Ça va attirer les rats et s'ils te mordent, ils vont attraper la rage - Slavina

Je suis en colère parce que je ne suis pas parvenue à faire la différence. Et à la gueule que tire Damir en sortant, je devine aussitôt qu'il a l'intention que ça se sache. Je ne sais pas pourquoi cette compétition entre nous depuis le premier jour, nous avons le même rang, ce n'est pas comme si je pouvais lui piquer son boulot ! Mais je n'ai pas le temps de réagir que son crâne explose dans une gerbe de sang. J'ouvre la bouche sous le choc, mais aucun son ne sort tant je suis choquée. Il me faut quelques longues secondes pour réaliser que c'est Slavenko qui vient de tirer. Je sursaute quand il tire à nouveau, sur Branko cette fois, qui s'écroule à côté de moi.

Je pâlis dangereusement et le choc de l'explosion de tout à l'heure n'est pas seul en cause cette fois. Je ne comprends pas du tout ce qu'il se passe et j'en ai les mains qui tremblent, horrifiée. Un instant je me demande même s'il ne va pas me tirer dessus aussi, mais il baisse son arme et je cille. Déjà, des Tigrovi nous rejoignent à l'étage, m'empêchant de réagir, parce que je devrais le faire devant eux et que je ne peux pas m'y risquer. Pas tant que je n'ai pas compris ce qu'il vient de se passer. Je crois que je vais tomber dans les pommes.

Sykes ne réagit pas et je ne sais pas ce que je dois en conclure parce que les autres arrivent. Les exclamations fusent, les demandes d'explications aussi et je mens. Il y a assez de corps ennemis pour qu'ils croient que Damir et Branko ont été abattus par eux. On est arrivé trop tard pour Damir, et Branko n'a pas eu de chance. Ce qui est vrai. Il a pas eu de chance. On s'active. On évacue les blessés, on récupère les corps des nôtres, les armes. On empile tout dans les camionnettes. Aleska se charge du matos informatique.

En dix minutes on a déblayé la zone et on repart avant que les flics ne soient alertés. Je me remets au volant du van, déposant mon arme sous mon siège comme à mon habitude. Je m'allume une clope. Franchement même si je n'ai aucun remord, je boirais quand même bien une vodka. J'attends que la place passager soit prise avant de démarrer. Reste à savoir si ce sera Sykes ou si mon geste l'a trop horrifié.

Je suis sous le choc, c'est le cas de le dire, et en plus de ça je suis blessée. Ma cheville est bleue et a enflé d'une façon assez inquiétante, et je crois que j'ai rouvert la cicatrice de ma blessure par balle. Mais ce n'est rien de grave, j'ai déjà connu bien pire et je sais que tous les autres aussi. Je m'efforce de comprendre ce qu'il s'est passé, pourquoi Damir a décidé d'intervenir de cette façon mais les autres restent assez vagues sur le sujet. Accuser un homme mort est assez délicat, je veux bien l'admettre.

Je ne lâche pas Drazavic du regard et je me dirige vers la bagnole dès qu'il s'installe au volant. Je verrouille les portières. Je vais supposer que tu avais une excellente raison de faire ce que tu as fait, et tu vas me l'expliquer tout de suite. J'ai déjà dit que je n'aimais pas tourner autour du pot, non ? Soit j'ai passé la nuit avec un véritable psychopathe qui vient de buter deux personnes qu'on pourrait presque considérer comme des membres de sa famille, soit quelque chose m'a échappé et je veux savoir ce que c'est.

Je ne suis pas surpris de sa question. Peut-être un peu déçu cependant qu'elle la pose, ou las. Je hausse les épaules en tirant sur ma clope, souffle la fumée dans l'habitacle. "parce qu'il n'aurait pas arrêté. Il t'aurait pourri la vie, il m'aurait pourri la vie, et il aurait mis tout le monde en danger pour te faire la nique. T'as pas voulu coucher avec lui mais t'as couché avec moi. Il l'a su tout de suite, je l'ai vu dans son regard ce matin. Et Branko... Il allait me tirer dessus."

J'ai saisi l'occasion d'arrêter la spirale de violence et de conflit à la source. Mieux faut arracher un pansement d'un coup sec que de laisser suppurer. Je l'ai fait pour moi, pour elle et pour les Tigrovi, dans cet ordre je crois bien. Parce que je n'aurais pas supporté que Damit l'évince.

