Tous les levers du jour, sans toi ne se relèvent pas - Slavina

Il me renverse pour inverser les rôles et c'est exactement ce dont j'avais besoin, le poids de son corps sur le mien, qui m'enveloppe et m'isole du reste du monde, bien qu'il n'y ait que nous ici. Ses lèvres fondent sur les miennes et je crois que je pourrais mourir sous ce baiser. Je ferme les yeux, glisse mes mains sur ses flancs pour le tenir contre moi, le ramener vers moi encore. Je ne veux pas te mettre dans une situation délicate vis-à-vis des Tigrovi... Je ne veux pas être égoïste, et malgré tous les reproches qu'on peut me faire je fais vraiment de mon mieux pour l'aider à réconcilier les différents pans de sa vie. Je sais que ce n'est pas un boulot qui permet de rentrer chez soi à heures fixes ou de passer des week-ends en famille. Je sais aussi qu'il les a habitués à être disponible 24/24 et que c'est difficile de changer ça. Mais je sais déjà aussi que si les mois à venir ressemblent au mois passé, ça ne fonctionnera pas. C'est toi que je désire, je te veux près de moi, j'ai besoin de toi... On peut trouver un juste milieu... Tu peux partir en mission loin de Sarajevo si quand tu reviens on a du temps pour nous... Je ne sais pas comment organiser ça, je suis prête à faire des concessions... J'en fais déjà beaucoup je crois mais j'en ferais encore. J'ai seulement besoin de t'avoir pour moi... Plus que ça. Je ne parle pas des dernières semaines, avec sa convalescence c'était très particulier. Je parle d'avant ça.

Les caresses de sa langue éveillent dans mon esprit des images d'une précision démoniaque et je soupire de désir contre sa bouche, mon corps cherchant la chaleur du sien quand on meurt déjà de chaud. De ses flancs mes mains dérivent vers ses fesses que je presse entre mes paumes pour accompagner ses ondulations. Je sens sa queue qui enfle contre mon sexe, se durcit peu à peu et je voudrais le sentir déjà m'emplir. Je soupire d'une voix rauque : Aujourd'hui... Le 9 mars... On fêtera notre voyage de fiançailles, tu veux...? Qu'importe la date tant que nous ne sommes pas remariés, c'est seulement symbolique. J'écarte les jambes, viens presser ma cuisse contre sa hanche, et j'ondule à mon tour, le hamac ployant sous le poids de nos corps enlacés. Gravement, le regard déjà sombre de désir, je cherche son regard. J'ai besoin de toi, Slavenko, tu comprends...? J'ai vraiment, terriblement besoin de toi.

"Je sais que tu fais beaucoup de concessions, je m'en rends bien compte srce et je t'en suis reconnaissant, vraiment." Plus que les Tigrovi, c'ets mon père que je ne veux pas décevoir, je sais bien qu'à quarante ans, ça ne devrait pas ou moins m'importer, mais non. Et le fait que je n'ai pas été en contact avec lui durant vingt ans n'y change rien. Il a suffit qu'il réapparaisse pour que je sois aussi formaté qu'avant. Seulement avec le mariage et mon ferme engagement envers Nina, il va devoir me lâcher le bride. Je pense que la perspective d'une descendance va aider. Je ne peux pas faire un môme si je suis en mission tout le temps, ha ha..."C'est une bonne idée d'arrangements. Un break après chaque mission. Ça ne me semble pas insurmontable à faire accepter." J'esquisse un sourire un peu gêné, ou honteux. "J'étais fâché que tu partes en Italie juste comme je rentrais, je te voulais pour moi. Tu m'en veux ? " Je garde beaucoup de choses pour moi, ma jalousie, ma colère, j'essaye de ne pas lui imposer mes émotions délétères dans la volonté de ne pas reproduire les schéma du passé.

Le désir s'enroule autour de moi, familier et divin. J'aime le poids de mon corps sur le sien, ses mains qui se font aventureuses. J'accroche une main à une corde sous un coin de la couette, et je m'appuie pour me soulever et regarder Nina. "c'est une très belle date le neuf..." Comme elle relève la jambe, je n'attends pas plus pour venir me loger d'une poussée douce mais ferme en elle. J'exhale un soupir de plaisir. A nouveau je viens chercher la bouche de Nina "Je sais...je sais...volim te, j'ai besoin que tu aies besoin de moi..." D'un coup de reins fort, je me loge plus loin en elle, imprimant des mouvements à la brutalité contrôlée. Je gronde d'une voix plus rauque "Je veux compter pour toi, que tu me veuilles parce que...parce que ...je te veux moi Nina"

