il me demande de mes nouvelles à quoi je réponds que je vais bien et Nina aussi. Je raccroche après deux minutes avant de revenir près de Nina. Je m'assieds dans le canapé et m'allume une clope. "Désolé...C'était mon père, je pars en mission sur Bruxelles du 29 au 31 janvier."

​Oh, 35°, je devrais pouvoir m'y plaire alors. Je commente, non sans un sourire amusé, légèrement moqueur envers moi-même. J'ai besoin de températures tropicales pour m'épanouir réellement. Bien-sûr la neige me plaît beaucoup, et j'aime bien qu'il fasse un peu froid parce qu'alors je me blottis dans ses bras pour me réchauffer... Mais ça ne me plaît que brièvement, le temps de vacances, ou d'escapades de courte durée. Je ne pourrais certainement pas vivre à la montagne toute l'année, par exemple ! Cela dit, encore une fois, je le ferais pour lui si j'y étais obligée.

Je dodeline de la tête. Je veux pas forcément d'un truc immense, tu sais ? On verra ensemble... On pourrait déjà trouver un terrain qui nous plaît, j'aime l'idée... Je l'aime peut-être même plus que celle de simplement acheter la maison de quelqu'un d'autre, finalement. A moins de réellement tomber sur un coup de cœur, je ne suis fermée à aucune option. Mais une maison à nous, ça me fait vibrer de plaisir. Peut-être parce que ce serait un projet sur du long terme, justement, qu'il faudrait choisir tous les détails ensemble, que ce serait vraiment à l'image de ce qu'on veut, tous les deux... L'idée prend forme dans mon esprit, bien plus rapidement que je ne l'aurais cru.

Mais on doit rapidement changer de sujet quand il raccroche, et mon regard s'assombrit légèrement. Bruxelles. Dieu que c'est loin, Bruxelles. Je sais pourtant que je ne peux rien dire, que c'est son taf et qu'on ne peut rien y faire, alors je hoche la tête. Oh, d'accord... J'en profiterais pour partir à New-York, alors.

Je ne dis pas que je suis navré de cette mission, ce serait faux. Je ne suis pas non plus enthousiaste à l'idée d'être séparé trois jours d'elle. Comme elle dit, c'est juste mon taf. L'option garde du corps avec horaires fixes a été un fiasco, je n'ai pas trop de choix dans mes options. Je reste un Tigrovi. En plus, je dois admettre que je suis fier d'avoir été choisi pour accompagner la suite du président. Je tire sur ma clope, sourit à Nina en posant ma main libre sur la sienne. "C'est une bonne option... si ça te va, je pourrais prendre un vol de Bruxelles pour te rejoindre ? " Je n'ai pas renoncé à l'idée d'aller à NY. J'ai envie de lui montrer que je peux tenir ma parole et aussi que je peux être impliqué dans notre couple. Elle m'a trop souvent reproché - sans doute à raison - de manquer d'initiatives dans la construction de notre couple, je me laisse trop porter par les événements, n'exprime pas assez mes désirs (je ne parle pas de sexe !) et ne concrétise.C'est juste parce que hormis Nina, je n'ai besoin de rien. Mais je comprends qu'elle ait besoin de plus que cette affirmation. Plus de preuves, moins de blabla.

​Sa proposition me tire un sourire sincère, et j'acquiesce en réponse. Bien-sûr, ​avec plaisir si tu penses que c'est possible pour toi. Je crains toujours que les Tigrovi ne finissent par se plaindre qu'il prend trop de jours off. Je ne suis pas dupe, j'imagine très bien à quoi devait ressembler sa vie avant que je ne revienne près de lui. A mon avis, il devait bosser tous les jours, constamment, sans réel temps de repos. Bien-sûr il devait faire autre chose, sortir, baiser avec des putes, boire, faire la fête, traîner, j'en sais rien... Mais il était toujours disponible, au moindre appel, au moindre besoin. De ça je suis convaincue. Ce n'est plus exactement le cas maintenant que nous sommes ensemble et je n'ai pas vraiment envie d'y renoncer. J'ai besoin de ces moments où il est avec moi, seulement avec moi. Mais le fait qu'une partie de lui appartienne aux Tigrovi me tue, il ne sera jamais tout à fait mien, je n'arrive pas à me faire à l'idée.

Le 29 c'est un... Mardi ? Je peux partir du 29 au 3, le dimanche. Ca fait presque une semaine complète sur place, ça me paraît plutôt bien. Lui arriverait probablement le vendredi premier, je pense, je ne suis pas sûre qu'il aurait le temps de prendre l'avion le 31 au soir mais on ne sait jamais. Au final je crois que ça m'arrange, ça me permet au moins de m'occuper de toutes les choses que j'avais besoin de traiter, sans craindre de le laisser s'ennuyer.

