Love the way you hurt me - Slavina

Heureusement que je suis serein, parce que ça se passe vraiment mal. Déjà, j'ai droit au grand conseil de discipline, tous les lieutenants de Sarajevo, mon père et même mon oncle sont là et je vous assure que même pour moi qui aime jouer les gros durs, c'est impressionnant et je ne la ramène pas, un brin plus pâle qu'à l'accoutumée. Je ne cherche pas à me défendre parce que je ne veux pas impliquer Nina dans mon pétage de plomb, or c'est bien ma difficulté à gérer le fait qu'elle ait été blessée qui m'a fait disjoncter. Je ravale donc ma fierté parce que c'est ce qu'on attend de moi et j'accepte la sanction assez lourde. Ça commence par une amende, puis une rétrogradation - de soldat pouvant diriger d'autres sur le terrain, je repasse grouillot et donc pour finir j'ai une nouvelle affectation de débutant à la surveillance nocturne d'entrepôt pour une durée de un mois. Je suis également interdit de quitter Sarajevo pour une durée indéterminée sauf mission que l'on me confierait, mais à mon avis, ça ne risque pas d'arriver de sitôt.

Ensuite, mon père veut me parler dans le bureau et je ne peux pas refuser puisqu'il se cache derrière le rôle de commandant et pas celui de père. Pourtant, c'est ainsi qu'il me parle mais je refuse de me laisser avoir et je me force à ne le voir que comme mon commandant. C'est lui a voulu ce rôle la dernière fois en me balançant une suspension parce que le fils que je suis, tenait tête au père qu'il est. Si au départ il tente de se montrer conciliant et me demande même comment Nina va, comment moi je vais - Camenko lui a-t-il parlé ? - devant mon attitude rigide et laconique à coups de "Bien mon commandant, oui mon commandant" très militaires, il perd patience et me renvoie, furieux. J'ai la satisfaction de ne pas m'être emporté et c'est grâce à Nina qui reste dans ma tête, nos projets, notre mariage, la maison, le bébé.

Sur le chemin du retour, je m'arrête faire des courses parce qu'il n'y a plus grand chose à la maison. Je soupire parce que je travaille dès le soir même, de 22h à 06h00 du mat'. Ce seront mes horaires quotidiens pour le mois à venir, tout ça pour être payé en grade 1. Je rentre presque deux heures après être parti et après avoir posé les sacs sur la table de la cuisine, je rejoins Nina et son amie.

Je trouve le temps terriblement long, mais je sais que ce serait le cas même s'il ne partait qu'une demie-heure. J'aurais préféré être seule, la présence d'Addison m'indiffère parce que je n'ai finalement pas envie de discuter, de faire semblant que ça va alors que ce n'est pas le cas. Je suis furieuse que Slavenko doive passer en conseil de discipline alors qu'il n'a rien fait, et je peux vous assurer qu'après la mission et la façon dont on a été traités suite à ma blessure, je suis encore plus en colère contre les Tigrovi. Après que Jelenko soit venu me menacer -Slavenko peut utiliser d'autres termes, c'est au final de ça qu'il s'agit- j'étais déjà peu encline à faire des efforts et je me suis pourtant tapé cette mission ridicule, tout ça pour que la situation empire encore plus. Je ronge mon frein, angoissée tout du long, jusqu'à ce qu'il rentre enfin à la maison. Addison ne s'attarde pas, elle était occupée avant que je l'appelle et il faut qu'elle retourne chez elle. Je la remercie une dizaine de fois et lui promet de passer à l'agence rapidement.

Je lève sur Slavenko un regard inquisiteur, le nez froncé. Comment ça s'est passé...? Je me doute qu'il n'a pas envie d'en parler, je commence à le connaître, mais moi j'ai besoin de savoir et je ne veux pas que ça reste en suspens. J'ai besoin de savoir à quoi m'en tenir pour les semaines à venir, et pour ça il faut que je sache ce qu'ils lui ont dit. Je suis encore loin de m'imaginer la hauteur des sanctions, et même de penser qu'il n'était pas seul avec Damir.

J'ôte mon béret et le balance sur le lit avant de m'y asseoir dans un geste lourd de lassitude, mes jambes de traviole pour ne pas dégueulasser les draps avec mes godasses cirées. Je n'ai pas vraiment dormi la nuit passée, et j'accuse le coup entre toutes les émotions de la journée qui s'ajoutent à la fatigue physique. "Boaf... pas terrible. J'ai eu droit au grand conseil, la totale..." Je me cale de façon à offrir mon épaule à Nina, la laissant gérer le confort de la position mais ayant besoin d'un câlin de réconfort, sans le demander. "Du coup je suis désolé mais je bosse ce soir srce... On m'a affecté à la surveillance d'un de nos entrepôts le long des rails de la voie ferrée de transport."

