Love the way you hurt me - Slavina

Après l'angoisse, voir le doc s'occuper de Nina me soulage. Je le regarde faire sans le lâcher des yeux, rodant autour du lit comme un prédateur affamé. "tu vois..."  Nina est dans le coaltar et on discute autour de son lit. Je secoue la tête négativement, entêté "Je veux pas la retrimballer là-bas, refaire le voyage en sens inverse... elle est mieux ici. Je vais la surveilller, m'occuper d'elle. Est-ce que...c'est critique ?" "Non pas à ce point là a priori, mais la septicémie est toujours possible si ça blessure n'arrête pas de se rouvrir. Je lui injecter des antibiotiques à assommer un cheval. Je repasserais les premiers jours pour les piqures, ce sera plus efficace pour les médocs et pour le antidouleurs, codéïne" J'hésite à cause de la présence de Camenko puis je lâche le morceau au médecin parce que la question me tracasse "Oui mais...Nina prenait de la kétamine jusqu'à récemment... J'ai peur qu'elle ait mal" "Ah...Tu peux augmenter un peu les doses mais ne dépasse pas la limite journalière. Si ça va pas, on avisera mais c'est toujours compliqué avec les personnes habituées..." Il me donne les boites de médicaments en m'expliquant ce que je dois faire pour l'instant.   "D'accord Doc merci".

Le doc me salue et après un regard pour Camenko hoche la tête et nous salue avant de quitter la place. "Slav' faut que je te parle..." "Putain Cam ça peut pas attendre ? Tu ne vois pas que c'est pas le moment?" "Si mais il n'y aura jamais de bons moments, et je m'inquiète de cette dispute avec papa. Ce n'est pas la première fois..." Je pousse un soupir exaspéré avant de jeter un coup d’œil à Nina. Je m'écarte un peu du lit pour la laisser se reposer mais je refuse de quitter la pièce cette fois et je fais signe à Camenko de baisser le ton.

Le sommeil qui m'assomme est tourmenté, agité d'un mélange désagréable de cauchemars et de souvenirs douloureux. Je régis cent fois les mêmes scènes, la rage de Slavenko à l'annonce de ma grossesse, l'avortement, la découverte de son message d'adieu sur la table du salon, le réveil dans une chambre vide des urgences après ma première overdose. La solitude et la détresse, en boucle, à me donner le vertige. S'y superposent les événements récents, la conversation houleuse avec son père, cette mission et l'accident par lequel elle s'est soldée, la colère froide de Slavenko encore, et ce sentiment angoissant d'être seule au monde à nouveau. Malgré les cauchemars, les médocs sont suffisamment puissants pour que je dorme plusieurs heures de suite, je crois bien que je fais un tour de cadran complet. Lorsque je suis enfin capable d'émerger, je n'ose pas ouvrir les yeux. J'ai peur de la douleur qui me heurtera à la découverte d'une nouvelle chambre vide, j'ai peur d'un mot sur la commode, de voir le Doc à mes côtés ou n'importe quelle autre personne qu'il aurait appelé pour s'occuper de moi pendant que lui prenait la fuite.

Je dois pourtant me résoudre à ouvrir les yeux. Je cligne des paupières, tourne ma tête devenue désagréablement lourde pour constater que la place à côté de moi dans le lit est vide. Mon corps tout entier, pourtant ankylosé, se remet à frissonner et je serre les poings pour tenter de me maîtriser. D'une voix rauque et mal assurée, encore vibrante de larmes, j'appelle tout en étant persuadée de ne pas avoir de réponse : Slavenko ? Tout à l'heure à l'infirmerie déjà, personne ne m'avait répondu.

J'ai suivi scrupuleusement les ordres du Doc, et Nina dort à présent d'un sommeil lourd qui me permet à moi aussi de relâcher la pression. J'ai bien dit à Camenko qu'il était hors de question que je repasse au QG pour l'instant parce que ça impliquerait que je laisse Nina, seule ou à sa garde et c'était hors de question. J'installe une chaise près du lit, je ne veux pas dormir à coté d'elle, j'ai peur de heurter sa blessure. Je ne dors que par tranche de quelques heures ou minutes.

Quand elle m'appelle, je suis en train de plier du linge tout juste sorti du sèche-linge. J'ai laissé la porte de la chambre ouverte et je reviens régulièrement vérifier qu'elle dort. Mais je suis dans le salon, à plier méthodiquement les fringues avant de les mettre dans le panier posé sur la table basse. Dès qu'elle appelle je lâche tout et je me dépêche d'aller dans la chambre. "Srce ! Tu es réveillée ? Va doucement, ok ?" J'ai trop peur qu'elle ne réouvre sa blessure, le Doc m'a dit que ce serait très mauvais, c'est pour ça que je prends un maximum de précautions. J'approche du lit avec l'air d'une mère poule inquiétude "Comment tu te sens mon ange ?"


En 24h, la colère est retombée. Elle existe toujours mais j'ai repris le contrôle de moi. Au moins est-elle plus gérable, enfouie, même si je ne sais pas encore ce que je vais en faire et quelle sera la suite des événements.

