Tous les levers du jour, sans toi ne se relèvent pas - Slavina

"Mais srce...ça n'a pas d'importance l'argent, et ça ne coutera pas si cher, on est en Bosnie srce... En plus, on ne va pas se priver pour une question de fric ! Je me charge du pognon, t'en fais pas. Qu'est-ce que ça peut te faire qu'il y ai trois cent personnes zlato ? Au contraire c'est bien, tout le monde saura que c'est un "vrai" mariage on ne peut plus officiel, mairie, église, soirée, tout le toutim." Je secoue la tête, je ne veux pas d'un mariage à la sauvette, ce temps là est terminé. Je veux que tout le monde nous voit nous marier devant Dieu, s'il existe et fête ça avec nous. "Qu'est-ce qui te chagrine ? Ce sera super." D'enthousiaste j'embrasse son épaule. Moi j'imagine ça non pas grand mais comme un vrai mariage serbe, familial et festif. Je souris parce que Nina sera la plus belle des mariées et elle sera à mon bras. Je déclare avec une sorte de ferveur enfantine "On va faire ça bien srce."

Il n'a pas l'air de comprendre le problème, et moi je ne comprends pas qu'il puisse ne pas y avoir de problème ! Mais... Mais trois cent personnes pour quoi faire ? Je ne connaîtrais personne... Vouloir fêter ça avec sa famille et ses amis, ça me semble bien sûr légitime mais je suis sûre que lui même ne connaîtra pas tout le monde, c'est impossible, et je ne comprends pas pourquoi il tient à se marier devant tant d'inconnus, ou de connaissances qu'il aura peut-être croisé trois fois dans sa vie. J'ai peur maintenant d'un mariage dont je serais moi-même exclue. Ils seront là, tous, à ne parler qu'en serbe, à échanger de vieux souvenirs, et je n'aurais pas ma place parmi les conversations. Il se penche pour embrasser ma peau et ma main remonte doucement dans ses cheveux. Je ne veux pas être étrangère à mon propre mariage... Et je ne suis pas sûre de vouloir laisser quelqu'un d'autre s'occuper seul de l'organisation. Ça va être un mariage traditionnel serbe, et non seulement je ne comprendrais rien à ce qu'il se passe mais en plus il n'y aura rien qui me ressemble. C'est pas supposé être la journée de la mariée ? Sans dire que je le regrette, je me suis déjà sentie dépossédée de notre premier mariage, à Las Vegas, où j'ai clairement été mise au pied du mur sans pouvoir même choisir ma robe ! Je n'ai aucune envie de revivre ça, mais cette fois devant tout Sarajevo. Je lève la tête pour embrasser sa joue, je ne veux pas le braquer non plus parce que je vois bien que ça lui tient à cœur. Je ne dis pas non c'est juste... Pas exactement comme ça que j'imaginais les choses... Et j'ai un peu peur d'être mise de côté. Autant pour les préparatifs que le jour J.

Je cille, je ne comprends pas la question "comment ça pour quoi faire ?" est-ce que ce n'est pas le principe même d'un mariage de se marier devant les autres, témoigner de son amour ou que sais-je. On n'a pas fait ça la première fois et j'avais quand même l'impression qu'elle me le reprochait. "Comment veux-tu être étrangère à ton propre mariage ? C'est toi la mariée srce ! Tout le monde sera là pour te voir, pour nous voir nous marier.

J'ai cessé de lui caresser le dos, j'essaye de me redresser dans ce foutu hamac, mais c'est trop mou pour que je fasse autre chose que me relever de cinq centimètres. Je ne comprends pas le problème et une vague d'angoisse commence à monter. Son baiser me rassérène à peine et très franchement j'ai perdu le sourire. Je n'ose rien ajouter de plus. Je n'ai pas l'impression que la wedding planner soit le problème donc inutile d'insister sur sa nécessité. Je me laisse retomber dans les cordages avec un soupir. C'est une malédiction, on ne sera jamais sur la même longueur d'ondes.

Je vois bien sa déception, ses mains cessent d'ailleurs de se balader sur ma peau et il s'écarte de moi. Seulement je ne comprends pas sa réaction parce que j'ai pourtant l'impression de faire des efforts de compréhension, pour ne pas me braquer aussi et essayer pour une fois de seulement discuter. Pourquoi est-ce toujours si dramatique que nos points de vue divergent ? C'est quand même incroyable. Il ne comprend pas que "tout le monde", pour moi c'est juste personne. Je ne connais pas ces gens qu'il veut inviter, il ne les connaît pas vraiment non plus j'en suis sûre. Et même si je ne veux pas qu'on ne soit que deux, j'avais quand même dans l'idée quelque chose de plus intime. Je fronce les sourcils quand il se laisse retomber loin de ma peau. Slavenko pourquoi tu te braques ? On discute, c'est tout... On ne peut pas être d'accord sur tout, tout de suite, tout le temps, enfin je ne sais pas mais ça me paraît normal qu'on doive en parler !

Est-ce que je me braque ? Je ne sais pas, j'ai juste ce sentiment de perdre pied une nouvel fois alors que franchement je n'aurais pas pensé que ce sujet amène de telles difficultés. Dans ma tête tout était tracé et simple, et soudain Nina complexifie tout. Je bouge, me tourne à nouveau vers elle, décidé à réfléchir avant de parler. Disons que j'ai eu l'instinct premier de m'énerver mais la dispute d'hier soir m'a refroidi et je ne veux pas réitérer l'exploit de la faire pleurer dans ce décor de rêve.

