To new beginnigns - Slavina

Il suffit qu'ii tourne les talons pour que je fonde en larmes, et je sors fébrilement mes lunettes de soleil pour ne pas trop attirer l'attention. Je suis en train de devenir folle. Rien n'est plus épuisant que de se battre contre soi-même. J'ai la sensation d'être schizophrène. Je me consume d'amour pour lui, je sais déjà que je ne pourrais pas vivre sans lui, que si je ne lui donne pas une autre chance je vais crever du manque de lui... Mais je n'arrive pas à étouffer la rancœur et la peur qui me brûlent de l'intérieur, je n'arrive pas à abattre les murs que j'ai érigés contre lui pour ne pas le laisser me blesser encore. J'ai passé plus d'un an à cultiver ma haine parce qu'aimer un homme qui m'avait abandonnée me donnait envie de mourir. Je ne demande qu'à inverser la tendance mais c'est terriblement difficile et malgré tous mes efforts je n'y arrive pas. Son retour dans ma vie a ravivé toutes les blessures enfouies, je voudrais m'arracher la peau pour ne plus ressentir cette douleur jusque dans ma chair. Et dans cette ville je n'ai pas un seul endroit où me réfugier.

Je trouve un banc isolé dans un parc sur lequel m'asseoir pour pleurer tout mon saoul, jusqu'à ce que la tête me tourne, que mes yeux soient douloureux, que je n'ai plus de larmes à verser. Il faut que je fasse quelque chose. La phrase tourne en boucle dans ma tête. J'ai le choix entre trouver une rave et me shooter jusqu'à l'overdose ou tenter de reprendre ma vie en main parce que je suis sérieusement en train de couler.

Finalement, on est en début de soirée quand je retourne à l'appartement, les bras chargés de sacs, une pochette cartonnée remplie de papiers dans mon sac à main. J'ai changé de vêtements entre temps, pour une tenue un peu plus classe, une robe droite, beige, des  escarpins encore. Pour la centième fois, je porte une main à mes cheveux, essayant de m'habituer à les avoir si courts mais ça me fait encore tout drôle. De toute façon je ne peux pas dire que je me sens bien. J'ai seulement moins l'impression d'étouffer. Je tremble un peu en ouvrant la porte, parce que je ne sais pas s'il est encore là, s'il est parti bosser, s'il est parti tout court...

Je reste à l'appartement. Comment peut-elle croire que je serais en état de bosser sans savoir si elle va rentrer ? Trois fois je prends ma veste et je la repose en jurant, trois fois je prends mon téléphone pour l'appeler et je le repose. J'annule le rendez-vous avec mon père sous un prétexte bidon, je ne réponds à aucun appel, même pas ceux de Camenko. Je tourne en rond comme un ours en cage. Je prépare à manger pour le midi et elle ne rentre pas alors je jette tout, de frustration. Quand les installateurs tv arrivent, j'ai bu la moitié de la bouteille de vodka et je ne compte plus les cigarettes. Peut-être bien que c'est pas la solution mais moi aussi je gère mal, douloureusement. Je crève des mots qu'elle m'a dit, du doute qu'elle ne rentre pas. Je serre mon téléphone à en avoir mal à la main, persuadé de recevoir un sms. "Je suis dans l'avion, je rentre à NY" Je n'ai même pas le chat en otage !

Dans l'après-midi, je laisse un mot, et je prends la bagnole pour aller chercher du bois, des clopes, de l'alcool, du coca. J'espère surtout apercevoir Nina mais rien. Le mot finit à la poubelle. Je m'installe en tailleur devant la cheminée pour faire du feu, la tv fonctionne en fond, assez fort pour essayer de couvrir le leitmotiv de mes pensées. Près de moi clope et vodka m'apportent leur soutien. Et j'entends enfin les clefs dans la serrure. Abandonnant le tisonnier, je bondis sur mes pieds, fébrile, le cœur qui bat si fort que ça fait mal. A grandes enjambées alcoolisées, je vais vers Nina. Ok je note ses cheveux, son allure, oh mais comme je m'en fous en cet instant ! Je l'enlace avec toute la ferveur née de la trouille que j'ai eu de ne pas la revoir. Je me jette dans un baiser passionné, au risque de me faire repousser, je m'en fous. Je l'aime. Je ne veux pas qu'elle parte, c'est la seule pensée consciente qui me reste quand mon haleine aux relents de vodka se mêle à son souffle.

À l'intérieur, outre la lumière allumée c'est surtout la chaleur délicieuse qui a envahi l'appartement qui me fait dire qu'il est encore là. Les battements de mon cœur s'accélèrent, mais j'ai tout juste le temps de refermer la porte derrière moi que Slavenko se jette sur moi. Je pousse un couinement de surprise, rapport étouffé par sa bouché qui heurte la mienne, et je geins en lui rendant son baiser. J'ai tout juste la présence d'esprit de ne pas lâcher mes sacs qui contiennent des choses fragiles, et je plie les jambes pour les poser au sol, me libérant enfin les mains.

J'enroule mes bras autour de son cou, me jette contre lui dans un baiser enflammé qui affole tous mes sens. J'avance de quelques pas, jusqu'à heurter le mur qui nous immobilise, ce que je prends comme un signal. Mes mains tremblantes, encore froides de l'extérieur, s'emparent fébrilement de ses fringues sur lesquelles je m'acharne pour les faire disparaître de mon champ de vision. Ma bouche se fracasse contre sa peau, lèche, embrasse et mord la chair dont l'odeur me fait perdre la raison. L'impatience m'a gagnée brusquement, dès qu'il a posé les mains sur moi, et je suis effrayée par l'urgence du désir qui me tient fermement entre ses griffes. Je défais sa ceinture, sa braguette, écarte le tissu du treillis pour glisser ma main dans son boxer dans un gémissement plaintif.