Je cille en clignant des yeux, sincèrement surprise de le voir passer la porte de la chambre tant je m'étais préparée à ce qu'il soit parti. Je pensais me réveiller seule, peut-être même complètement seule dans l'appartement ou sous la surveillance de Dimitri ou que sais-je encore, mais je ne pensais pas qu'il serait là. Je fronce les sourcils sans comprendre, secoue la tête quand il me demande comment je me sens. Les surnoms amoureux sont revenus dans sa bouche, son ton est soudain plus doux, inquiet peut-être alors qu'il me criait dessus avant que je ne m'évanouisse. Je suis à deux doigts de fondre en larmes, sincèrement, tant je ne comprends pas ce qu'il se passe, ni même ce qu'il s'est passé, tant je lui en veux aussi d'avoir encore une fois été incapable de me réconforter. A la tristesse et l'incompréhension se mêle une amertume profonde que je peine à refouler. C'est maintenant que tu te demandes comment je me sens ?!

A sa question, je me fige tant sa phrase ne correspond pas à la réponse que j'attendais (qui se déclinait entre un non j'ai mal et un ça va mieux) "Quoi ?" Je ne comprends même pas de quoi elle me parle, je me suis inquiété pour elle, j'ai veillé sur elle et on dirait à l'entendre que non, que je m'en foutais. alors je la regarde stupidement, sans savoir quoi répondre, parce que ce n'est pas vraiment une question, j'en ai bien conscience.

J'ai interrompu me mouvement qui me portait vers elle et je suis juste planté près du lit, pataud, les bras ballants. "Pourquoi tu me demandes ça ? Tu n'avais pas l'air d'aller bien quand tu es rentrée !" Je n'avais pas besoin de poser la question !

​Il est cinglé, en fait. Voilà, je crois que ça explique tout, il est juste complètement dingue. Comment peut-il ne pas se rendre compte de ce qu'il se passe, ne pas avoir conscience de ses propres réactions ? Ça me fait halluciner. ​Mais bien-sûr que non je n'allais pas bien ! On s'est barrés du QG en urgence sans que tu m'expliques pourquoi, tu m'as balancée sur un lit en m'adressant à peine la parole et quand je me suis mise à pleurer tu t'es juste barré de la chambre ! Comment est-ce que tu penses que je vais d'après toi ?! Il m'a laissée toute seule, en pleine crise d'angoisse, à tel point que j'ai fini par m'évanouir, parce que je sais pertinemment que c'est lié.

A l'heure actuelle je n'ai toujours pas la moindre idée de ce qu'il s'est passé pour qu'on doive quitter le Pussynight, je ne sais pas non plus pourquoi il était tant en colère, et surtout je lui en veux terriblement de n'avoir pas été là pour moi. Je serre le drap entre mes mains en baissant le ton, la voix vibrant toujours de colère, mais de douleur surtout. J'ai bien compris que j'ai été une immense déception pour tout le monde, que j'ai pas été à la hauteur des Tigrovi mais j'y suis allée pour toi... Je mérite pas que tu me traites comme ça.

Je veux bien admettre que le retour fut précipité et que j'ai été un peu brusque - trop militaire sans doute - mais ses reproches sont exagérés. J'ai crié quand elle est allée seule dans la douche parce que j'ai eu peur pour elle et d'ailleurs ça n'a pas manqué, elle s'est évanouie et à rouvert sa blessure. Est-ce qu'elle n'aurait pas - ne devrait pas - me faire confiance ? Je l'ai protégée des Tigrovi, de mon père, j'ai pris sa défense.

La suite me laisse encore plus ébahi, perplexe même. Je fronce les sourcils sans bien comprendre ce qu'elle dit. "Une déception ? " Oui elle a bien dit ce mot là. "toi ?" Je secoue la tête négativement. je crois qu'il y a un gros malentendu. Je prends la chaise que j'avais installée près du lit et je m'assieds dessus parce que ça risque d'être long et laborieux cette histoire ! "Déjà tu m'as jamais déçue Nina. Et j'en ai rien à foutre que la mission soit ratée ou pas !" En fait, je ne sais même pas l'issue de la mission à dire vrai. Je baisse les yeux avant d'admette à voix basse "mais j'ai eu peur..." Ouai, j'ai juste eu peur qu'elle me claque dans les pattes. Elle aurait même pu mourir loin de moi. Je secoue la tête "mais je m'occupe de toi ! Je..."