"Parce que...parce que je ne comprends pas." C'est pour ça que je me braque, ça a toujours été comme ça. Je ne comprends pas, ce qui me frustre, m'angoisse et j'explose. "Je croyais que tu voulais la même chose que moi, et là tu me sors que c'est pas ce que tu veux." Je rumine, inquiet parce que quand je dois m'expliquer ça ne va jamais. "Comment tu imaginais les choses ?"

Il se braque mais au moins ne le nie pas, Dieu merci, je crois que ça aurait été compliqué à gérer autrement. Contrairement à lui je n'ai pas envie d'être triste, angoissée ou de me laisser abattre. Puisqu'il a de toute façon basculé, je reviens vers lui et le repousse sur le dos à nouveau. La manœuvre est un peu difficile à cause des cordages, mais la couverture aidant je parviens à grimper sur ses jambes pour m'installer à califourchon sur ses cuisses. Mais moja dusa, je veux la même chose que toi... On veut se remarier tous les deux, c'est la seule chose qui compte. Le reste, ce sont des détails à régler, on n'aura pas la même idée sur tout, et alors ? On fera des concessions, je veux bien en faire, ce n'est pas grave. Il est fréquent que l'organisation d'un mariage soit source de tensions voire de disputes au sein d'un couple, je ne vois pas notre divergence d'opinions comme quelque chose d'anormal.

Je hausse les épaules en prenant sa main dans la mienne. J'imaginais qu'il y aurait ta famille proche, tes amis proches et les Tigrovi, oui. Je ne pensais pas qu'ils seraient tous si nombreux... Moi je n'ai pas grand monde à inviter, je ne suis même pas certaine que tous puissent venir. Ou qu'ils le veuillent, c'est surtout ça le problème mais inutile de lui faire de la peine avec ça. Je ne comprends pas pourquoi ça te met dans un tel état... J'ai seulement exposé mes craintes, j'ai pas le droit d'en avoir ? J'ai pourtant eu l'impression de le faire avec tact, en prenant des gants en tout cas, mais peut-être que je me trompe ?

La manœuvre fait bouger les cordages et je dois faire une drôle de tête parce que je ne suis pas sur d'apprécier la sensation de tomber. Nina grimpe sur moi et c'est totalement déloyal parce que je m'adoucis et qu'elle prend l'avantage uniquement par contact et aussi parce qu'elle m'appelle moja dusa. Moi je trouve que trois cent personnes ou trente, c'est un sacré détail à régler !

"Si ! Si..." Je soupire. "Mais tu as l'air d'avoir déjà ton idée arrêtée sur la question et ... et je ne comprends pas, tu voulais un vrai mariage ! Pas un truc à la sauvette comme à Vegas, c'est bien ça. Et un mariage serbe c'est comme ça. Ma famille connait beaucoup de monde, c'est normal qu'on invite les gens, c'est...c'est...humm on fait partager notre bonheur aux autres. C'est comme la Slava ! Tu ne verras jamais une fête où on exclut des gens. Je ne peux pas dire que je ne vais pas inviter mes cousines ou ma grand-mère, ou mes petits cousins....ou mes camarades tigrovi. est-ce que tu comprends ce que je veux dire ?" Je pose la question étant donné que j'ai une tendance à me faire mal comprendre à ce qu'il parait. Je pose mes mais sur ses hanches en ajoutant d'un ton un peu alarmé. "Tu veux quand même bien te marier à l'église pas vrai ?"

Sourcils légèrement froncés, je secoue la tête. Mon amour c'est toi qui a une idée arrêtée sur la question... Tu me parles de tout ça comme si c'était déjà décidé alors qu'on n'en a jamais discuté ensemble. Ça donne presque l'impression qu'il en a parlé avec son père, ou sa cousine peut-être puisque c'est son wedding planner qu'il veut appeler. Je ne dis pas du tout que c'est le cas, seulement qu'il ne se rend pas bien compte de la façon dont il présente les choses. Je ne dis pas ça comme un reproche... Mais comment voulais-tu que j'imagine un mariage serbe quand je ne sais pas à quoi ça ressemble ? Pour toi c'est évident bien-sûr mais pour moi pas tellement tu sais... Ce n'est pas de la mauvaise volonté de ma part seulement il me parle de choses qui pour moi relèvent de la fiction. J'exagère à peine. Mais les mariages qu'il décrit, je ne les ai vus qu'à la télévision.

Je pose une main sur son torse, l'autre glissant sur sa joue dans une caresse tendre que je voudrais rassurante. Oui, mon ange, je veux bien me marier à l'église... Et je veux bien qu'on fasse appel à un organisateur, je saurais pas m'occuper toute seule d'un tel mariage... Mais je veux qu'il me demande mon avis sur tout, d'accord ? Je veux valider ses choix et donner mes envies aussi, pas me pointer le jour J pour un mariage dont je ne saurais rien !