"Mais oui, ce sera possible srce...t'inquiète pas de ça." Mon père commence à comprendre que j'ai besoin de plus de liberté. Autant dire que le premier mois ça a été compliqué de passer d'une vie à temps plein chez les Tigrovi à une vie entre Nina et eux. La rupture a été un peu brutale avec mes nouvelles revendications, comme vouloir plus de fric, plus de temps aussi, mais je ne fais que ce que les autres - ceux qui ont une famille en dehors des Tigrovi - font. Ça a juste été un peu dur à avaler pour mon père, encore plus avec le divorce et aucune perspective d'avenir pour la famille - j'entends par là des petits enfants aheum... c'est là où le bât blesse."ok, je vais voir quand j'aurais mon planning pour prendre des billets pour te rejoindre au plus tôt."

Je termine ma clope et je reprends ma rakija arrivée à température plus raisonnable. Je m'habitue au gout corsé en avalant une longe rasade. Comme on est tranquille, je me mets à l'aise, m'appuyant au dossier du canapé et étendant mes jambes vers le feu. La balade m'a rincé, entre le sport et le froid et pour une fois qu'on ne se fait pas la guerre avec Nina, c'est un rare moment de repos partagé. Ma pensée rejoint la sienne quand je commente avec un sourire en coin "au moins je serais pas dans tes pattes pendant que tu bosses et tu pourras me consacrer une journée de shopping." Je dodeline de la tête avant d'hésiter. "...je suis désolé d'avoir été un peu...brusque avec Dimitri." Je crains de m'être aliéné totalement son associé. Déjà qu'il ne me portait pas dans son cœur.

​Je hoche la tête sans commenter, sans non plus lui faire part de mes inquiétudes. Je crois qu'il faut que j'apprenne à lui faire confiance quand il me dit que c'est ok, que ça va aller et qu'il gère. J'ai toujours un peu de mal avec ça. Alors je souris, essayant d'accepter la douce certitude qu'il me rejoindra à New-York et qu'on ne sera pas séparés trop longtemps. Il me manque moins douloureusement qu'avant. Quand on était ensemble aux USA, la moindre mission de plus d'une journée me rendait folle parce que je devenais malade de trop de manque, incapable de supporter son absence. Mais j'ai du apprendre, dans la douleur, à vivre quatorze mois sans le voir, sans lui parler, sans même savoir s'il était toujours en vie. J'ai appris à gérer le manque, bien malgré moi d'ailleurs.

​J'ai une grimace en admettant : C'est sûr que je vais pas chômer... J'ai pas mal de trucs à faire... Mais j'aurais du temps pour toi quand tu arrives, c'est promis. A la mention de Dimitri, je secoue doucement la tête, je crois pouvoir dire en effet que c'est désormais complètement mort entre eux, déjà que ça ne partait pas très bien. Je ne peux pourtant que prendre la défense de mon ami. Il ne pensait pas à mal, tu sais...? Il se fait du souci, c'est tout... Pour moi, en règle générale, depuis que je suis venue à Sarajevo, mais apprendre que je m'étais fait tirer dessus... Forcément, on peut le comprendre, non ? Je hausse légèrement les épaules, esquisse un sourire en changeant de sujet : Tu voudras choisir l'hôtel où on dort, cette fois ? Je resterais chez moi les jours où tu n'es pas là mais quand tu arrives... On devrait en profiter.

"Je sais... je sais bien..." Je n'explicite pas plus, mon regard assombri. Je n'ai pas aimé qu'il m'interpelle, mette en doute mes capacités à nous défendre dans mon monde. Ça m'a forcément hérissé le poil qu'il s'en prenne aux Tigrovi comme ça, mais aussi ça façon d'être trop concerné par Nina. Sa façon de la toucher, de vouloir la réconforter, de lui donner des ordres aussi. J'ai eu une bouffée de jalousie qui s'est ajoutée à mon agressivité déjà enclenchée par les événements. Je n'ai pas envie de comprendre pourquoi il s'inquiète temps de Nina. Nina a ce côté souvent fragile, femme enfant qui déclenche de puissants instincts protecteurs chez les hommes - doublés de désir de possession - et ça m'agace généralement de voir d'autres rôder près d'elle. Malheureusement, je n'ai pas grand chose à dire sur les gens qu'elle a fréquenté durant mon exil loin d'elle. Comme pour Arthur, je supporterais Dimitri autant que je peux.

"Non, choisis mais tu sais ça ne me dérange pas de rester dormir chez toi." les hôtels sont agréables, mais au final un pieu est un pieu et ce qui compte est d'être avec elle. "Si c'est plus pratique pour toi, Brooklyn me convient. C'est plus près de ta boite non ? "