"Et toi tu as mangé ? Je t'ai ramené ta surprise...tu as été sage pas vrai ? " Je souris légèrement pour chasser les soucis "Bon, je sais que t'aime pas languir, ce sont des viennoiseries françaises." Je sais qu'elle aime ça et qu'elle les mangera plus volontiers. J'ai à cœur qu'elle ne se laisse pas dépérir. "Et pour ce soir, je vais te faire de la gibanica. Je mangerais avec toi avant d'y aller, je commence qu'à 22h"

Je fronce les sourcils, en ayant un peu de mal à me représenter ce à quoi peut ressembler le "grand conseil" dont il parle. Ce n'est pas une chose à laquelle je suis habituée mais ça fait tellement partie de son quotidien qu'il est souvent avare d'explications. C'est-à-dire...? Je fronce le nez, sans doute que je parais idiote mais là tout de suite, ça ne fait pas sens pour moi. C'est pas une bonne chose que tu bosses ce soir ? Tu pensais être mis à pied, si tu as une mission, même de surveillance, c'est bon signe non ? Ou bien c'est moi qui suis terriblement naïve ? Vu la tête qu'il tire, j'opte plutôt pour la seconde option malheureusement. Leur fonctionnement, leur hiérarchie... Ça m'échappera toujours. C'est le fils du commandant mais je n'ai jamais eu l'impression qu'il était traité comme tel, bien au contraire.

Comme il vient près de moi, je me niche contre lui, préservant ma blessure en n'appuyant contre son corps que mon côté valide. Oui, j'ai été sage mon ange... Je fronce le nez dans une moue curieuse avant qu'il ne consente à cracher le morceau. Mon regard s'illumine, je suis comme toujours touchée des petites attentions qu'il peut avoir à mon égard, et je sais qu'étant blessée, je vais me faire dorloter. C'est bien le seul aspect positif de la situation d'ailleurs. Je suis triste qu'il s'en aille ce soir, j'avoue que je pensais pouvoir rester avec lui quelques jours, mais je ne veux pas me plaindre alors je me contente de hocher la tête. Oui, d'accord... Tu penses rentrer vers quelle heure...?

"Et bien... Tout le monde était présent, les lieutenants, le commandant et même Mirko. Il est finalement revenue de Banja Luka, quel honneur !" J'ai l'humour grinçant à son sujet. Je secoue la tête aux suppositions de Nina. "humm non pas vraiment. j'aurais préféré une mise à pied d'une semaine. Ils m'ont rétrogradé, c'est pour ça que je dois surveiller des entrepôts. C'est du boulot de débutant ça... J'en ai pour un mois, et puis je suis assigné à Sarajevo, j'peux pas bouger de la ville jusqu'à nouvel ordre." Je hausse les épaules en esquissant une ombre de sourire pour tenter de dédramatiser ce qui pourtant me touche infiniment. "L'avantage c'est que je pourrais difficilement faire pire à présent."

Je souris au sourire de Nina, replie un bras pour caresser sa joue d'un geste tendre, heureux que cette toute petite attention lui fasse plaisir. "oh ça va être assez simple à retenir pour le prochain mois, moj andjeo. Je bosse tous les jours de 22hh à 06h du mat'. Donc je serais là vers 6h30, 7h00 au plus tard." parce que je n'ai plus de bagnole et qu'il faut que je vois si je peux chopper un bus. Au pire si je rentre en courant, j'en ai pour une petite heure, donc je compte au plus large pour ne pas que Nina s'inquiète. "Au moins tu dormiras pendant je bosserais et on sera la journée ensemble."

Mon visage s'assombrit, le fait de savoir Mirko présent à Sarajevo me met extrêmement mal à l'aise, je crains de le croiser, ou pire qu'il passe ici même si je ne vois pas ce que les Tigrovi pourraient encore venir faire chez nous. Et puis il m'explique un peu mieux ce qu'il se passe et j'écarquille les yeux d'incompréhension. C'est une plaisanterie ? Ils l'ont rétrogradé ? Mais pour quel motif ?! Comment ça tu peux pas bouger de Sarajevo ? Je me redresse dans le lit, la colère bien plus présente maintenant, parce que c'est le genre de choses qui m'a toujours rendue complètement dingue. On a déjà parlé de mon rapport conflictuel à l'autorité ? Non mais c'est quoi ce délire ? De quel droit ils régissent ta vie comme ça ? Tu fais bien ce que tu veux de ton temps quand t'es pas en mission, c'est n'importe quoi ! C'était bien la peine d'échapper à sa conditionnelle à NY pour se retrouver dans cette situation ! Ça me met absolument hors de moi.

Je fronce les sourcils aux horaires qu'il m'annonce. Moi aussi, il va falloir que je retourne bosser un jour, tu sais ? Je serais à l'agence la journée. Je veux bien rester sagement à la maison pendant une semaine, mais plus longtemps je ne pourrais pas. Donc ça veut dire que dès que je reprendrais le boulot, on ne se verra tout bonnement plus, à peine une heure le matin, peut-être deux le soir si on est chanceux. Je suis désolée mais je comprends pas. Je dis ces trucs que je ne devrais pas dire, que je garde pour moi depuis trop longtemps, par peur de le vexer mais là c'est juste... trop. T'as toujours été loyal, t'as toujours fait exactement ce qu'on attendait de toi sans broncher, t'as été disponible pour eux pendant un an et demi non-stop sans rien demander et on te traite comme ça ? Bon sang mais c'est ton père en plus ! T'étais payé une misère pour faire un boulot hyper dangereux dans lequel tu pourrais crever à tout moment, et maintenant tu vas être payé encore moins pour avoir des horaires atroces et en plus t'as pas le droit de quitter la ville ? Mais comment est-ce qu'il peut accepter une chose pareille ?! Pourquoi est-ce qu'il ne se révolte pas ?! Comment font les Tigrovi pour avoir encore des gens prêts à bosser pour eux, sérieux ?