Donc la réponse est non, il n'a pas vraiment de raison valable de faire ce qu'il a fait. T'es en train de me dire qu'ils sont morts parce que j'ai couché avec toi ? C'est de là que tout part, non ? Je ne veux pas croire que Damir ait réellement su que j'avais passé la nuit avec Slavenko, je ne comprends pas comment il aurait pu l'apprendre, le deviner... On n'a montré aucun signe, on n'est même pas arrivés ensemble ce matin. Alors quoi, j'avais son odeur sur la peau, c'est ça ? Non, c'est trop gros. J'aurais pu gérer Damir sans que tu le butes. Je déclare sèchement. Putain, je savais que c'était une mauvaise idée ! Il m'a vu à poil alors maintenant il me voit comme une pauvre petite chose vulnérable et fragile qu'il faut protéger. Je ne suis pas devenue lieutenant en laissant les autres gérer les problèmes à ma place, merde !

Il n'empêche que sur le fond il a raison... Damir a mis tout le monde en danger en lançant cette opération juste pour me passer devant, et je sais qu'il aurait continué. Mais c'était à moi de l'évincer, pas à Slavenko. Je soupire, me frotte nerveusement les yeux. Passe-moi une clope.

Elle s'énerve et dans le rétro je lui jette un regard surpris. Je ne vois pas bien où est le mal. Oui, si ok, j'ai buté Damir mais c'était un sacré connard et le monde ne s'en portera que mieux. Les Tigrovi aussi, j'en suis bien persuadé. En silence je donne le paquet de clopes à Nina. "T'aurais pu le gérer et à la prochaine occaz' on se serait encore tapé des missions suicides à cause de votre rivalité. Il t'aurait pas lâché avant que tu couches avec, c'est tout. On a perdu cinq hommes sans compter Damir et Branko. Cinq. Y avait pas de quoi être triomphant comme il l'était." Et je ne voulais pas qu'elle couche avec lui, ça c'est une évidence. Je ne voulais pas non plus que Branko la touche. Alors oui, le fait qu'on ait baisé hier a changé la donne, c'est sur. Je ne peux pas nier ce point parce qu'avant les Tigrovi, si je suis honnête, c'est elle que je protégeais. "Je pensais que c'était c'qui fallait faire. Y a pas de témoin et tu diras c'que tu veux."

le sujet me parait clos mais j'ajoute quand même. "En plus c'était un con". Un fin sourire ironique d'humour très noir étire mes lèvres parce que non, je ne bute pas tous les cons, j'y passerais ma vie.

Je récupère le paquet de clopes, m'allume une cigarette parce que j'ai besoin de décompresser. Eh, y avait pas de rivalité, c'est lui qui a cherché la merde. Je refuse d'être tenue pour responsable des problèmes d'ego de Damir, je n'ai rien fait pour les provoquer, j'étais prête à ce qu'on s'entende. J'étais juste pas prête à finir dans son pieu. Et il tenait pas tant que ça à coucher avec moi, il était juste dégoûté de se prendre un vent, c'est tout. Je ne crois pas que Damir faisait une fixette sur moi à ce point-là... Mais non, je ne vais pas le pleurer, certainement pas. Qu'est-ce que tu veux que j'dise de toute façon ? Y a rien à balancer. Vendre Slavenko ne ferait que créer plus de conflits. Non seulement je suis pas une balance, mais en plus oui je pense que Damir méritait de crever.

Je m'enfonce dans mon siège un peu plus, tire sur ma clope en demandant : J'dois m'attendre à recevoir une balle le jour où tu décréteras que j'suis qu'une conne moi aussi ?

Je me fous bien qu'elle me balance ou non ! Non ...c'est totalement faux, je me mens. Si elle disait ce qui s'est passé, je serais dans la merde. Je finirais probablement exécuté, or je tiens à la vie ! Que Damir ait été dégoutté d'être évincé, je veux bien croire. Je crois que Nina ne se rend pas compte de la rancœur qu'il avait à voir une étrangère si proche de mon père. Et de toute façon, j'ai suivi mon instinct. Une seconde pour agir.

Je lâche un soupir. Je m'attendais à cette question. J'ai lu dans son regard la peur quand on était en haut. La peur que je lui tire dessus. "Je t'aurais pas butée. Ni tout à l'heure, ni plus tard. " J'ai clairement pris le risque qu'elle ne veuille plus me voir, me parler. Je le savais quand j'ai appuyé sur la détente pour effacer le sourire suffisant de Damir, sa colère à me voir. Moi je trouve que je me suis épargné bien des emmerdes, je nous ai épargné bien des emmerdes.