Je n'en ai absolument parlé à personne, sauf pour dire à mon père lors de notre confrontation qu'il avait plutôt intérêt à accepter Nina puis qu'on comptait se remarier. C'est le moment où il s'est mis en colère en disant que j'étais irrécupérable. J'ai même cru qu'il allait m'en coller une mais d'une part j'étais blessé et il n'aurait pas voulu aggraver mon état, d'autre part, même blessé, je fais dix bons centimètres de plus que lui et je pense que ça se voyait dans mon regard que je ne me serais pas laissé faire, père ou pas, commandant ou pas. Par contre je sais comment se passe un mariage serbe et j'ai eu l'exemple du mariage de ma cousine l'année passée. Comme c'était quelques mois après mon arrivée à Sarajevo, il a été sensible pour moi et j'y ai prêté une attention douloureuse "Mais...est-ce que ce n'est pas comme ça un mariage américain ? En dehors de ceux à Las Vegas ? " Tous les mariages devraient se ressembler non ?

Je la regarde avec cet air dépité, repentant, amoureux, quasi enfantin, ses câlineries m'apaisant. Mon visage s'éclaire parce qu'elle accepte le mariage à l'église et de l'aide. "Mais oui bien sur zlato, c'est son boulot de faire ton mariage de rêve et on la choisira bilingue pour pas qu'il y ai de malentendu. Je ne crois pas finalement que celle de ma cousine l'était. Mais ça doit se trouver !" Dans ma tête c'est un boulot de nana d'organiser des mariages, raison pour laquelle je parle au féminin. " Moj andjeo, c'est l'occasion que tout le monde sache ce que tu es pour moi et tu ne pourras pas être plus "officielle" que ça, c'est important non ? " C'est faire les choses bien cette fois. Je mets la barre très haut dans un désir d'idéal et de perfection.

Je dodeline de la tête. Il y a sans doute plein de mariages américains qui se passent comme ça, oui, mais pas ceux auxquels j'ai pu assister... En Louisiane, c'était souvent en petit comité parce que les gens manquaient d'argent. Et sinon, j'ai déjà assisté à un mariage de luxe, complètement démentiel... Mais où paradoxalement la liste des invités était assez réduite, ils étaient une centaine et ça me paraissait déjà faire beaucoup de monde ! Peut-être que ce n'est pas la différence entre un mariage serbe et un mariage américain qui pose problème, peut-être que c'est seulement moi et ma vision complètement biaisée, bancale de ce qu'est une famille. Je finis par avouer : C'est juste... Enfin tu sais, je vais pas avoir beaucoup d'invités... Je pense que mes amis de Louisiane viendront plus facilement, parce qu'ils ne m'ont pas connue vraiment au fond du gouffre comme ceux de NY, ils n'ont pas cet à-priori très négatif vis-à-vis de Slavenko. Ils savent seulement qu'on s'est séparés, c'est tout. Sinon, je n'ai pas de famille, mais ça ce n'est pas nouveau.

Je me penche enfin, me rallonge tout en restant sur lui, ma poitrine épousant son torse, mes mains glissant toutes les deux dans ses cheveux. Je niche mon visage dans le creux de son cou, soulagée et plutôt fière de moi parce qu'on a évité une dispute complètement inutile, j'ai réussi à désamorcer la situation sans m'angoisser, ça se fête. Bien-sûr, c'est très important... On fera comme tu veux. Je me fais doucement une raison, peu à peu, rien ne ressemble à ce que j'aurais pu imaginer, mais l'important c'est qu'on soit ensemble, pas vrai ? Comment ça se passe, un mariage serbe ? Un mariage religieux... Il y a... Elles ont une robe spéciale, les mariées d'ici ?

"Humm ça t'ennuie à cause de ça ? Parce qu'on sera plus nombreux de mon coté que du tien ? Les gens comprendront, tu es américaine... Et puis tu peux inviter tes amis, pourquoi pas tes filles aussi ? Je suis sur qu'elles seraient contentes de te voir te marier. Et les gens de Louisiane dont tu m'as parlé ? Le chasseur l'alligator ? On n'a pas de vin d'honneur, la fête c'est...toute la journée et pour tout le monde. C'est pour ça que ça fait autant de gens. En général c'est un buffet avec plein de services, cinq ou six, chauds, froids...desserts. C'est vraiment le même esprit que pour la Slava ou Noël"

Je referme mes bras autour d'elle, mes mains sur sa chute de reins. J'apprécie la douceur de son corps contre le mien, le fondant de ses seins chauds contre ma peau brulante. "Je veux que ça te plaise aussi. j'ai pas envie que tu te sentes...comment tu dis ? Dépossédée de ton mariage. Cette fois c'est la bonne, zlato, alors faut que ce soit parfait ! " Est-ce qu'elle comprend comme ça compte pour moi ? J'ai été si malheureux du divorce que je me jette dans ce remariage à corps perdu. "La robe ? Une robe de princesse ! Blanche ou crème bien sur. Comme aux USA, ça change pas. On aura des répétitions pour la cérémonie orthodoxe. Il y a un rituel avec des fiancailles et le mariage dans la foulée. Et avant le matin, je dois demander ta main à ton "tuteur". Je dois te négocier ! C'est la tradition mais c'est plus du folklore qu'autre chose. Tu vas choisir qui pour que je négocie ?"

