Nine months from now - Slavina

Sa réaction me ferait bondir de joie si je ne me maîtrisais pas, je pensais qu'avec un peu de chance il ne serait jamais venu, mais pas qu'il ne connaîtrait pas du tout. C'est vrai, tu n'avais jamais vu cet endroit ? Il faut dire que de ce que j'ai cru comprendre, il n'a jamais trop pris l'occasion de visiter les alentours de la ville depuis son retour à Sarajevo. En même temps en bossant tous les jours de la semaine, toute la journée, tous les soirs, hein... Je papillonne des cils en haussant négligemment les épaules. Tu ne sais pas encore que je suis pleine de ressources ? Ah mon pauvre amour qui n'a toujours pas compris les merveilles qu'on peut faire avec internet ! Il suffit de savoir ce que l'on cherche. Je voulais une nuit d'hôtel, mais pas dans ces chambres luxueuses et aseptisées. J'aurais voulu t'emmener en week-end à la montagne, mais je pensais que tu serais encore bloqué à Sarajevo, alors j'ai fait de mon mieux pour faire illusion... En plein hiver, l'endroit est entouré de neige, mais on fait avec ce qu'on a et je trouve le cadre superbe malgré tout.

Je ne peux réprimer un rire quand il remarque la grande baignoire, comment lui dire qu'il y avait une autre suite, magnifique, un peu moins chère... Mais avec une douche ? La baignoire est presque la seule raison pour laquelle j'ai choisi cette chambre-là ! Et la fausse cheminée, aussi, je trouvais ça amusant. Y a même une piscine et un spa dans l'hôtel, mais on n'est pas forcés d'y aller, c'est ton anniversaire, pas le mien. J'ai vraiment essayé de prendre en considération ses goûts plutôt que les miens, mais c'est toujours compliqué parce qu'il fait toujours tout pour me faire plaisir. Je m'approche de lui, glisse mes bras autour de sa taille dans un geste câlin. Idéalement, voilà ce que j'avais prévu... On regarde sur le menu du restaurant ce qu'on veut manger, on commande, et pendant qu'ils préparent on va faire un tour à la piscine tous les deux... Normalement d'ici qu'on remonte, ce sera prêt. Qu'est-ce que tu en dis ?

"non, je connaissais pas . Tu devrais savoir que je suis pas très bon en guide touristique..." Même quand je lui montre les endroits que je connais, je ne connais pas forcément ce qu'il faut en dire comme lors de la visite de la citadelle par exemple. Ma culture générale est très limitée. J'ai un large sourire "non fini les entrepôts ! C'est au moins ça de gagné avec cet anniversaire, je retourne sur le terrain la semaine prochaine. En plus avec ce repos forcé, je me sens tout à fait bien. Plus de séquelles et le Doc a dit que je pouvais faire tout ce que je voulais !" J'en suis ravi, faire de la surveillance me minait d'autant plus que je n'avais aucune compensation comme voir Nina en plus par exemple.

"J'aime bien le spa" en fait bien le spa avec Nina, mais vu qu'on est ensemble ça compte. J'enveloppe mes bras autour d'elle quand elle vient chercher un câlin, ronronnant intérieurement de ce bonheur qu'il y a quelques heures à peine je croyais envolé. Je baisse les yeux vers elle "et je t'aime toi" Je souris et j'acquiesce avant de plaisanter "parfait ce programme. Enfin...j'imagine que tu m'as pris un maillot de bain sinon j'vais faire sensation à poil à la piscine." Je me penche un peu plus pour venir chercher sa bouche dans un baiser sensuel qui fait vibrer mes nerfs de cette douce musique. "Merci srce." Même si je n'aime pas mon anniversaire, je suis touché qu'elle m'ait préparé cette surprise.

Je fronce le nez et même si je connais d'avance sa réponse, je me sens obligée de demander, presque par superstition : Tu feras attention sur le terrain, pas vrai...? Il va me répondre qu'il est toujours très prudent et qu'il n'a aucune envie de crever, mais j'ai besoin de le lui dire, ça m'aide à exorciser un peu de mon angoisse. Et puis maintenant que je suis enceinte, j'ai d'autant plus peur pour lui. Je caresse sa joue du bout des doigts dans un sourire. C'est bien tombé finalement, tu as pu terminer ta convalescence correctement... Sa blessure était tout de même extrêmement grave et il aurait pu y rester, je sais qu'il avait repris le travail un peu trop tôt, et c'est finalement une bonne chose qu'il ait été forcé de se reposer un peu plus longtemps. Il n'y a guère qu'en l'emmenant à Bali que j'ai pu le tenir éloigné de tout ça quelques jours.

Je réponds à son baiser dans un soupir de désir sans cesse renouvelé, et j'acquiesce. Je t'ai pris tout ce qu'il faut, t'en fais pas pour ça. On ne reste qu'une nuit, je ne savais pas s'il aurait plus de temps libre que ça, alors faire son sac n'était pas si compliqué. Pour l'ouverture des cadeaux, je crois que je vais attendre un peu, d'autant que j'ai vraiment la trouille de me faire engueuler parce que j'ai clairement abusé pour l'un des deux. Soit il est content malgré tout, soit son ego déplacé refait surface et ça part au clash. Que voulez-vous, j'aime le risque il semblerait. Du coup j'ai envie de profiter un peu de cette soirée avant de me jeter dans la gueule du loup. Tu jettes un œil au menu pendant que je me change ? Ils proposent des trucs hyper gastronomiques, ou alors des plats de montagne qui tiennent au corps. Je lui file la carte du restaurant et m'éclipses dans la salle de bain avec le sac de fringues. Comme la piscine est couverte, je peux mettre un maillot que j'adore mais avec lequel je ne pourrais jamais bronzer au risque de ressembler à un zèbre ensuite. Un maillot une pièce, mais presque entièrement dos nu, avec seulement des laçages blancs dans le dos. L'ensemble est d'un vert foncé, avec des fleurs blanches, et ça me rappelle Bali. Je reviens dans la chambre, en lui tendant son propre maillot de bain.