Je ne sais pas s'il est sincère ou pas, s'il est digne de confiance... Les faits me pousseraient à croire que non, il vient de buter son lieutenant et un autre des Tigrovi... Mais mon instinct me souffle de le croire, parce que je n'ai de toute façon pas vraiment le choix. D'accord. Le temps se chargera bien de me dire si j'ai eu tort ou raison de ne rien faire à ce sujet... Le fait qu'on ait couché ensemble rend les choses plus compliquées encore parce que tout est alors susceptible de devenir personnel.

Je termine ma cigarette et le reste du trajet se passe dans un silence de plomb. Je suis trop épuisée pour parler, et ouais j'ai bel et bien rouvert ma blessure parce que mes fringues commencent à être poisseuses de sang. On arrive au QG et je sors du véhicule en claudiquant. Il faut que je vois le Doc', mais je ne suis pas la plus gravement blessée alors je vais devoir attendre mon tour. J'abandonne mes armes et m'éclipse à l'étage, boitant dans les escaliers pour aller me poser sur un pieu libre dans le dortoir. Le débrief attendra, j'ai pas la foi pour ça maintenant.

Je n'ai pas été blessé cette fois, et si ma blessure d'hier lance à cause des efforts d'aujourd'hui, globalement je vais bien. Ce qui n'est pas le cas de Sykes dont je vois les fringues se teinter de sang. J'accélère pour rentrer plus vite. Je la regarde s'éloigner sans mot dire. Ce n'est pas le moment de faire des vagues. J'ôte avec bonheur mon équipement, ma lourde veste surtout. Etant un des plus valides, j'aide à nettoyer le bordel. On sort les corps qu'on met dans la morgue - oui on a ça. Et puis on range les armes non sans les nettoyer. Ça va jusqu'au lavage des camionnettes. Je bosse au moins quatre heures avant de pouvoir boire un verre. Je m'empare de la bouteille et je vais aux douches avec. Douche que je prends plus longue que d'habitude. Je n'ai pas sommeil, l'adrénaline coule encore en mois, ce qui est assez étonnant. Je crois que j'ai besoin de décharger. Sous l'eau qui me frappe, j'essaye de me branler sans succès parce que je ne pense qu'à la nuit passée et au corps si pâle de Sykes me chevauchant. J'ai la trique mais c'est elle que je veux, pas ma foutue main.

Je soupire et je sors, m'essuyant avec une serviette avant d'enfiler un jogging propre et confortable. J'ai un sérieux souci si je me suis entiché de cette femme. Un gros gros souci. Parce qu'après m'avoir vu buter deux des nôtres de sang froid, elle ne va plus jamais vouloir me foutre dans son pieu. j'ai bu un quart de bouteille pour me filer du courage de lui écrire un sms - en anglais, ça limite les risques. "j'ai envie de toi. Si toi aussi, rejoins moi aux douches " j'hésite avant de faire envoyer. Je reste assis sur le banc à m'enfiler de la vodka. Combien de temps elle mettrait si elle vient ? Combien de temps je me donne avant de me barrer d'ici ? Si elle m'envoie bouler, promis je l'oublie.

Je lutte pour ne pas m'endormir avant d'avoir vu le Doc'. Je ne crois pas que je risque grand chose, mais j'ai peur de ne pas me réveiller avant demain soir si je m'endors maintenant et il faut vraiment qu'il jette un œil à ma blessure. Je ne sais pas si je suis en train de me vider de mon sang ou si ça va s'arrêter de saigner tout seul. Je n'ai pas regardé, je suis trop épuisée. La fatigue est aussi bien physique que psychologique, j'ai les nerfs à vif des tensions des derniers jours, et surtout des pertes lourdes qu'on a subies. Beaucoup des nôtres sont morts, dont deux de la main de Slavenko, je ne peux pas l'oublier. Ce n'est pas quelque chose que je vis bien.

J'attends plus de deux heures avant que le Doc' puisse me recevoir. J'ai droit à de nouvelles sutures et un beau pansement tout neuf, ainsi que des cachetons pour la douleur. Il me conseille aussi d'aller me faire poser une attelle pour ma cheville, et je sais déjà que je ne le ferais pas. Je me traîne de nouveau jusqu'au pieu parce que je ne peux pas rentrer chez moi, je sais que je ne suis pas en état de conduire. Je suis épuisée et pourtant je n'arrive pas à trouver le sommeil, je tourne en rond sous les draps un temps infini jusqu'à ce que mon téléphone vibre.