Tous mes indicateurs s'affolent quand elle répond à mon baiser, quand elle jette ses bras autour de mon cou. J'étouffe un couinement, m'entête après elle, après son corps, sa bouche dans la folie passionnée qui m'anime. Je heurte le mur, l'attire plus fort vers moi en saisissant ses hanches enserrées dans la robe moulante, sexy. Nina défait fébrilement mes fringues et c'est comme un rêve - j'ai du m'endormir devant la cheminée et je suis en train de faire un rêve torride ! Je pose ma main sur sa nuque, surpris de ne pas devoir soulever la masse de cheveux lourds et ondulés, mais l'information ne m'atteint pas. Ma conscience est en retrait, laissant la part belle au sens, à cet instinct purement animal qui me pousse vers Nina

Je passe une main sous la robe serrée, remonte le tissu en caressant d'un geste possessif sa cuisse, un rush de désir brutal m'embrasant à la sensation de sa peau douce tandis que la main de Nina a saisi mon sexe pour le libérer de son carcan de tissu. Elle a des talons qui la grandisse presque suffisamment, comme c’est pratique ! Je ne m’embarrasse pas à chercher une quelconque fermeture éclair, je repousse le tissu sur ses hanches, soulève sa cuisse, écarte impatiemment sa culotte. Un demi-tour et c'est elle qui est dos au mur, mon corps l'écrasant, ma bouche sur la sienne, mon corps se liant dans une poussée au sien. Je crois que je ne respire plus vraiment tandis que nos corps s'accordent sans y penser, je suis noyé dans la chaleur du plaisir, de cette sensation d'être à ma place, de ce soulagement d'être à elle et elle à moi. Il n'y a plus que le présent et j'oublie les souffrances passées, les angoisses de celles à venir, la peur brute qu'elle me quitte. Je gémis, gronde contre sa bouche que je ne parviens pas à lâcher. Mes mouvements ne sont pas rapides, je risquerais trop de glisser, rompre l'étreinte et ce serait insupportable, mais lent, appuyés, profonds, nous unissant sans relâche dans la montée fulgurante du plaisir.

En quelques secondes notre étreinte devient à l'image de notre première fois, dans l'entrée de son appartement, et les souvenirs brûlants se mêlent aux arcs électriques qui parcourent ma peau. Je plaque une main contre le mur, l'autre s'accrochant à son épaule, l'une de mes jambes remontée contre sa hanche, l'autre tremblant contre le sol. Je bouge à peine, plaquant mon bassin contre le mur pour qu'il doive venir me chercher plus loin, plus fort. Mes gémissements rauques se répercutent en écho sur les murs de l'entrée encore vide de meubles, mes doigts s'enfoncent dans la chair de son bras. La chaleur irradie dans tout mon être, les palpitations de mon ventre brûlant enserrent sa queue plus fort et un cri suraigu se bloque dans ma gorge lorsque l'orgasme me terrasse.

Le temps que je reprenne contact avec la réalité, on est au sol tous les deux, je suis assise sur lui, mes jambes de chaque côté des siennes mais il a glissé hors de moi, souillant ma robe au passage. J'encadre son visage de mes mains, reviens chercher sa bouche avec entêtement, le cœur battant à tout rompre. Lorsque je retrouve l'usage de la parole, c'est pour murmurer d'une voix éraillée : Je veux prendre un bain avec toi... L'idée ne m'effleure même pas qu'il puisse avoir quelque chose de prévu ce soir, il faut qu'il reste avec moi.

Je ne sais pas trop non plus comment on se retrouve au sol, je sais juste que j'ai refermé mes bras autour d'elle et que je la serre contre moi en cherchant à retrouver mon souffle, ébloui que je suis. Je caresse son cou nu, si vulnérable ainsi exposé et qui m'émeut furieusement. Mon cœur palpite trop fort, douloureux des bouffées d'amour que je ressens pour elle. Je la dévisage, la mange du regard, couine dans des soupirs sous ses baisers. J'ai eu si peur qu'elle ne revienne pas !

J'obéis docilement à son ordre doux qui me fait frémir. Prendre un bain avec elle, ma peau alanguie contre la sienne, l'idée me séduit, me devient nécessaire comme l'air que je respire. Je la soulève dans mes bras, emporte mon trésor avec toujours ce sentiment d'irréalité vaguement halluciné, comme si c'était juste impossible qu'elle soit là avec moi après les mots échangés dans la rue tout à l'heure. Les escarpins sont abandonnés dans le couloir avec ses paquets et sa veste. Dans la salle bain, je dois la déposer et ça me fait mal. En silence, j'ouvre les robinets de la baignoire, l'eau chaude largement ouverte parce que Nina aime les bains brulants. Je l'aide à défaire sa fermeture éclair avant d'ôter mon tee-shirt. Je dois enlever mes chaussures, à gestes maladroits et gourds. Les montagnes russes émotionnelles, l'alcool, le manque de sommeil, le rush d'endorphines, la joie de la voir tout se mélange pour rendre groggy et j'avoue que je ne sais pas trop dans quel état je suis ! Je plane, je peine à redescendre, comme si j'étais défoncé à l'héro. Si c'est un rêve, je veux ne jamais me réveiller. De temps à autre, je tends la main vers Nina, effleure sa peau pour me rassurer sur la réalité de la scène.