Je la gronde gentiment à cet échange prévisible, leitmotiv amoureux que j'accepte aujourd'hui sans mauvaise humeur. Il m'en a fallu des mois pour m’habituer à ce que quelqu'un s'inquiète de moi comme elle le fait. "Je fais toujours attention srce..." Au fond je suis impatient d'y retourner, je n'ai jamais bien supporté l'absence de danger dans ma vie, j'ai non seulement besoin de sentir les limites mais aussi d'un exutoire à la rage qui persiste à gronder en moi en réponse à mes angoisses chroniques. Il n'est pas étonnant que j'ai pété les plombs si forts quand on sait que je me coltine depuis plusieurs semaine un boulot qui ne satisfait en rien mon besoin de violence. J'ai un sourire gamin en ajoutant pour Nina qui s'inquiète toujours trop pour moi "Je suis en super forme !"

La laissant à regret s'échapper de mes bras, je regarde le menu de l'hôtel. Je choisis une espèce de tourte patates-fromage qui me parait tout à fait bien, histoire de changer de mes sempiternels hamburger ou pizza. Option consistant de montagne vu la bête sur la photo, et différent parce que j'ai envie de tester. De toute façon j'aime à peu près tout, je ne suis vraiment pas difficile en matière de nourriture. J'ai choisis rapidement et j'enlève mes rangers et mon pull avant que Nina ne revienne dans un joli maillot. "Il est nouveau celui là ! " J'aime bien quand elle met des trucs à fleurs et je suis certain qu'elle le sait. Je m'approche à pas de loup pour prendre le vêtement qu'elle me tend "merci" et j'en profite pour poser ma main sur son dos, ripant sur les ficelles pour pouvoir caresser sa peau. Ma main vient rapidement s'égarer sur ses fesses sous l'échancrure du maillot. Sa peau est douce à se damner et je mords ma lèvre de plaisir à la sensation. Les seins de Nina me paraissent plus lourds dans l'échancrure du maillot de bain et je trouve ça soudainement très intéressant. J'oublie la piscine un instant quand mon regard se perd très clairement dans ses vallons neigeux. "Ti si divna"

Je souris, ravie mais pas surprise, il reconnaît toujours les nouveautés chez moi, dans ma tenue ou dans ma coiffure. Certaines femmes se plaignent que leurs maris ne remarquent pas lorsqu'elles vont chez le coiffeur ou qu'elles achètent de nouvelles chaussures, c'est une chose qui m'échappe complètement parce que Slavenko remarque absolument le moindre détail, même ceux que je voudrais lui cacher. Il connaît ma peau par cœur, de même que ma garde-robe et avec lui prendre le temps de me préparer est un réel plaisir parce que je sais que mes efforts pour lui plaire ne sont jamais vains. Je lui souris en tendant la main, pour lui prendre le menu des mains. Oui, je l'avais acheté pour Bali mais je n'ai pas eu l'occasion de le mettre. Parce que je ne voulais pas de disgracieuses marques de bronzage, d'une part, mais surtout parce qu'on s'est finalement presque toujours baignés entièrement nus. Après tout la maison était pour nous seuls, au milieu de la jungle, la pudeur n'était pas nécessaire là-bas.

Je n'ai le temps que de jeter un rapide coup d’œil à la carte parce qu'il s'approche déjà de moi, sa main lourde et possessive sur mes reins dans une caresse propriétaire qui me fait frissonner de la tête aux pieds. Je cherche son regard, seulement pour le surprendre, rivé sur ma poitrine, noir de ce désir que je ne voudrais jamais cesser de lire dans ses yeux. Hvala... Moi je n'oublie pas la piscine, je suis certaine qu'elle doit être vide à cette heure, l'hôtel n'est pas très rempli d'ailleurs, je crois qu'il n'est pas très connu et ce n'est pas la saison la plus productive pour eux. J'ai envie de jouer un peu, je crois... Je présume peut-être de mes forces mais je tente malgré tout. Je me glisse contre lui, effleure son torse de mes seins enserrés dans le maillot de bain. On y va...?

Elle s'approche, me touche et la magie opère avec ce frémissement qui par de mes reins vers le haut de mon dos, petit choc délicieux. Je la trouve terriblement sexy dans ce maillot, il est certain que je me souviendrais de cette tenue. Je caresse ses fesses d'un geste doux, remonte vers le creux de son dos mais à sa question je sais déjà qu'elle veut jouer. Je capitule sans aller plus loin parce qu'il parait qu'on a le temps et j'ai déjà été satisfait à la maison avant de partir. Pas de quoi être rassasié - je ne le serais jamais réellement quand ça concerne Nina- mais de quoi patienter sans urgence. J'embrasse sa tempe avant de m'écarter. "oui, j'enfile ça." J'achève de me déshabiller sans pudeur pour mettre le short de bain avant de prendre un de ces peignoirs de bain et claquettes affreuses qui me permettront d'aller jusqu'à la piscine sans avoir l'impression d'être un pervers exhibitionniste, ha ha. Elle a ainsi le temps de choisir son repas et de commander après que je lui ai dit ce que je voulais.