Sa réaction me met mal à l'aise. Nina n'a jamais compris mon boulot, je le sais, elle se révolte sans cesse sans comprendre qu'une organisation paramilitaire et mafieuse comme la notre n'est pas régie par les lois du travail ! Je soupire, fataliste sur le sujet comme seul un militaire peut l'être, stoïque sur les rapports hiérarchiques et leur potentiel d'injustice. "C'est le règlement srce..."

Je sais bien qu'elle va devoir retourner mais je suis sur qu'on pourra se voir avec un peu de bonne volonté. Je peux petit-déjeuner avec elle le matin, et le soir également. Le plus désagréable c'est qu'on ne dormira pas ensemble, mais c'est l'histoire de trois semaines. "Je sais, je sais zlato, mais on s'organisera." Je me veux apaisant mais Nina s'emballe dans un laïus qui me laisse sans voix. Qu'est-ce que je peux dire à ça ? Je comprends son point de vue mais ce n'est pas tout à fait le mien. "Qu'est-ce que tu veux que je te dise, c'est comme ça. Jelenko ..." Je soupire, peinant à expliquer l'inexplicable "Jelenko, c’est mon père oui, mais c'est avant tout mon commandant...Je l'ai envoyé chier l'autre jour, il ne pouvait laisser passer. En plus j'ai piqué une des camionnettes et j'ai débauché Doc sans autorisation. La sanction est lourde surtout parce que c'est une récidive de manquement à la hiérarchie. Tu imagines si tout le monde faisait comme moi, ce serait impossible. C'est ... je sais pas, vois ça comme une "punition" de un mois. "

Le règlement mon cul ouais ! Plus il s'explique, et moins je comprends, c'est dire à quel point on n'est pas sur la même longueur d'ondes. J'ai été privée de liberté bien trop longtemps, bien trop durement aussi pour supporter ou comprendre ce genre de choses. J'ai très envie de lui répondre d'aller se faire foutre avec son organisation mais je me mords la langue en réalisant que ce n'est pas vraiment de sa faute, et que l'envoyer chier ne règlerait pas la situation, bien au contraire. Seulement je sais déjà qu'on ne s'organisera pas. Moi aussi, je pense au fait qu'on ne pourra pas dormir ensemble et ça me donne envie à la fois de pleurer, de crier, de tout casser et de ne plus jamais dormir aussi. J'ai des réactions excessives, je sais, et l'espace d'un instant me traverse l'étrange pensée que je risque d'être sacrément insupportable si je tombe enceinte et que les hormones s'en mêlent !

Mais non c'est pas ton père, ni ton commandant, c'est... Je sais pas, il mélange les deux comme ça l'arrange, te donne des ordres qu'il devrait même pas avoir le droit de te donner mais toi tu devrais pas avoir le droit de répondre ? Ca peut pas être à sens unique, il peut pas se comporter comme il veut et attendre que toi tu sois juste un bon soldat ! D'ailleurs tu peux dire à ton commandant qu'il n'est pas invité à notre mariage. Ils veulent la jouer comme ça, moi aussi je peux jouer, et là-dessus bonne chance pour me forcer parce que je préfère encore ne pas me marier ! S'il a décidé de se comporter en commandant, c'est donc ce qu'il est à mes yeux à présent, et puisque je suis définitivement exclue des Tigrovi -qui m'ont en passant traitée comme une moins que rien, coucou Mirko- ils sont désormais exclus de ma vie aussi. Ils ont pas le monopole de l'entêtement. Oui ben peut-être que s'ils étaient moins cons, personne manquerait à la hiérarchie.

Je suis en colère et blessée de ce que je perçois comme une injustice et qui semble complètement l'indifférer. Du coup, comme il ne se met pas en colère, je le fais à sa place, comme si on s'en prenait à moi et c'est le cas, parce qu'il est mon âme et que tout ce qui le blesse me tue. Non. Non je suis pas d'accord et ça n'a pas de sens ! Comment tu peux accepter ça ? Je veux dire, tu le fais pas pour l'argent, puisque t'es payé une misère. D'ailleurs heureusement que je bosse parce que c'est pas avec son salaire qu'on pourrait fonder une famille. Tu le fais pas non plus pour l'adrénaline puisqu'ils te cantonnent à des missions de surveillance qui t'ennuient... Tu le fais pas pour la reconnaissance parce que, sérieusement, ils n'ont aucune espèce de considération pour toi... Ok je réalise d'un coup que j'y vais peut-être un peu fort... Voire même ultra fort en fait et je relève le nez vers lui, le regard sombre et tourmenté. Slavenko tu mérites tellement mieux que ça...