Je me laisse emporter dans la salle de bain, soulagée malgré tout qu'il n'ait pas tenté de se dérober. Je récupère les boules de bain que j'ai achetées au supermarché et j'en lance deux dans la baignoire qui commence déjà à se remplir, avant de verser une dose généreuse d'un gel douche au parfum entêtant, sucré, pour faire de la mousse. Il me semble que l'eau met un temps infini à couler et en attendant je meurs de froid, bien trop loin de ses bras. On garde tous les deux le silence, sans doute conscient que la conversation de ce matin a été douloureusement révélatrice. La pute à son bras n'a été que l'élément déclencheur, il fallait que je parle, que ça sorte.

Une fois la baignoire remplie, il entre en premier pour que je puisse le rejoindre et me glisser entre ses bras, mon dos contre son torse. L'eau brûlante me mord la peau quelques secondes avant que je ne m'habitue à la température et je m'enfouis jusqu'aux épaules, la mousse me chatouillant le cou. Je pousse un profond soupir de soulagement, la pression retombant à cet instant précis, et je glisse mes mains dans les siennes pour ramener nos doigts enlacés sur mon ventre. J'essaie de me faire aussi petite que possible, je m'enveloppe de ses bras, me fait un cocon de son corps, comme avant. Tout bas, je finis par souffler : Ja volim te. C'est l'évidence qui m'a sauté aux yeux quand j'ai réalisé que si tout ça me rendait malade à ce point, ça ne pouvait être que parce qu'il compte encore bien trop pour moi. Je ne peux pas abandonner sans avoir essayé...

L'eau est trop chaude pour moi, ma peau rougit sous la brulure mais je m'en moque. Je n'ai pas pris de bain depuis que je suis ici, j'avais une douche, pas de baignoire et je n'ai aucun plaisir à prendre un bain sans Nina avec moi. L'accueillir contre moi me remplit de béatitude et je pose avec satisfaction mes mains à plat sur son ventre, sous l'eau savonneuse. Mon nez se colle à son cou dégagé et je renifle sa peau, la caresse de mes lèvres, absorbant les petites gouttes d'eau légèrement salées de sueur. Je me répare à son contact et ses mots d'amour brusquement me font du bien et du mal tout à la fois. J'accuse le chose, colle ma joue contre elle, entre son épaule et son cou en déclarant avec une ferveur grave. "I ja volim te"

J'ai la gorge nouée, le cœur en vrac qui bat chaotiquement. C'est juste un peu trop tout ça. La guerre entre nous, et mon impuissance à apaiser ses souffrances. Je crois que c'est ça qui me tue, ne pas savoir comment me faire pardonner, comment faire en sorte de chasser la haine et la rancœur qu'elle éprouve naturellement. Je dois juste encaisser, endurer ses états d'âme et les accepter, être là quand elle veut bien, Dieu que c'est douloureux quand je l'aime si fort !

Je retire une main de l'eau pour venir caresser son cou, le mouillant d'eau savonneuse. "Tu as coupé tes cheveux..."

Pour moi aussi c'est difficile, j'ai pleuré une bonne partie de la journée, j'ai très peu dormi depuis qu'on s'est retrouvés, et jouer les montagnes russes émotionnelles ne me plaît pas plus qu'à lui. J'aimerais moi aussi ne ressentir qu'amour et béatitude, me contenter de l'avoir retrouvé, mais on n'efface pas si facilement des blessures si profondes, le souvenir de toutes les promesses brisées, les longs mois passés à tenter de le détester.

Ses doigts brûlants glissent sur mon cou, me chatouillent et je penche la tête pour emprisonner sa main entre mon épaule et ma joue. J'avais besoin... De faire quelque chose... Je ne sais pas comment l'expliquer, il me fallait un changement, une action concrète, visible. Je demande en fronçant les sourcils, un peu anxieuse même si pour une fois c'est une chose que j'ai faite pour moi et pas pour lui : Tu t'y habitueras, tu crois ? Je n'ose même pas lui demander si ça lui plaît, je crois qu'il aimait mes cheveux longs...

Je caresse doucement ses mains, ses bras, pensivement, appréciant la détente de mon corps après ces jours de lutte, même si je sais que rien n'est gagné... Je me suis inscrite, aussi... A des cours pour apprendre la langue... C'est des cours collectifs, une heure par jour sauf le weekend... Je prendrais des cours particuliers en plus si jamais c'est pas suffisant. Je marque des pauses entre chaque phrase, en parlant doucement, lentement aussi, pour ne pas rompre la quiétude de ce moment bien trop rare.

C'est le calme après la tempête et je profite de cet instant de répit pour me forger des souvenirs de sensations douces. Je m'y accrocherais lors de la prochaine et inévitable (je ne me fais pas d'illusion) prochaine tempête. J'ai besoin d'être sur qu'elle m'aime, qu'elle a envie d'être ici, que ce n'est pas juste une nostalgie ou un besoin de réparer son ego meurtri. Parce que si ce n'est que ça, alors elle repartira. Oh oui j'ai fait une putain de grosse connerie, mais mon amour n'a jamais cessé, jamais failli. C'est moi qui ai failli.

Je souris parce qu'elle emprisonne ma main et que je ne peux plus chatouiller son cou. Je la laisse faire, ce jeu amoureux m'adoucissant. "J'aime bien." Oui j'aime beaucoup même si j'aime aussi ses cheveux longs. Elle a un coté plus femme comme ça, moins femme-enfant, plus déterminé et rebelle mais aussi paradoxalement infiniment plus fragile. "C'est hyper sexy..." Je crois que je vais enragé après son cou découvert à mes baisers, comment résister ? "C'est même très...érotique !" Ok tout chez Nina est érotique, mais ça renforce encore sa beauté, ce contraste de sa personnalité tout en ombres et lumière qui m'a toujours attiré irrésistiblement. Sa peau blanche, parfaite, divine, exposée. Et on devine le reste de sa peau de soie, son échine sinueuse, la courbe de ses fesses. Je soupire de désir contre son épaule. Dieu qu'elle est belle et bandante !