D'humeur plus câline pour tromper le désir, je quémande silencieusement sa main le temps du trajet jusqu'à la piscine. On ne croise personne et sur place Nina a raison, c'est quasiment désert. Il n'y a que deux personnes, une dans l'eau en train de faire des longueurs, l'autre sous la douche près du bassin, je crois qu'elle vient de sortir de l'eau. On choisit une place où s'installer et j'enlève mon peignoir sans me soucier de dévoiler à des inconnus un corps qui à force des années s'est couturé de cicatrices - ils peuvent bien penser ce qu'ils veulent tant que je plais encore à Nina. J'enlève aussi les chaussures que je fourre sous la chaise longue en demandant , curieux de savoir quand elle a préparé tout ça "ça fait longtemps que tu as réservé ?"

Très honnêtement, j'ai beau avoir envie de jouer, je sais que je n'aurais pas lutté longtemps s'il avait voulu me convaincre de rester dans la chambre. Mais je sais déjà qu'on ne quittera plus les draps, à partir du moment où on sera revenus de la piscine, et ce serait dommage de ne pas profiter du spa. Le temps qu'il termine de s'habiller, j'appelle le restaurant pour commander notre repas en chambre, avec un magret de canard pour moi, et on peut filer vers la piscine qui se trouve au -1. J'ôte mon peignoir, installe ma serviette sur le transat en souriant mystérieusement. Pas très longtemps, non... Deux semaines à peu près... J'avais prévu autre chose à la base, pour la journée, mais ça va pas vraiment être possible... Je hausse les épaules, un peu déçue malgré tout. Tu sais, on est juste à côté de Sunnyland, un espèce de parc d'attractions de plein air, tu dois connaître, non ? Mais bon, les montagnes russes c'est pas vraiment conseillé aux femmes enceintes... J'essaie de ne pas trop penser à tout ce dont je vais être privée durant neuf mois, sinon je crois que ça va me rendre folle.

J'avise la pièce, très grande, avec du parquet absolument partout. Il y a une première grande piscine qui longe la baie vitrée, et puis les portes d'entrées pour aller dans le sauna ou le hammam. Tout à fait de l'autre côté, il y a un plus petit bassin pour les enfants, mais Dieu merci il est complètement vide. Comme j'ai bon espoir que la nageuse sorte bientôt, je propose : On commence par le sauna en attendant que la piscine se vide ? Il sait bien que pour moi, cette petite pièce baignée de chaleur est un véritable paradis, je crois que c'est mon habitat naturel en fait.

Je n'aime pas tellement nager parce que je nage assez mal mais barboter me convient. Quant au sauna, c'est une torture de chaleur mais Nina adore le spa alors j'aime ça aussi. En plus je garde des bons souvenirs des rares fois où nous y sommes allés comme à Vegas par exemple ! L'idée de sa peau se noyant de gouttelettes d'eau saline à grignoter m'emplit de joie à l'avance. Je ne comprends pas tout de suite pourquoi on n'aurait pas pu faire ce qu'elle voulait avant qu'elle ne m'explique. Autant dire que les femmes enceintes et même une grossesse restent du domaine du Mystère. J'avoue avec un air penaud "Ah..., j'y aurais pas pensé..." Va falloir que je révise certains trucs. Pourtant, j'ai surtout l'air radieux qu'elle, elle pense à ce genre de trucs, et puis ça donne de la consistance à ce bébé-haricot qui pour l'instant laisse son ventre plat. "Mais je connais Sunnyland, on a fait un stage d'escalade là-bas, c'était cool."

Je m'installe avec Nina dans la pièce qui sent bon le pin avant de froncer les sourcils "et le sauna c'est bien pour les femmes enceintes ?" Je n'ai pas pris mon téléphone, ce qui est assez rare pour être noté mais je n'ai vraiment pas envie d'être dérangé même si la troisième guerre s'enclenchait ce weekend. "Qu'est-ce qui n'est pas bien pour le bébé ? J'veux dire... tant qu'il est dans ton ventre ?" Je n'ai toujours pas osé effleuré son ventre encore, pas comme ça, de façon ... comment expliquer... je ne sais pas ... d'un père attendant son enfant ? Je crois que j'ai un petit peur, sans savoir bien de quoi. Je suis un peu empoté entre la joie, l'extase et l'incrédulité de la nouvelle.

J'aurais été surprise qu'il n'ait jamais entendu parler de Sunnyland, il vit quand même dans cette ville après tout ! Qu'il ne connaisse pas les hôtels, ce n'est pas surprenant en revanche, après tout il n'a pas vraiment besoin d'y dormir. Je pensais que ça te plairait, les sports de plein-air, tout ça... On pourra quand même aller y faire un tour demain si tu veux, pour se balader, et puis il y a peut-être des trucs que je peux faire ? Je ne me suis pas renseignée outre-mesure, quand j'avais planifié cette journée, j'ignorais complètement ma grossesse, et ce qui me plaît dans les parcs d'attractions ce sont généralement les attractions les plus sensationnelles. Tout ce qui est déconseillé dans mon état, en somme.