Même si ça me déplaît, j'ai été forcée de revoir ma position quant à ses missions. Dans le Bronx, je refusais catégoriquement qu'il parte en mission hors de NY, et je ne voulais pas non plus qu'il parte plusieurs jours. Déjà, il était en conditionnelle et j'avais peur qu'il se fasse chopper. Ensuite, j'avais beaucoup de mal à supporter le manque, et ma bouée de sauvetage à cette époque se trouvait dans l'héroïne. Aujourd'hui je suis bien consciente qu'il ne peut pas refuser toutes les missions qui ne sont pas à Sarajevo, tout comme je sais que certaines dureront forcément plusieurs jours. C'est toujours difficile à gérer mais je peux prendre sur moi si je sais qu'ensuite on peut se retrouver, or jusque là ça n'a pas vraiment été le cas. Quand j'ai accepté de partir je ne savais pas si tu rentrais vraiment... Je sais que ça complique les choses mais je ne peux plus faire ça... Rester chez nous à me morfondre pour être sûre d'être là si tu rentres... Ça me bouffe trop, tu comprends...?

Nos corps se fondent enfin l'un en l'autre et j'expire de plaisir contre ses lèvres. Les cordages s'enfoncent trop sous mon poids pour que je puisse réellement me tendre vers lui et je ne peux qu'essayer de ne pas trop bouger le bassin pour qu'il reste loin au fond de mon ventre. Mes doigts se plantent plus fort dans sa chair, ma poitrine se tend vers son torse, se soulève au rythme de ma respiration déjà saccadée. Je te veux, je te veux moja dusa, tu es tout ce que j'ai toujours voulu... Et lui a toujours voulu que j'ai besoin de lui, il a toujours tout fait pour se rendre indispensable, pour que je ne puisse plus me passer de lui. Ça a fonctionné à merveille, puis il a disparu. J'appuie sur ses reins pour qu'il revienne plus fort, dans un mouvement qui me fait gémir. Je n'ai jamais été très discrète mais ici nous sommes en plus seuls au monde et personne ne risque de nous entendre. Je lèche ses lèvres, suce sa langue doucement. Toi... Toi est-ce que tu as besoin de moi...?

"Je voulais pas t'étouffer en t’empêchant d'y aller ou quoique ce soit mais j'aurais aimé que tu m'attendes. Tu trouves ça égoïste ? Et puis...quand je t'ai appelé tu as coupé court et je me suis dis que tu étais partie pour me rendre la monnaie de ma pièce en quelque sorte. Je suis désolé srce... Je ne devrais pas penser des trucs comme ça Je devrais lui faire confiance, mais c'est si difficile parfois d'avoir juste confiance en moi, que je me fais sans doute du mal tout seul.

Nos corps se rejoignent et je plonge dans le plaisir avec elle. C'est une rivière brûlante et bienfaisante, qui me reconstruit, me donne confiance. Autant ses mots que notre union. J'ai toujours voulu qu'elle me veuille, j'en ai besoin. Je ne sais pas si Nina fait la différence entre survivre et vivre, elle est si entière que je crois que non. Mais moi, toute ma vie j'ai survécu : à la guerre, à l'exil, à la prison...je n'ai fait que ça jusqu'à ce que je rencontre Nina. Avec elle j'ai appris une autre façon d'être, vivre plutôt que survivre. Et c'est toute la différence. Je me livre dans un baiser à sa question, gémis contre sa bouche "J'ai besoin de toi, j'ai toujours eu besoin de toi" Il n'y a qu'elle qui fasse la différence, aucune autre, aucun autre n'a ce pouvoir. "J'ai toujours besoin de toi." Je perds le souffle, accélère mes mouvements mais les cordages ont ceci de plaisamment frustrants qu'ils absorbent une partie de l'énergie, adoucissent les coups de reins et font durer le plaisir, l'étirant dans des vagues électriques de chaleur.

Bien-sûr que c'est égoïste. Il n'y aucun reproche, aucune colère, aucune amertume dans ma voix, seulement une constatation des faits. Me demander de rester chez nous à l'attendre quand il n'était pas sûr de rentrer, quand il n'avait aucun délai à me donner, c'est de l'égoïsme, et je trouverais presque ça cruel si je ne le comprenais pas. Mais je le comprends et je souffle : Je t'aurais attendu si tu me l'avais demandé... Tu le sais pas vrai ? S'il m'avait demandé de ne pas partir, s'il m'avait dit qu'il avait besoin que je sois là à son retour, je serais restée. Mais tu n'avais pas... Tu n'avais pas l'air de vouloir me voir, tu semblais tellement... Loin. Et je ne parle pas de la distance physique, objective qu'il y avait entre nous. Il semblait émotionnellement loin de moi. Je ne suis pas partie pour te blesser ou me venger... J'essaie seulement de ne pas mettre toute ma vie sur pause quand tu t'en vas, j'essaie de trouver une façon de survivre quand tu me manques... Sinon je me laisse couler... Tu sais bien... Il suffit de voir les travers dans lesquels je suis retombée quand il a finalement quitté l'appartement. Travers qui ont par la suite entraîné sa blessure.