J'essaye de me concentrer sur le reste de la conversation et je réponds, en serbe puis en anglais. "Ah! u redu! Razgovaratu sa tobom srpski. Da ti pomognem. C'est bien ! je te parlerais serbe. Pour t'aider." Je suis plus ému que je ne veux le montrer. Infiniment touché parce que ça veut dire qu'elle compte rester suffisamment pour devoir apprendre le serbe. Finalement je souffle avec émotion "Hvala srce. Tako te volim"

Je plisse le nez quand il avoue qu'il aime bien ma nouvelle coupe de cheveux, je ne suis d'abord pas sûre qu'il ne dise pas ça seulement pour me rassurer... C'est un changement de taille pour moi, j'ai toujours eu les cheveux longs d'aussi loin que je me souvienne. Je ne sais pas encore si ça me plaît ou non. D'abord lorsque je me suis regardée dans le miroir du coiffeur, j'ai été horrifiée en me demandant pourquoi j'avais fait une chose pareille... Et puis ensuite, au détour d'une vitrine, j'ai trouvé ça absolument sublime. Depuis j'oscille encore entre ces deux sentiments sans savoir sur lequel m'attarder. Alors mon regard s'éclaire quand il poursuit et je tourne la tête pour croiser son regard, libérant sa main au passage. C'est vrai, ça te plaît...? J'ai voulu le faire pour moi sur le coup, sans prendre en compte ce qu'il dirait parce que j'ai besoin que tout ne soit pas pour lui dans la vie que je mène ici... Mais après coup je n'ai pas pu m'empêcher de me demander ce qu'il allait en penser. J'avoue dans une moue d'excuse : J'avais peur que tu détestes.

Il me répond en serbe, ce qui me fait froncer le nez dans un sourire amusé et je hausse les épaules à ses remerciements. Je veux comprendre, j'ai toujours voulu comprendre... Et je m'intégrerais bien mieux dans cette ville mais aussi auprès de sa famille si je parle leur langue. J'espère seulement qu'ils ne se moqueront pas trop de mon accent. J'embrasse sa joue doucement avant de reprendre ma position initiale et de poursuivre mes explications : J'ai commencé à me renseigner aussi pour louer un local, pour l'agence... Une location ne m'engagerait pas à grand chose, après tout, et ce serait plus sérieux. Et j'ai acheté des trucs pour l'appartement... Et puis pour nous... Après une hésitation parce que je crains la réponse, je demande : Tu travailles ce soir...?

"Je ne peux rien détester chez toi Nina." Et c'est dit avec cette sincérité grave entre nous surtout en ce moment. Je vous jure que je suis loin d'avoir envie de plaisanter, de jouer, tout est intense, sincère, de la dernière importance. J'ai trop peur de la perdre encore pour que ce soit un jeu. Même ses états d'âme, ses coups de gueules, ses reproches, ses larmes, je ne peux rien détester. Je mérite tout ses reproches d'une part mais en plus j'aime tout son caractère dans son entier même son hyper émotivité qui fait tellement écho à la mienne ! La seule différence c'est que la mienne est plus profondément enfouie. Et puis si on parle seulement de son physique, je suis l'homme le plus comblé du monde. Elle m'a toujours plu infiniment, je crois que ce serait inutile de le nier, mon corps parle pour moi, mon regard qui la dévore sans cesse aussi. J'ai une faim inextinguible d'elle, une admiration sans borne. Je l'adore telle une déesse foulant le sol.

"Ce sera plus facile en baignant dans la langue constamment, tu vas vite apprendre. Uskoro ćeš naučiti" Je comprends mieux pourquoi elle a été si longue à revenir et qu'elle ait mis ces heures à profit pour s'installer à Sarajevo me poigne d'un soulagement doux amer qui me fait pousser un soupir d'amour pur, d'émerveillement. Parce que je ne mérite rien de ce qu'elle m'offre. "Non, je bosse pas. J'ai mis mon téléphone en off. J'me fais porter pâle ce soir. Je veux être avec toi et j'ai envie de voir ce que tu as ramené. J'ai fait du feu dans la cheminée. Où sera ton local ? C'est loin d'ici ? " J'ai peur d'y croire soudain et je sais qu'elle aussi. Ma main glisse de son cou et plonger son l'eau pour chercher la sienne et la nouer à mes doigts.

Je l'espère... Je compte sur toi pour corriger mon accent. En-dehors de notre seule histoire, j'ai aussi besoin de parler serbe si j'ai l'intention de monter un business ici. Le fait que je sois américaine est déjà un désavantage pour moi, je sais qu'on ne me prendra pas réellement au sérieux, qu'on ne me respectera pas autrement. C'est déjà suffisamment compliqué de ne rien comprendre des discussions qui ont lieu autour de moi, je me demande sans cesse si on parle de moi, si quelque chose d'important m'échappe... C'est épuisant.

​Le soulagement immense qui m'envahit quand il me dit qu'il ne travaille pas ce soir m'effraie, mais je tente de l'accepter sans chercher à l'étouffer à tout prix. Je sais pas encore pour le local, j'ai rien trouvé qui me convienne encore... Et je voulais en parler avec toi, avoir ton avis sur le lieu... Que tu me dises selon toi quel coin serait le mieux vu par les clients, ce genre de choses... Autant l'appartement on pouvait s'installer n'importe où puisque ça n'impliquait que nous, autant cette fois c'est différent, la localisation a son importance. Je retrouve la parole à mesure que je me détends dans ses bras, et mes réponses se font plus fluides. J'ai aussi commencé à tâter le terrain auprès de certaines filles... Addison ne restera pas, mais Ashley et Emily pourraient rester. Ça c'est pour celles qui sont ici. Je n'ai pas encore parlé à celles qui sont restées à NY.