Le message qui s'affiche sur l'écran embrase mon sang d'un seul coup et les images de la nuit passée dans ses bras s'imposent à mon esprit. Je ferme d'abord les yeux, lutte vainement pour me convaincre que c'est une connerie... Avant d'envoyer chier mes principes à la con. Je ne suis plus en état de réfléchir correctement... Et surtout la réponse est oui, j'ai envie de lui, je crève d'envie de lui. Je me mens, me rassure en me disant que c'est juste un besoin de trouver un exutoire à l'adrénaline, que lui ou un autre ce serait pareil. Je me lève et titube jusqu'aux douches, désertes à l'exception de Slavenko. Je passe devant lui sans un mot, et j'ouvre la porte de la cabine juste en face du banc sur lequel il se trouve.

Cinq minutes et je me casse. Non dix minutes. Elle doit se réveiller, réfléchir, venir. Et si elle est chez elle ? Vingt minutes... Et puis la porte s'ouvre et je retiens mon souffle parce que c'est elle. Je me lève dès qu'elle entre, J'arrache mon tee-shirt, le balance sur le banc en la suivant. Je claque la porte de la douche derrière nous avant de fondre sur elle, la plaquant contre le carrelage de mon corps. Ma bouche s'écrase sur la sienne, je fouille direct sous son débardeur. Je regrette d'avoir enfilé ce bas de jogging mais j'aurais eu l'air con en train de bander tout seul à poil dans la salle de douche ! Ça fait une demi heure que je me chauffe avec des images de la nuit passée alors je m'embrase directement.

Je baisse son bas, puis le mien, rapidement. Pour les préliminaires on repassera. Je suis même pas sur de connaitre ce mot. Elle mord ma lèvre inférieure et je grogne avant de me frayer un chemin en elle, d'un coup de rein aussi autoritaire que brutal. Je suis surpris parce qu'elle est chaude et déjà accueillante. J'en gronde de plaisir contre sa bouche. Nos corps se heurtent et se cherchent avec violence, rapidement. Ce qu'on veut c'est clairement la jouissance rapide, celle dont on a besoin après avoir frôlé la mort. L'orgasme me terrasse en seulement quelques coups de reins.

Je ne suis vraiment pas d'humeur à jouer, et pas d'humeur non plus pour les préliminaires. Il a raison, j'ai besoin de jouir vite et fort, besoin d'apaiser le désir qui me brûle les reins, qui s'est enflammé en une fraction de seconde juste parce qu'il a dit qu'il avait envie de moi. Et je réalise qu'en toile de fond de l'adrénaline, des angoisses, toute la journée je me suis demandé s'il avait encore envie de moi.

Ma bouche heurte la sienne avec fébrilité, nos corps se fracassent l'un contre l'autre et j'oublie toute douleur, toute raison aussi quand il me déshabille sans attendre. Chacun de ses gestes m'affole un peu plus et je me tends vers lui en gémissant. Je ne peux pas enrouler mes jambes autour de sa taille pour lui faciliter la tâche, j'ai trop mal à la cheville pour ça, et ma plaie récemment rouverte n'aimerait pas ça je pense. Alors il doit plier les genoux pour me prendre, dans une position sans doute inconfortable mais ça m'est égal. Je m'accroche à ses épaules, geins sans retenue, sans me soucier qu'on nous entende, je suis bien au-delà de ça. Le plaisir grimpe avec fulgurance mais il part avant moi, glisse inévitablement hors de moi et je gémis de frustration. J'oublie toute pudeur, toute fierté aussi quand je prends son visage en coupe entre mes mains pour supplier : S'il te plaît, s'il te plaît... Je crois que je meurs s'il me laisse comme ça.

Dieu que c'est bon, c'est bon. Je crois que je le grogne à chaque mouvement jusqu'à l'orgasme. Elle s'accroche à moi violemment et me saisis le visage. je me retrouve happé par son regard d'une intensité qui me transperce. Croyez le ou non mais jamais personne ne m'a supplié comme ça de la faire jouir. Jamais, même si je prenais mon pied avant la fille. Bon ok vous vous dites que c'est parce que je baise des putes, ou des coups d'un soir qui sont souvent trop alcoolisés ou défoncés. C'est pas faux. Un choc électrique me parcours des reins à la nuque quand elle m'implore. Je me sens tomber à genoux, ma bouche se porte à son sexe, mes mains à son corps. Je supplée avec une sorte d'ardeur inspirée - du moins je l'espère - à la brièveté de notre étreinte autrement. Ses mains sont dans mes cheveux et je lève les yeux vers elle, en adorateur de son corps à ses pieds.