En revanche, je me suis bien renseignée pour le sauna, et en entrant dans la pièce je vérifie donc la température, ainsi que le pourcentage d'humidité. Je m'assieds à côté de Slavenko, sur le banc brûlant. Le sauna c'est mauvais pour la circulation sanguine, j'ai le droit d'en faire sans en abuser... Vingt minutes maximum. Mais j'imagine qu'à la fin de la grossesse, ce sera peut-être plus compliqué, selon comment je me sens d'ici là. Je me cale contre lui, mon épaule contre son bras, et je fronce le nez à sa question. J'ai rendez-vous le 22 chez le médecin, j'ai appelé tout à l'heure, ce serait bien que tu viennes avec moi, si tu peux...? Elle refera sans doute une écho pour vérifier que tout va bien, et elle m'expliquera justement ce que je peux faire ou non, elle m'a déjà envoyé une ordonnance pour une prise de sang, il faudra que je lui amène les résultats. Je baisse le nez sur mon ventre, encore complètement plat, en haussant doucement les épaules. De ce que je sais je n'ai pas le droit de boire ni de fumer, évidemment... Je crois que quasiment tous les médicaments sont interdits ou presque... Pour le reste je ne sais pas trop. Je lève le nez dans un sourire. Pour moi aussi c'est nouveau, tu sais ?

Je réponds d'un air faussement angélique "j'aime bien tous les sports avec toi mon ange." Mon regard se plisse de rire rentré et de sous-entendus égrillards avant de répondre plus sérieusement "y a des trucs d'eau, du pédalo ou de la barque, je sais plus... et on peut se promener aussi. Ça dépendra s'il pleut ou pas."

Je suis surpris qu'elle sache répondre à mes questions, heureux qu'elle s'en inquiète mieux que moi. Bon, ok ça fait 24h à peine que je sais que je vais être père mais l'idée ne m'a pas du tout effleuré pour les restrictions dues à son état ! Au vingt minutes max, je consulte machinalement l'horloge du sauna. J'ai dit que j'avais eu une éducation militaire ? Je peux être très à cheval sur le règlement... J'esquisse un sourire en plaisantant "Y a pas de contre-indication pour le sexe rassure-moi ! "

Je la laisse s'installer contre moi avant de prendre sa main dans la mienne avec ce drôle de bonheur angoissant au creux du bide. "ouai, je viendrais si je peux srce, compte sur moi, je ferais au mieux pour me débrouiller, je veux savoir ce qui se passe." et j'ai envie de voir à nouveau le haricot qui est mon bébé, notre bébé. J'hésite longtemps à poser la question qui me travaille et c'est d'un ton tout doux que je demande, pour ne pas la heurter "alors...tu as arrêté la kéta ?"

Je ne prends pas du tout sa remarque à la légère parce que j'ai également eu très peur qu'une fois enceinte, il ne veuille plus me toucher. C'est qu'il peut avoir d'étranges réactions parfois, surtout s'il est inquiet pour moi, et je serais absolument incapable de me passer de sa peau durant neuf mois, ou même de n'y avoir droit qu'une fois par semaine comme si j'étais rationnée ! C'est l'une de mes craintes, et je me demande si c'est également l'une des siennes, mais j'ai peur qu'une vie de famille nous éloigne l'un de l'autre, et je veux à tout prix qu'on garde du temps pour nous, qu'on parvienne à rester amants avant tout. Il faudra qu'on fasse au mieux pour ne pas s'oublier, et je sais qu'on a encore le temps d'y penser mais je veux profiter des mois à venir, parce que ce sont les derniers mois qu'on pourra passer seuls l'un avec l'autre. Non, mon amour, aucune contre-indications, si tu t'éloignes de moi je meurs. Comme ça c'est dit.

On voit bien malgré tout que les choses ne sont déjà plus tout à fait comme avant, parce qu'on est là à discuter quand en temps normal je serais déjà installée à califourchon sur ses genoux. Mais ça ne me dérange pas, je ne suis pas anxieuse, je sais qu'on a toute la nuit devant nous et moi aussi j'ai besoin de parler de ça. Il y a trois échographies vraiment importantes, il faudra absolument que tu sois là pour celles-là. On prendra les rendez-vous ensemble, mais je ne veux vraiment pas que tu les loupes... Pour les écho de contrôle, c'est moins grave s'il n'est pas présent, j'imagine qu'il ne pourra pas venir à tous les rendez-vous médicaux avec moi ! Sa question me blesse parce que j'aurais voulu qu'il n'ait pas besoin de la poser et je fronce les sourcils. Slavenko je n'ai rien repris depuis qu'on est rentrés de Bali tous les deux... Il m'a aidée à arrêter là-bas, et je n'ai plus touché à rien depuis ce jour-là. Et j'aurais jamais accepté de faire un bébé sans être sevrée. Je pose une main très possessive sur mon ventre et souffle d'une voix un peu triste : Je ne lui ferais pas de mal...

Je souris de son air effaré quand je parle de sexe comme si on allait subir une restriction mais moi aussi je suis bien soulagé de la nouvelle. Encore que...je ne sais pas comment ça va se passer quand elle sera toute ronde. Je devrais la rouler sur le coté, humm...considérations techniques ! "ah tant mieux ! Mais je demanderais au médecin quand même...Enfin, tu crois que je peux lui demander ?" Sans passer pour une espèce de gros pervers ?