Non, c'est pas que ça m'ennuie que vous soyez plus nombreux de ton côté... C'est que j'ai un peu peur de ne connaître quasiment personne à mon propre mariage. C'est en ça que ça ne me paraît pas si irrationnel de dire que je serais étrangère à mon propre mariage. Il trouve ça ridicule parce que je suis la mariée et que les regards seront braqués sur moi, sur nous, mais ça ne change rien au fait que les gens ne me connaîtront pas. J'ai déjà prévu d'inviter les filles de l'agence, oui, et mes amis de Louisiane, mais même si j'invite tous mes amis, on ne sera jamais trois cent ! Mentalement, j'essaie de tirer une liste, pour me donner une idée très approximative du nombre de personnes qui pourront venir de mon côté. Je ne sais pas si tout ceux que j'invite vienne il y aura peut-être... Une vingtaine de personnes de mon côté, maximum. Je fronce le nez à la mention du buffet. Et pour le buffet, on peut choisir ce qu'on veut servir ? Tu crois qu'on peut ajouter des spécialités de chez moi ? J'aime son pays, et la gastronomie slave aussi, mais je n'ai pas envie d'un mariage qui n'ait rien de moi.

Mon nez se frotte à sa peau tout doucement, j'embrasse sa gorge entre deux phrases, grignotant son cou pendant qu'il me parle. Une robe de princesse... Tu veux dire comme la robe de Cendrillon ? Une énorme robe ballon ? C'est obligé ? Je ne m'imagine pas vraiment porter un truc pareil c'est juste... Trop. Je ne sais même pas comment il pourrait me prendre dans ses bras avec une robe pareille ! J'ai droit à rien de sexy alors ? Moi j'imaginais vraiment autre chose, ouais. Un mariage hyper simple, un peu bohème, avec une robe blanche mais légère, sexy aussi. Me négocier ? J'suis pas un morceau de viande ! Tu me négocies contre quoi, c'est quoi cette histoire encore ? C'est particulier, je n'ai pas de famille, pas de parent, difficile de désigner un tuteur... Et pourtant, de façon très instinctive, le visage de Sly se dessine déjà dans mon esprit.

"non mais trois cent c'était à la grosse louche si on est chargé des deux cotés, ça peut être que deux cent..." J'essaye de la rassurer mais je pense que mon père va vouloir inviter tout le monde quand bien même il réprouve ce mariage. Parce que je suis son unique fils légitime et qu'il ne croyait plus - à quarante ans - que je fonderais une famille. Ça va être une fête épique. Nina ne se rend même pas compte de ce que ça peut être. "On peut tout choisir zlato. Et bonne idée ! On va mettre des trucs de chez toi au menu ! J'avais aimé quand tu avais cuisiné comme en Louisiane une fois. Les gens vont adorer et comme ça ils te découvriront moj andjeo... C'est aussi le but tu sais, qu'ils voient tous quelle femme merveilleuse j'épouse" Je rêve qu'ils voient Nina comme je la vois (enfin par tout à fait quand même, je garde le coté érotique rien que pour moi.) mais je suis sur qu'ils seront tous sous son charme redoutable. J'essaye sans aucun doute de réconcilier les pans de ma vie.

"Ouai ouai un truc dans le genre cendrillon. Comment ça obligé ? Tu vas pas y aller nue zlato moje ! Je suis sur que tu trouveras une robe qui te plait" Pour les détails de mode, c'est vraiment pas mon créneau ! "Tu as vu le mariage princier à Belgrade ? Non ? Tu devrais regarder. Bon ce sera plus simple pour nous forcément, mais au moins tu verras le rituel orthodoxe." J'aime bien quand elle s'offusque et je tapote ses fesses en riant. "Hé ouai, je suis désolé srce, c'est la tradition. Tu seras mon morceau de viande sexy. Je te négocierais contre bons soins et amour éternel, ça te va comme ça ? "

Je ne lui dis pas que même deux cent personnes, ça me semble être beaucoup trop. Je crois que pour le moment j'arrive, plus ou moins, à être dans le déni. En fait même si je n'ai pas vraiment envie de tout ça, je suis tellement contente qu'il s'implique dans ce mariage, et dans notre vie de manière générale, que je n'ose pas trop le contredire ou lui faire comprendre que ça ne me plaît pas. J'ai attendu tellement longtemps qu'il s'investisse émotionnellement, qu'il arrête de simplement se contenter de suivre le courant... Je ne veux pas tout gâcher. On en parlera à l'organisatrice alors, j'aimerais bien réussir à faire un mélange de nos deux cultures... Bien-sûr la tienne prédominera parce que c'est un mariage orthodoxe et qu'on est dans ton pays mais... Je sais pas, j'aimerais réussir à apporter un peu de Louisiane dans tout ça. Si tant est que ce soit possible ! Tu pourras te renseigner, pour le wedding planner ? J'ai des contacts ici mais pas vraiment dans ce milieu-là... J'aurais pu en trouver aux USA mais si j'en fais venir un de là-bas, il ne connaîtra pas les coutumes slaves correctement et ça n'ira pas.

