Ça va attirer les rats et s'ils te mordent, ils vont attraper la rage - Slavina

Je ne sais pas si c'est différent, je suis un Tigrovi après tout. Mais je comprends ce qu'elle veut dire et je suis d'accord avec elle sur le fait que ça va être compliqué. Elle n'a pas misé sur le bon. Déjà je suis le fils de Jelenko, du coup ouai, tout le monde va croire qu'elle couche avec moi pour ça, pour monter en promotion, ce qui serait idiot puisqu'elle est déjà lieutenant. En plus des deux fils, c'est Cam qu'elle aurait du choisir en ce cas parce que moi je suis le raté du lot. C'est moi qu'on va accuser de coucher avec elle pour jouer de la promotion canapé ! Mon père sera furieux que j'ai "gâté" son lieutenant et sa réputation.

"oui je sais. J'veux pas te causer d'ennuis..." Je suis déjà presque résigné. Si elle décide de ne plus me voir, je n'y pourrais rien, je ne m'imposerais pas, je ne saurais même pas comment faire. Elle happe mon regard et je comprends que c'est la dernière nuit. Jusqu'à ce qu'elle dise qu'elle veut me revoir me demande mon avis. J'en reste bouche bée parce qu'on ne me le demande jamais figurez-vous ! Une fois que j'ai retrouvé l'usage de la parole et que cet air de stupéfaction crétine quitte mon visage, je balance avec ferveur "je veux continuer de te voir aussi !" mes mains se sont crispées sur sa peau comme pour la retenir et je me jette contre sa bouche, littéralement, furieusement.

Je hoche la tête parce que je sais, ou du moins je crois savoir, qu'il ne veut pas me causer de problèmes. En fait je pense que comme moi, il ne s'attendait pas à ce que les choses tournent de cette façon quand on a couché ensemble pour la première fois. On était tous les deux blessés, portés par l'adrénaline, on sortait d'une mission qui s'était mal passé et le stress de la mission à venir nous rongeait. On avait besoin de décompresser, de décharger la tension, et moi j'ai baissé ma garde et oublié mes principes. Je croyais que ce serait l'histoire d'une nuit, je ne pouvais pas imaginer que ce serait si bon, qu'il y aurait une telle connexion entre nous, que j'en voudrais encore... Et surtout que j'aurais envie d'autre chose. Parce que si ce n'était que pour le sexe, je serais partie en courant quand il m'a dit je t'aime il y a deux minutes, je le sais bien.

Je suis assez estomaquée qu'on ait une telle conversation au beau milieu de la nuit, mais il dit qu'il veut continuer à me voir et ça n'a soudain plus d'importance. J'enroule mes bras autour de son cou pour le ramener contre moi, un gémissement mourant sur ses lèvres. Le souffle me manque aussitôt, le désir m'embrase à nouveau et je ne sais pas comment c'est possible alors que je viens de jouir ! Slavo, Slavo... Je l'arrête, glisse une main sur sa joue pour chercher sérieusement son regard. Il faut pas que ça se sache... Je veux pas que ça se sache, d'accord ? S'il te plaît... On avisera, plus tard, si ça devient sérieux... Mais pour l'heure ça dure depuis deux jours à peine et je ne veux pas tout foutre en l'air pour une histoire qui ne durera peut-être que deux semaines !

Je suis déjà impatient de son corps quand nos bouches se trouvent avec fébrilité mais Nina me stoppe et je lève un regard sombre et sérieux sur elle. Je suis obéissant, sachez-le, très surtout avec ma hiérarchie, et ça reste mon lieutenant. "Je dirais rien, je dirais rien, j't'promets, je vais pas tout foutre en l'air." Ma bouche échoue sur son menton, un peu au hasard, sur sa mâchoire. J'ai envie de rester avec elle, sans son sillage, mais c'est dangereux. L'angoisse me poigne violemment. Je pourrais remplacer Branko mais j'ai peur qu'on voit comme je l'aime, ça doit forcément se voir. Je suis comme une gamine qui a perdu sa virginité et qui a peur que ses parents le voit sur son visage ! "Qu'est-ce qu'on fait ? Chacun de son coté et on se rejoint chez toi ou chez moi quand on peut ? Ou je remplace Branko à tes cotés. Je ferais comme tu veux..." Je prends ce qu'elle me donne, peu importe si c'est juste un peu d'elle, c'est mieux que rien du tout. Je ne suis pas sur que mon père serait ravi de cette liaison, il s'entête à espérer me faire épouser la fille serbe d'un de ses alliés à lui, il m'en a déjà présenté trois ! Ah putain, je crois bien que j'ai un diner bientôt pour une quatrième ! Bordel de Dieu !

Désemparé, désespéré, je me presse contre Nina, je cherche le réconfort contre elle, dans cette passion charnelle qui nous anime visiblement tous les deux. Le désir rugit, brûle mon âme et surtout efface les émotions délétères. "C'est toi qu'j'veux."