Je serre ses doigts dans les miens et propose : J'ai envie d'un vrai repas avec toi ce soir, d'une vraie soirée... Je sais pas si on peut aller au restaurant, mais on peut peut-être se faire livrer à manger ici ?

"Tout le monde trouve les accents sexy, surtout chez les femmes. En plus américaine..." Il y a cette ambiguïté envers les USA qui persiste dans le pays. Ex-pays communiste flirtant de nouveau avec les russes après une période froide, on déteste les américains autant qu'on les adore, et ça pour leur libéralisme, l'opportunité de faire du business, le rêve américain qui séduit les jeunes, leurs produits assenés à coup de marketing. Alors une femme américaine qui parlerait serbe avec ce petit accent de liberté, c'est très très sexy.

Je prends le problème avec sérieux. Je sais que son business est très important pour elle et je veux la soutenir dans son entreprise. "Humm pour le coin ça dépend des clients que tu vises. Si tu veux t'affilier ou non à une communauté. Si tu vises les étrangers qui viennent pour affaires ici pour quelques jours. Si c'est le cas choisis un quartier aux ethnies mélangées, plus hétéroclite, près d'un grand hôtel de luxe qui accueille des étrangers par exemple. Vers l'Aéroport international...Le seul souci c'est que ça te fait un peu de route. Ou sinon près de Europe Hôtel c'est pas mal aussi. C'est plus près d'ici." Si elle s'installe par exemple dans un quartier comme là où se trouve le Pussybox, elle se coupera d'une clientèle non serbe, c'est certain. Ça ne me dérangerait pas, mais je ne crois pas qu'elle veuille s'engager sur la même voie nationaliste que moi. Encore que c'est le serbe qu'elle apprend. "Ce serait chouette si certaines de tes filles veulent venir. Y a un créneau ici et clairement il est libre."

"C'est une bonne idée. J'ai un peu faim..." Vu que j'ai jeté mon (notre) déjeuner à la poubelle ! "Je préfèrerais qu'on commande et qu'on mange ici. J'ai un peu la flemme de sortir. Mais si t'as envie d'aller au resto, on y va, je ferais l'effort tu sais." Pour elle je suis prêt à braver bien plus qu'une soirée au restaurant ! J'esquisse un sourire indulgent, attendri, amoureux. "tu avais envie de porter une de tes nouvelles tenues ? Tu as fait du shopping..." Je tends la tête, espérant un baiser, le regard brillant. C'est que son corps brulant contre le mien attise le réveil du désir qui s'enroule familier, délicieux autour de moi, mais au delà de ça, j'ai une soif de câlins inextinguible.

Je fronce le nez, réfléchissant bien que mon choix soit déjà plus ou moins arrêté sur la question. L'Europe Hotel c'est là où j'étais, le quartier est pas mal... Une clientèle étrangère ce serait le plus simple pour moi je crois... Cela dit l'aéroport n'est qu'à une demie-heure d'ici, ça ne fait pas tant de route que ça... Je dodeline de la tête. Je ne sais pas trop, je ne voudrais pas qu'on pense que c'est exclusivement réservé aux touristes ou aux voyageurs, tu vois ? Je ne veux pas être affiliée à une communauté en particulier mais j'aimerais quand même pouvoir faire affaire avec ceux qui vivent ici à l'année. Je ne sais pas si c'est très clair, ni même si c'est possible ou pas... Dans celles qui ont l'air partantes pour l'instant il y a une américaine et une italienne, pour les autres Dimitri leur en parlera... Mais dans tous les cas je ferais le point en retournant à New-York. Je serre sa main plus fort dans la mienne, je ne veux pas qu'il s'imagine une fuite mais il faut bien qu'on aborde le sujet : Je vais devoir faire quelques allers-retours, tu sais...? Pour aller chercher des affaires mais même plus tard, il faudra que j'y aille de temps en temps... Le cœur de la boîte est là-bas et puis... J'ai des amis là-bas, je veux pas couper les ponts avec eux. Je n'envisage pas de ne plus jamais remettre les pieds à New-York, honnêtement j'aimerais même y aller assez régulièrement, au moins tous les deux mois... Je caresse son bras doucement. On essaiera de s'organiser. Pour que tu viennes avec moi ou pour que ça tombe sur des moments où tu es en mission, je suis sûre que parfois tu pars plusieurs jours aussi...

​Je secoue doucement la tête dans un sourire indulgent. Non, rester ici ça me plaît bien... Et j'ai pas acheté tant de fringues que ça, j'avais juste un rendez-vous cet après-midi et il fallait que je présente correctement... Pour le reste c'est des achats pour nous deux. Je tends le cou, réclame silencieusement un baiser avant de demander : Tu veux qu'on aille voir ce que j'ai ramené ?

Je dodeline de la tête, comprenant bien son dilemme dans ce pays complexe qu'est la Bosnie. "Alors tu devrais chercher un local dans le quartier de l'Hôtel où tu étais, tu vises plus la mixité de clients comme ça. " Des nuages passent dans mon regard quand elle parle de rentrer à NY, une petite bouffée d'angoisse accélère les battements de son cœur. Il y a son associé, ses amis, tous ces gens qui penseront bien faire en la dissuadant de revenir près de moi. Et puis il y a aussi la nostalgie. Parfois NY me manque mais pas du tout comme la Bosnie a pu me manquer. Mais en toute franchise je m'attendais bien à ce qu'elle y aille. "Oui c'est normal." Je secoue la tête, assez étrangement, j'ai rarement des longues missions ailleurs - mon père préfère que je travaille ici et il envoie plus volontiers Camenko à l'étranger avec Mirko - mais je dis quand même pour qu'elle ne se sente pas coupable "parfois je vais à Banja Luka... C'est le siège officiel, ou bien à la frontière aussi. Je suis aussi allé en Turquie en juin passé. Ne t'inquiète pas, je t'attendrais." Je ne suis pas sur de pouvoir l'accompagner, mais dans tous les cas, je l'attendrais sagement.