On a toujours eu du mal à se comprendre, mais aujourd'hui ça dépasse tout ce qu'on a connu jusque là je crois. C'est la première fois depuis que je suis rentrée qu'il m'adresse réellement la parole, en tout cas en attendant une réponse de ma part, pas en me balançant un ordre comme s'il était mon supérieur. Le dos légèrement appuyé contre l'oreiller, j'essaie de me redresser parce que ce n'est pas une conversation que je peux avoir en restant allongée. Je grimace sous la douleur, serre les dents jusqu'à trouver une position qui ne soit pas trop inconfortable. Je fronce les sourcils sans comprendre. La mission est pas ratée, j'ai fait tout ce qu'on m'a demandé de faire ! Ce qui a échoué, c'est la suite, mais je ne suis absolument pas responsable de ça. Pour tout ce qui était travail de hacking, je n'ai fait aucune erreur, aucune fausse-note, si la finalité de la mission a capoté, je n'en suis pas responsable. Est-ce que Mirko lui a dit le contraire ?

Non, tu t'occupes pas de moi. Tu t'occupes d'un soldat peut-être mais pas de moi... Je suis pas un soldat. Il ne m'a pas une seule fois prise dans ses bras, n'a en fait pas eu de geste tendre à mon égard, il ne m'a même pas demandé comment je me sentais avant maintenant. J'ai cru mourir tout à l'heure quand il a quitté la chambre malgré ma détresse, alors que j'avais besoin de lui. Je ne sais même pas pourquoi j'en suis surprise ou blessée, il ne m'a jamais épaulée, consolée dans les moments difficiles. Il prend la fuite, c'est ce qu'il a toujours fait. Mes yeux s'embuent de larmes à nouveau et je détourne le regard. Si tu n'es pas déçu alors pourquoi est-ce que tu es en colère contre moi ?

Ça n'a aucune espèce d'importance à mes yeux que la mission ait réussie ou non, je ne vois que le fait que Nina a été blessée et qu'elle aurait pu mourir. Je trouve ça plutôt normal et je crois bien que c'est normal aussi que je sois en colère. J'ai ce sentiment que personne ne l'a protégée, bien au contraire.

Je tire la tronche, sans aucun doute, en me prenant ses reproches en pleine face. Croit-elle que c'est si simple, si facile ? Je bougonne "Je fais ce que je peux Nina." C'est peut-être pas ce qu'elle aurait voulu mais j'ai géré comme j'ai pu, pris entre mon angoisse de la perdre et la colère envers mon père.

Une nouvelle fois je fronce les sourcils, la regarde comme si elle disait la plus grosse connerie de sa vie car c'est le cas. "Mais je ne suis pas en colère contre toi, qu'est-ce que tu racontes ? A part quand tu as décidé de prendre ta douche seule et tout habillée... Non mais Nina... Je ne suis pas du tout en colère contre toi ! Pourquoi je t'en voudrais, ce serait ridicule. "

Cette fois, malheureusement pour lui, cet argument ne suffira pas. Faire ce qu'il peut, ce n'est pas suffisant. Moi aussi j'ai eu peur de le perdre quand il s'est pris une balle dans le bide, ça ne m'a pas empêchée d'être là pour lui, de prendre soin de lui. J'ai besoin de lui et bordel s'il a l'intention qu'on se remarie au mois de juillet il a plutôt intérêt à être prêt pour ça ! Je lui fais la remarque d'un ton boudeur : J'avais besoin de toi... J'ai besoin de toi... Il n'a pas le droit de me laisser toute seule sous prétexte qu'il n'arrive pas à gérer sa peine ou sa colère, c'est trop injuste, trop égoïste et j'en ai assez qu'il soit égoïste.

Sourcils froncés, je relève sur lui un regard embué de larmes, empli d'incompréhension aussi. Comment tu veux que je sache pourquoi ?! Parce que je me suis fait tirer dessus ? Peut-être que Mirko a appelé pour dire que j'étais une catastrophe ? J'en sais rien moi ! Tout ce que je sais c'est que tu cries, que t'es en colère, que tu me touches pas, que tu me laisses pleurer toute seule, et que la dernière fois que tu t'es comporté comme ça avec moi, t'as pris l'avion pour Sarajevo une semaine plus tard. Bon ben voilà, ça y est, je pleure. Merci !

"Mais je suis là, je m'occupe de toi !" Je ne suis parti nulle part, je l'ai ramenée à la maison, je veille sur elle. Alors je suis brusque sans doute trop directif, mais je m'occupe d'elle, elle ne peut pas prétendre le contraire. Je suis dépité qu'elle le fasse. Ne suis-je pas assis à coté de son lit à essayer de ... quoi au juste ? La rassurer ? La consoler ? Ou seulement me justifier ? Une nouvelle fois j'ai cette sensation de perdre pied qui m'est si désagréable.

Et la tirade qui suit, pour m'engueuler, suivie de ses larmes n'arrange rien. Je sais soigner les blessures physiques, prendre soin de ça mais ça a toujours été compliqué pour moi de gérer ses émotions - remarquez qu'avec les miennes c'est la même chose - Il m'a fallu des mois pour savoir comment gérer ses crises nocturnes, mais ses larmes me laissent toujours démuni, désemparé. "Mais srce..." Je me penche, inquiet et mal de la voir mal, en empathie trop brute qui me déchire. Je prends sa main pour la serrer dans la mienne "Arrête, ne pleure pas...srce...ne pleure pas...tu sais bien que je t'aime, que je suis là pour prendre soin de toi" Est-ce qu'elle ne le sait pas ? Je ne comprends rien à cette histoire d'avion pour Sarajevo, je n'ai toujours pas fait le rapprochement avec l'avortement, en même temps, je ne vois pas comment je pourrais, je ne sais pas comment j'étais à cet époque là - étais-je aussi en colère ou seulement terrifiée ?