Il me jure qu'il ne dira rien et je respire déjà un peu mieux. Ma carrière et ma place au sein des Tigrovi sont trop importantes à mes yeux pour que je les mette en danger pour une histoire de cul. Parce que ce que je ressens pour lui ne se limite peut-être pas au sexe, mais dans les faits c'est pourtant tout ce dont il s'agit. On ne va pas s'installer ensemble, on va se cacher pour se voir et se retrouver entre deux portes pour baiser... Dans ces circonstances je ne vois pas de quelle façon ça pourrait évoluer. Entre deux phrases, il continue d'embrasser ma peau et je ferme les yeux un instant pour tenter de maîtriser les bouffées de chaleur qui m'envahissent sous ses baisers. Comment fait-il pour me rendre folle à ce point ? Je secoue la tête. Non, non, tu peux pas remplacer Branko... J'arriverais pas à passer toutes mes journées avec toi... On se retrouve quand on peut, d'accord ? Je crois que s'il me colle brusquement, on va se faire démasquer bien trop rapidement. Il faut que je désigne quelqu'un d'autre pour remplacer Branko, je ne sais pas encore qui...

Je me presse contre lui dans un couinement d'envie, affolée. Je suis là, je suis là. Moi aussi je te veux. Je ne sais pas ce qu'on est en train de faire, sans doute une énorme connerie mais je ne peux pas renoncer. Je sens bien le désir, les envies qui me consument et j'ai envie de me brûler les ailes contre sa peau, de goûter la passion que ses lèvres me promettent. J'ai besoin de me sentir vivante en-dehors des Tigrovi, de ressentir autre chose... Et rien n'est semblable à ce que je ressens dans ses bras.

Je viens de remettre ma vie entre ses mains. D'abord parce qu'elle sait que j'ai buté Damir et Branko. Elle peut me faire exécuter quand elle veut avec cette simple info. Ensuite parce qu'elle décide pour nous. Je renonce à être auprès d'elle tout le temps puisqu'elle ne veut pas que je remplace Branko. Je ne sais pas comment je vais faire pour ne pas passer mes journées avec elle, comment je vais survivre à ça. Je la laisse en prime décider des moments où elle voudra bien me voir. On se retrouve quand on peut dit-elle. Est-ce que c'est souvent ça ?

J'oublie ça contre la chaleur brulante de son corps, le mien s'écrasant déjà sur elle pour nous unir encore. Peut-être que c'est si bon parce que c'est interdit. L'aiguillon du désir n'en ait que plus fort, le plaisir plus intense. Je verrais bien comment je gère, je suis pas du genre à me projeter alors je prends maintenant ce qu'elle veut bien me donner.

C'est ce que je me dis quand plus tard, la matinée avancée, on s'habille en silence pour aller au QG.

Je ne sais pas, quand je quitte ses draps sur le matin, que les jours à suivre vont nous compliquer plus encore la vie. Les deux semaines suivantes sont un véritable calvaire, parce qu'on doit non seulement justifier les pertes au sein de nos rangs, mais aussi bosser doublement pour remplacer les hommes perdus. Étant désormais seule pour tout gérer, on ne peut pas dire que Damir ne glandait rien, loin de là, je suis complètement dépassée par le boulot, les missions qui s'enchaînent, les tentatives de recrutement pour regrossir nos rangs. Si les premiers jours, je parviens à trouver une heure pour aller voir Slavenko -heure bien trop courte à mon goût- les choses empirent par la suite. Parce que Jelenko et son frère débarquent, sans doute pour tenter de recoller les morceaux et remonter le moral des Tigrovi. Son père étant présent, j'évite le slave autant que possible, trop anxieuse à l'idée qu'on ne soit démasqués... De toute façon, je ne suis plus bien sûre qu'il y ait réellement quelque chose à démasquer, on n'a recouché ensemble qu'une seule fois depuis cette étrange conversation, et c'est à peine si on trouve le temps de se parler. Je souffre en silence de la situation parce que je refuse de l'admettre, et que je n'ai pas le temps de me morfondre.

Il est tard et après une autre journée chargée, je suis encore dans le bureau en train de bosser. La boîte a rouvert il y a quelques jours et le club est de nouveau plein à craquer, la musique m'empêchant de me concentrer correctement mais je n'ai pas envie d'aller retrouver mon appartement vide.

Deux semaines que je ronge mon frein. Je n'ai croisé Nina qu'une fois, au début et puis elle m'a oublié. On se croise parfois mais jamais seul et je garde ma réserve en me consumant intérieurement. Je ne pense qu'à elle, je ne veux qu'elle et je délaisse les autres plaisirs qui pourraient s'offrir à moi. Je repousse Sonja deux fois sous de faux prétextes et ça commence à faire louche. Mon père et mon frère sont revenus à Sarajevo, et je suis sous l'ordre direct de Jelenko, ce qui m'éloigne un peu plus de Nina. Elle m'a complètement oublié. Je brule de jalousie envers ce nouveau gars qui est dans son sillage, son nouvel "adjoint". Je deviens taciturne, agressif parfois mais tout le monde met ça sur le compte de la précédente mission. D'ailleurs je ne suis pas le seul à être sur les nerfs chez les Tigrovi, on a perdu assez de compagnons pour que ça passe. Je n'arrête pas de me répéter qu'il faut que je tourne la page, que ça n'a été qu'une jolie pause. Peut-être même qu'elle m'a utilisé pour se débarrasser de Damir, j'ai eu ma récompense, je dois m'en contenter. J'ai promis de ne pas être le poids qui entraverait sa carrière chez les Tigrovi.