Je demande timidement, d'un ton qui se veut neutre bien que je sois curieux de son après-midi !!!  "c'était un rendez-vous de travail ?" Je viens chercher ses lèvres douces en frémissant de plaisir, me sentant fondre comme une guimauve trop cuite dans l'eau chaude du bain. "Après... ?"   Je l'attire pour qu'elle se tourne vers moi, ses mains sur mon torse pour se retenir, son corps alangui contre le mien. L'eau verse au sol sans que je m'en soucie. Je prends son visage en coupe dans mes mains, mes paumes encadrant sa mâchoire mise à nue par sa nouvelle coiffure. Mon baiser se fait tout de suite plus avide, me coupant le souffle dans une douleur oppressante - mélange d'angoisse, d'amour et de bonheur. Je dévore Nina du regard avec toujours cette note interrogative qui ne quitte pas mes prunelles depuis qu'on revit ensemble, savoir si je fais bien ce qu'il faut, si ça lui convient, doutes incessants et épuisants qui m'obsèdent parce que j'ai peur de mal faire et qu'elle parte.

Je hoche la tête, visiblement satisfaite de ses conseils que j'accueille d'un sourire. Cette entreprise représente énormément à mes yeux et je suis soulagée qu'il le prenne au sérieux. Je ne veux surtout pas dépendre entièrement de lui. Durant les mois passés j'ai appris, douloureusement, à me construire toute seule et je ne peux pas permettre que l'intégralité de ma vie tourne autour de lui. C'est comme ça que j'ai fonctionné dans le Bronx et non seulement ça ne nous a pas réussi mais son départ a failli me tuer. Je suis suffisamment lucide aujourd'hui pour ne pas vouloir reproduire les mêmes erreurs, et je sais que pour que ça fonctionne il faut que je fasse des choses pour moi. Ce qui ne veut pas dire que je veux l'exclure de cet aspect de ma vie, c'est pourquoi je demande : Tu feras les visites avec moi...? Pour m'aider à trouver quelque chose de bien. Je lui fais amplement confiance, au moins sur ce sujet.

Je suis un peu déçue qu'il n'envisage pas du tout d'aller à New-York avec moi, mais je n'insiste pas. De toute façon j'y retournerais quoiqu'il arrive, il se décidera sur le moment j'imagine. Oui, un type qui organise une réception et qui cherche des escorts pour ses invités... Il faut vraiment que je recrute, par contre, parce que si j'ai seulement deux filles qui me suivent je vais pas aller loin. Heureusement que je continuerais à toucher mes parts du business à New-York ! J'espère seulement qu'il se rend compte des efforts et des concessions que je fais pour que ça fonctionne entre nous... Et je prie sincèrement pour qu'il en fasse de son côté parce que j'ai peur que l'episode de ce matin se répète.

J'oublie ces préoccupations quand il me fait pivoter, m'attire à lui, prend mon visage entre ses mains. Son baiser me liquéfie de l'intérieur et je geins contre ses lèvres, le cœur battant soudain bien trop fort. Je glisse mes mains dans ses cheveux, soupire contre sa bouche. Dis-moi que ça va aller... Je réclame à voix basse, anxieuse. J'ai besoin de savoir que je ne fais pas tout ça pour rien, qu'on peut réellement construire quelque chose ensemble... J'ai besoin de savoir aussi qu'il a entendu ce que j'avais à dire ce matin, quand bien même ça lui a fait mal.

"Bien sur, je ne voudrais pas que tu te fasses rouler sous prêtexte que tu ne maitrises pas encore la langue!" Je veux bien l'aider, tout ce qu'elle veut plutôt que rester sur le bas coté de sa route ! "Tu trouveras d'autres filles, ne t'en fait pas, c'est pas ce qui manque. Surtout pas ici où s'agglutine les immigrés illégaux en mal d'une vie meilleure. Ils déchantent vite et je pense que beaucoup de jeunes femmes seraient prêtes à devenir escort plutôt que pute dans un bordel comme le Pussynight ! Pour peur qu'on leur promette des papiers ou des dollars, une promesse de survie. Et il y a aussi les étudiantes, celles qui n'ont pas assez d'argent pour partie à l'étranger, celles qui on besoin de thunes... Je réfléchis à ça en demandant. "Tu as besoin de combien de filles ? Tu sais quoi...tu devrais voir à recruter à la fac."

Ses doigts accrochent les nœuds dans mes cheveux et j'en couinerais de bonheur si je n'étais pas soudé à sa bouche. Je soutiens son regard gravement, j'ai tellement envie que nous deux ça fonctionne malgré tout ce qu'elle m'a dit ce matin. Elle a raison sur un point, je ne pourrais jamais comprendre ce qu'elle a ressenti, ce qu'elle ressent. Même en me projetant (et l'empathie n'est pas mon fort) je ne peux pas savoir parce qu'on ne réagit pas pareil dans les mêmes circonstances. Je le réalise douloureusement. Est-ce que ça fait de moi quelqu'un de mauvais ? Surement (encore que ce n'est pas pour cette raison que je suis mauvais je pense) dans tous les cas je suis sans nul doute égoïste et toxique à bien des égards - ça je le sais. Et pourtant, je la veux cette chance, plus que tout au monde. "Oui, je ferais tout pour que ça aille srce. Zelim te." Je la veux maintenant en ce moment où le désir enroule autour de mes reins, mais aussi dans ma vie tout entière. "Je veux être avec toi"