Je porte sa main à ma joue, me penche dessus en la pressant dans un geste câlin de réconfort. "J'étais...je suis en colère contre mon père, contre Mirko, pas contre moi moj andjeo. Tu te rends compte que tu as falli y rester, si la balle...si c'était l'autre coté, je te revoyais plus."

Il m'a regardée pleurer, dévastée, et il est sorti de la chambre en m'intimant de me recoucher. Ce n'est pas ce que j'appelle s'occuper de là, ou être là pour moi, au contraire. Il fait juste acte de présence pour le moment. Je ne sais pas ce qu'il a pu dire aux autres Tigrovi, je ne sais pas s'il s'est battu ou mis en colère puisque je n'ai rien vu, qu'il ne m'a rien dit. Tout ce que je vois, c'est qu'il me fuit depuis que je suis rentrée, qu'il fuit la discussion en tout cas, et tout dans sa posture, dans ses gestes brusques, dans ses paroles trop froides, me laissait penser qu'il était en colère.

Ce geste qu'il a de se pencher vers moi, de prendre ma main dans la sienne, c'est la première réelle marque d'affection à laquelle j'ai droit. Je renifle en secouant la tête. Non je le sais pas, tu ne montres rien, tu ne dis rien, tu me laisses gérer toute seule... Outre la douleur physique et la peur que j'ai eu de crever, parce que oui j'ai eu peur de ça moi aussi, j'ai passé quatre jours absolument atroces, notamment à cause de son oncle, et de ça non plus on n'a pas parlé. De ma main libre j'essuie mes joues mouillées, serre ses doigts dans les miens en hoquetant. Bien-sûr que je m'en rends compte... C'est justement pour ça que tu devrais... Je sais pas... M'embrasser, me prendre dans tes bras, me dire que ça va aller... Je relève les yeux vers lui. Est-ce que tu vas partir ? J'ai l'impression... J'ai peur que tu t'en ailles...

"je ne te laisse pas gérer toute seule..." Je le dis d'un ton boudeur, parce que j'ai quand même le sentiment de m'occuper d'elle. Je ne suis pas maternel ou romantique, certes, mais à ma façon je gère le fait qu'elle est blessée. Je suis trop pragmatique sans doute, et en plus j'étais aveuglé de colère envers les Tigrovi et la façon dont c'était déroulé la mission. En plus j'étais déjà sous pression par le fait que je n'avais eu aucune nouvelle depuis quatre jours et lorsque j'en ai c'est juste son arrivée blessée ! Ils auraient quand même pu m'appeler quand ils étaient dans l'avion !

Je me rapproche jusqu'à avoir mon front près du sien, mon nez effleurant le sien, sa main dans la mienne coincée entre mon corps et le matelas. "Je ne vais pas partir Nina, et toi non plus... J'ai été bête de croire que faire nos preuves avec cette mission suffirait, et tu avais raison pour cette période d'essai, c'était vraiment une idée de merde. Maintenant, soit ils nous acceptent à deux, soit ce sera juste un taf. et...et ça va aller." S'il n'y a que ça, je veux bien le dire même sans le penser. J'ai toujours la même colère en moi, le même sentiment d'injustice aussi, poignant. "Ja volim te moj andjeo" j'appuie mes lèvres sur les siennes dans un baiser délicat comme si elle risquait de se briser.

Il s'approche et je retiens mon souffle comme si j'avais peur de laisser son odeur m'envahir. Je commence tout juste à maîtriser mes sanglots, et je ne voudrais pas repartir dans une crise de larmes que je sais ridicule, et surtout inutile. J'ai ce réflexe très idiot et à la fois très douloureux d'analyser le moindre de ses gestes, la moindre parole pour tenter de la comparer au jour où je lui ai annoncé que j'étais enceinte. Est-ce qu'il me regardait comme ça ? Est-ce qu'il m'a promis de ne pas partir avant de s'en aller malgré tout ? Est-ce qu'il m'a dit qu'il m'aimait ? Je ne suis plus sûre de m'en souvenir, tout est flou dans mon esprit, et ça m'angoisse encore un peu plus. J'ai besoin de lui faire confiance, je ne peux pas vivre en remettant sans cesse sa parole en doute.