Je ne peux pas ne pas le croire quand nos peaux se chauffent, quand nos corps entrent en fusion. Je gémis contre ses lèvres, bois son souffle et ses paroles dans un baiser brûlant qui accélère les battements de mon cœur. Encore, encore, volim te. Tout va bien s'il m'aime, rien n'est grave s'il a besoin de moi comme j'ai besoin de lui. Je perds le souffle en même temps que l'usage de la parole, et je ne m'arrache à sa bouche que pour expirer ma jouissance dans un feulement, la tête renversée en arrière, le corps secoué de palpitations. Je rouvre les yeux sur la jungle renversée qui s'étire à l'infini, mais même ce paysage époustouflant ne saurait me détourner de lui. Je reviens vers sa bouche, dans un besoin de l'embrasser encore, de le toucher encore, de le regarder encore.

J'ai souvent envie d'être égoïste avec Nina. Ça ne devrait être que elle et moi tout le temps. Je me retiens de lui imposer ma vie, de lui imposer de m'attendre. "J'aurais voulu que tu m'attendes" Je le répète avec un air entre le buté et le malheureux. Est-ce que c'est si grave ? Je voulais qu'elle m'attende. Je ne comprends pas qu'elle puisse me trouver distant. "J'ai juste pas osé te le demander à cause de ça. Pourquoi tu m'as envoyé bouler au téléphone ?" Elle a coupé court à ma tentative de conversation, je m'en souviens douloureusement. Je n'ai toujours pas compris pourquoi. C'est l'occasion de lui demander plus sereinement et de finir de tourner cette page sombre.

L'orgasme nous fauche et la vague retombe, me laissant juste serein et repus, apaisé par ce lien si fort entre nous, si unique. Je roule dans la couette, me battant avec ce filet étrange sous nous et ramenant Nina contre moi. J'enfouis contre elle, elle contre moi, et je la tiens serrée, la sueur nous collant. Je lui ronronne une litanie de mots d'amour en chatouillant sa peau, en la caressant amoureusement. On a le temps pour une sieste avant de devoir partir à la cascade alors je me laisse aller à la chaleur qui m'accable et je m'endors dans ses bras.

Au moment où je suis partie en Italie, je n'étais pas du tout disposée à l'attendre, vraiment pas, et il semble oublier complètement toute une partie de l'histoire, ce qui me fait froncer les sourcils. Je t'ai pas envoyé bouler Slavenko, c'est pas vrai... J'ai coupé court à la conversation, mais je ne l'ai pas envoyé bouler. Avant que je parte tu venais juste de rentrer et j'étais... Triste de ne pas t'avoir vu pendant plusieurs jours, de n'avoir pas pu te dire au revoir aussi... J'essayais juste de me rassurer, de savoir si les choses allaient s'arranger bientôt ou pas et tu... T'as haussé le ton, tu t'es braqué et puis t'es reparti bosser... Juste comme ça, sans rien dire ou presque, alors qu'il savait que je prenais l'avion le lendemain. On ne s'est pas revus avant mon départ, et d'y repenser ça me fait mal. Parce que c'est lui qui n'était jamais là, moi qui restait seule à l'attendre, que j'avais juste besoin qu'il me dise que ça irait, et qu'il n'a pas su le faire.

Je l'ai pardonné pourtant à la seconde où la balle l'a fauché, peut-être même avant, quand il a poussé la porte de mon bureau avec son bouquet de fleurs... Et dans ses bras une fois de plus j'oublie pourquoi je devrais lui en vouloir, ne reste que l'amour, et la passion qui nous lie. Le hamac se révèle hyper confortable une fois tapissé de coussins et de couvertures, et je m'endors, moi aussi apaisée contre sa peau. C'est naturellement qu'on s'éveille quelques heures plus tard, sans que je sache exactement combien de temps s'est écoulé. Je susurre contre sa tempe : On devrait aller se préparer, ils vont pas tarder à arriver je pense... Sur un dernier baiser, on s'extirpe de là pour regagner la chambre. J'ai un soupir, dans une moue un peu déçue : Je me serais bien octroyée un dernier plongeon quand même... On fera un bain de minuit ce soir, hum ?

Elle dit toujours que je ne dois pas paniquer si on s'engueule, que ce n'est pas la fin du monde comme je le pense, que je dois juste revenir vers elle. J'essaye, mais si alors elle a un geste de rejet - par colère, parce qu'elle est blessée - je ne le supporte pas. Quand je l'ai appelée, je faisais ce pas vers elle mais elle l'a refusé. Et je ne saurais jamais si ma venue avec les fleurs aurait suffi pour nous réconcilier. La balle a au moins eu le mérite de nous plonger dans une période d'accalmie et de symbiose.