Je ne sais pas ce qu'il ferait si je refuse parce que je suis en train de lui montrer une vulnérabilité que je ne m'autorise absolument jamais. La crainte crispe tous mes muscles mais il se laisse tomber à genoux devant moi et je renverse la tête en arrière dans un gémissement soulagé quand il plonge entre mes cuisses. Je tends les bras, fourre mes mains dans ses cheveux en roulant des hanches pour me porter plus loin vers sa bouche. J'étais déjà si proche de jouir qu'il ne me faut que peu de temps pour atteindre enfin l'orgasme à mon tour. Il me terrasse avec une violence qui m'arrache un long feulement de plaisir brut, fait trembler mon corps spasmodiquement contre le sien. Mes jambes ne me portent pas plus longtemps et je glisse au sol dans un couinement, à bout de souffle, groggy, complètement déphasée.

La redescente est violente, c'est le contrecoup des derniers jours je crois et je me sens soudain prise d'une bouffée d'angoisse. Vous n'imaginez pas à quel point il est épuisant de devoir sans cesse dissimuler ses sentiments, ses émotions pour ne pas être mise en danger. Ma position dépend de ma capacité à ne rien laisser paraître. Et pourtant à cet instant précis je sens que je perds pied. Je me voûte, pose mon front sur son épaule en essayant de reprendre mon souffle. Je n'ai pas envie qu'il s'en aille. Je ne m'explique pas pourquoi... Peut-être seulement parce que je ne veux pas me retrouver seule ? Je ne crois pas que ce soit seulement ça. Ma poitrine se soulève douloureusement et je mords ma langue au sang pour ne pas le supplier de rester avec moi, de m'emmener chez lui.

Elle jouit et c'est une drôle de sensation que la voir jouir, la sentir jouir de mes soins. C'est une sorte de plaisir intense qui me saisit comme si j'étais connecté. C'est comme hier soir, ça me laisse vulnérable et ébloui, étonné quand je la récupère sur moi au sol. Je la serre avec force mais ma main sur sa nuque est douce et la caresse. Je tremble, un reste des spasmes de plaisir surement. Je descends le long de son échine, remonte doucement en promenant mes doigts. Brusquement j'entends la porte de la salle de bain s'ouvrir et je ferme brusquement le crochet-verrou. Je pose ma main sur la bouche de Nina. "Y a quelqu'un ? " Heu ouai, c'est Slavo. Je finis ma douche. C'est toi Vuk ?" "Ouaip" "Je pensais que je serais le seul aujourd'hui à être debout !" "non j'viens de finir de recoudre mon dernier patient." "ha ouai rude journée..." je l'entends qui se déshabille, puis la porte d'une douche tout près. "tu vas avoir d'un autre pansement après ?" "heu non merci, j'ai fini et j'ai fait gaffe. On verra ça demain, j'veux pas t'emmerder, mon pansement est propre." Il ouvre l'eau, Dieu merci "bon j'y vais. Bonne douche." "merci, à demain." Nina et moi, on sort en se rajustant et avant de sortir de la salle de bain, je vérifie qu'il n'y a personne. Dans le couloir, je remets mon tee-shirt avant de souffler. "J'habite pas loin, à deux rues. Viens..."

Si je n'avais pas tant l'habitude de devoir me maîtriser, je crois bien que je pourrais me mettre à pleurer à cet instant précis. Pas vraiment de tristesse, non, seulement pour évacuer les tensions, l'angoisse, la pression aussi. Il me serre contre lui et je ferme les yeux, inspire son odeur que je reconnaîtrais déjà entre mille pour me calmer, reprendre mes esprits. Ses caresses me font trembler et je me serre plus fort contre lui, décidée à ne plus jamais ouvrir les yeux. Mais Vuk' nous interrompt et je dois me faire violence pour ne pas geindre de dépit. Je me tais tout le temps que dure la conversation, mon regard dans celui du slave, au fond du mien se lisant je crois la crainte que ça ne s'arrête déjà.