Ce soir là je reviens d'une mission avec d'autres Tigrovi et après une douche, on redescend, nous dispersant dans le QG, certains vont voir les filles, d'autres vont au bar prendre un verre. Je vais à la cuisine pour me faire réchauffer un plat. Je traverse la grande salle en passant près du baby foot déserté. Le bureau est allumé. J'en pousse la porte en pensant que c'est Camenko pour lui proposer de bouffer avec moi, ce sera mieux que de bouffer tout seul ! "Hé ! est-ce que tu veux de la Gibani..." Merde c'est pas Cam mais Nina. Je recule d'un pas en lâchant la poignée de la porte comme si elle m'avait brulée. Comme je suis à moitié entrée, la porte se coince contre mon épaule. "Pardon...j'pensais que c'était Cam..." Ma voix meurt dans ma gorge, se bloque tandis que je mange Sykes du regard pendant quelques secondes avec une intensité qui résonne dans mes tripes. Et brusquement je m'enfuis de là avant de dire ou faire une connerie - genre lui sauter dessus dans le bureau où n'importe quel Tigrovi pourrait débouler ! Le sang bat mes tempes violemment, je serre les poings, je ne sais plus ce que je fais.

J'ai fermé la porte pour me protéger autant que possible des bruits autour, et je relève le nez quand celle-ci s'ouvre à la volée. Je ne ferme jamais à clé, le bureau est de toute façon ouvert à tous, ce n'est certainement pas mon bureau attitré et ce n'est pas ici que je bosse quand vraiment je ne dois pas être dérangée. Mon regard croise celui de Slavenko, que je ne m'attendais pas à voir débarquer, et une boule de chaleur enfle brusquement dans mon ventre. Putain mais c'est quand même pas humain une réaction aussi violente simplement parce qu'il pose les yeux sur moi, merde ! Je cille, secoue la tête quand je vois qu'il recule mais c'est déjà trop tard parce qu'il se tire du bureau comme s'il avait le diable aux trousses. Est-ce vraiment moi le diable ?

Sans trop réfléchir, je me lève pour le suivre, tout en sachant que je ne peux rien faire réellement parce que le QG est loin d'être désert ce soir. Je le rattrape dans le couloir, saisis son poignet pour l'inciter à se tourner vers moi. Eh, attends ! Mais on croise un Tigrovi et je me reprends en le relâchant, désignant son plat : Je veux bien de la Gibanica. Je détourne le regard en sentant mes joues rougir, essaie de me ressaisir mais le type continue son chemin sans se poser de questions, on est trop paranos je crois. On ne s'est pas vus, je ne l'ai pas appelé, mais il ne m'a pas appelée non plus et j'avoue que je ne sais plus du tout où on en est tous les deux. Peut-être qu'il a changé d'avis ? Peut-être qu'il a trouvé ailleurs ce dont il avait besoin ? J'ai bien vu qu'il était proche de Sonja, je sais qu'il se la tapait souvent, il n'est peut-être venu vers moi que parce qu'elle n'était pas dispo, parce qu'il était en manque, j'en sais rien. Je me sens stupide soudain et je demande : On partage...? Ouais, bien-sûr, comme si c'était la bouffe que j'avais en tête.

J'écarquille les yeux quand elle prend mon poignet et je me fige complètement. K'arrivée d'un Tigrovi me sauve parce qu'elle me relâche et je déglutis avec peine en reprenant mon chemin, ah oui vers la cuisine, c'est bien. Je me reprends sur les quelques mètres qui nous amène "heu...oui, si tu veux." Je sors le plat du frigo, content de pouvoir lui tourner le dos et de m'occuper. Elle m'a évité deux semaines, je ne comprends pas trop. Sans doute veut-elle simplement établir des rapports de camaraderie, excluant ce que nous avons vécu. D'ailleurs qu'est-ce qu'on a vécu ? Deux nuits de sexe torride dont le souvenir me durci le bas-ventre à chaque fois ! Allez Slavo, t'es un grand garçon tu t'en remettras !

Je claque deux parts de Gibanica dans une assiette que je fous au micro-ondes. Deux minutes pour que ce soit chaud. Je me tourne vers Nina, je ne veux pas avoir l'air de ne pas supporter sa présence. J'ai promis d'agir "normalement". J'esquisse même un sourire et j'entame une conversation banale. " C’est la folie en ce moment les missions, non ? Tu veux un truc à boire ?" On a tous du mettre les bouchées doubles pour remplir tous les contrats dont nos pertes auraient du se charger.