Je hausse les épaules. Je sais pas encore de combien de filles je vais avoir besoin, ça va dépendre de la demande et pour le moment avec les élections elle est faussée... La fac j'y ai pensé mais tu m'as dit que les étrangères ça fonctionnait mieux dans le coin... Il faut pas croire, je l'écoute quand il me donne des conseils ! Même si au départ quand il m'a proposé de me présenter du monde je l'ai envoyé chier, on n'avait pas encore décidé de se redonner une chance à ce moment-là. Y a une école internationale ici ? Ou quelque chose dans le genre...? Dans tous les cas je ne veux que des filles qui parlent anglais couramment, j'ai besoin de pouvoir communiquer et leur faire confiance. Elles peuvent faire des extras mais ce ne sont pas des putes et ce n'est pas pour ça que je les embauche.

Je hoche gravement la tête à ses mots parce que j'ai sincèrement envie de le croire... Malgré ma colère j'ai vraiment vidé mon sac ce matin et j'espère qu'il a compris ce qui m'effrayait, ce que je voulais mais surtout ce que je ne voulais pas. Je ne veux pas être comme les autres, je ne veux pas qu'il y ait le moindre doute sur le fait que je suis à lui et qu'il est à moi. Je peux trouver un moyen de le faire comprendre aux filles, de m'imposer mais j'ai besoin qu'il m'y aide, non seulement en fixant des limites mais aussi en me laissant la place de m'imposer réellement. Moi aussi, je veux être avec toi... Mais contrairement à lui il n'y a pas un seul instant de ma vie durant lequel j'ai cessé de le vouloir. C'est bien pour ça que je suis terrifiée. Je reviens l'embrasser plus doucement, langoureusement, en me repaissant de son souffle pour tenter de panser mes blessures. Dieu qu'il m'a manqué ! Je le ressens dans chaque fibre de mon être.

"Oui bien sur mais tu peux compléter avec quelques locales si elles sont bien. Ça passe aussi tu sais." Elle peut diversifier ses filles surtout si elle vise aussi une clientèle étrangère. peut-être que les américains eux veulent des slaves ! Nos femmes sont plutôt belles, on ne peut pas le nier ! A sa question, j'ouvre des grands yeux "heu j'sais pas...y a l'université et... Je demanderais à Camenko" Comme on s'en doute, les écoles et études supérieures me passent au dessus de la tête. Je sais juste qu'il y a une fac parce que les étudiants font des manifs à la con et puis on recrute parmi certains aussi.

Je cherche sa bouche plus fort quand elle déclare vouloir aussi qu'on soit ensemble. Je sais les doutes qu'elle a, la peine aussi et certainement une bonne dose de colère à mon égard mais je peux les affronter si je sais qu'il y a un espoir, une chance pour nous. Lentement, doucement, on s'embrasse, si langoureusement que j'en perds la voix, le souffle, la raison. Je caresse sa peau dans l'eau savonneuse, ses fesses offertes que j'explore avec sensualité. Je la laisse prendre le temps, celui de se presser contre moi, de me laisser faire grimper le désir de mes mains, et celui de choisir le moment où elle se hissera sur moi alors que je réclame gentiment d'une voix rauque, douce pourtant "molim te Nina, zelim te..."

D'abord je trouve un local, ensuite je recruterais... Je peux me débrouiller seule mais comme ça ira tout de même plus vite s'il m'aide, j'ajoute également : Et bien-sûr si tu penses à des clients potentiels, tu me les envoies, mh...? Ils bossent pour beaucoup d'hommes politiques si j'ai bien compris, et ces hommes-là sont toujours nos meilleurs clients. Il promet de se renseigner auprès de son frère et j'acquiesce avant de souffler du bout des lèvres : Hvala... Je voudrais apprendre des paroles indécentes à susurrer dans le creux de son oreille quand on baise, mais je me vois mal demander ça à un prof... D'un autre côté si je demande directement à Slavenko, ça perdra de son effet !

Ses caresses échauffent mes sens, font vibrer mes nerfs, nos corps qui se frôlent m'affolent bien plus que tous les préliminaire du monde avec d'autres. Je prends mon temps, pourtant, parce qu'outre la violence à laquelle j'ai eu droit j'ai des envies de tendresse, de douceur depuis des jours. Je le guide entre mes cuisses dans un long soupir, prend son visage en coupe entre mes mains en chuchotant : Doucement, doucement... Tu m'as manqué... C'est moi qui mène la danse cette fois, mon corps soudé au sien, mes hanches ondulant avec une langueur qui me liquéfie. Mon front posé sur le sien, je repousse mes limites, attend que la tension soit insupportable pour augmenter peu à peu la cadence, et chaque fois que l'orgasme approche je m'immobilise pour reprendre mon souffle, les nerfs à vif.

Le plaisir se déploie en langues de feu qui rampent sous ma peau, et je plante brusquement mes ongles dans ses épaules en rejetant la tête en arrière dans un feulement, vaincue. Mon corps palpite douloureusement autour du sien et je m'écarte pour qu'il glisse hors de mon ventre, l'inconfort de la sensation m'arrachant un soupir plaintif. Je répète, entêtée : Tu m'as manqué...

Prisonnier de ses mains, prisonnier de ses cuisses, je me consume ardemment en suivant pourtant son rythme. Je m'entête après ses baisers qui seuls me permettent de lui laisser les rênes quand j'ai durant notre séparation repris l'habitude de mener la danse, d'accéder rapidement à la jouissance sans frustration. Mais avec Nina ça a toujours été différent, et ce dès le premier soir. Il y a une volupté innée entre nous, un besoin de s'appartenir et le sexe étant l'expression de ce besoin, on repousse l'échéance de l'orgasme le plus longtemps possible. Je souffle encore sans pourtant chercher à aller plus fort, ou plus vite "molim te" répondant ainsi à ses doucement.