"Je ferais de mon mieux srce" ça risque juste d'être compliqué tant que je n'aurais pas annoncé la nouvelle au QG, c'est à dire les trois premiers mois. Par la suite, mon père vivant en décalé la même chose que moi, j'espère qu'il sera sensibilisé à mon désir de m'impliquer dans la grossesse. Je fronce les sourcils, perdu un instant dans mes pensées. Comment sera-t-il lui ? concerné par la grossesse de sa femme ? Était-il comme ça quand ma mère était enceinte. Je ne me souviens pas pour Saskia, pourtant j'avais dix ans passé. Je déclare avec une gravité soudaine "Je n'ai pas envie de rater ces rendez-vous"

Nina est une camée et elle le sera toute sa vie même si elle arrête à jamais la dope. C'est comme l'alcoolisme, c'est à vie. J'ai vécu des cures, des overdoses, des instants de panique avec elle. Ça m'a appris la prudence, à ne jamais prendre pour acquis ce que je crois concernant sa dépendance. Elle m'a déjà menti, dissimulé des choses quand ça concernait ses drogues. Peut-être que mon manque de confiance en elle la blesse, et je suis désolé de ça mais je préfère demander et lui offrir mon aide que de faire l'autruche, parce que ça concerne mon fils. "excuse-moi, je préférais être sur. Tu ne m'as rien dit et je sais que c'est compliqué des fois le sevrage. Si tu as besoin d'aide, tu sais que je suis là, pas vrai ?" Je porte sa main à mes lèvres pour l'embrasser et me faire pardonner mes propos directs.

Je plisse le nez. Pourquoi est-ce que tu ne pourrais pas lui demander ? Moi, je préférerais sans doute qu'il ne donne pas trop de détails sur notre vie sexuelle, je crois que la fréquence de nos rapports effraierait n'importe quel gynécologue pendant une grossesse. Cela dit depuis que nous sommes rentrés de Bali, on s'est calmés par la force des choses, on ne se voit que trop peu pour baiser sur un rythme frénétique. Je n'aime pas être privée de lui, et je sais déjà qu'ayant beaucoup de mal à suivre des directives quelles qu'elles soient, je vais avoir du mal à être interdite de certaines activités. Mais je le ferais malgré tout, parce que je ne veux pas compromettre cette grossesse, d'aucune façon que ce soit.

Sa réponse ne me satisfait pas, comme on peut s'en douter, mais je me mords la lèvre pour qu'il n'aille pas encore dire que je ne le crois pas capable de tenir tête à son père... Ce qui est pourtant le cas. Il n'y a pas de raison que tu les rates. Tu as forcément au moins un jour de repos par semaine, on s'arrangera pour que ça tombe à ce moment-là. Ces échographies doivent durer à tout casser une heure, et encore je pense que je vois large, il doit bien pouvoir se libérer trois heures en neuf mois, non ? Je sais déjà que les choses vont être plus compliquées maintenant qu'il va reprendre une activité normale, et donc avec des horaires anarchiques, et je fais remarquer d'une voix basse : Je vais avoir besoin de toi, Slavo. Pour ces neuf mois de grossesse, mais aussi pour la suite. On va avoir un enfant ensemble, et d'une façon ou d'une autre il va devoir s'arranger pour que ce bébé passe avant tout le reste, je ne cautionnerais pas qu'il en soit autrement. Je ne supporterais pas que cet enfant ait le sentiment d'être délaissé, de ne pas compter, ça a été le cas pour moi.

En quelques minutes, nous sommes déjà trempés de sueur tous les deux, et j'étire ma nuque en essayant de me détendre malgré ses propos. J'ai complètement arrêté l'héroïne, depuis presque un an et demi, et je n'ai pas l'intention d'y retoucher. Ce sera la même chose pour la kétamine, et je n'aurais pas besoin d'aide parce que je ne mettrais pas mon bébé en danger. Je suis surtout peinée qu'il sous-estime à ce point la force de ma volonté, et finalement j'ai l'impression qu'il sous-estime aussi mon amour pour ce bébé qui n'est pourtant pas encore né. Si ça me peine tant, c'est surtout parce qu'hier son message sous-entendait clairement que j'étais capable de faire du mal à cet enfant, et j'ai du mal à le digérer.

Je sais pas, j'ai peur qu'elle me prenne pour...heumm...un crétin ? Un crétin pervers en plus ! Je ne suis pas sur d'avoir envie de lire l'étonnement puis la désapprobation dans le regard du médecin qui va s'occuper de Nina et du bébé. Je sais. Je hoche la tête à sa remarque, je n'ai malheureusement pas toujours le choix sur des missions de dernières minutes. Je suis loin de me douter qu'elle pense aussi à après la naissance du bébé. Je ne me suis personnellement jamais senti délaissé par mon père. Si notre famille parait complexe, je considère que j'ai eu une enfance aussi heureuse que possible jusqu'au début de la guerre et même après, je m'en suis sorti. J'ai toujours vu mon père au travers d'une très forte admiration filiale.

"Je sais, c'est pas ce que je voulais dire srce...Je dis juste que des fois...c'est compliqué. Je sais que tu t'en occuperas bien. " Surtout que ça ne se voit pas qu'elle attend un bébé. Je cille en demandant d'une voix basse "est-ce que tu le sens ? Le bébé ? Tu sens qu'il est là ?"

Personne ne te prendra pour un crétin. Et si on ne se sent pas à l'aise avec elle, on changera de médecin, d'accord ? C'est important que toi aussi tu puisses poser les questions que tu veux. Je n'ai pas envie de vivre cette grossesse toute seule, moi aussi j'ai besoin qu'il soit impliqué, qu'il se sente concerné par tout ça. S'il a des questionnements, des doutes ou des craintes, je veux qu'il puisse m'en parler mais également à celle qui va me suivre tout au long de la grossesse, et qui normalement devrait m'aider à accoucher. C'est déjà suffisamment angoissant pour moi d'être enceinte dans ce pays qui n'est pas le mien, j'ai tenu à trouver une médecin qui parle anglais. Je comprends plutôt bien le serbe à présent, mais pour les termes médicaux ça reste compliqué et je ne veux pas avoir besoin de traducteur, ou avoir le sentiment de moi-même être mal comprise.