Ses lèvres, enfin, fondent sur les miennes, et j'ai un hoquet de désespoir contre sa bouche. Je tends mon bras -valide- vers lui, passe mes doigts dans sa nuque en me tendant contre lui. Ça tire sur ma blessure dans le mouvement mais il m'a trop manqué, il me manque encore trop et j'ai besoin de le sentir contre moi. Les émotions qui me heurtent sous son baiser sont trop violentes pour que je n'explose pas, et je lâche tout en vrac, dans un laïus tremblotant. Tu m'as tellement manqué si tu savais... J'ai eu peur, j'ai eu froid, j'aurais voulu entendre ta voix mais ils ont confisqué mon téléphone quand on a pris l'avion pour l'Autriche... Est-ce qu'il sait qu'on n'était pas à Banja Luka ?! Personne ne m'a laissé le prévenir ! J'ai fait tout ce qu'on m'a demandé de faire, mais Mirko a été... Je secoue la tête. Je ne veux plus le voir. Je ne veux pas qu'il vienne à notre mariage. Je relève le visage, écarquille les yeux sous la bouffée d'angoisse. On se marie toujours ? Tu veux toujours...?

Je n'aime pas cette sensation de mes défenses commençant à se briser, de cette boule dans la gorge, des yeux qui piquent et du sentiment d'oppression lié à la trouille qui resurgit par surprise, tout ça dans un baiser. J'avoue quand même pour ne pas avouer que j'ai été terrifié d'imaginer qu'elle ne rentre pas "Tu m'as manqué aussi...Je savais pas où tu étais, j'ai seulement su quand la camionnette vous a ramenés" Je m'écarte un peu pour lui demander "fais-moi une petite place tu veux ?" Je m'allonge dans le lit près d'elle - du bon coté - m'installe pour être collé à un flanc et pouvoir caresser un coin de sa peau, et la laisser chipoter mes cheveux. "C'est souvent comme ça en mission, je m'attendais à ne pas avoir de nouvelles mais je ne pensais pas que ça durerait 4 jours, ni que tu irais en Autriche...et surtout je pensais pas qu'il y avait autant de risques" C'était juste une mission de hacking, jamais on ne m'avait parlé de vol de cadavre.

"Je veux toujours me marier avec toi srce, plus que jamais. Je sais pas trop ce que tu as imaginé dans ta petite tête mais je ne vais nulle part zlato de mon cœur. Et tu seras ma femme. " Je caresse le bas de son visage, bécote ses lèvres avant de demander "Qu'est-ce qu'il y a eu avec Mirko ? Camenko ne m'a rien dit et mon oncle est resté à Banja Luka."

Je me décale dans le lit pour lui laisser la place de venir s'allonger à côté de moi. Je rêve de son corps près du mien depuis que j'ai quitté Sarajevo, et je suis dévastée de ne pas y avoir eu droit dès mon retour. J'ai honte de l'admettre mais même si pour le moment mes larmes ont cessé de couler, j'ai un peu de mal à me dépêtrer de la sensation de mal-être et de désespoir qui s'est emparée de moi. Je viens me blottir contre lui, essayant de ravaler l'amertume qui me souffle que j'aurais du pouvoir trouver le réconfort de ses bras hier déjà. Je pensais que tu savais... J'ai commencé à en douter sur le trajet du retour parce que j'ai eu le temps de cogiter, mais quand ils m'ont dit qu'on prenait l'avion, il était impensable pour moi que Slavenko ne soit pas au courant. Comment peut-on lui avoir caché une chose pareille ?

Même ses affirmations sur notre mariage à venir ne suffisent pas à me rasséréner complètement. J'avoue dans un souffle, gênée : Tu avais... Tu avais le même comportement, quand je t'ai annoncé que j'étais enceinte... Voilà ce que j'ai imaginé, mais comme souvent bien-sûr il ne s'en rend pas compte. Il m'est difficile de répondre à sa question parce que je peine à trouver les mots pour décrire ce qu'il s'est passé, il n'y a pas eu d'attaque frontale, pas de violence physique non plus. C'est quelque chose de plus pernicieux, et je ne suis pas sûre que Slavenko soit sensible à ce genre de choses. Il m'a fait surveiller, 24h/24, j'étais accompagnée même pour aller pisser. Il a passé son temps à faire des allusions... Sur pourquoi t'étais parti, ce que t'avais fait sans moi à Sarajevo... Mais sur moi aussi, sur les gens que je fréquente, les photos que ton père avait, sur... La Louisiane aussi, des trucs dont je savais pas qu'il était au courant...

"j'avais le même comportement ?" Bon, je reste bouche bée et mal à l'aise aussi. On n'a jamais trop parlé de cette période. On a parlé de mon départ, de ma fuite, de la souffrance de Nina mais on n'a jamais vraiment parlé de ce moment où elle m'a dit qu'elle était enceinte, de ma panique, de la décision qui s'est imposée sous mon impulsion de l'avortement. On n'a pas parlé d'Ornella, de ces raisons qui faisaient que je n'ai jamais voulu d'enfant jusqu'alors. Et non, on a jamais parlé de ma colère à ce sujet, colère qui n'était encore une fois là que pour masquer la peur. Et aujourd'hui c'est sans doute la même chose. Mais je ne souhaite pas en parler outre mesure ceci-dit parce que je ne suis pas très doué pour parler ce genre d'émotions trop intimes et douloureuses.