Je dodeline de la tête, je me suis fait la même réflexion concernant mon père mais soyons honnête, avant que Nina débarque dans ma vie, je ne m'étais jamais posé la question entre les différents rôles de Jelenko, leur collusion et le fait que c'était emmerdant. "Je suis d'accord Nina, mais on fonctionne comme ça depuis mes douze ans. Il a toujours été les deux, c'est...c'est compliqué de dissocier les rôles." Comment expliquer ça, ça ne s'explique pas, c'est juste un fait. Je fais une drôle de tête à la mention du mariage. Certes je suis en colère après Jelenko mais pas au point de ne pas l'inviter, c'est le chef de famille, si je ne l'invite pas, autant n'inviter personne, et là je la rejoins, autant ne pas se marier. Je demande sans aucune plaisanterie, d'un ton sombre "Et mon père, j'ai le droit de l'inviter ?"

Elle me blesse avec ses questions qui tiennent plus de remarques ou de reproches - plus envers moi qu'envers eux, je le ressens ainsi - et j'accuse le coup. Hormis quand je suis "puni" si on peut dire ça comme ça, j'ai l'adrénaline qu'il me faut dans ce taf, mais surtout je me sens utile au sein de l'organisation, j'ai ma place et j'ai toujours eu besoin de ça, d'être une fourmi à son poste dans la fourmilière. Je baisse mon regard pour cacher la blessure qu'elle m'a faite par ses propos véhéments et j'essaye de lui faire comprendre "ça me plait. Ce qu'on fait me plait. En temps normal je veux dire. On se bat pour quelque chose. Je le fais pour mon pays, la Republika Srpska, pour moi, pour les serbes, pour les Tigrovi. " Je me suis toujours battu pour ça et je n'ai pas envie d'être exclu, de faire autre chose, je ne me projette pas en dehors des Tigrovi même lorsque je peste contre eux. Je suis fier de mon uniforme que je porte en ce moment même. Je ne serais pas grand chose en dehors d'eux, mais je crois que Nina est trop indépendante, solitaire, pour le comprendre.

Je répète, bornée. C'est pas juste que ce soit à sens unique. Que Jelenko ait du mal à dissocier les rôles, je peux le comprendre même si je reste convaincue qu'il le fait en toute connaissance de cause, dans un esprit complètement manipulateur comme seuls les Drazavic savent l'être. Mais si c'est le cas, il devrait autoriser la même "faiblesse", si on peut appeler ça ainsi, à son fils. Or ce n'est pas le cas. Et je pense ce que j'ai dit à Jelenko lorsqu'il est venu me voir, concernant les différences de traitement qu'il y a pu avoir entre Camenko et son demi-frère. Je ne sais pas s'il l'a répété à son fils, mais je trouve terriblement injuste que l'un ait eu plus de chances, plus de moyens, plus de considérations que l'autre. Slavenko a une trop faible estime de lui-même parce qu'on lui a toujours fait croire qu'il serait incapable d'être plus qu'un simple soldat obéissant. Je ne vois pas ça comme un manque d'ambition de sa part, mais comme un manque de confiance de la part de sa famille. Et ça me tue que lui ne s'en rende pas compte. A sa question, je hausse les épaules. S'il est prêt à se comporter comme un père, peut-être. Mais là, pour l'instant dans mon esprit, c'est en suspend. Ce mariage qu'il veut organiser, j'ai soudain l'impression que c'est seulement pour leur plaire à eux, pas pour lui, pas pour nous. Et je n'ai plus envie de leur plaire.

Pourtant même si je suis révoltée, je m'en veux aussitôt de mes propos trop violents, et de la peine que je lis dans son regard. La culpabilité noircit le mien et je secoue la tête à ses explications, parce qu'aussi incroyable que ça puisse paraître, je les comprends. En tout cas, en me mettant à sa place, en essayant de voir le monde avec ses yeux, je les comprends. Je m'approche, viens frotter mon nez à son épaule dans un geste repentant. Excuse-moi, je me suis emportée... Je comprends ce que tu veux dire... Et parfois... parfois je t'envie d'avoir une cause qui te tienne à cœur à ce point-là... C'est tellement pas dans ma nature mais je t'admire pour ça... Je sais que c'est important pour toi, je n'essaie pas de t'en détourner... Je ne connais pas l'histoire de son pays, je n'ai pas son vécu, je n'ai pas le même ressenti bien-sûr mais je vois bien comme ça compte pour lui. Je tends la main, viens doucement chercher la sienne. J'ai juste le sentiment que tu n'es pas considéré à ta juste valeur... Et ça me fait mal... Mais je me trompe peut-être, j'ai un regard extérieur sur tout ça et j'ai du mal à concevoir votre fonctionnement, c'est vrai...

C'est quoi se comporter comme un père ? Et à l'heure où nous avons décidé de faire un bébé, la question m'angoisse plus que je ne veux l'admettre. Qu'est-ce que Nina attend de Jelenko, de moi ? Je suis troublé par sa réponse, qui suscite d'étranges questions philosophiques. Je ne me suis jamais posé la question du comportement de mon père, c'est mon père c'est tout. Il a toujours pris soin de moi à sa façon, et si je suis en vie aujourd'hui d'est doublement grâce à lui alors... ? J'ai toujours voulu qu'il soit fier de moi sans jamais avoir l'impression d'être à la hauteur, mais est-ce que ça ne vient simplement pas de moi, de ma personnalité ? Camenko ne semble pas avoir le même problème donc ça vient de moi.