Je me lève à la suite de Nina et on va s'habiller. Je prends quand même le temps de passer deux minutes sous la douche avant d'enfiler un pantalon et un tee-shirt. "Ce soir on essaye la piscine à fleurs, c'est pas ça que tu as dit" Pour marcher j'ai mes rangers. On passe par l'accueil du complexe pour avoir le plan de la promenade et vaillamment, on se dirige vers la cascade. Ce qu'il y a de complètement dingue, c'est de marcher dans la jungle qui malgré la piste bien dessinée - une jeep peut y passer - reste touffue autour. Comme le chemin est assez large on peut marcher côte à côte. "Est-ce qu'on peut se baigner dans la cascade, je crois me rappeler d'un film avec des gens qui se baignaient dans une cascade tropicale mais je ne me souviens que de ça...et de tribus cannibales ha ha..." Je tiens la main de Nina mais on ne s'enlace pas simplement parce que je veux avoir une chance d'arriver à la cascade, on a plusieurs kilomètres à faire. "Y a des animaux tu crois dans la jungle ? Des...singes ?"

Je plisse le nez, mutine. La piscine à fleurs est loin d'être incompatible avec un bain de minuit, tu sais ? J'ai emporté un maillot de bain par pudeur, par confort aussi... Mais je n'aurais absolument rien contre le fait de me baigner nue s'il m'accompagne. Je fouille dans la valise pour trouver l'une des robes que j'ai achetées spécialement pour l'occasion, et je passe donc une robe blanche courte, utlra-légère et légèrement transparente. J'ai choisi les affaires à emporter avec un soin extrêmement minutieux, je crois que j'ai tellement eu l'impression de le perdre ces dernières semaines, qu'il s'éloignait de moi, que je suis partie dans l'idée de le reconquérir. Bien-sûr on s'est rapprochés récemment mais j'ai tendance à penser que c'est seulement parce qu'il était blessé, et qu'il avait besoin de moi. Une robe ne change pas tout, je serais bien naïve de le penser, mais ça fait du bien de rêver parfois. Je mets malgré tout des baskets plutôt que des sandales, on m'a déconseillé de marcher en tongs dans la jungle et je crois que c'est un conseil que je vais suivre pour une fois.

L'atmosphère dans la jungle est étonnante, l'air est lourd, chaud et humide, mais le silence n'est pas total comme on pourrait s'y attendre. Les bruits de la nature sont perceptibles partout autour de nous, à la fois intrigants et effrayants. Je crois pas qu'il y ait de cannibales ici, mais oui, on peut se baigner dans la cascade, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas. En tout cas lorsqu'on a demandé le chemin à l'accueil, ils ne nous ont pas mis en garde, je considère ça comme une autorisation. Je me rapproche de lui, presse mon épaule contre son bras. Des singes ouais, sûrement... Puis d'autres trucs, je sais pas trop... Sûrement d'énormes serpents aussi... Des tigres, tu crois qu'y'a des trucs dans ce genre-là ? Je sais quels animaux on peut voir à Bali, mais je ne sais pas lesquels sont en liberté dans la jungle en fait ! Je grimace en sentant une piqûre sur mon bras, et tape sèchement ma peau dans une moue dégoûtée. Hmpf et des tas de moustiques.

Après un temps infini à marcher et se bécoter toutes les dix minutes, on arrive à la cascade. Sur la fin, il devient encore plus facile de s'y diriger parce qu'une sorte de vrombissement se fait entendre, c'est surprenant. Bien sur il y a des cascades en Bosnie, dans les montagnes, surtout en hiver, mais elles ne sont pas du tout comme celle-ci, e chute d'eau brève, marge, d'une eau paradisiaque, verte comme les feuilles qui l'entourent. On émerge sur le bord d'un petit lac. Le sable est noir, ponctué d'humus et de feuilles, ce qui forme une couche moelleuse. C'est magnifique. Je me tourne vers Nina avec un sourire pour observer sa réaction. Je crois que ce qui me plait encore mieux, c'est de suivre ses regards de gamine émerveillée.

Je regarde autour de nous, surpris du silence. On n'entend que les bruits de la forêt, surprenant pour une oreille occidentale et urbaine, des sons provenant d'oiseaux, d'autres animaux ou même des bruits des arbres eux même. C'est là qu'on prend conscience que la végétation aussi est animée ! En tout cas, le côté agréable c'est qu'il n'y a pas âme qui vive à part nous. Pourtant, il y a des traces de passages de jeep sur la piste alors les touristes comme nous doivent venir ici assez souvent.