Je le touche et on croirait que je l'ai brûlé. Je cligne des yeux, cille en reculant d'un pas, parce que je ne comprends pas ce qu'il se passe. On ne s'est pas beaucoup vus ces derniers temps, c'est vrai, est-ce que ça efface pourtant ce qu'on a pu vivre ensemble, ce qu'on a pu se dire aussi ? Il remplit une assiette, fourre la bouffe au micro-ondes alors que je ne suis plus certaine d'avoir très faim, mais c'est ma seule excuse pour lui adresser la parole je crois. Je m'adosse à la table pour lui faire face sans le toucher. Ouais, j'ai pas eu une minute à moi. Je crois que c'est une façon détournée de lui dire que ce n'était pas forcément volontaire, j'ai réellement été débordée... Et en plus de ça son père étant dans le coin, je me suis dit qu'il valait mieux nous tenir à carreaux. J'ai passé beaucoup de temps avec Jelenko depuis son retour. Un coca, steuplait. Je sais qu'il y en a toujours dans le frigo et je préfère ne pas boire d'alcool parce que c'est la vodka qui m'a poussée dans ses bras la première fois.

Je le regarde avec l'impression étrange qu'il ne s'est rien passé, que j'ai complètement rêvé les moments qu'on a passés ensemble. Je suis vraiment grave. Il a dit des mots qu'il ne pensais pas parce qu'il était à moitié endormi, je ne sais pas pourquoi je me suis imaginé que ce serait plus qu'une histoire de cul. Le micro-ondes sonne et je le laisse récupérer l'assiette avant de me servir dedans. J'essaie de prendre sur moi pour tenir, moi aussi, une conversation normale. Banale. Luka se débrouille bien. Il est toujours moins lourd que Branko. C'est Luka qui le remplace à mes côtés.

Elle n'a pas eu une minute à elle. Je tente d'analyser la phrase en la dévisageant. J'ai des milliers d'hypothèses qui se résume à deux options. Elle ne voulait pas me voir et m'a évité, elle voulait me voir et n'a pas pu. Elle aurait pu m'envoyer un sms, ou je sais pas... me croiser, me dire de passer chez elle, juste une heure, juste cinq minutes. Je baisse finalement le regard pour nous servir deux verres de coca.

Une vague de jalousie me submerge, effaçant mon sourire factice, noircissant mon regard. Pourquoi elle me parle de Luka ? Luka qu'elle a sauvé et que j'ai trainé contre un mur à l'abri. C'est une façon de me dire qu'elle est passée à autre chose ? Je suis simplement idiot de penser qu'une fille comme elle voudrait d'un mec comme moi. "Ah...il va mieux ? Je sais parfaitement comment il va et ma question n'est que de pure forme. Quant à moi ma blessure est parfaitement guérie.

La sonnerie du micro ondes me fait sursauter tant je suis tendu et je sors l'assiette en me brulant les doigts. Je transfère la moitié de la gibanica dans une autre assiette et je pose le tout sur la table, ainsi que deux fourchettes. Je m’assois à une place et j'attire mon repas à moi. Malgré la contrariété j'ai grave la dalle parce que je suis debout depuis une très longue journée, que mes nuit sont courtes en ce moment, perturbées et que j'ai bien bougé aujourd'hui avec la mission. J'avale une bouchée chaude mais pas brulante et je demande sur un ton très prudent. "Et toi ? ça va ? Tes blessures..."

Si je savais ce à quoi il pense, je crois que j'hallucinerais. Je parle de Luka pour faire la conversation, pour dire que je suis passée à autre chose oui. Mais pas le concernant, concernant le fait qu'il ait buté Branko. C'est une façon de lui signifier que je l'ai remplacé, que tout va bien de ce côté-là... J'en sais rien, finalement. Je hausse les épaules. Ouais, ça va. Je crois que tout le monde va mieux. Tous ceux qui ont été blessés sont guéris je crois, ou presque, en tout cas plus personne n'est dans un état critique. Je crois qu'on a de toute façon subi suffisamment de pertes comme ça.

Je m'installe sur la chaise à côté de la sienne et je récupère ma fourchette pour commencer, moi aussi, à manger. L'appétit vient en mangeant, c'est vrai, et j'adore la gibanica. Tout va bien, j'ai plus de pansement. Je baisse les yeux sur ma jambe en admettant : J'ai encore une gêne à la cheville mais c'est parce que j'ai pas voulu foutre d'attelle. Comprenez par là que tant que je ne me reposerais pas, j'aurais toujours un peu mal à cette foutue cheville. Je baisse nerveusement les yeux. J'avais envie, quand il a déboulé dans mon bureau, de lui demander de passer plus tard, qu'on rentre ensemble peut-être parce que j'ai envie de le voir... Et pas comme on est en train de faire maintenant ! Mais je ne suis soudain plus très sûre que ce soit une bonne idée et j'ai trop de fierté pour supporter de me prendre un refus je crois.

Je mange, levant parfois le regard vers elle mais surtout vérifiant régulièrement les alentours. Je suis comme un animal aux abois. J'ai peu qu'on nous voit, j'ai peur qu'on devine, mais encore plus qu'on ne devine pas parce qu'il n'y aurait rien à voir. Rien qu'un Tigrovi ridicule bavant devant une lieutenant inaccessible. Mes muscles se contractent à cette idée. Je suis furieux contre moi-même.