Je hausse doucement les épaules, l'air de dire que ce n'est pas grave, alors qu'au fond ça l'est pour moi. Je ne supporterais pas qu'il remette en cause les sacrifices que je suis prête à faire pour ce bébé, je ne crois pas qu'il réalise à quel point j'ai souffert de l'enfance que j'ai eu, et comme je suis prête à tout pour que cet enfant ne vive jamais rien de similaire. A sa question, je plisse le nez, dodeline de la tête. Et bien je ne le sens pas bouger mais... Je ne sais pas, ça va te paraître dingue mais j'ai l'impression de me sentir... Différente, tu vois ? Est-ce que c'est seulement psychologique ? Peut-être bien, mais j'ai envie de croire que c'est quelque chose d'instinctif, d'animal presque. D'un geste légèrement hésitant, je tends la main pour attraper la sienne, et poser doucement ses doigts sur mon ventre.

Contrairement à ce qu'elle semble penser je n'ai pas envie d'être un père absent ou raté, au contraire j'angoisse parce que j'ai envie d'assurer. Sinon je ne serais pas revenu sur quarante ans d'entêtement à ne pas vouloir d'enfant. Ce qui est curieux c'est que je ne sais toujours pas vraiment le pourquoi de cette envie, de cette nécessité. C'est juste devenu une évidence comme auparavant c'était une évidence que je ne voulais pas être père. Pourtant le mode d'emploi pour y parvenir est flou, et je parle pas de sexe, ça va je connais le mode d'emploi de conception ! Mais pas celui de devenir père, je sais d'expérience que c'est totalement différent, il y a quand même un gars de 25 ans qui porte mes gènes quelque part dans le monde.

Je suis saisis d'une sorte de solennité terrifiée quand elle prend ma main pour la porter sur son ventre. Mes doigts glissent sur le lycra et j'aurais aimé sentir sa peau. J'étale ma main avec douceur pour envelopper son ventre de ma paume. "Il est si petit. Comme...un haricot." Je n'arrive pas à trouver un autre mot vu la photo. J'essaye les yeux mi-clos d'imaginer ce que Nina peut ressentir, ces changements dont elle parle. Ce n'est pas étonnant parce que moi aussi je me sens déjà différent. Il suffit juste de savoir qu'elle est enceinte de cet enfant qu'aujourd'hui je désire pour me sentir différent, alors elle qui en plus subit les changements physiques! Je viens nicher ma tête vers elle, contre son épaule, voûté vers elle, veux eux deux en fait.

L'émotion me noue douloureusement la gorge, embue mon regard quand il pose sa main sur mon ventre avec cet air grave et sérieux qui me montre bien qu'il est loin de prendre tout ça à la légère. Un sourire ému se dessine sur mes lèvres, et j'acquiesce doucement, ma main revenant par-dessus la sienne. Je sais qu'il va grandir très vite... Je crois que les premiers mois, c'est d'ailleurs assez impressionnant, la vitesse à laquelle ça change. Il se voûte sur moi, m'enveloppant de sa carrure, me donnant plus chaud encore sans que ça me gêne un seul instant, et ma main libre revient se nicher dans ses cheveux. Tout bas, je susurre contre sa tempe moite de sueur : Dans trois ou quatre mois, on devrait savoir si c'est un garçon ou une fille... Et à peu près à la même période je crois, je devrais commencer à le sentir bouger... Je ne suis pas sûre de moi concernant ces délais assez approximatifs, d'autant qu'il paraît que c'est différent pour chaque femme, alors ça ne m'aide pas vraiment, mais c'est pour lui donner... nous donner une idée de la suite. Je caresse sa nuque du bout des doigts et finis par demander, si raisonnable que ça me surprend moi-même : On sort de là mon amour ? Je commence à mourir de chaud...

Il va changer et je prends conscience que Nina aussi, ça aussi c'est flippant. J'espère que le changement se fait assez lentement pour que je m'habitude à tout ça. Je me tais, n'ayant pas envie de partager mon Bon heureusement qu'elle me demande pour sortir du sauna parce que je flippe méchamment là tout de suite. Un garçon, une fille... ouai ouai... "tu veux savoir avant la naissance ?" moi ça m'est égal, même si j'ai tendance à penser au bébé comme à un petit gars. Parce que c'est plus rassurant je crois, plus facile à imaginer. "Moi je pense que ce sera un gars"

On sort et je respire dans l'air plus frais, j'ai transpiré et je suis bien content d'aller dans la piscine. je m'immerge en descendant prudemment par l'échelle de fer. L'eau fraîche fait du bien et je souris en m'accrochant au bord -même si j'ai pied - pour lever le nez vers Nina "j'te jure qu'elle est pas froide, enfin pas si froide que tu crois Ribica moja"

​J'acquiesce vivement. Je crois, oui, c'est déjà tellement stressant, si en plus on ne sait pas si c'est une fille ou un garçon... Je n'ai absolument aucune préférence sur le sujet, mais c'est vrai que ça m'aiderait encore un peu mieux à me projeter. Je n'ai pas l'intention de lui faire une chambre bleue si c'est un mec, ou une rose si c'est une fille, loin de là... Mais je crois que ce serait une inquiétude, ou plutôt un questionnement en moins. Enfin... Sauf si tu veux qu'on se garde la surprise ? Si c'est quelque chose qui lui fait plaisir, je crois que je suis prête à attendre. Pour lui. ​Tu crois que c'est un garçon, ou tu veux que c'en soit un ? C'est différent. Je souris, amusée. Moi je ne sais pas encore, mais je crois qu'au bout d'un moment, je le sentirais... Je veux dire, on sent forcément ce genre de choses, non ?