Le geste de Nina me console un peu mais n'empêche pas les questions de tourner en boucle. Si je renie ce que je suis, qu'ai-je fais de ma vie ? Ai-je fait la guerre pour rien, ai-je supporter l'exil pour rien ? J'ai sacrifié à ma vie à cette cause, je ne peux pas l'admettre que ce soir pour rien. Je noue mes doigts aux siens "je ne sais, c'est peut-être vrai, mais je m'en fiche d'être considéré à ma juste valeur ou pas, c'est pas ce qui compte pour moi. Je veux juste... Je cille, toujours troublé, je ne pratique pas vraiment l'introspection que Nina m'oblige à avoir "Je veux juste avoir ma place" On peut appeler ça un manque d'ambition, très surement mais ça aussi ça m'est égal. Je n'aspire certainement pas à être un héros, ma famille en a déjà un en la personne de mon père, cette figure militaire serbe.

Pour être honnête moi aussi ça me perturbe cette histoire, parce que si le comportement de son père ne lui semble pas poser de problèmes, alors j'ai peur qu'il ait le même avec notre enfant et ça, je sais déjà que c'est une chose que je ne supporterais pas. Je prends énormément sur moi, j'encaisse beaucoup de choses, je laisse passer beaucoup de choses mais je sais que je ne laisserais rien passer en ce qui concerne ce bébé. Et je sais qu'il est capable d'autre chose, il suffit de voir l'amour qu'il me porte, la façon dont il prend soin de moi, un peu bancale parfois c'est vrai mais je ne lui demande pas d'être parfait, je suis loin de l'être moi-même ! Mais c'est ce que je veux qu'il donne à notre enfant, je crois que ça me tuerait de le voir indifférent comme on a pu l'être avec moi quand j'étais jeune, je ne supporterais pas d'infliger ce sentiment de ne pas compter, de ne pas être aimé, à un autre.

Je fronce le nez, c'est une conversation difficile et douloureuse parce que si ça ne lui fait rien, s'il se fiche d'être bien considéré ou non, qui suis-je pour me révolter ? Je ne peux pas le forcer à souffrir de cette situation, au contraire n'est-ce pas mieux qu'il n'en souffre pas ?! Mais ça me paraît tellement injuste ! Or on sait que c'est le sentiment d'injustice est sans doute ce qui me révolte le plus au monde. Je finis par souffler tout bas : Je ne vois pas pourquoi tu n'aurais pas le droit d'avoir les deux... Je veux que tu aies ta place au sein des Tigrovi et je sais que c'est le cas... Mais tu mérites d'avoir une place à la hauteur de ce que tu vaux... Et je sais pertinemment que c'est en partie parce qu'il se dévalorise trop facilement qu'il n'estime pas avoir droit à autre chose que ça. Je lève les yeux vers lui, me tends pour enrouler mon bras valide autour de son cou et l'attirer plus près de moi. Je t'aime Slavenko, je t'aime plus que ma vie et je ne supporte pas qu'on puisse te blesser, ou te dévaloriser. Et c'est l'impression que j'ai dans la façon dont son père, dont les Tigrovi le voient. Je noue ma bouche, ma langue à la sienne dans un baiser sensuel qui me donne chaud. Mais si tu es sûr... Si tu m'assures que ça te convient... Alors ça me va aussi... Bon dire que ça me va, c'est un terme fort, et un peu faux... Disons que je ferais avec mais je ne veux pas le blesser encore plus.

A New-York, j'ai pu expérimenter d'être à la tête du Klan du Bronx, et très franchement ça s'est mal passé. Non seulement je n'ai pas été à la hauteur, mais en plus je n'aimais pas être le chef, je n'aimais pas être au centre de l'attention et devoir décider pour tous ces gens qui comptaient sur moi. J'aime l'anonymat du soldat, obéir et me fondre dans la mission, être juste un rouage de l'organisation qui contribue comme les autres à faire aboutir la mission. C'est pour ça que je déçois mon père, et que je déçois aussi Nina. Elle a l'air de vouloir tellement de grandes choses pour moi, elle m'a souvent dit - en plaisantant - qu'être la femme du chef avait un certain cachet. Mais je ne suis que...moi, au grade 1 en plus maintenant. Est-ce que ça la peine ?

Son baiser bloque les émotions délétères ou au moins les dilue mais me perturbe plus que de raison, embrasant mes sens dans un rush trop brutal. Je me jette dedans à corps perdu, juste parce que ces sensations là sont un repère fiable dans cette sensation que mon monde perd des pans de solidité. Je voudrais juste qu'on me fiche la paix, qu'on me laisse être celui que je veux. Je ne ferais plus de vagues, je le promets. Entre deux baisers suivants, exigeants et quémandeurs à la fois, je confirme d'une voix rauque et basse, teintée de repentance "ça me convient. Je suis seulement désolé d'avoir une sanction qui te pénalise aussi." Je ne serais pas là aussi souvent qu'il le faudrait pour m'occuper d'elle. Si j'avais su prendre sur moi, si je n'avais pas fait mon "hystérique", si j'avais fermé ma gueule devant mon commandant et père, nous n'aurions pas ces ennuis. Au final, c'est bien ma faute puisque je n'ai pas respecté la discipline militaire que je prône tant.