J'expédie mon repas avec l'air de vouloir tuer quelqu'un dans la foulée. Mon ton est plus bref. "Tu devrais faire gaffe les entorses mal soignées c'est qu'il y a de pire, ça prend des plombes après et ça t'emmerde un moment !" Je le sais, ça m'est arrivé durant le siège de Sarajevo. Je suis tellement sombre et réticent que lorsqu'un Tigrovi vient chercher un truc au frigo, il ne capte rien de la tension entre Nina et moi. Il salue seulement Nina avec un distancié "lieut'nant" avant de me claquer la main sur l'épaule d'un geste plus chaleureux "ça va Svenko ? Tu fais une de ces tronches" Je lève les yeux vers lui en hochant la tête "ouai ouai, j'suis crevé. Je bouffe et j'rentre me pieuter." "hé, on prend des verres à coté, pour fêter les nouvelles admissions. Allez viens boire un coup. Bien joué mon lieutenant, vous aussi venez...C'est grâce à vous !" Certains la vouvoient, d'autres comme moi la tutoient, j'imagine que ça dépend du degré de proximité. Le Tigrovi prend un sandwich dans le frigo et en retournant vers le club ajoute "En plus Sonja est là et j'crois qu'elle t'attend." Dans son dos, j'ai un mouvement d'humeur qu'il ne voit pas, je m'en fous royalement de Sonja, c'est PAS ma régulière ! Celle que je veux est face à moi et je suis persuadé qu'elle ne veut plus de moi, que je n'étais qu'une passade.

Il a l'air en colère et je ne sais pas pourquoi. Peut-être est-ce dû à l'une de ses missions du jour ? Après tout je ne sais rien de sa vie, je ne sais pas ce qu'il fait, je connais à peine ses relations avec les autres... On ne se connaît pas, c'est aussi simple que ça. Mais quand je le lui ai dit, il a répliqué qu'il n'avait pas besoin de me connaître pour m'aimer. D'y repenser ma gorge se noue douloureusement. Je sais. Mais j'ai pas le temps de m'en occuper. Il faudrait pour ça que je me mette en repos plusieurs jours, sans doute même plusieurs semaines et je ne peux vraiment pas me le permettre. Quant à bosser avec des béquilles merci pour la crédibilité !

Stan débarque pour nous inviter à boire des coups avec eux et si je suis d'abord sur le point de refuser, je tique à la mention de Sonja. La rage bouillonne brusquement dans mon ventre mais je suis heureusement très douée pour dissimuler mes émotions. J'arrive. Puisque Sonja l'attend, c'est l'occasion pour moi d'avoir le cœur net sur ses intentions. Oh, on ne s'est rien promis, ni beaux sentiments, ni exclusivité. Mais s'il préfère coucher avec la pute plutôt qu'avec moi, je saurais à quoi m'en tenir. Je termine mon assiette rapidement et me lève en répétant, impassible : Viens, Sonja t'attend.

Je gronde d'un ton bougon "tu devrais prendre le temps." Je me rends compte que je ne parle pas du tout de sa cheville ! Stan me sauve par son arrivée jusqu'à ce qu'il se tire sur cette phrase qui me hérisse. Nina d'ailleurs renchérit là dessus. Elle a au moins une belle excuse pour le mettre à distance à présent. La réplique fuse, plein de colère dans le ton "Et alors ? C'est PAS ma régulière" Nombreux sont ceux à le penser et personne n'a tenté de prendre cette place auprès de Sonja. Peut-être que c'est ambigu à cause de la façon de la prostitué de rechercher mes faveurs, et parce que c'est - c'était - souvent chez elle que j'allais assouvir mes besoins. j'ai pourtant été clair avec elle et je ne considère pas Sonja comme à moi. Je n'ai jamais désiré être lié à quelqu'un sauf ... sauf Nina depuis notre dernière nuit ensemble. Je lui ai dit pourtant. Je balance mon assiette vide dans l'évier et je suis la lieutenant vers le Club où je n'ai pourtant pas envie d'aller. J'ai envie de rentrer chez moi mais pas seul. La seule personne que j'ai envie d'emmener à mon appart' me précède alors je la suis !

Au bar, les gars sont là avec des putes qui leur tournent autour comme des mouches. Je sais bien comment ça se passe et la dureté des missions récentes, les pertes décuplent les besoins des hommes. Ils veulent s'amuser, se détendre, se sentir vivants et elles sont là pour ça. Deux ou trois des nanas présentes ne sont pas des putes mais des maitresses attitrées, des concubines, parfois même une épouse, ça reste extrêmement rare. La plupart de ceux qui sont mariés laissent leurs femmes à la maison et s'amusent ici avec d'autres. Fidélité ne riment pas avec Tigrovi. Sonja n'est sur les genoux de personne quand j'arrive mais je ne m'approche pas d'elle. Je prends le verre qu'un camarade me donne. La pute me regarde d'un regard intense que j'ignore. Moi je regarde Nina, au point que Sonja se tourne vers elle. Quelque chose se joue dans ces regards entre nous trois. Et c'est dangereux.