J'essaie de faire le moins de bruit possible quand on se redresse ensemble et qu'il nous faut sortir de la cabine. Je rajuste mes fringues, lisse mes cheveux emmêlés, les joues roses. Je suis réellement surprise quand il me propose d'aller chez lui, parce que je pensais qu'il avait seulement envie d'un coup rapide pour réussir à pioncer. Moi aussi, je croyais avoir envie de ça. Je n'hésite pas quand je hoche la tête avant de le suivre. Plus personne n'est debout à part Vuk dans la douche et on peut quitter le QG tranquilles. J'ai oublié ma veste, et je crève de froid dans la rue pendant qu'on rentre à son appartement. Heureusement qu'il ne vit pas loin parce que j'ai vraiment du mal à marcher. Je boîte dans les escaliers et je réalise soudain qu'il avait peut être autre chose en tête en me proposant d'aller chez lui. Putain mais quelle conne, c'est évident qu'il veut juste un autre round. Il referme la porte et je m'adosse au mur en soufflant : Je suis vraiment épuisée...

Je ne suis pas comme elle, je suis bien loin de réfléchir ou de m'interroger sur mes motivations à la ramener chez moi. C'est une impulsion, j'ai cédé à l'envie de la garder près de moi. Je n'avais pas envie de me séparer d'elle déjà. Personne ne vient ici normalement, sauf parfois mon frère pour un café ou ... bah non personne d'autre. Une fois dans mon appart', je remarque sa pâleur et ses frissons. Il faut dire que dehors il fait froid, chez moi aussi et elle est épuisée. Je l'attire dans mes bras pour un câlin brusque parce que j'ai pas bien l'habitude. "t'as froid ?" J'embrasse sa tempe et je l’entraîne dans la chambre. "Vas-y, installe toi, je te donne une couverture en plus." Je vais aussi allumer le chauffage, chipotant un peu pour le mettre en route tellement j'ai pas l'habitude.

Je déploie une couverture sur Nina avant m'affaler près d'elle sur le pieu qui craque, inconfortable et vieux. Je me tourne sur le coté pour la regarder. Je tire la couverture pour la mettre bien sur elle et je me tourne pour lui offrir silencieusement mon épaule si elle veut. Il semble que d'instinct mon corps veuille la réchauffer. Elle a froid et moi j'ai chaud, je brûle de l'intérieur. Je tends le bras pour éteindre la lumière et seuls les réverbères de la rue diffusent une faible lumière à travers les lattes disjointes des stores.

Son câlin me surprend, et je me retrouve démunie parce qu'il me relâche presque aussitôt alors que j'étais étrangement bien dans ses bras. Je hoche doucement la tête quand il me demande si j'ai froid, et le laisse m'emmener dans la chambre sans même chercher à lutter. Mon dieu, je ne me souviens pas de la dernière fois que j'ai eu tant sommeil. Le lit nous accueille, et dans mon état même ce matelas me paraît confortable tant j'aspirais à me coucher. Mais au-delà du lit en lui-même, je le sais bien, c'est le fait de ne pas me coucher seule qui me fait du bien. Sans un mot, je viens me glisser sous son bras, ma tête posée sur son torse. J'ai baissé ma garde et je ne suis pas habituée au puissant besoin de tendresse, d'affection qui me noue la gorge. Je ferme les yeux, pose mes lèvres au hasard de sa peau dans un remerciement silencieux. Je lui suis reconnaissante de m'offrir ses bras pour la nuit, et d'accepter de le faire sans chercher l'assouvissement d'autres désirs.

Son corps est chaud contre le mien, et ses bras massifs qui m'enveloppent ont un côté terriblement réconfortant. Pour la première fois depuis des années, je me laisse aller vraiment, sans chercher à faire semblant que rien ne m'atteint. Le sommeil me happe rapidement, et je sombre sans lutter pour quelques heures. Pourtant quand je m'éveille, brûlante, il fait encore nuit noire. Il a basculé sur le flanc dans son sommeil et je me colle à son dos dans un soupir, passe ma main sur son ventre. Le désir qui m'anime est lancinant et je ne veux pas y renoncer. Je me presse contre lui, glisse mes doigts entre ses jambes, lentement.

Partager mon lit n'est pas une habitude et entre les chauffage et le contact du corps doux près de moi, je crève rapidement de chaud au cœur de la nuit. Sans doute est-ce pour ça que je roule en m'écartant d'elle, jusqu'à ce que des rêves d'une précision redoutable suivis d'une vague de plaisir perturbent mon sommeil. Je me réveille dans un grognement bas avant de réaliser la main sui me serre fermement, les seins qui s'écrasent contre mon dos, le souffle qui me brule la peau. Je tiens la main de Nina, la stoppe, avant de me tourner tout de go vers elle pour l'enlacer à nouveau et me jeter contre elle avec une passion fébrile. Je suis déjà dur comme du bois sous ses bons soins et je remonte doucement sa cuisse sur ma hanche pour me glisser en elle d'une poussée plus douce que nos précédentes étreintes. Je stoppe quand je suis niché dans son corps pour profiter du baiser qui nous lie.