J'ai du mal à avancer, à me décrocher de sa peau, à relâcher ses lèvres. Le paysage, magnifique, m'y aide un peu mais c'est toujours moins attrayant que sa bouche, ou l'idée de ses mains sur moi. Elles se baladent d'ailleurs fréquemment sous ma robe et je perds un peu la notion du temps. Pourtant, moi qui me pensais incorrigible, je suis soufflée à la vue de la cascade. Je m'immboilise en écarquillant les yeux, stupéfaite devant ce spectacle irréaliste. Ce qui est fou, c'est surtout que nous soyons toujours seuls au monde. Un lieu pareil aux USA serait perpétuellement assailli de touristes. Mais en cette fin de journée il n'y a que nous, etc c'est magique. Il ne fait pas encore nuit, mais le jour ne va pas tarder à décliner, c'est sans doute la raison pour laquelle il n'y a personne alors que le lieu doit être touristique. La jungle n'est finalement pas si loin de la ville en voiture, c'est même surprenant.

Je profite néanmoins de cette solitude pour ôter ma robe, me penchant pour la poser sur un rocher, et approcher du lac. Je trempe d'abord un pied, prudente et frileuse que je suis, mais l'eau n'est pas si froide qu'on pourrait s'y attendre. Elle reste plutôt fraîche, mais il fait une chaleur si étouffante que c'en est agréable. Je tourne seulement la tête vers le slave en esquissant un sourire. "Tu viens ?" Je ne sais pas quelles bestioles aquatiques se cachent sous l'eau mais ça n'a pas d'importance, je ne peux pas ne pas me baigner. Pas ici. L'eau dégouline sur les pierres lisses, sombres, et j'avance en tendant la main pour la toucher, fascinée.

Je grimace, pas très sur de vouloir foutre le pied dans cette eau. J'ai une certaine réticence, déjà je nage comme une pierre, c'est à dire que je coule et je marche au fond, grosso modo, ensuite je suis à peu près sur qu'on ne sera pas les seules créatures peuplant la flotte, j'ai jamais trouvé ça encourageant. Mais il y a Nina, les yeux de biche de Nina, la moue engageante de Nina, sa peau de lait, son allure sexy, et je sens bien qu'un non serait une déception pour elle. Je hoche la tête en refoulant mon hésitation. "oui"

Je m'assieds pour ôter mes rangers, mon tee-shirt, mon froc, ne gardant que mon caleçon qui fera très bien office de maillot de bain. Non, je ne me foutrais pas à poil là dedans, je tiens à ma bite figurez-vous. C'est donc presque à poil pour je me redresse et avance vers l'eau, mes orteils effleurant l'eau assez fraiche pour être agréable, on sait comme je n'aime pas trop la chaleur et la perspective de me débarrassé de cette sensation de moiteur sur ma peau est tentante. "Y a pas de piranhas en asie ?" C'est une question intéressante non ?

Tournée vers lui, je lis la légère hésitation sur son visage, sans parvenir à en deviner la source. Je ne le quitte pas des yeux, mon regard braqué sur lui pendant qu'il se déshabille. J'ai beau connaître sa peau par cœur, pouvoir dessiner son corps les yeux fermés, j'ai toujours cette même sensation oppressante de désir et d'amour mêlés qui enfle dans mes entrailles lorsqu'il se dévoile à ma vue. Je lui tends la main dès qu'il se relève, pour l'encourager à me rejoindre, et je noue mes doigts aux siens en haussant les épaules. Je sais pas trop, je crois pas... Je pense qu'ils nous auraient prévenus si la cascade était dangereuse. L'endroit est très prisé par les touristes, je ne crois pas que ce serait le cas s'il était infesté de piranhas. Je suis peut-être trop confiante, c'est vrai, mais je n'ai pas envie d'hésiter, d'avoir peur ou de ne pas oser, pas aujourd'hui, pas ici avec lui.

Et je suis bien décidée à diluer ses hésitations, ce que je m'emploie à faire en me tendant vers lui, pour passer mes bras autour de son cou. Le regard brillant, je me relève le nez pour réclamer silencieusement sa bouche, je ne prends pas le risque de me hisser sur la pointe des pieds, j'ai peur de glisser. Mes doigts remontent doucement dans ses cheveux. Tu trouves pas ça incroyable, qu'on soit ici, maintenant, tous les deux ? Mon regard brille d'émerveillement, je n'y aurais jamais cru quelques mois auparavant... Et même la semaine dernière, je n'y croyais pas ! J'aurais jamais imaginé que tu prennes mon envie de Bali au sérieux.

Je rejoins Nina, vaincu par ses arguments qu'ils soient corporels ou verbaux. J'ai une confiance absolue en elle. Elle me dirait de plonger que je le ferais. Je me colle à son corps doux, chauds, dans un geste avide de câlins. Je me baisse pour l'embrasser et les battements de mon cœur s'affolent à ce simple geste. Je l'aime avec passion, une fureur enfouie et toujours mal maîtrisée, déstabilisante, mais c'est ça qui est bon.