Il se met en colère, balance des explications qui de toute façon ne me regardent pas. Elle pourrait être sa régulière, qu'est-ce que j'aurais à y redire ? Je lui ai dit, de toute façon, que je ne pourrais rien lui offrir d'officiel. Je réponds dans un sourire : Visiblement, elle ne l'a pas compris. Non, je peux le dire rien qu'au comportement qu'elle a envers lui, elle espère toujours qu'il finira par officialiser les choses entre eux. Je peux comprendre qu'il n'ait pas envie de passer son temps à vivre caché, au moins avec Sonja il peut se montrer. Avant qu'on couche ensemble d'ailleurs, moi aussi je pensais qu'elle était sa régulière. Non pas qu'il lui était fidèle -il faudrait être con pour être fidèle à une pute-, mais en tout cas qu'elle était entichée de lui, et lui d'elle sans doute. Jusqu'alors tout se passait très bien parce que j'avais toujours fait en sorte que mes amants ne soient pas mêlés, de près comme de loin, aux Tigrovi. Devoir croiser Slavenko tous les jours rend les choses beaucoup plus compliquées pour moi.

Je m'éloigne d'ailleurs de lui en rejoignant les autres, m'adossant au comptoir pour récupérer un verre de vodka. Les hommes ne me tournent pas autour aussi franchement qu'ils le feraient avec une pute, parce qu'aucun n'oublie les relations hiérarchiques entre nous. Seul Damir était insistant, parce qu'on avait le même rang, mais Damir n'est plus là. Branko non plus, et si Luka a des vues sur moi il le cache très bien ! Sonja se tourne vers moi et mon regard noir happe le sien, sans que je cherche à esquisser le moindre sourire. Elle hésite, son regard allant du slave au mien avant qu'elle ne se décide à bouger. Je ne la quitte pas des yeux, la scrute tandis qu'elle se porte vers Slavenko, enroule un bras autour de son cou, se presse contre lui, se penche pour murmurer à son oreille. Le sang bouillonne dans mes veines mais je ne bouge pas. Pas encore.

J'aime bien Sonja, tout le monde le sait, le truc c'est que je ne suis pas amoureux d'elle. Cette fille est sympa, plutôt jolie et elle m'a aidé à me sentir ici chez moi quand j'ai débarqué de NY. Et on baise, ouai, ça me convenait bien. Mais brusquement ça ne me convient plus, juste parce que Sykes a déboulé et m'a retourné le cerveau et le cœur. La phrase de Nina me reste en travers de la gorge. Et moi qu'est-ce que j'ai pas compris ? Elle ne veut pas que ce soit officiel, elle m'a accordé le droit de la voir entre deux portes, une seule fois depuis qu'on a passé la nuit ensemble. On a juste baisé rapidement, intensément, c'est ce qu'elle veut, un plan Q. Je suis un plan Q. Même maintenant que Sonja vient vers moi, elle ne dit rien, je vois rien dans son regard noir, impassible. Si je repousse Sonja, ce sera vraiment louche. Je ne l'ai jamais fait jusqu'ici.

Je laisse la pute se coller à moi, et elle me murmure une proposition qui ne me fait même pas frémir. Pourtant ça fait donc presque quinze jours que je fais ceinture en espérant un sms de la femme qui vient clairement de me repousser. Je suis vraiment trop con. Je détourne le regard de Nina et je fais un geste pour qu'on me resserve un verre que j'avale aussi sec, bien décidé à boire assez pour effacer les images du lieutenant nue se pressant contre moi. Je ne m'écarte pas de Sonja, je la laisse se coller à moi, ce qu'elle fait avec savoir faire. J'espère même qu'elle saura susciter du désir en moi pour oublier celui qui me brûle les tripes et ne la concerne pas.

Je ne les lâche pas des yeux, et je crois que personne ne le remarque parce que tous sont déjà trop occupés avec les filles qui s'accrochent à eux ou les camarades avec lesquels ils boivent. Ma main se crispe sur le verre de vodka que je vide d'un trait, les muscles tendus par la contrariété... Quel euphémisme ! Je guette les réactions sur le visage du slave, je cherche à lire le désir dans son regard, l'amour peut-être ou en tout cas l'attachement, l'affection qu'il a envers cette fille. Un signe qu'il faut que j'arrête d'espérer un message de sa part. Non parce que je n'étais pas au courant que j'étais seule à assumer la responsabilité de nos rendez-vous. Moi aussi, ça fait deux semaines que j'espère qu'il appellera. Mais il n'a pas appelé, pas une seule fois.

Elle l'aguiche savamment, se presse contre lui comme une chatte en chaleur mais il ne la touche pas. Et sous mes paupières s'imprime le souvenir de ses mains crochetées à mes hanches, de sa bouche sur ma peau... Et je crève de chaud. Il n'a pas envie d'elle, je vois bien qu'il n'a pas envie d'elle et c'est la seule raison pour laquelle je n'ai pas encore pété un plomb. En plus de ça je ne peux pas vraiment me le permettre. Pourtant il ne la repousse pas, et ça me rend dingue. Je ne réfléchis pas quand je sors mon téléphone pour lui écrire. « Je t'attends chez toi. » Non, je ne lui demande pas vraiment la permission.