J'ai une main liée à la sienne, et je lui offre la chaleur de mon corps, la tête un peu voûtée. "Je sais pas, je m'étais pas rendu compte. J'étais juste... en colère parce que tu es rentrée blessée et que personne ne m'a rien dit. J'ai eu l'impression...que ça comptait pas pour eux, que tu étais juste comme une autre mais t'es pas juste une autre pour moi et je... je me suis énervé" J'atténue la dispute, mon comportement, tout le monde semble me trouver hystérique, excessif - à croire qu'un homme n'a pas le droit de s'inquiéter de sa femme - alors je minimise.

Je ne suis pas vraiment surpris pour Mirko "mon oncle a des connexions avec la CIA, ça m'étonne pas qu'il sache..." Est-ce donc ça qui l'a toujours dérangé ? Que Nina a été - appelons un chat un chat - une pute soumise à un mac de Louisiane ? "de toute façon, on s'en fout non ? Je suis désolé que tu ais du le supporter quatre jours mais ça n'arrivera plus srce... Je ne veux plus que tu travailles pour les Tigrovi, c'est trop dangereux."

Moi non plus je ne m'étale pas sur le sujet, je ne suis pas sûre qu'il soit encore utile d'en parler aujourd'hui, c'est un peu tard pour ça. Il y a des traumatismes que je cherche à guérir chaque jour depuis, et d'autres que j'ignorais avoir, que je découvre au fil du temps. Je ne pensais pas que son comportement ce jour-là m'avait marquée à ce point-là, et je ne sais pas si c'est à cause de la douleur ou des cachets mais ça m'est revenu dans la figure assez violemment aujourd'hui. Pourtant je crois qu'il faudra un jour qu'on parle de tout ça, qu'on en parle vraiment sans tabous, sans rien laisser de côté... Parce qu'il veut un enfant aujourd'hui, et si c'est toujours le cas -ce dont je ne suis pas sûre- on ne pourra pas continuer à garder le silence.

A ses explications je fronce les sourcils, un peu surprise de sa naïveté pour le coup. Je ne sais pas comment tu as pu t'imaginer que ça compterait pour eux, Slavenko... Dire qu'ils ne me portent pas dans leur cœur est un euphémisme, et je crois sincèrement que Jelenko et son frère auraient été soulagés que je me prenne la balle en pleine tête, histoire d'être débarrassés de moi une bonne fois pour toutes. Je me suis rarement sentie si vulnérable qu'au moment où la balle m'a touchée. Pas parce que j'étais blessée, mais parce que j'avais cette certitude de n'être entourée que d'ennemis.

Le fait qu'il ne soit pas étonné un seul instant du comportement de Mirko me blesse, c'est à mon tour d'avoir été naïve, mais je lui en veux de m'avoir demandé d'y aller s'il savait que ça se passerait comme ça. Je lui en veux de m'avoir forcé la main pour que j'accepte de subir cette épreuve ridicule. Je lui en veux parce que je réalise qu'il n'a finalement jamais rien fait pour me préserver de sa famille, et aujourd'hui je paie le prix de mon acharnement à vouloir lui plaire. Je souffle tout bas : Tu n'aurais pas du me laisser y aller...

Elle se trompe, je savais qu'il était surement au courant de toute notre vie à Nina et moi - Mirko est un des seuls à savoir pour ma bisexualité, je ne suis même pas sur que mon père soit au courant - mais je ne pensais pas qu'il en profiterait pour pourrir Nina à coup d'allusion. Je pensais sincèrement que cette épreuve était autant pour elle que pour moi, une preuve à donner que notre mariage n'empiéterait pas sur ma loyauté au Klan, et elle et moi avons tout fait pour le prouver. "tu comptes plus que tout pour moi et je croyais...je pensais que s'ils m'aimaient, ils prendraient soin de toi pour moi" De toute évidence, selon ce raisonnement, ils ne m'aiment pas. Je sers simplement leurs intérêts, je dois arrêter de vouloir l'amour de mon père. A quarante ans, j'avais toujours cette foi étrange que je pouvais le rendre fier, je n'osais toujours pas le décevoir. Ça peut sembler étrange parce que j'ai été vingt ans en exil, loin de lui, mais je crois que ça n'a fait que renforcer cette idéalisation que j'avais de lui, mon père, ce héros serbe.

"tu as raison, je n'aurais pas du te laisser y aller. " Pas sans moi, pas comme ça. Je ne veux pas qu'elle soit mise en danger et ça me poigne trop de savoir qu'elle aurait pu mourir. N'importe qui mais pas elle. Le monde ne peut pas exister sans elle. "on va te remettre sur pied srce et puis on s'occupera du mariage. d'accord ? Mon ange, tu veux quelque chose à boire ou tes médicaments ? Le Doc va passer pour ton pansement et les piqûres."