Je grimace légèrement. Je pensais pas y aller nue... Mais je t'assure qu'il y a un juste milieu entre y aller à poil et avoir une robe énorme. Je peux choisir ce que je veux ? Molim te. J'aimerais pouvoir choisir ma robe sans contrainte et je sais que je ne me sentirais pas à l'aise dans une tenue traditionnelle ou même dans quelque chose qui me couvre trop. Ok, je ne vais pas y aller à moitié à poil avec un truc où on voit tout, mais je ne sais pas... Le côté très -trop- sage et princier de la robe de Cendrillon m'effraie. Je dodeline de la tête. Je demanderais à Sly s'il veut bien être mon tuteur officieux pour le mariage, il est à Sarajevo, tu sais ? C'est dingue, je cherchais des infos sur les architectes dans le coin, et je suis tombée sur son nom ! Il m'a demandé de tes nouvelles, d'ailleurs. De tous mes amis, Sly est le seul qui apprécie réellement Slavenko, et qui ne l'a jamais complètement renié même après qu'on se soit séparés. Il est le mieux placé pour ça. Bon soins et amour éternel ça suffira pas, je lui demanderais d'être plus exigeant que ça ! Et pour la suite ça se passe comment ? Le mariage dure une seule journée ? J'ai un peu peur des mariages qui s'éternisent, comme une connaissance qui s'est mariée avec un tunisien et qui a organisé un mariage d'une semaine.

"Oui, je me chargerais de ça en rentrant srce moje. Je trouverais quelqu'un capable de gérer un mariage mixte." Je pense que ce ne sera pas si compliqué de trouver quelqu'un de compétent, le bouche à oreilles va vite chez nous. Dès que je vais demander à ma cousine, tout le monde sera au courant ! "Mais du coup quelle date tu envisages ?"

"C'est pas une robe énorme, une robe de princeza ! Mais bien sur que tu peux choisir ta robe moj andjeo, je n'ai pas mon mot à dire là dessus. Tu sera de toute façon magnifique, je le sais déjà. Ti si divna." Nina est belle, nue, habillée, en robe du soir ou dans un de mes tee-shirts, elle est superbe. Je n'ai aucun souci à ce qu'elle choisisse sa robe, je sais qu'elle me plaira quel que soit son choix et je sais aussi qu'elle éblouira tout le monde.

Je suis surpris de son choix, je ne les savais pas si proche, je pensais qu'elle choisirait l'homme à l'alligator. "Sly ? Ho ! mais qu'est-ce qu'il fout à Sarajevo ? Ha ha...tout le monde s'est donné rendez-vous ici, mais lui ça va !" Non parce que y en a d'autres c'est plus problématique. "Il t'amènera aussi à l'autel alors...ça se fait tu sais"

"Plus exigeant que ça ? Et qu'est-ce que tu voudrais femme vénale ?" Je fond d'amour parce qu'elle fait sa princeza et c'est le genre de chose qui me rend fou d'elle, ça et le fait que son corps nu soit pressé contre le mien. Je me tends en avant pour voler un baiser furtif "Oui, du matin au soir, où tu seras la princesse de la journée."

Je ne m'inquiète pas trop parce que la culture américaine est répandue et plutôt facile, donc ce sera une mixité plus facile à gérer que si j'arrivais moi-même avec des coutumes très strictes. Finalement tout ce que je veux, c'est une déco qui ne soit pas trop kitsch, idem pour la musique, pouvoir choisir ma tenue et de la bouffe qui vienne de chez moi, ça ne devrait pas demander trop de sacrifices je crois. En tout cas je l'espère. Hum juin ça fait peut-être trop rapide... Mais septembre ça me semble si loin ! J'ai pas envie d'attendre trop longtemps... N'oublions pas que c'est un sentiment d'urgence absolue qui m'a poussée à le redemander en mariage, à ce stade ne plus porter son nom m'angoisse beaucoup et j'ai hâte qu'on soit de nouveau unis officiellement.

Ben je crois qu'il est venu pour le boulot... Sly est un électron libre, je ne me pose pas trop de questions sur ses choix. Quant à "l'homme à l'alligator" j'en étais très proche bien-sûr lorsque j'étais enfant, mais nous n'avons plus de relation si soudée depuis que j'ai quitté la Louisiane. Alors que Sly a toujours eu ce côté très paternaliste envers moi, et puis j'ai une confiance absolue en lui, aussi.

Je hausse les épaules, souris contre sa bouche quand il réclame un baiser. Humm je ne sais pas, des fleurs tous les jours, et des mensuversaires de mariage, comme avant. Je mordille ses lèvres, tiraille doucement sur ses cheveux, par jeu. Tu crois que ça peut se faire, dis-moi ? Bon, pour les fleurs tous les jours j'exagère, je n'aime pas tant les fleurs que ça !

"Si le wedding planner nous assure que c'est possible avant, on fera avant, peu importe la date srce moje." tant que tout est parfait ça m'est égal. Je suis content si Sly joue le tuteur de Nina, j'aime bien Sly, contrairement à d'autres personnes de l'entourage de Nina, je n'ai jamais eu l'impression d'être jugé avec lui. C'est reposant.