Sonja collée à moi, je bois mornement ma vodka en faisant mine de discuter avec les autres. Mon téléphone vrombit dans ma poche et je le tire machinalement. Le sms me fait l'effet d'une bombe. Du plomb liquide me coule dans le bide et un bourdonnement sourd envahit mes oreilles. C'est le bruit de mes propres pulsations qui viennent de s'accélérer. Je grogne d'un air détaché comme si ça me gonflait - j'apprends à dissimuler ! - "Taf" et je me décolle du bar en abandonnant mes compagnons. Seule Sonja me lance un regard aigu de femme avisée qui subodore une rivale. Faut dire que je ne l'embrasse même pas comme j'aurais pu faire autrefois, comme j'aurais du faire pour vraiment donner le change. Je m'en fous, je passe près de Nina sans la regarder, surtout ne pas la regarder - déjà que mon corps frémit à donf' d'être si proche un instant ! - et je sors.

J'allume une clope et je presse le pas pour rentrer chez moi. Elle n'a pas la clef et c'est quand même mieux si elle poireaute pas devant ma porte. J'imagine qu'elle va attendre quelques minutes, j'en sais rien. Je les mets à profit pour d'abord enlever mes rangers, ensuite ranger les deux trois trucs qui trainent mais n'étant pas un grand bordélique, ça va vite !

Je ne m'attends pas spécialement, quand je lui écris, à ce qu'il parte de suite. Et je ne m'inquiète absolument pas de devoir attendre devant la porte. Je n'ai jamais parlé à Slavenko -ni à aucun des Tigrovi d'ailleurs- de ce que je faisais avant, mais crocheter sa serrure me prendrait moins d'une minute. Non en réalité je me demande même ce qu'il va faire, est-ce qu'il va rester malgré tout, pour me punir peut-être ? Est-ce qu'il va coucher avec Sonja et me rejoindre ensuite ? Est-ce qu'il va dormir au QG juste pour ne pas rentrer chez lui ? Mais non, son visage change quand il lit le message, et mon cœur s'affole parce que je vois très bien malgré tous ses efforts que ça ne le laisse pas indifférent. Il se décolle de Sonja qui ne comprend pas ce qu'il se passe, et se tire sans me jeter un seul regard. Je jubile intérieurement, excitée, angoissée aussi, tous mes sens en ébullition soudain. C'est con qu'il parte devant, j'avais pour projet de l'attendre à poil dans son pieu, je vais devoir trouver autre chose.

Je ne peux pas partir tout de suite sans que ce soit louche, alors je reprends un verre, attends surtout que Sonja s'intéresse à un autre des gars pour tourner les talons à mon tour. Je ne repasse par le bureau que pour choper mon sac, et je m'éclipse en direction de chez lui. Je me souviens parfaitement du chemin. Il n'habite pas loin, et je dois me pointer quinze minutes après qu'il soit arrivé je pense. Je toque à la porte, le cœur battant à tout rompre, les joues déjà roses et je prétexterais que c'est le froid.

J'attends et si j'ai l'air calme en apparence, je ronge mon frein. Mon téléphone ne vibre plus, et j'ai peur qu'elle ne joue avec moi. Pourquoi ferait-elle ça ? J'en sais foutre rien mais notre relation est tellement bizarre et ma confiance en moi si faible que j'imagine le pire. Elle pourrait ne pas venir. Et alors que le corps de Sonja contre moi me laissait indifférent, l'idée même que Nina me rejoigne me fout la trique. Quand ça frappe à ma porte je sais que ce n'est pas Sonja, une fois elle a voulu se pointer chez moi ayant trouvé mon adresse en me suivant et je lui ai mis une telle soufflante qu'elle n'a jamais recommencé. A partir de ce jour je pensais que c'était clair que c'était pas régulière !

J'ouvre la porte à la volée et c'est Sykes. Je ravale l'étonnement étrange et inapproprié qui m'étreint, laisse la bouffée de joie sauvage exploser. Je lui choppe la main, la fait entrer brusquement pour claquer la porte derrière elle. Dans le même mouvement je l'embrasse dans un baiser passionné, lui sautant dessus comme si j'étais affamé, ce qui est le cas. Mes mains se sont agrippées à son haut pour la maintenir vers moi, dans un geste aussi brutal que possessif. Désespéré.

La porte s'ouvre et il m'attire à lui sans me laisser le temps de réfléchir, de parler, de protester... Haha, comme si j'avais réellement l'intention de protester ! L'anxiété que je ressentais à l'idée de me retrouver seule avec lui s'envole dès qu'il fond sur moi. Sa bouche dévore la mienne, ses mains s'agrippent à mes fringues et je gémis de plaisir contre sa bouche. Mon dieu, qu'il m'a manqué. Je savais que j'avais envie de le voir, que j'espérais un appel, mais je ne me rendais pas compte que le manque était si violent. Et maintenant que je le retrouve, toutes les émotions réprimées m'éclatent en pleine figure.