Il se méprend sur mes envies, ce qu'il croit que je projette en lui. J'ai bien compris à New-York qu'être aux commandes ne lui plaisait pas, et ce n'est pas ce que j'attends de lui. En réalité je n'ai pas d'ambitions particulières concernant sa carrière, je ne l'aimerais pas plus s'il était lieutenant, ​et il ne baisse certainement pas dans mon estime sous prétexte qu'il a été rétrogradé. Je me fiche bien du grade qu'il a, j'ai l'air d'accorder de l'importance à ce genre de choses mais s'il me connaît vraiment, il sait au fond que ce n'est pas le cas. Ce qui me fait de la peine, c'est qu'il ne soit pas respecté ou valorisé comme il devrait l'être. Je ne veux pas dire par là qu'il devrait avoir une promotion, juste qu'on ne le traite pas à sa juste valeur. ​Et puis ça me tue qu'il puisse s'en vouloir, ou estimer qu'il a eu tort. Parce que c'est pour prendre ma défense qu'il a réagi comme il l'a fait, et j'ai peur qu'après cette sanction, il ne veuille plus jamais prendre ma défense, se ranger de mon côté.

Il répond avec fougue à mon baiser et je geins contre sa bouche, absolument pas rassurée par notre discussion, même si je me suis efforcée de l'apaiser du mieux que j'ai pu... Sans être sûre d'avoir réussi d'ailleurs. Je secoue la tête. Je me débrouillerais... Je me débrouille toujours... N'est-ce pas ainsi qu'on fonctionne, qu'on a toujours fonctionné ?, Je me sacrifie, je subis sa vie, son quotidien qui m'a toujours fortement impactée même quand il tentait de dissocier ces deux aspects de sa vie, je prends sur moi et j'encaisse. Notre conversation de tout à l'heure dans la douche me semble à des années lumières à présent et j'ai juste envie de pleurer. Au lieu de ça je me jette moi aussi dans ce baiser à corps perdu, et je l'attire un peu plus à moi, jusqu'à ce qu'il bascule sur le lit, le poids de son corps à demi sur le mien.

"je sais..." Mais ça me peine infiniment qu'elle doive se débrouiller justement et je m'en veux immensément. L'avenir qui le matin même me semblait merveilleux me parait assombri et incertain, juste à cause d'une conversation, je vous assure qu'on est pas rendu ! Je me laisse basculer sur elle, les couettes et le fringues entre elle et moi. Je fais malgré tout attention à ne pas écraser son bras blessé tandis que frémis dans le baiser qu'elle me donne. Ma main plonge dans ses cheveux, je cherche son regard du mien, osant enfin l'affronter pour y lire la même détresse que la mienne, et surtout ses larmes refoulées. Je soupire entre plaisir charnel et tristesse de la voir malheureuse par ma faute, je chuchote contre sa bouche "srce, srce, ne placi, ça va aller, t'en fait pas...ja volim te "

J'entreprends de rouler sur le coté pour pouvoir fourrer mes mains sous la couette et aller chercher la chaleur de Nina. J'ai besoin de la toucher, mais plus que le sexe, c'est un pur besoin de contact, de réconfort, une certitude qu'on est toujours lié comme on a pu l'être à Bali (je crois que ça restera à jamais ma référence de jours heureux)

​Le poids de son corps sur le mien est infiniment rassurant et je l'entoure de mon bras valide, le ramène possessivement contre moi, dans un besoin de contact qui me rend folle. Je secoue doucement la tête en reniflant, presse doucement mes lèvres sur les siennes une nouvelle fois. Je pleure pas, je pleure pas... Je suis triste de la tournure qu'ont pris les choses, triste que son père ne soit pas capable de faire la différence entre son soldat et son fils, qu'on ne lui laisse pas le droit d'être en colère. En-dehors de Bran, personne n'a appelé pour savoir comment j'allais, personne ne m'a contactée. Ils m'ont menti sur la mission, qui s'est mal terminée par leur faute, et maintenant que je suis blessée ils tournent le dos comme si je n'existais pas. Bien-sûr que ce sont les risques du métier mais je n'ai jamais voulu être vue comme une Tigrovi, je n'en suis pas une, or ils ont visiblement peu de considération pour la femme (future femme, jouez pas sur les mots) de Slavenko.

Comme il me libère de son poids pour venir à côté de moi, je bascule moi aussi sur le flanc, en quête de ses caresses. Je me suis habillée pour la venue d'Addison et je porte ce pyjama-short qui lui plaît tant, et qui est suffisamment ample pour lui permettre de glisser ses mains sous le tissu sans être entravé. ​Ses doigts trouvent ma peau et je frémis à son contact, mon rythme cardiaque s'emballant. Je tends la main, la pose sur sa joue en cherchant son regard. Moja duša...? J'attends qu'il lève les yeux vers moi pour souffler cette phrase qui me semble d'une importance capitale : Je suis désolée que ça t'ait attiré des ennuis... Mais merci... D'avoir pris ma défense... Merci.