"humm je vais négocier ! Des fleurs une fois semaine, ça irait ?" Et mon regard change, toujours amoureux mais aussi douloureux, nébuleux, blessure d'ego qui cicatrise mal. "des mensuversaires, vraiment ? Ça ne fait pas trop...guimauve ?" ou ridicule serait plus juste. Je me suis vraiment senti ridiculisé quand elle m'a dit vouloir divorcer alors qu'on avait fêté notre anniversaire. Son mensonge mais surtout le fait que je ne l'ai pas vu venir m'a humilié. J'ai peur d'avoir toujours en tête cet instant indélébile, comme me demander si elle est sincèrement heureuse d'une surprise quand j'ai cru qu'elle l'était mais qu'en fait, elle ne croyait même pas en ce qu'on fêtait. Je suis traumatisé, vraiment ! Bien sur elle avait ses raisons, mais pour quelqu'un qui dit détester les mensonges même par omission, avouez que là elle a fait fort ! Je soupire, passe une main dans les cheveux de Nina, emmêlés par l'eau de la piscine, je cède déjà parce que je suis tellement amoureux d'elle que je suis prêt à passer outre mes appréhensions pour contenter tous ses désirs. "Si ça te fait plaisir, on le fêtera tous les mois"

Je hoche la tête doucement, esquissant un sourire. D'accord, toutes les semaines... Tu vois, c'est avec moi qu'il faut négocier. Je l'ai déjà dit mais ses attentions me manquent. Dans le Bronx, surtout, il passait son temps à me faire des surprises, à préparer pour nous des escapades sans me prévenir, il récupérait à manger chez le traiteur pour un dîner romantique auquel on touchait à peine tant on était incapables de se décoller de la peau de l'autre. Il me dit toujours qu'on a changé, que je ne dois pas être mélancolique du passé mais c'est plus fort que moi, je n'arrive pas à faire le deuil de ces choses là, sans doute parce que je n'en ai pas envie... Et je ne peux pas m'empêcher d'espérer qu'avec le temps on les retrouve.

Ça me semble pourtant mal parti lorsque je vois son regard s'assombrit à ma demande. La douleur dans ses yeux me fait mal et je passe mes doigts sur sa joue, contre la naissance de sa barbe râpeuse. Bien-sûr que ça me fait plaisir... Et c'est très égoïstement parce que ça me fait plaisir justement, parce que ça me manquait trop que je n'ai rien dit le soir où il a voulu fêter notre anniversaire. Tu me manques, tu sais ? Quand... Quand tu es en mission, que tu rentres à peine à la maison, qu'on ne parvient qu'à se croiser... Ça nous éloigne toujours trop... J'ai peur de ce qu'il va se passer quand tu retourneras bosser. C'est la première fois que je lui en parle si ouvertement. Je ne suis pourtant que trop consciente que sa convalescence nous a offert une bulle dans laquelle nous retrouver, et j'appréhende l'instant où elle éclatera. Fêter nos mensuversaires c'est l'occasion de se retrouver. C'est prendre plus que seulement deux heures pour être ensemble, c'est se rappeler de ce qui compte aussi.

"Humm je suis pas sur de ça, j'ai moins de chance de me faire avoir avec Sly qu'avec toi. C'est comme au poker, tu comptes les cartes !" Nina est bien trop douée avec ses petites mines, ses regards de biche, son air trop câlin qui dissimule une grande volonté. Je me laisse trop facilement attendrir, parce que je crève d'envie de lui faire plaisir pour qu'elle m'aime encore un peu plus fort. Si je suis plus mesuré aujourd'hui c'est par crainte encore de mal faire et parce qu'au départ, elle rejetait les gestes trop marqués d'amour, effarouchée, encore trop meurtrie par notre histoire pour accepter de s'abandonner sans heurt. Elle avait trop besoin de sentir, de savoir qu'elle peut s'en sortir seule, sans moi. C'est un cercle vicieux duquel on commence tout juste à sortir, un lent ré-apprivoisement mutuel.

J'en étais venu à croire que ça ne lui plaisait pas forcément. Après tout, de nous deux, c'est moi qu'on taxe de romantique. Peut-être que bailler aux corneilles devant un diner en tête à tête l'ennuie. J'ai l'impression souvent de ne plus savoir comment m'y prendre avec elle, ne plus connaitre ses gouts, ses envies, ses besoins. Je doute de moi. "J'aimais bien nos mensuversaires..." Mais pour l'instant nous n'avons plus aucune date à fêter réellement. Ça sera différent quand on se sera remarié. Le divorce l'a libéré mais il m'a brisé. J'espère que le remariage nous réparera tous les deux. "Tu me l'as déjà dit ... que je te manquais... Tu trouves que je travaille trop ?" C'est difficile à concevoir, depuis mon arrivée à Sarajevo, je ne me suis investi que dans le boulot. 24/24. J'ai déjà beaucoup levé le pied depuis que Nina est là mais c'est difficile. La machinerie des Tigrovi est exigeante. Les missions sont imprévisibles, peuvent durer plusieurs jours sans qu'on est de contact. Je m'y suis habitué. "Avant...avant aussi tu trouvais que je bossais trop ?" Avant dans le Bronx. J'ai toujours eu du mal à trouver un équilibre, je désespère de la blesser par mes absences.

J'aimais tous les instants passés avec lui, qu'on ait quelque chose à fêter ou non. J'aimais qu'il rentre le soir et qu'il se soit arrêté à la supérette 24/24 juste pour m'acheter des fleurs. J'aimais qu'il vienne se couler contre moi la nuit, quand je m'endormais avant qu'il soit rentré. J'aimais quand il venait me chercher au boulot pour me ramener chez nous. Quand il me portait dans ses bras partout, tout le temps, quand il réclamait ma bouche et ma peau sans jamais sembler se lasser. Tout ça me manque cruellement, et je ne sais pas quoi faire parce que ce n'est pas le genre de choses qu'on peut réclamer, on ne peut pas forcer les gens à être comme ça, s'il ne l'est plus c'est qu'il n'en a plus envie, que quelque chose a changé. Et ça me fait mal quand j'y pense, toujours. J'essaie de le lui faire comprendre d'une phrase murmurée qui ne dit finalement même pas le quart de tout ce que je voudrais lui dire : On ne devrait pas attendre d'avoir un mensuversaire à fêter pour passer du temps ensemble...