Lentement les vagues reprennent, irrésistibles, lentes au départ et plus fortes, et nos corps s'accordent à merveille pour y répondre, pour faire grimper le plaisir dans des soupirs où je prononce son prénom avec un ton d'émerveillement grondant. Je me maitrise cette fois, je veux m'accorder à elle et pas seulement jouir d'elle, pour la première fois à l'écoute de quelqu'un d'autre que moi. Je la laisse s'accrocher à moi, m'attirer plus en elle encore, mes doigts profondément accrochés à sa peau pour la ramener vers moi, encore, encore, da, opet...

Je somnole encore à moitié mais je suis pourtant très décidée dans mes gestes. J'ai besoin de lui à un niveau animal, inconscient et j'enveloppe sa queue de mes doigts avec la ferme intention de l'inciter à unir nos corps à nouveau. Il durcit rapidement contre ma paume et j'en geins de plaisir, mon rythme cardiaque s'affolant dangereusement. Je m'offre à lui avec un naturel confondant, me cambre en relevant la jambe pour qu'il puisse mieux glisser entre mes cuisses. Je suis accrochée à sa peau, son cou, ses épaules, ses bras, son dos. Je le ramène vers moi irrésistiblement après chaque coup de rein, bascule doucement sur le dos pour qu'il me surplombe. Le poids lourd et chaud de son corps sur le mien me fait perdre tout contrôle, toute mesure et je murmure contre ses lèvres : Oui encore, encore. Slavenko encore... Je répète ces mots comme une litanie amoureuse jusqu'à ce que l'orgasme me foudroie enfin. J'exulte dans un cri, la tête renversée en arrière, le corps secoué de contractions délicieuses.

Dans un élan instinctif que je ne maîtrise pas, le sommeil me rendant plus vulnérable encore, je le serre contre moi en enfouissant mon visage contre son cou. De nouveau, on bascule sur le flanc, et je doute que les anti-douleurs pris plusieurs heures plus tôt soient la seule chose qui me fasse oublier mes blessures. J'ai l'habitude depuis des années de prendre soin de moi-même, de me protéger moi-même. Et j'ai pourtant dans ses bras un sentiment de sécurité que je ne m'explique pas, et qui me fait un bien fou. Peut-être parce que je me sens autorisée, pour la première fois, à baisser ma garde.

Je la suis aussitôt qu'elle part, explosant dans un flash blanc avant que ma conscience ne se délite délicieusement. Je me presse contre Nina, d'instinct, l'enferme dans mes bras d'un geste bien trop possessif pour qu'il soit anodin. Pourtant, je suis caressant, et c'est encore plus dangereux parce que je me sens amoureux. Je le réalise dans un éclair de lucidité. Mon cœur s'accélère à cette découverte, mélange euphorique d'enivrement et de trouille. Je murmure en caressant ses cheveux "Mais qu'est-ce que tu me fais ? Qu'est-ce que tu me fais zlato ?" Oui elle est un trésor, un trésor que je viens de découvrir, une drogue à laquelle je suis accro. J'en ai la gorge nouée.

Je me tais et je la tiens contre moi, mon nez contre sa peau, la humant, nous humant, nos odeurs mêlées. Elle est douce et pourtant je la sais si forte. Je suis ébloui, incrédule. Je promène mes doigts sur sa peau, je suis parfaitement réveillé à présent, trop plein d'émotions tournoyantes pour que je me rendorme alors je m'essaye à la câliner tendrement, un peu maladroit dans mes gestes, hésitant surtout, découvrant comment faire. Et brusquement, après un long silence entrecoupé de soupirs, l'inévitable aveu sort sur un ton presque surpris, vaguement grondant. "volim te." C'est ça le problème, le gros, gros problème qui se profile pour ma gueule.