Je me débarrasse de ma veste, la laisse tomber au sol avant de fourrer mes mains sous son tee-shirt. Je plaque mes paumes contre son dos, le pousse sans lâcher sa bouche jusqu'à ce qu'il heurte le mur. Un peu trop fort sans doute mais c'est égal. Je me laisse tomber à genoux devant lui, tire sur son treillis jusqu'à ce que la fermeture cède, et j'accroche le pantalon et le boxer pour faire tomber le tout d'un seul mouvement. Moi aussi, je suis affamée. Je me penche et prends sa queue dans ma bouche, l'accueillant jusqu'à la garde dans un grondement animal. Le goût de sa peau me fait trembler de désir et je maudis d'avance le jean que je porte et qui l'empêche de fourrer directement ses mains entre mes cuisses. Je le suce vite et fort, profondément parce que putain oui, j'ai faim de lui.

A aucun moment je n'ai de doutes, je n'imagine pas qu'elle me repousse, elle m'a envoyé ce sms et elle est venue me rejoindre, c'est pas pour faire du tricot ! J'ai heurté le mur et je n'ai pas le temps de dire de me ressaisir qu'elle a fondu sur moi en renversant la donne. Je gronde quand elle lâche ma bouche, écarquille les yeux quand elle tombe à genoux devant moi. Le geste m'électrise et je jure un truc hyper grossier, ça m'échappe.

Quand elle me prend dans sa bouche, je suis franchement déstabilisé et puis le plaisir supplante tout parce qu'elle me suce sans me laisser de répit. Je jure à nouveau, mon poing se ferme appuyé au mur tandis que mon autre main agrippe son épaule. Je devrais m'écarter mais j'en suis incapable. J'ai rêvé de ça des dizaines de fois. Je me suis réveillé la nuit dans des fantasmes de cette puissance, la main déjà sur la queue pour me masturber en pensant à nos ébats. Mais la réalité dépasse tous mes rêves ce qui n'est pas peu dire !

"Nina, Nina..." J'halète sous la pression du désir qui ne demande qu'à être assouvi. Je ne suis pas très sur de tenir longtemps et d'ailleurs je préviens un peu tard parce que je jouis dans un râle guttural. Pour la première fois, j'éprouve une sorte de honte à être parti un peu trop vite sans me soucier d'elle. j'aurais voulu avoir plus de maîtrise mais elle m'a mise dans tous mes états !

Outre le manque, c'est aussi la jalousie qui guide mes mouvements, qui me fait aller plus vite et plus fort, qui me pousse à vouloir lui faire lâcher prise. Je revois le corps de Sonja ondulant contre le sien, sa bouche sur sa peau, son sourire suffisant et ça me donne des envies de meurtre. J'ai besoin d'effacer son image, son souvenir, de m'assurer qu'il ne pense plus à elle, jamais. Je veux être la seule qui occupe ses pensées, la seule à le faire démarrer au quart de tour, à lui faire perdre le contrôle. La possessivité dont je fais preuve me choque moi-même parce qu'elle ne me ressemble pas, mais le désir est de toute façon trop fort pour que j'y réfléchisse maintenant.

En quelques minutes, il perd pied, et je ferme les yeux quand il se répand sur ma langue. J'accueille ses spasmes dans un grondement de satisfaction, mes mains caressant ses cuisses en signe de gratitude parce qu'il s'est laissé aller. Je le relâche doucement, me relève en tremblant légèrement, à bout de souffle. Et surtout je crève de chaud. Les pointes de mes seins se dressent contre le débardeur noir que je porte toujours sans soutien-gorge, mes joues sont rouges, mon regard noir du désir qui me tient fermement entre ses griffes.

Je tremble contre le mur, les mains posées à plat tout contre pour éviter de glisser alors que mes jambes se font guimauve. L'orgasme fulgurant m'a laissé groggy et déboussolé, un maelstrom de sensations inconnues ou trop confuses m'oppressant. Quand Nina se relève j'accroche mon regard au sien pour tenter de reprendre pied à la réalité. Je l'attrape aux épaules pour l'écraser contre moi, ses seins sur mon torse, sa bouche sur la mienne. Ma langue goûte mon propre goût sur la sienne et j'en gémis des résidus de plaisir qui s'accroche à mon âme. Je passe mes mains sur sa peau, explorer sous le débardeur, échoue sur ses reins, essaye de plonger dans le jean. Frustré de ne pas sentir sa peau, je prends la décision de la soulever dans mes bras pour l'emmener dans la chambre.

Je la dépose sur le pieu en grondant "bouge pas" Je me déshabille le premier mais je veux la déshabiller ensuite. J'ai besoin de le faire moi même de pouvoir toucher sa peau entre deux vêtements. Nu, je m'agenouille sur le matelas pour pouvoir me pencher sur le corps de Nina, j’ôte des godasses et son jean. Je mords violemment mes lèvres à la vue de ses jambes pâles, de son corps aux courbes affolantes. Je viens lui ôter son débardeur et ma bouche trouve le chemin de ses seins que je dévore lentement. J'embrasse aussi son ventre, je me promène sur sa peau, parfois ma main glisse sur son sexe encore habillé de la barrière de la culotte. Je frotte ma paume sur le tissu d'un geste propriétaire et sans douceur, je sens la chaleur de son sexe à travers et ça m'excite furieusement.