Je le suis hors du sauna, reprenant mon souffle une fois la chaleur derrière moi. Ok ce n'était peut-être pas une si bonne idée que ça, finalement. Comme après réflexion je ne me sens pas forcément hyper bien d'avoir eu si chaud, j'acquiesce et ne me fais pas prier pour le rejoindre dans l'eau. La différence est frappante pourtant et je couine de surprise dans un sursaut. Oh bon sang si, après le sauna, elle est super froide ! Je me niche aussitôt dans ses bras, enroule les miens autour de son cou pour me presser contre lui, mes seins dressés par le froid -relatif je l'admets- se pressant contre son torse.

"C'est égal zlato, que la surprise soit dans 3 mois ou neuf, ça ne changera rien srce." Et concernant le sexe de l'enfant, vouloir est un bien grand mot je croisquoique, je ne peux me défendre de penser à "lui" plus qu'à "elle". Garçon plutôt que fille donc "Je sais pas trop, dans ma tête j'ai tendance à dire il...peut-être parce que c'est "le" bébé." En même temps, ça fait que quelques heures que ça devient réel.

Je ris à sa réaction de souris gelée et je la récupère contre moi pour la serrer dans mes bras, venant chercher sa bouche dans un tendre baiser fondant. Je la mange du regard, un regard ébloui, protecteur, fier aussi de savoir qu'elle porte notre bébé, je ressens encore ce drôle de truc où on me croirait shooté, planant. Je me plais à la piscine et le désir d'habitude si tenace a laissé place à de la tendresse après la discussion du sauna. Je prends le temps de tenter de nager un peu et puis de rejoindre Nina aux chaises longues avant qu'on ne se décide à remonter à la chambre parce que le repas ne devrait plus tarder. Dans la chambre, j'ôte mon maillot mouillé pour simplement rester en peignoir et je vais fumer sur le balcon les quelques minutes avant qu'on nous livre les plateaux. C'est très calme avec la forêt autour, ce qui me rappelle le chalet. C'est plaisant d'autant que pour l'instant la pluie a cessé même si les pins bruissent encore de gouttelettes d'eau.

Je fronce le nez, pensive parce que j'ai soudain peur de le décevoir. Je sais déjà qu'on n'aura qu'un seul enfant ensemble, je ne crois pas qu'on soit tentés, l'un comme l'autre, à l'idée de fonder une famille nombreuse. A trois, je pense qu'on peut parvenir à s'organiser, mais au-delà, ça compromettrait trop notre vie de couple et je ne suis pas prête à renoncer à nous. J'ai besoin de tout concilier, et surtout d'avoir toujours du temps pour être seule avec lui. Mais je sais aussi que dans sa famille, il est important d'avoir un héritier. Et si nous n'avons qu'un seul enfant ensemble, que dira-t-il si c'est une fille ? Sera-t-il heureux et fier de la même façon ? Est-ce qu'il parviendra à s'impliquer autant dans sa vie ? Est-ce qu'il m'en voudra de ne pas avoir su lui donner le fils dont il rêve ? Parce que je crois commencer à comprendre qu'il ne rêve pas d'un enfant, mais bien d'un fils, et ça m'effraie plus que je ne saurais dire.

​J'essaie de ne pas trop me laisser ronger par cette inquiétude alors qu'on profite de la piscine ensemble, et dans ses bras c'est toujours plus facile d'oublier mes craintes. Quand on remonte dans la chambre, je suis de nouveau parfaitement détendue, et je prends le temps d'une douche rapide, seulement pour troquer mon maillot de bain mouillé contre un peignoir sous lequel je reste nue également. J'ouvre la porte de la chambre quand on nous apporte les plateaux, et j'en profite pour récupérer le sac au passage avant de rejoindre Slavenko. Je laisse le chariot de côté et me glisse dans son dos, mes bras s'enroulant autour de sa taille. J'ai un cadeau pour toi avant qu'on mange... Si tu veux bien.

Je n'en suis pas au stade de me poser des questions aussi précises. J'assimile lentement mais surement le fait que bientôt on sera trois. C'est une indéfinissable sensation. Pour l'instant je repousse les autres considérations, comme ma famille, comme le fait que je vais avoir un demi-frère, ou sœur, qui aura l'âge de mon enfant. Vous imaginez, si le fils d'Ornella avait un bébé en même temps on aurait trois générations de Drazavic ayant le même âge, carrément flippant ! Heureusement que je n'ai plus aucun contact avec Nell comme ça je suis sur de ne pas savoir s une catastrophe pareille se produisait.

Je tourne la tête vers Nina en lui souriant quand elle me rejoint. C'est vrai qu'elle m'avait parlé de cadeaux. Elle y tient puisque c'est mon anniversaire. Personnellement, je préfère les cadeaux très très tactiles alors je tente avec un rire taquin. "Humm tu veux pas reprendre des forces d'abord ?" Mais c'est sérieux je crois et je cède bien vite. "ok ça me dit bien d'avoir un cadeau maintenant." Je jette mon mégot et me tourne vers elle, assez joueur parce que je suis détendu malgré les récents événements. J'apprécie cette parenthèse calme avec Nina et je lu en suis vraiment reconnaissant. "Est-ce qu'il faut que je devine ?"