J'ai un sourire grave, hyper sérieux "Tu as tort, je prends toujours tes désirs au sérieux." Parfois, je ne peux rien y faire mais d'autres fois je peux. Et puis j'avais moi aussi envie, besoin de souffler avec elle. Je crois que l'incident a déclenché quelque chose en moi. Est-ce la peur de mourir qui a provoqué ça ou quelque chose d'autre, je ne saurais dire mais c'est certain que je réalise de nouveaux désirs en moi. Peut-être étaient-ils déjà là, enfouis, cachés mais aujourd'hui ils m'explosent dans la poitrine et je me sens d'un appétit féroce à tout exiger de la vie. Ça passe par une vie avec Nina, une vie pour nous, mais aussi pour moi. Je ne sais pas bien ce que c'est que vivre pour moi, mais j'apprends, et c'est avec elle que j'apprends le mieux.

"Je suis content d'être ici avec toi" J'esquisse un sourire avant de passer mes mains sur sa taille. Lentement, je me laisse basculer en arrière en l’entraînant avec moi. Je m'enfonce dans l'eau, mon visage s'immerge un bref instant pour revenir. Je cligne des yeux pour chasser les gouttes d'eau de mes cils. Autour de nous, c'est tellement paradisiaque que ça me coupe le souffle. Je repose mes pieds au sol pour attirer à nouveau Nina vers moi. Ses seins épousent mon torse mouillé et ça me fait un effet certain, ce choc de désir qui me mord les reins, comme à chaque fois. "Tu sais srce...je pensais attendre ce soir, mais je n'ai pas très envie... J'ai envie de le dire maintenant. humm j'ai une surprise pour toi."

Sa phrase sonne comme un aveu, comme une promesse aussi et mon regard s'assombrit légèrement sous la vague d'émotions qui me traverse. Je n'étais pas sûre, moi, de prendre mon propre désir au sérieux. J'ai toujours la sensation de ne pas avoir droit au bonheur, de ne pas mériter grand chose de la vie, et je ne parle pas seulement de choses matérielles. Mais Slavenko a toujours eu une façon de s'occuper de moi, de me parler, et même de me regarder, qui me donne envie d'y croire. Avec lui, j'ai toujours eu une facilité déconcertante à exprimer mes envies, même passagères, même irrationnelles, sans crainte d'être ridicule. Si j'ai parfois des moues de princesse exigeante, en réalité je n'exige pas vraiment, je me contente de demander, de battre des cils en espérant percer son armure. Il a abaissé mes défenses très tôt, et avant qu'il s'en aille je n'avais pas peur de me montrer vulnérable dans ses bras. Aujourd'hui, cette confiance revient peu à peu, et ça me fait tout drôle de la ressentir à nouveau lorsqu'il m'enlace.

Moi aussi, moja duša... Pour moi aussi, le fait qu'il ait frôlé la mort a changé beaucoup de choses, ou plutôt a annihilé beaucoup de craintes et d'angoisses. J'ai vécu sans lui une première fois, je sais que je serais incapable d'y survivre à nouveau, et je ne veux plus laisser nos blessures d'ego nous éloigner. J'ai peur du retour à Sarajevo, notamment par rapport à son père, mais je sais déjà que je ne veux pas l'abandonner, pas s'il me veut près de lui.

Il nous entraîne tous les deux dans l'eau et il fait si chaud dehors que je frémis à peine, ce qui est suffisamment rare pour être constaté. Je ne le lâche pas, et je profite qu'on soit immergés ensemble pour nouer mes jambes autour de sa taille. Lorsqu'il se redresse, mes pieds sont toujours dans son dos et je me sens parfaitement à ma place, ainsi accrochée à lui. Mon regard s'illumine d'une lueur de surprise et d'intérêt. Une surprise ? Quelle surprise ? Je fronce le nez sans avoir la moindre idée de ce dont il s'agit, aurait-il emporté un cadeau pour moi, depuis Sarajevo ?

Je frémis de ce simple surnom qui systématiquement éclaire mon regard. Je ne le reçois jamais avec indifférence, sans doute parce qu'elle seule a jamais osé m'appeler ainsi, l'a jamais pensé avec sincérité. Le bracelet à mon poignet en témoigne et j'ai toujours un drôle de sentiment à l'idée d'être aimé à ce point là, juste...juste parce que je suis moi ? Je ne pense pas que je m'y habituerais jamais et quelque part, c'est une bonne nouvelle. "srce...srce, volim te..." Je suis comme un gosse demandeur d'amour avec Nina et en ça, on se ressemble énormément, même si on l'exprime de façon différente.