L'orgasme me fauche en même temps qu'elle ou quasiment et je me réfugie le nez dans ses seins. Je pose les mains sur le dos de Nina, enserrant faiblement ses flancs. Je me crispe tout entier à ses paroles dans un sursaut de douleur psychique et de culpabilité. Mes mains accrochent sa peau plus fort quand j'avoue "Moi aussi tu m'as manqué." je ne suis pas vraiment sur d'avoir le droit de le dire mais elle a abattu mes barrières à cet instant précis. Je n'ose pas relever les yeux, je ne crois pas pouvoir soutenir son regard, Je reste appuyé contre son giron, à écouter son cœur battre aussi vite que le mien.

Ce soir j'ai envie de le croire. Quand bien même tout me pousserait à le traiter de menteur, j'ai envie, j'ai besoin de le croire. De croire qu'il a pensé à moi, qu'il a rêvé de moi parfois, qu'il a voulu m'appeler... A-t-il été triste de partir ? A-t-il ne serait-ce qu'une fois pleuré mon absence ? Ce sont le genre de questions qui me tuent, alors pour les supporter j'ai besoin de me mentir, de me convaincre que ça a été le cas, que la passion qui nous lie est réciproque et qu'il n'a pas pu m'oublier si facilement... Au fond de moi je sais bien que c'est un mensonge, en témoignent mes yeux soudain légèrement humides, mais ce soir je m'en moque. Le mensonge me berce, m'aide à panser mes blessures, alors je l'enlace plus fort en réponse, embrasse sa tempe en le serrant dans mes bras.

On reste ainsi, immobiles, de longues minutes avant de bouger enfin. On sort de la baignoire en s'enveloppant dans nos peignoirs neufs et je fais remarquer d'une voix encore un peu rauque : Tu sais ce qu'on devrait acheter ? Un sèche-serviettes, pour avoir des serviettes toutes chaudes... Comme dans les hôtels de luxe, ouais. Je réclame encore un baiser avant de sortir de la salle de bain. Pendant qu'il cherche un numéro pour qu'on puisse commander à manger, je récupère mes sacs abandonnés dans l'entrée pour les emmener dans le salon. Je m'assieds par terre, devant la cheminée, et j'attends qu'il me rejoigne.

Pour la première fois elle ne proteste pas, ne me rabroue pas. Je ne sais pas si c'est parce qu'elle me croit sincère ou si elle n'a juste pas la force de protester encore. Peu importe en cet instant, je prends ça comme ça vient

Un sèche serviette ! Si elle veut. Je hoche la tête avant de me sécher et d'enfiler le peignoir dans lequel je me sens bizarre. Je n'ai pas l'habitude de ce truc qui fait hôtel de luxe alors qu'on est à la maison. En plus j'ai chaud. J'ai fait un feu d'enfer dans la cheminée, la buche brule encore haut, c'est dire. Je commande à manger chez un grec où j'ai l'habitude et à qui je fais changer l'adresse de livraison ! Pour faire simple, je prends un grand mezze pour nous deux. "ce sera livré d'ici une demi-heure, une heure, il est toujours un peu...aléatoire dans ces horaires !"

Je fourre mon téléphone dans la poche de mon peignoir et je viens m'asseoir près de Nina, juste légèrement en arrière pour pouvoir appuyer mon torse contre son épaule, placer ma tête près de son cou nu dont la grâce m'émeut beaucoup trop. C'est beaucoup trop érotique comme coupe de cheveux ! Tous les hommes vont s'affoler à son passage, je soupire intérieurement de jalousie anticipée. Je pose mes lèvres furtivement sur sa peau avant de demander sagement "montre moi ce que tu as acheté."

Je le laisse commander à manger sans trop me soucier de ce qu'il commande, je sais seulement qu'il faut que je me nourrisse, je ne m'intéresse pas trop de savoir ce que je vais foutre dans ma bouche... Eh, je parle de bouffe bande de pervers ! Ça tombe bien, on n'est pas pressés. Puisqu'il ne travaille pas ce soir et que moi j'en ai fait suffisamment, je crois, pour aujourd'hui. Je fais de gros efforts pour rester dans le même état d'esprit que cet après-midi, c'est-à-dire pleine de bonne volonté. Si je commence à prendre du recul sur mes décisions -le nouvel appart', le local, les cours de langues, etc- je vais paniquer, je le sais.

Une étrange bouffée de tendresse m'envahit, me prenant par surprise quand il vient près de moi s'asseoir sagement. J'ai des souvenirs très précis de notre étreinte dans le salon, quand il a commencé à faire glisser le peignoir de mes épaules... Et il faut que je pense à autre chose sinon on ne va jamais ouvrir mes sacs ! Tu te moques pas, mh ? Je demande en fronçant le nez avant de sortir mon premier achat. C'est un vase transparent, avec comme une lanière en cuivre qui s'enroule autour. Pour l'instant on le mettra où on peut mais ça... Enfin ça égayera la pièce. Il faut acheter des fleurs mais c'est un autre problème. J'ai voulu prendre des objets décoratifs aujourd'hui, parce que je sais que l'endroit lui semble encore froid -et à moi aussi- et j'aimerais le rendre un peu plus... Chaleureux ? Qu'on s'y sente mieux, comme chez nous. Du fond du sac, je tire des petits bols assortis. Bon je sais tu vas dire que ça sert à rien et t'as pas complètement tort... Mais ils sont jolis ! On pourra... On pourra mettre des chips pour toi dedans, et des olives pour moi... Ou autre chose !