Non elle ne pleure pas mais elle n'en est pas loin, je la connais par cœur et ça me fout toujours en l'air de voir à quel point elle est émotive, si sensible que mon cœur fond douloureusement de la voir ainsi. Je ne comprends pas toujours le pourquoi de ses larmes mais es baisers tentent de la consoler malgré tout. Elle m'appelle et je la regarde gravement avec ce sérieux de nos situations tragiques "da srce ?" Je ne sais pas si sa déclaration me fait plaisir ou me peine. Elle me fait plaisir parce qu'elle me remercie et que c'est positif mais elle me peine parce qu'on dirait qu'elle en est surprise "Je prendrais toujours ta défense, srce" Je suis souvent coupé en deux entre elle et ma famille, et j'essaye de ménager les deux parties, mais je ne tolèrerais jamais qu'elle soit blessée, mise en danger. Depuis le premier jour, je l'ai protégée : contre Ivo pour commencer, contre ses dealers aussi. C'est ma façon de prendre soin d'elle, me battre pour elle.

Son corps doux m'appelle et j'ai encore quelques heures avant de devoir partir bosser. Je m'écarte pour me déshabiller, oter mes rangers et mon uniforme qui échoue sur la chaise près du lit. Quand je reviens dans le lit chaud, je me colle à Nina, décidé à oublier notre peine dans la sensualité. Du bout des lèvres et des doigts, je la cajole, la parcoure lentement avec cette volupté qui caractérise ces moments où je la déifie, n'ayons pas peur des mots !

Je ne suis pas surprise au sens où il l'entend. Il a toujours pris ma défense, c'est vrai, dès lors que mes blessures étaient physiques. En revanche, si ça touche à l'émotionnel, c'est tout de suite beaucoup plus compliqué à gérer pour lui, son empathie étant quasiment inexistante... Il est touché par mes larmes, là encore parce que c'est finalement une manifestation physique de mon mal-être, mais je sais qu'il ne les comprend pas, et qu'il se contente sans doute de me taxer de chochotte. Enfin, sans doute pas avec ces mots-là, mais vous avez saisi l'idée. Là, outre la souffrance physique, j'ai surtout été psychologiquement malmenée par son oncle, et je sais pertinemment que s'il n'y avait eu "que" ça, si je n'avais pas été blessée... Slavenko n'aurait rien dit. On a des modes de fonctionnement, des réactions si différentes tous les deux que c'est souvent difficile de se comprendre. Je hoche doucement la tête. Je sais que c'est pas toujours facile pour toi... Mais ça compte à mes yeux, tu sais...? Je me demande s'il regrette, s'il estime que d'avoir pris ma défense valait la peine de recevoir une telle sanction. J'espère que non, parce que la réaction qu'il a eue est la seule preuve que j'ai, depuis qu'on s'est remis ensemble, que je peux compter autant que les Tigrovi.

Il sort du lit pour se défaire de ses vêtements, et mon regard noir suit chacun de ses mouvements avec une attention particulière. J'écarte mon bras valide pour l'accueillir contre mon corps quand il revient se couler sous les couvertures avec moi, ses mains retrouvant instantanément le chemin de ma peau. J'essaie de ne pas être triste du fait qu'il doive aller bosser ce soir, je me suis arrêtée de bosser quand il a été blessé mais sa blessure était bien plus critique, et nos situations différentes. J'ai bien compris à quel point son appartenance au groupe était importante pour lui, et je n'ai jamais souhaité rien d'autre que son bonheur. Alors j'oublie qu'il va s'en aller, et je m'efforce de profiter du fait qu'il soit encore dans mes bras pour l'instant. Je l'attire contre moi, me tends vers lui, renverse la tête en arrière en m'alanguissant sous son poids, dans une invite claire à ce qu'il s'occupe de moi.

Je suis tout disposé à m'occuper d'elle, je ne demande que ça et je faisais gentiment mon chemin pour ça. Mais je veux prendre mon temps cette fois et ce n'est pas parce qu'elle s'offre que je vais accélérer le rythme de mon choix. Non, je prends mon temps, explore entre le tissu pour trouver des coins de peau que je lèche, son ventre, sa hanche que je grignote en jouant avec l'élastique du shorty. J'empaume une fesse, la presse, joue sous le volant pour caresser ses formes aguicheuses. Je mords un sein au dessus du tissu, fourre mon nez dans l'encolure du débardeur aux bretelles fines pour ensuite suçoter sa peau, aspirer son téton à la pointe rosée. Je la grignote en douceur, la parcours en attouchements légers. Je pétris sa chair, particulièrement ses petites fesses affriolantes absolument divines. J'en gronde de plaisir, tout bas, avec ces accents où je leur parle quasiment, leur déclarant mon admiration et mon amour. Je fais glisser le shorty sur ses jambes, bécotant au passage la toison douce.

Je commence alors les choses plus sérieuses, à la faire devenir folle, entre baisers et effleurements, aspirations avant d'immiscer un bout de langue, un index. Je frotte sa peau, la réchauffe de mes mains avant d'écarter un peu plus ses cuisses pour mieux pouvoir explorer son sexe. Mon emprise se renforce, d'attouchements trop doux, je me fais plus présent, plus intrusif aussi. Je mordille et suce les petites lèvres, joue autour du bouton sensible sans le toucher. De mes doigts, j'écarte son sexe, glisse au bord de l'entrée palpitante, m'y enfonce à peine pour lui refuser mes doigts. Je veux la faire languir encore, soupire, profiter d'une montée lente, frustrante pour monter plus haut encore. D'ailleurs, je pense pas la faire jouir ainsi parce que j'ai grave envie d'elle à présent et d'autres images s'imposent à moi. Il va falloir qu'elle soit vraiment très gentille pour que j'accède à tous ses désirs.