C'est plus facile, toujours, d'aborder ces sujets-là quand on est blottis l'un contre l'autre, mais on est déjà parvenus à se déchirer même comme ça alors je prends le temps de choisir mes mots. Quand tu étais à la tête du Klan, oui, je trouvais qu'on ne se voyait pas assez... Je travaillais moins aussi. Mais on se voyait toujours plus que maintenant. Avant, on était fusionnels, quelques heures passées loin de lui m'étaient insupportables. Aujourd'hui je me relève de quatorze mois à devoir vivre sans lui, le manque n'a plus le même impact sur moi. Ce n'est pas qu'il ne me blesse plus, que je n'en souffre pas, seulement je le prends comme une fatalité, une épreuve à laquelle je ne peux échapper. Avant que tu sois blessé, ça faisait plusieurs semaines déjà qu'on se croisait à peine... Dans le Bronx, il ne m'aurait jamais laissée partir comme ça en Italie, sans que ça lui fasse rien de ne pas me voir pendant plusieurs jours. Ma gorge se noue douloureusement, je ne pensais pas que le sujet serait si sensible mais comme toujours il remue trop de choses. Je souffle d'une voix un peu tremblante, basse comme une enfant prise en faute qui n'oserait pas se confier. J'ai l'impression... Que c'est différent... Que tu n'as plus vraiment besoin de moi, que ça ne te fait plus grand chose si on ne se voit pas... Et c'est... Je sais pas... C'est comme si... Comme si j'avais perdu un peu de toi... On s'est remis ensemble mais je n'ai pas l'impression de l'avoir retrouvé tout à fait.

"Avant que je sois blessé on n'arrêtait pas de se disputer srce..." Le travail est souvent un refuge quand ça ne va pas, un cocon. C'est plus facile que d'affronter la possibilité d'une vraie rupture, je sais bien que j'ai cette tendance à jouer les autruches. C'est que je gère très mal les conflits affectifs.

"Moi ? Bien que sur que tu me manques quand je ne te vois pas. Tu en doutes ?" Je n'ai même pas besoin de poser la question, elle a toujours douter de ma capacité à avoir assez d'empathie pour qu'elle me manque quand elle était loin. Et pourtant...Durant ces mois où on était loin de l'autre, elle m'a cruellement manqué, même si j'ai pris la décision, même si je me suis laissé avaler par le boulot, la vie à Sarajevo, elle m'a manqué tous les jours. Je réfléchis à ce qu'elle me dit, je sais bien que je suis différent, je me protège plus je crois, je mets un filtre, ce qui évite aussi que je pète les plombs, que j'arrive à avoir plus de recul dans les situations tendues. J'ai une moue légère "Tu sais... je suis content de m'être pris cette balle, je crois que sans ça, tu m'aurais quitté. Est-ce que tu m'aurais quitté ?" C'est ma hantise, qu'elle réalise à un moment que ça vie à Brooklyn sans moi était mieux.

"Qu'est-ce que je peux faire pour que tu n'aies plus cette impression srce ? Tu sais que je t'aime plus que tout au monde"

​Bien-sûr il a raison, c'est parce qu'on se disputait beaucoup qu'on a plongé tête baissée dans le travail tous les deux. Mais nos différends ont commencé je crois lorsqu'il est parti pour cette mission à Banja Luka, si abruptement. Et puis dans un cercle vicieux, moins on se voyait, plus la situation était tendue, plus on s'éloignait pour éviter les conflits, et ainsi de suite. C'est quelque chose qui m'effraie terriblement parce que je sais que c'est un travers dans lequel on tombe très facilement, et duquel on a toujours beaucoup de mal à sortir. Il faut un drame, un détonateur pour qu'on sorte de l'apathie dans laquelle la distance nous plonge.

J'ai un léger mouvement d'épaules. Disons que si c'est le cas ça ne saute pas aux yeux... Tout comme tu n'as pas l'air vraiment... Triste de partir. Je ne sais pas si c'est le mot que je recherchais, je ne veux pas qu'il soit triste, mais quand il doit s'en aller, j'ai toujours l'impression que ça lui est égal. Je peux comprendre que les missions lui plaisent et qu'il soit d'une certaine façon heureux d'y participer. Mais j'aimerais qu'une autre partie de lui ne soit pas si impatiente de me laisser derrière. Je secoue la tête, le serrant plus fort contre moi pour contrebalancer les paroles si dures échangées. Je ne sais pas.... On ne devrait pas... avoir besoin qu'un truc aussi grave arrive pour réussir à revenir l'un vers l'autre... Et évidemment j'attendais que ce soit lui qui revienne, puisque c'est lui qui partait toujours ! Je ne sais pas si je l'aurais quitté, je crois que j'aurais fini par m'en aller, sans doute... Mais je n'arriverais pas à me reconstruire sans lui une seconde fois. Avant qu'il se pointe à l'agence, j'étais vraiment au bord du gouffre, les cachets dont j'ai augmenté les doses n'en sont que la preuve la plus évidente. ​Je ne sais pas quoi te dire, je ne crois pas qu'il y ait de recettes miracles... La façon dont on était l'un avec l'autre me manque, c'est tout... La boule au ventre, je finis par hausser les épaules en esquissant un sourire peu convaincant, essuyant du pouce une larme au coin de mes yeux. C'est pas quelque chose qu'on peut forcer. Je ne peux pas lui demander d'être de telle ou telle façon, ça n'aurait absolument aucun sens. Il y a une partie de notre relation qui s'est perdue, fissurée, la partie la plus fusionnelle je crois, et je désespère de ne jamais la retrouver.