Il ne me lâche pas et à cet instant précis, j'ai la sensation que je pourrais mourir s'il me lâche. Je ne sais pas quoi répondre à sa question, qui n'en est de toute façon pas vraiment une, parce que moi aussi je me demande ce qu'il est en train de me faire. Je me suis menti à moi-même lorsque j'ai essayé de me convaincre que ce serait l'histoire d'une seule nuit. Je ne peux pas me contenter d'une nuit, ni même de deux. Je n'arriverais jamais à oublier le goût de sa peau, j'en suis convaincue. Contre lui, je suis assaillie par des émotions, des sensations que je n'ai jamais ressenties auparavant. Et c'est trop bon, trop fort pour que je renonce. Ses caresses me bercent, m'apaisent et éveillent mes sens tout à la fois. Je suis certaine à présent que je n'en aurais jamais assez, si je n'étais pas aussi épuisée je le réclamerais encore, inlassablement.

Lorsque les mots lui échappent, je ne suis qu'à moitié surprise, et je plonge mon regard dans le sien pour tenter de démêler le vrai du faux. Je fronce les sourcils, réponds tout bas : Ne dis pas ça, tu ne me connais pas... Je n'ai jamais été amoureuse, réellement amoureuse, mais on ne se fréquente réellement que depuis deux jours, et en-dehors de quelques étreintes torrides, on ne sait rien l'un de l'autre. Il ne peut pas appeler ça de l'amour. De l'affection, de l'attirance, oui, mais pas de l'amour. Je passe ma main sur sa joue, caresse sa peau inlassablement. Qu'est-ce qu'on va faire, Slavenko ? Pour nous, pour moi, pour les Tigrovi... C'est une question soufflée tout bas et qui lui dit, s'il sait lire entre les lignes, que je n'ai pas envie que ça s'arrête là.

J'ai déjà été amoureux une fois, mais là c'est différent. Ce que je ressens est beaucoup plus fort. Je crois que je peux dire que je l'aime. Pas qu'elle me plait ou que j'ai envie d'elle. Non, c'est plus que ça, plus que du sexe sinon je serais allé voir une pute tout à l'heure, je ne lui aurais pas envoyé un sms à elle. Surtout pas à elle. C'est pour elle que j'ai buté Damir et Branko, pour être sur que rien ne se mettra entre nous et c'est terrifiant ce que je peux faire pour ne pas la perdre. Au bout de deux jours. Juste parce qu'elle a couché avec moi. Imaginez ce que je pourrais faire pour elle si elle me donnait son amour ! "Et alors ? Je sais, je sens que je t'aime." Je n'ai pas besoin de la connaitre, c'est des conneries ça, je le sais dans les fibres de mon être. Ça me simplifierait la vie si c'était pas le cas.

"J'en sais rien, c'est toi qui commande tu sais." J'ai un ton vaguement ironique, mais c'est pour cacher mon désarroi. "A quoi tu penses ?" Si elle ne m'aime pas, elle veut peut-être juste un plan Q. "Ecoute...je veux pas t'attirer d'emmerdes, ni faire le mec collant, je prendrais ce que tu veux me donner. Je vais pas t'attirer d'emmerdes, ok ? "

Je fronce les sourcils en secouant la tête. Non, c'est moi qui commande les Tigrovi. Là c'est différent. Depuis la seconde où je l'ai invité chez moi, je sais que c'est différent, que même si rien ne se passait je ne pourrais pas continuer à le considérer comme les autres Tigrovi. Quelque chose m'attire à lui, irrésistiblement, et ce n'est pas seulement du désir. Si j'avais été en manque à ce point là, j'aurais cédé aux avances de Damir ou d'un autre. Non, c'est lui que je voulais, lui qui m'a fait baisser les armes. Je pense... Je pense que ça va être terriblement compliqué... Et c'est parce que j'avais déjà réfléchi à ces complications que je tenais absolument à ne pas même flirter avec mes camarades. Bje tenais à tout prix à séparer boulot et plaisir, et surtout à être vue comme une combattante et pas seulement comme une femme.

Ma main descend doucement sur sa gorge, son torse que je parcours du bout des doigts, lentement pour l'apprendre par cœur tout en réfléchissant à la situation. Je peux pas me permettre que ça se sache... Je perdrais toute crédibilité... Je cherche son regard dans l'obscurité, visiblement désolée. J'ai bossé trop dur pour en arriver là... Déjà que tous sont persuadés que j'ai couché pour avoir le job, je ne peux pas être vue comme celle qui se tape le fils de Jelenko. Je soupire, embrasse son épaule. Mais je veux te voir encore... Je suis... Je suis bien avec toi... Le mot est pourtant bien faible pour décrire ce que je ressens. Toi, de quoi tu as envie, dis-moi ?