Je le connais trop bien pour ne pas comprendre qu'il a l'intention de me faire languir. Il est trop concentré, et outre la lenteur de ses gestes, ses mouvements ne sont pas assez fébriles, son souffle pas assez court pour que je puisse espérer une délivrance rapide. Je mords ma lèvre inférieure en le regardant disparaître sous les couvertures, partir à la redécouverte de ma peau sur laquelle les marques de mon appartenance ont eu le temps de s'effacer. J'ai envie de lui, d'oublier mes angoisses dans le plaisir aussi, mais je suis disposée à me montrer docile pour lui plaire. Ma main, du côté où je suis blessée, se referme simplement sur la couette pour avoir quelque chose à quoi s'accrocher. La gauche se tend vers lui, glisse dans ses cheveux doux, un peu trop longs pour lui sans doute mais parfaits pour moi. Sous ses attouchements mon corps se réchauffe tout à fait, mes seins se tendent, ma peau rougit sous ses baisers. Il me déshabille à moitié, lentement, avec cette sensualité qui me damné et fait flamber le désir plus haut. Je presse ma main contre son crâne dans un soupir marqué quand il s'immisce entre mes cuisses.

Encore Slavenko, c'est bon... Je sens la moiteur envahir mon sexe sous son souffle brûlant, mes muscles palpiter pour tenter d'absorber ses doigts, sa langue qu'il me refuse. Sous l'emprise du désir j'ai fermé les yeux pour tenter de m'en remettre à lui, mais mes jambes ne tardent pas à trembler sous la tension. J'abandonne ses cheveux pour crisper mes doigts sur son épaule, la respiration saccadée. Mon ventre se contracte au rythme de mes inspirations douloureuses et je suis en train d'irradier de chaleur sous ses caresses. Il me goûte avec une telle dévotion que mon bas-ventre s'embrase, mon palpitant s'emballe dans ma poitrine sous les bouffées d'émotions qui se mêlent au plaisir. Mes doigts remontent le long de sa gorge, glissent sur sa mâchoire, effleurent sa joue râpeuse dans ce besoin constant que j'ai de le toucher. Je finis par rendre les armes dans une supplique tremblante. Molim te, je te veux tellement.

Son abandon complet sous mes caresses, le jeu que je lui impose, me plait énormément, apaise toutes mes blessures comme à chaque fois. Le fait qu'elle s'en remette à moi dans une confiance totale est très précieux à mes yeux. Cela va au delà du simple plaisir physique. Elle m'appartient de sa propre volonté, c'est indispensable pour apaiser mes souffrances, mes doutes. Je ne peux en aucun cas regretter les sanctions pour la défendre puisqu'elle est à moi, que j'ai la responsabilité de sa protection, de son bonheur. M'occuper d'elle comme elle dit si bien est un moment fort pour moi.

Le désir me rattrape quand elle me souffle de sa petite voix contrainte qu'elle me veut. Je me redresse, ma main posée lourdement sur son ventre. Je replie ses jambes, collant ses talons à ses fesses, jambes écartées, totalement offerte et si belle que l'émotion et le désir m'oppresse. Je viens contre elle, la pénètre d'une poussée franche, possessive. Peu de peau se touche, quasiment seuls nos sexes sont en contact, s'éloignant et se rapprochant au rythme des coups de reins qui sont forts, vont crescendo. Cette fois, je suis la musique de ses gémissements, de ses mouvements de bassin, plongeant en elle pour aller chercher le plaisir toujours plus fort jusqu'à l'extase finale dans une délivrance mutuelle où j'exulte de joie.

Tremblant et trempé de sueur, je retombe près d'elle pour m'enfouir contre elle, à la recherche de son odeur, de ses gestes câlins aussi.

​Je ne suis pas suffisamment sereine aujourd'hui pour supporter qu'il se refuse à moi. Je tiens le jeu aussi longtemps que je peux, mais à l'instant même où je l'appelle, j'ai besoin qu'il cède et mette un terme à mes tourments. Dieu merci il n'a pas l'idée de me faire languir, je crois qu'il devine au son de ma voix, à mon regard noir, à quel point c'est grave et sérieux, comme trop souvent entre nous. ​La position qu'il nous impose est infiniment frustrante mais je ne cherche pas à lutter, ce soir je m'en remets à lui, corps et âme. De toute façon ma blessure ne lui permet pas vraiment d'écraser son corps contre le mien. Abandonnée à ses coups de reins, je soulève mon bassin autant que la position me le permet pour venir à la rencontre du sien. Je suis déjà trop excitée, trop à fleur de peau pour que l'orgasme ne me fauche pas rapidement.

Je bascule sur le flanc dès qu'il retombe à mes côtés, à la recherche de sa peau comme il cherche la mienne. J'ai un besoin viscéral de câlins, de tendresse, de sentir ses bras autour de moi, sa bouche sur ma peau. Je voudrais profiter encore de cet instant béni où nous sommes ensemble, mais les cachets m'assomment et la fatigue me rattrape bien malgré moi, peu importe à quel point je voudrais lutter contre. Je le serre farouchement contre moi pour l'empêcher de s'éloigner, et je sombre dans ses bras, vaincue.