Accrochée à moi, j'acquiesce silencieusement avant de lui "voler" un baiser. Je tourne avec elle dans mes bras. "oui, une surprise. c'est bien ce que j'ai dit." Je montre mes fringues sur le bord de l'eau. "attends moi là." Je la dépose et fais les quelques pas qui m'amène à mon pantalon échoué sur le sol noir. Je fouille dans la poche et dissimulant la surprise dans ma large main, je reviens vers Nina, retournant dans l'eau jusqu'à la taille. "Je crois que c'est l'endroit idéal pour ça." Un lieu unique, comme Nina l'est. J'ouvre la main, en laquelle repose en son sein une bague. "puisqu'on est fiancé... j'ai pensé que ce serait bien si t'avais une bague. Elle est pas neuve mais, elle appartenait à ma grand-mère. la mère de mon père, pas sa belle-mère..." Je me rends compte que Nina n'est finalement pas très au fait de ma généalogie, mais ça n'est pas très grave en fait. Non ce qui est important c'est ça : "Mon père me l'a confié pour toi." Je ne suis pas sur qu'elle soit à la taille de Nina, mais on pourra la faire adapter. Je ne voulais pas attendre.

​Je suis tellement bien dans ses bras que je serais presque tentée de repousser sa surprise à plus tard lorsque je comprends qu'il doit sortir de l'eau pour aller la récupérer. Mais la curiosité l'emporte, et son regard brillant également, qui semble signifier que ça lui tient à cœur. Alors je consens à le laisser s'éloigner de moi, ​accusant la sensation de froid qui me heurte dès que son corps se décolle du mien. La sensation est toujours identique, quel que soit le lieu, quel que soit la réelle température extérieure. Je n'ai jamais trop chaud pour être contre sa peau, jamais. Les sourcils froncés, les yeux plissés, je le suis du regard tandis qu'il récupère le cadeau dans la poche de son pantalon, ce qui me laisse deviner que ce n'est pas quelque chose d'imposant. Ni qui doit peser bien lourd. J'opte aussitôt pour un bijou, c'est ce qui me semble le plus probable... Mais je ne m'attendais pas à ce genre de bijou-là.

Mon palpitant s'affole et mon regard s'embue à la vision de la bague, comme s'il me faisait une nouvelle demande en mariage, ce qui est absolument ridicule puisque c'est moi qui lui ai demandé, et qu'il a déjà dit oui. Jelenko ? Je répète, incrédule, tant je peine à imaginer qu'il ait pu faire une chose pareille. Est-ce un nouveau piège, une nouvelle façon de nous manipuler ? Qu'on se le dise, la bague ne me plaît pas, jamais de la vie je n'aurais choisi un bijou pareil. Mais c'est complètement égal, ce qui importe c'est la symbolique qu'elle représente. Je mords ma lèvre tremblante, avance pour poser un bras sur sa taille, dans un besoin de contact irrépressible. Les mots qui m'échappent ensuite n'ont pas le moindre sens, disons que c'est l'émotion qui parle. On va se marier pour de vrai, cette fois, alors...? Notre précédent mariage était pourtant tout ce qu'il y a de plus officiel, mais je crois qu'il sait ce que je veux dire par là... Un vrai mariage, avec de vrais engagements, et de réelles promesses. En faisant les choses bien.

Je n'ai jamais manifesté d'opposition à mon père. Jamais. Sauf en ce qui concerne Nina et je sais que c'est ce qui l'a convaincu que je ne céderais pas, passé la première surprise de voir son fils ainé lui tenir tête. Je ne suis pas comme Camenko qui a ce coté electron libre qui le rend hors de contrôle, au moins par mon père. Je crois que mon oncle l'a élevé dans ce but, parce qu'il est lui même ainsi. Il est loyal à la famille mais ses décisions sont toutes personnelles. C'est le propre d'un agent de renseignement, d'un agent de terrain, d'un espion. Tandis que moi, c'est totalement différent, j'ai été élevé pour être un soldat et pour obéir. Mais avec Nina, je m'affranchis et il a fallu un temps d'adaptation non seulement à mon père mais à moi aussi. Ce n'est pas si facile de le décevoir, mais je crois que j'ai encore plus peur de décevoir Nina. Je pense que c'est ce qui a décidé mon père à prendre ce mariage au sérieux, et parce que je lui ai dit que si je devais avoir des enfants un jour, la seule mère possible serait Nina. Je ne veux pas un môme pour un môme, je le veux avec elle.