Je suis peut-être encore trop crédule mais je ne les tiens pas pour responsables de ma blessure. Une mission qui tourne mal, ça arrive régulièrement, et ça aurait pu être n'importe qui d'autre que moi. Mais je ne peux pas le contredire quand il dit qu'ils n'ont pas pris soin de moi, parce que Mirko a tout fait pour faire de ma vie un enfer, pour que je me sente misérable durant ces quatre jours. Sans doute espérait-il me dégoûter au point de me faire fuir. Quant à Camenko, il n'a pas bronché, mais je n'en suis pas surprise, personne ne bronche jamais face à Mirko ou son frère. Je ne m'attendais pas à ce qu'on me ménage, ni à ce qu'on prenne soin de moi. Mais je ne pensais pas que je serais la cible d'attaques incessantes, j'imaginais naïvement que Slavenko ayant parlé à son père, Jelenko aurait prévenu Mirko de ne pas abuser... Une connerie du genre. C'est dire si je mets du temps à comprendre mes leçons. Il ne comprend pas quand il répète que je ne travaillerais plus pour les Tigrovi. Ce n'est pas qu'une question de boulot, je ne veux plus voir Mirko, jamais. S'il fout un pied à l'Eglise, je ne me marie pas.

Il finit par détourner mon attention en revenant à des considérations pratiques que je serais bien en peine de repousser. Je veux bien... Je meurs de soif. Je ne sais pas combien de temps j'ai dormi, j'ai perdu toute notion du temps à vrai dire, je ne sais pas quelle heure il est, ni même quel jour on est. Je sais que j'ai soif, que j'ai froid, que je suis fatiguée, encore effrayée aussi et que je ne veux pas que Slavenko s'en aille. Je cligne des yeux et me rallonge un peu mieux. J'ai froid...

Je pensais aussi que mon père avait donné des consignes, après tout, il m'avait donné la bague pour Nina et je croyais que c'était un gage de paix. Mais soit il n'a pas été assez clair, soit Mirko n'en a fait qu'à sa tête, il est assez doué et fourbe pour jouer son propre jeu. Je suis fatigué de ces jeux, je n'ai jamais été très bon pour ça. La colère violente que j'ai ressentie se dilue dans la déception et l'amertume. Le mieux c'est qu'au départ je comptais bien séparer ma vie comme je l'ai toujours fait, Nina d'un coté et les Tigrovi de l'autre. Puis elle m'a convaincu, elle voulait faire partie de tous les aspects de ma vie. Aujourd'hui c'est un fiasco,on ne peut pas mélanger l'eau et l'huile.

Je l'embrasse avant de m'écarter. "Je devrais pouvoir trouver une couverture supplémentaire, mais le chauffage est déjà à fond chérie." Je me lève, fouille dans l'armoire pour prendre la couette d'été que j'ajoute à celle qu'elle a déjà puis je vais dans la cuisine préparer un petit plateau avec du jus de fruit, un bol de céréales au lait et de l'eau. Je lui ramène avec ses cachets contre la douleur et je lui installe le tout sur le lit. "Si tu dois te lever pour aller aux toilettes dis-le moi, je t'accompagne. Je ne veux pas que tu tombes dans les pommes, tu ne dois pas rouvrir ta blessure. "

Je ne me sens pas vraiment mieux, en fait je suis très angoissée quant à la suite des événements. Je n'ai pas la moindre idée de ce qu'il va se passer à présent, mais je sais déjà que c'est mauvais signe. Il a quitté New-York parce que sa vie ici, sa famille lui manquaient trop. Il m'a demandé de m'installer à Sarajevo pour pouvoir concilier les deux, et de toute évidence ça ne fonctionne pas. On ne pourra pourtant pas me reprocher de ne pas avoir essayé. Il ne peut pas renoncer à eux, et le fait de dissocier totalement ces deux pans de sa vie ne fonctionne pas non plus parce que les Tigrovi font partie intégrante de ce qu'il est. En revanche il peut renoncer à moi, c'est ce qu'il a fait par le passé et comment vous dire que je ne suis pas sereine quant à notre avenir ? Les circonstances sont différentes et pourtant la scène a un goût amer de déjà vu que je peine à effacer.

Je me doutais qu'il avait déjà augmenté les chauffages, mais je ne suis pas mécontente d'avoir droit à une couverture supplémentaire malgré tout. Être blessée me rend plus frileuse encore que d'habitude. Je me jette sur le verre d'eau que je vide d'un trait, assoiffée, avant de prendre mes cachets parce que la douleur commence à se réveiller. J'acquiesce docilement à son avertissement. Je t'appellerai... Les larmes me montent aux yeux quand je croise son regard mais des coups retentissent au même moment contre la porte d'entrée et il se détourne de moi. Je renifle, essuie mes yeux, mes joues en essayant de reprendre contenance même si je dois avoir une sale mine. Je supporte très mal l'angoisse et il va falloir que je trouve rapidement un moyen de redescendre, parce que rester enfermée ici va rapidement devenir invivable si ma convalescence se ponctue de crises de panique. Du salon, je reconnais la voix du Doc, mais aussi celle de Bran.