"Je sais pas, j'avais l'impression...de faire plus attention à toi." Je suis moins impulsif sans doute, j'essaye d'être plus à l'écoute de ses désirs parce que lorsqu'on s'est retrouvé, elle m'a remis à ma place quelques fois en me faisant comprendre que je ne pouvais plus être cet être égoïste qui l'avait fait souffrir. Je lève une main pour venir caresser sa joue "ne pleure pas mon ange, je t'aime bien plus qu'avant tu sais ? Regarde, j'étais venu te rejoindre ce jour là, j'étais venu m'excuser. Parce que je peu pas vivre sans toi, je peux pas te laisser t'en aller. "

Je glisse mes doigts sur sa nuque pour la caresser tendrement. "Je sais que c'est dur pour toi quand je pars srce...mais je ne peux pas me permettre de laisser mes émotions prendre le dessus. Si je commence à penser à toi, à te dire que tu vas me manquer, c'est comme...faire une brèche dans une armure. Ça me met en danger, je ne sais pas si tu comprends ça, mais je fonctionne comme ça. C'est pas pour autant que je t'oublie ou que j'ai pas envie de rentrer te retrouver. Tu es mon phare srce, je reviendrais toujours vers toi."

Je secoue doucement la tête. Tu fais attention à moi... Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire... Il est bien moins égoïste, c'est une certitude, je ne peux pas lui reprocher ça. Je ne prétendrais pas non plus que notre relation manque de passion parce que c'est bien loin d'être le cas ! Non, c'est juste que je n'ai plus ce sentiment d'être indispensable à sa vie comme il peut l'être à la mienne. Moi j'ai toujours la sensation de ne parvenir à respirer que difficilement quand il est loin de moi, et je ne crois pas que ce soit son cas. S'il avait toujours été comme ça, peut-être que ça ne me blesserait pas, mais ce n'est pas le cas. Quand on s'est connus, il devenait fou s'il ne me voyait pas tous les jours, et lorsqu'on se retrouvait même après quelques heures de séparation, nos retrouvailles étaient explosives. Je ne ressens plus cette urgence chez lui et ça m'effraie, parce qu'elle est toujours omniprésente chez moi.

Les yeux bordés de larmes, je lève le visage vers lui, plongeant mon regard dans le sien. Et à ses mots doux, ses caresses qui glissent sur ma peau, j'ai de nouveau cette impression familière d'être vulnérable, presque une enfant entre ses bras. Je sais... Je sais bien que c'est comme ça que tu fonctionnes... Il m'a toujours mise à distance pendant le boulot et même si c'est dur à vivre, je peux me raisonner parce que je sais qu'il a besoin d'être concentré. C'est juste... Plus difficile à vivre à Sarajevo qu'à New-York... Et tu pars plus longtemps... Plus souvent. Et ici pèse sur ses épaules une pression familiale qu'il n'avait pas, ou peu, à New-York. J'ai juste besoin de m'habituer à cette vie-là...

"Je n'ai pas très envie que tu t'habitues à quelque chose qui te fait pleurer." C'est dit spontanément, en la serrant contre moi. Je n'ai jamais voulu que son bonheur, c'est juste que j'ai un don pour mal m'y prendre. D'un geste retenu, j'inverse les rôles, la faisant passer sous moi dans un mouvement de bascule. Le hamac bouge, s'enfonce, revient à sa position initiale, mais je suis au dessus de Nina, mon corps écrasant doucement le sien. Ma bouche se pose sur la sienne en un doux baiser d'une volupté à me damner. "je peux faire plus srce, mieux. Pour partir moins, rester plus à Sarajevo, te faire des mensuversaires. Je veux...je veux essayer de te donner tout ce que tu désires." Ne l'a-t-elle pas méritée en revenant avec moi ? A ce que ce soit moi qui fasse l'effort, qui m'adapter. Elle doit déjà s'acclimater à un nouveau pays, une nouvelle culture. Je ne l'en aime que plus de faire tout ça pour moi, j'avoue que ça m'émerveille de voir sa force, son abnégation.

Ma langue effleure lentement ses lèvres avant de lui accorder un autre baiser frémissant, troublé. Je bouge lentement, ondulations qui font bouger le hamac, nous berce et nous pousse l'un contre l'autre comme les vague d'une marée. Je touche sa peau de soie, suçote sa bouche, la grignote en soupirant laissant le désir enfler au rythme de la conversation. "Il faudrait choisir une date en attendant le mariage...pour nos mensuversaires. J'aime bien quand tu connais la date mais que tu l'oublies."