​Il n'est pas assez curieux, ni assez impatient, et ça me tue toujours de voir à quel point son anniversaire l'indiffère, alors que j'adore fêter le mien. Je secoue la tête en fronçant les sourcils. Non, j'arrive plus à attendre. C'est une pression bien trop lourde pour mes frêles épaules que d'appréhender sa réaction et j'ai besoin de savoir maintenant si je suis complètement à côté de la plaque ou pas. Si c'est le cas, j'espère vraiment que je saurais retomber sur mes pattes pour me rattraper, parce que je serais dévastée de gâcher cette soirée qui a divinement bien commencé. Je secoue négativement la tête à sa supposition, parce que je ne crois pas supporter le jeu des devinettes. Non, je ne crois pas que tu puisses deviner. Ca va durer des plombes, et faire monter d'un cran mon niveau d'anxiété, c'est une très mauvaise idée.

Je m'écarte de lui pour récupérer le sac, à l'intérieur duquel je pioche une toute petite boîte, enrobée d'un joli nœud rouge. Je la lui tends dans un geste franchement mal assuré, guettant anxieusement sa réaction lorsqu'il découvrira les clés de voiture, siglées Mercedes. Une fois le cadeau ouvert, tandis qu'il prend la mesure de ce dont il s'agit, j'explique d'une voix tremblante et hâtive. Elle est garée pas loin de l'appartement, je l'ai récupérée cet après-midi... Je sais que c'est un gros cadeau mais je l'ai eue grâce à un client concessionnaire, et je ne l'ai pas payée si cher que tu crois... Et puis finalement, c'est presque un cadeau pour nous deux, tu vois...?  

A cause de sa nervosité visible, je suis à présent intrigué. Je ne vois pas du tout ce qu'elle a pu m'acheter qui nécessite autant de précaution oratoire. La boite a l'air d'être pour un bijou et je la secoue en plaisantant pour détendre l'atmosphère "c'est quoi ? Un prince-Albert ? " Je pouffe de rire. Non sérieusement, même par amour pour Nina, je ne me ferais pas percer la bite !

Ce sont des clefs avec un porte-clefs. Des clefs de voiture et je commence à comprendre. Je comprends non seulement le cadeau qu'elle me fait - hors de prix mais aussi que ses hésitations sont dues à la peur de ma réaction, ce qui me fige quelque peu dans mon élan. Mon élan pour quoi d'ailleurs ? Pour protester ? Parce que je ne suis pas capable moi de racheter une voiture moi-même ? Parce qu'on est obligé d'emprunter celle de son associé Dimitri, qu'en plus j'ai du mal à encadrer ? Non soyons clair le cadeau ne me fait pas vraiment plaisir, il y a trop d'implication derrière, ce n'est pas juste un cadeau. Pourtant moi non plus je ne veux pas gâcher la soirée par mon ego mal placé qui a souvent fait des ravages.

Je prends sur moi et je saisis les clefs dans la boite avant d'esquisser un sourire. J'imagine qu'il y a pire dans la vie que se faire offrir une caisse ! "Merci srce, c'est ... une très bonne idée, il fallait qu'on en rachète une de toute façon. Ton associé va en avoir marre qu'on pique toujours sa bagnole ! Alors elle est quelle couleur ? T'as pas des photos sur ton téléphone ?"

Je sais immédiatement, à la tête qu'il fait en voyant les clés, que j'ai fait une énorme connerie. En même temps je suis complètement stupide, je ne peux pas dire que je ne m'y attendais pas alors pourquoi est-ce que je l'ai fait quand même ? Non mais qu'est-ce qui cloche chez moi bordel ? Je sais pertinemment qu'on n'est pas d'accord sur le sujet, il a beaucoup trop de mal à accepter le fait que je veuille participer à notre vie à hauteur de mes moyens, qui sont plus élevés que les siens. Moi ça me rend juste folle d'avoir du fric qui dort et de ne pas me sentir autorisée à le dépenser parce que je ne comprends pas pourquoi il devrait m'entretenir ! Il m'a offert une moto par le passé, pourquoi est-ce que je ne pourrais pas lui offrir une voiture ? Sauf que maintenant, il doit avoir l'impression que c'est moi qui veux l'entretenir et bon sang, ce n'est pas du tout le cas. Le problème, c'est qu'il fait comme si de rien était, pour ne pas me blesser je le sais, et je ne peux donc rien dire sans que les choses dégénèrent. Je voudrais me cacher dans un trou de souris et disparaître à jamais pourtant, grâce à mes conneries il est parti pour refuser qu'on fête son anniversaire pour toutes les années à venir.

Je réponds d'une voix encore tremblante, parce que je sais que j'ai merdé et qu'après le fiasco de la veille, l'angoisse gronde sourdement dans mon ventre. Elle est noire, et non j'ai pas de photos. Mais je l'ai achetée avant... Enfin avant de savoir que j'étais enceinte et elle sera peut-être pas idéale avec un bébé, mais on aura le temps de voir venir pour ça... Je voulais une Mercedes parce que je sais qu'il aimait celle du Klan quand on vivait dans le Bronx et qu'en dehors de ça, je ne connais pas ses goûts en matière de bagnole. L'impression de tout faire de travers en ce moment me saisit à la gorge, en même temps qu'une furieuse envie de pleurer que je réprime aussi vaillament que possible. Je me mords la lèvre avant d'ajouter : Slavenko si tu ne l'aimes pas ou que tu n'en veux pas, je peux encore la ramener. Allez, respire Nina, merde. Mais j'ai toujours cru que les Mercedes te plaisaient bien et j'avais envie... J'étais pas là pour tes quarante ans alors je voulais marquer le coup cette année.