"ça doit être le Doc, bouge pas mon ange." Je souris à Nina pour la rassurer et je vais ouvrir. C'est bien le Doc mais aussi le lieutenant Bran et je marque franchement la surprise avant de m'écarter après un moment d'hésitation. Bran aurait été seul, je ne l'aurais pas laissé entrer - je n'ai pas envie d'avoir des tigrovi chez moi là tout de suite - mais j'ai besoin du Doc parce que je ne peux pas faire venir d'autre médecin. "Nina est dans la chambre Doc, ça a été, elle a dormi presque 24h." Il me donne une petite tape amicale sur l'épaule avant de se diriger vers la chambre "allons voir ça."

Je reste donc avec Bran. Il ne fait pas parti des Tigrovi que je côtoie tous les jours, ce n'est pas un de mes camarades proches comme Cvetko ou Stan. Le silence s'installe avant que je ne lui propose un café. Alors il sourit et prend la parole qu'il a surement facile "Comment tu vas ? Je voulais savoir si Nina allait bien et lui remonter un peu le moral. Ce n'est vraiment pas de sa faute ce qui s'est passé." "Je ne même pas exactement ce qui s'est passé..." Alors il me raconte et on échange sur la mission. J'imagine qu'il doit être au courant que je dois passer en conseil de discipline mais il est assez malin pour ne pas en parler.

Quand le Doc a fini, il me prend à part pour parler et d'un œil inquiet, je vois Bran aller rendre visite à Nina dans la chambre. Je ne suis pas enchanté de la situation, je voudrais que les tigrovi laissent Nina tranquille à présent.

​Le Doc' me rejoint, seul, dans la chambre, et je me redresse pour le laisser m'examiner. Il vérifie que ma cicatrice ne s'est pas rouverte, et comme je suis restée au pieu tout le temps depuis qu'il est parti la veille, ce n'est pas le cas. Il refait malgré tout mon pansement, prends ma température, ce genre de choses, et me demande comment je me sens au niveau de la douleur. J'avoue avoir une forte résistance aux cachets en tous genres mais pour l'instant, je préfère ne pas augmenter les doses, j'ai trop peur de retomber dans l'addiction, je sais à quel point ce serait facile et je suis encore sur la corde raide de ce côté-là. J'ai arrêté la kétamine depuis trop peu de temps pour avoir confiance en moi. A priori, il n'y a pas d'inquiétude à avoir concernant mon état pour le moment, mais il me recommande malgré tout de rester couchée autant que possible. En somme je suis alitée sauf besoin d'aller pisser ou de prendre une douche... M'enfin comme Slavenko n'est pas là pour entendre ça, je ne suis pas sûre de suivre ces recommandations à la lettre.

Quand le médecin me laisse, je suis surprise de voir Bran entrer, et je fronce légèrement les sourcils, je ne m'attendais pas à recevoir la visite de Tigrovi... Ou alors celle de Jelenko qui serait venu proférer de nouvelles menaces à mon égard, j'en sais rien. Il s'assied sur la chaise laissée par Slavenko et me demande comment je me sens, l'inquiétude transparaissant visiblement sur ses traits. Je dois avoir droit au même discours que Slavenko puisqu'il me répète, à moi aussi, que ce n'était absolument pas de ma faute, m'assurant que j'ai eu un comportement presque exemplaire durant ces quatre jours. Presque, parce que bon, si j'avais un peu mieux fermé ma bouche, ç'aurait été parfait quoi, mais on se refait pas ! On discute un peu, il me propose de l'appeler si j'ai besoin de quoi que ce soit... Les banalités d'usage, en somme.

Au fond de moi, ça me dérange que Bran soit avec Nina et dès que le Doc m'a informé de l'évolution de son état et des recommandations, je les rejoins. Je m'avance dans l’entrebâillement de la porte dont j'occupe l'espace. J'interromps l'échange maladroitement "Humm le Doc t'attend Bran ..." Après les salutations d'usage, je le laisse sortir et je n'ai pas besoin de les raccompagner. Je crois que ce qui me dérange c'est qu'il se montre protecteur envers Nina. Il était son lieutenant, il était là pour elle lors de la mission et moi je ne l'étais pas. Cette idée me bouleverse, m'assombrit. J'aurais voulu que ce soit moi qui la protège et aussi s'occupe d'elle quand elle a été blessée. Bref, je suis jaloux, et ça me perturbe, c'est quelque chose que j'ai encore du mal à me ré-autoriser parce que ça nous a toujours fait beaucoup de tort.

Je prends la place de Bran sur la chaise et ça me fait un effet désagréable. Comme si c'était lui qui était légitime et pas moi. C'est carrément débile, c'est la fatigue j'imagine... je soupire, passe une main dans mes cheveux en essayant de faire passer ce sentiment. J'aborde un autre sujet, qui fâche. "Je dois passer au QG aujourd'hui...Est-ce que tu peux prévenir quelqu'un qui viendrait te tenir compagnie ? Je n'ai pas envie que tu restes seule, on ne sait jamais..."