Je cille, rougis, embarrassé, troublé, timide, avec cette peur de lui déplaire. "humm ouai, j'crois bien. Si tu veux toujours srce..." Je prends maladroitement sa main pour lui mettre la bague. Je me doute que ce n'est pas son style, elle est vieillotte, mais je voulais quelque chose de très personnel et qui lui montre que même mon père est prêt à faire des efforts. C'est d'ailleurs lui qui me l'a proposé. Je souris avec indulgence et amour "tu seras pas obligée de la porter après le mariage, et on choisira les alliances ensemble mais en attendant...si tu veux bien la porter, ça me ferait plaisir." Je pose mes mains sur les hanches de Nina, mon front contre le sien. "je veux me marier avec toi moj andjeo"

​Je dois être folle à lier, et très probablement d'une stupidité innommable aussi, pour vouloir encore me marier avec lui. Et pourtant je n'ai jamais rien voulu si fort que ça, et les émotions que je traverse en cet instant sont presque aussi puissantes que le soir où je lui ai demandé, dans une mare de sang, de m'épouser. Mes blessures sont loin d'être guéries, elles seront douloureuses toute ma vie je crois, et mes angoisses ne se sont pas tues non plus. Mais je suis prête à ignorer la peur, et la douleur, parce qu'il n'est rien en ce monde qui m'importe tant que de vivre à ses côtés. C'est la seule chose qui compte réellement à mes yeux, j'aurais tout abandonné pour lui lorsqu'on vivait à New-York s'il me l'avait demandé, et aujourd'hui encore j'abandonne tout pour être à ses côtés. Reste cette sensation douloureuse qui me pousse à penser qu'il refuserait de faire la même chose pour moi. J'essaie seulement de vivre avec ça, parce que je n'ai pas d'autre choix.

Je secoue la tête, balayant ses mots parce que l'apparence n'a pas d'importance. Bien-sûr que je la porterais... Ma voix tremble un peu, mal assurée, et je baisse les yeux sur ma main. C'est incroyable de réaliser à quel point je me sentais nu, sans anneau à mon doigt, comme la simple présence de cette bague à mon annulaire me fait soudain me sentir un peu plus légitime à ses côtés. Les yeux embués de larmes -on se refait pas- je tends ma main gauche pour la poser sur sa joue. Volim te... Toute ma vie, je n'ai jamais aimé que lui, et même en le haïssant, je l'aimais encore. Je soupire un aveu, ou une supplique, je ne saurais dire : Je ne veux plus jamais être séparée de toi.

Nos regards se croisent et en cet instant, je sais que rien de mal ne peut nous arriver, qu'on se comprend. Je lis dans son regard les mêmes émotions que les miennes. Ma bouche fond sur la sienne en promesse. Il y a ce lien, ce truc incroyable entre nous, bien plus que du sexe, et même encore plus que de l'amour, un sentiment d'appartenance, d'absolu. C'est vrai que ça a pu m'effrayer autrefois. J'ai voulu vivre sans, et j'ai constaté que ça ne fonctionnait pas. J'ai un besoin d'elle terrifiant, oui, mais aujourd'hui j'ai décidé de l'accepter inconditionnellement. "C'est pour toujours Nina." Je sais que ça peut sembler étrange comme phrase mais je sais qu'elle comprend. Je l'aime plus que ma vie, en fait, très exactement, elle est ma vie. Mon corps épouse le sien quand je l'enveloppe de mes bras, quand ma langue cherche la sienne, se noue à elle. Le baiser se prolonge avec cette volupté à me damner. Ma main caresse sa nuque, sous ses cheveux lourds d'humidité. Nina est ma femme - ou tout comme - et je vibre de plaisir, de ce contentement primal, viscéral. S'il y a une chose bien avec la jungle, c'est qu'elle s'accorde parfaitement avec la violence de mes sentiments. C'est le même coté instinctif, sauvage, intense.

Il a déjà fait cette promesse-là par le passé, pourtant aujourd'hui j'ai envie d'y croire encore. Je réponds à son baiser avec fièvre, le cœur s'emballant dangereusement au contact de ses lèvres sur les miennes. Il m'attire plus près de lui, et nos corps s'immergent un peu plus profondément dans les eaux sombres. Si nous étions ailleurs, s'il n'avait pas son boxer, je crois que nos corps se seraient simplement unis avec le même naturel confondant qui fait que nos bouches se trouvent toujours. Mais le lieu n'est pas propice à ce genre de choses, les alentours pourraient être dangereux et le jour commence à décliner un peu plus franchement, si bien qu'on risque de rentrer dans le noir. Je décroche avec peine ma bouche de la sienne et murmure : Je veux rentrer, mon amour... Je veux qu'on rentre, qu'on fasse l'amour, et rester enfouie contre toi pour toujours... Ou au moins jusque demain matin, ce serait bien. Je sais en tout cas que je n'ai pas la force d'une baise rapide, j'ai besoin de plus que ça, j'ai viscéralement besoin de plus et pour ça il faut qu'on rentre.