Ça va attirer les rats et s'ils te mordent, ils vont attraper la rage - Slavina

Oh non, je ne me fais pas prier, déjà trop attiré par son corps chaud qui vient se presser contre le mien. Comment aurais-je pu résister quand je n'aspire qu'à connaitre à nouveau cette drôle de sensation, si intense, si parfaite, cette explosion de sensations divines. Je suis enragé de son corps, j'en ai un besoin brutal qui me surprend. Je gronde de satisfaction quand elle s'empare de moi trop fort, trop possessive, et pourtant pas encore assez à mon goût. Ses jambes s'enroulent autour de ma taille et je me retrouve à ma place dans son corps accueillant. J'en gémis de plaisir, faisant écho à ses soupirs, contre sa bouche où nos langues se cherchent follement. Mes mains gagnent ses hanches et j'entame un va-et-vient marqué, saccadé. Je cherche à la fois à faire durer mais aussi le plaisir, ce plaisir particulier, si fort que je ressens quand on baise. Ça n'a rien à voir avec les étreintes que je connais, celles qui vous soulagent le corps, il y a carrément autre chose, une envie, un besoin. Je la retiens contre moi, l'embrasse amoureusement. Amoureusement, j'effleure le mot de ma conscience mais le laisse s'envoler dans les limbes du plaisir, c'est bien trop dangereux comme idée. En réponse, je la baise plus fort, les mains crochetées à ses hanches, ses reins, mon torse s'écrasant sur sa peau nue, et je maudis mon tee-shirt entre nous. Mes mouvements s'accélèrent, se font plus durs et l'orgasme me fauche. Je ramène Nina contre moi d'un geste fou, infiniment possessif durant trente secondes, une minute peut-être avant de la relâcher en me rendant compte de ce que ça risque de signifier.

Je suis déphasé et je respire comme un soufflet de forge, la sueur me collant à la peau. Je m'écarte non sans avoir une dernière fois effleuré tendrement ses lèvres, caresser son nez du mien. Je me tourne à demi pour cacher mon trouble, me rajuste en rebouclant mon futal, en tirant mon tee-shirt pour le défroisser. Je souffle d'une voix assez peu assurée que je cache sous un ton rauque "j'attends dans la caisse." Je quitte son appartement rapidement, descends pour fumer dans la rue en l'attendant. Bon sang, je ne sais pas ce qui se passe mais les battements de mon cœur sont trop rapides et emballés pour que ce ne soit "rien". Je lève les yeux vers l'immeuble comme si Nina allait m’apparaître ou une réponse ? Mais je l'ai la réponse. Je suis en train de tomber amoureux de cette fille et je suis dans la merde.

Je m'accroche à sa peau, et je crois qu'inconsciemment je cherche à la marquer comme il a pu marquer la mienne. Mes ongles s'enfoncent dans ses épaules, mes mains pétrissent son dos sous le tee-shirt qui me gêne mais que je n'ai pas le courage de lui ôter. Il me faudrait m'éloigner de lui trop longtemps et c'est impensable. Rapidement je dois libérer sa bouche de laquelle je peine pourtant à me défaire, mais le souffle me manque et mes gémissements se font plus forts. Je me tends vers lui, inlassablement, des ondes de chaleur se répandant dans mes veines et chaque coup de reins brise un peu plus mes défenses. J'enfouis brusquement mon visage dans le creux de son cou quand je sens l'orgasme monter et j'étouffe un cri en mordant sa gorge, mes membres se resserrant spasmodiquement autour de lui.

Il quitte l'appartement bien trop vite et je suis tellement groggy que lorsqu'il claque la porte, je suis encore nue sur le meuble de la cuisine, les jambes tremblantes, le corps en sueur. J'essaie de reprendre mon souffle, mes esprits mais la tâche s'avère compliquée et j'ai finalement besoin d'une nouvelle douche pour y parvenir. Je me contente d'un rapide jet d'eau glacée avant de m'habiller enfin. Treillis militaire, débardeur et veste, je récupère mes affaires et je le rejoins en bas en essayant de ne pas montrer mon trouble. Dieu qu'il va être compliqué de le côtoyer tous les jours maintenant ! J'ai déjà envie de sa peau, encore, d'un baiser volé, de frôler sa main... J'inspire un grand coup alors qu'on regagne sa voiture en silence, et je me tiens volontairement loin de lui lorsque je m'installe. Il semblerait que le moindre effleurement entre nous me fasse perdre les pédales alors je suis ultra vigilante.

On fait le trajet en silence et je meuble en fumant plusieurs clopes, fenêtre entrouverte sur une matinée claire mais fraîche à Sarajevo. Je ne la regarde pas, surtout pas, déjà je suis bien trop conscient de sa présence. Heureusement, elle se tient à l'écart et marque la distance, ça m'aide. "on y est, je te laisse là ?" J'arrête la caisse sur le parking près de chez moi pour qu'elle puisse finir à pied et moi je rentre chez moi pour me changer. La douche et surtout le fait de ne plus être en présence de Nina me fait du bien, la tension s'envole sous l'eau froide. Ensuite je refais mon pansement tout seul comme un grand et j'enfile des fringues propres.

Une fois que je suis équipé correctement, je me sens capable d'aller au travail sans sourciller. Il est clair qu'hier soir était une jolie parenthèse et qu'aujourd'hui tout doit redevenir normal. En plus nous avons une mission à faire et quand j'arrive au Pussynight, du personnel est train de s'activer pour nettoyer. Je traverse la pièce pour me rendre au QG. Mon Lieutenant est dans le bureau avec Damir et Aleska et je ressens un drôle de sentiment de mise à l'écart. Mais moi je suis juste un soldat, je ne peux pas m'incruster alors je vais attendre avec mes camarades vers la cuisine. Je prends un café, échange avec les autres sur l'attaque, sur l'état d'Andrej aussi. On papote en attendant les ordres, parce qu'on a tous hâte d'agir.

​Retourner au Pussynight me fait un bien fou parce que ça me permet d'arrêter de penser à la nuit que j'ai passée. Sur le trajet pour m'y rendre, pourtant, je ne pense qu'à ça, aux mains de Slavenko sur ma peau, à sa bouche sur la mienne, à sa façon de me regarder, de me toucher... Mais il suffit que j'arrive au QG pour que l'effervescence ambiante me happe. Tout le monde est au taquet, forcément, et je me souviens de l'échec cuisant vécu la veille. Heureusement, Aleska a d'excellentes nouvelles pour nous et on se concerte avec Damir, qui a finalement le même rang que moi, pour prévoir la suite. La condescendance du lieutenant me donne de furieuses bouffées de rage, sous prétexte que la mission de la veille s'est mal passée il s'octroie les commandes de celle-ci en tentant de me mettre à l'écart. Ce qui m'emmerde, c'est qu'il est là depuis plus longtemps que moi, il aura le soutien des autres Tigrovi et je ne peux rien y faire. Alors je ronge mon frein en essayant de garder notre objectif à l'esprit, j'aviserais ensuite.

Quand on retourne dans la salle principale où les gars nous attendent, c'est Damir qui prend la parole. On a trouvé l'endroit où crèche le type auquel appartenait l'un des ordinateurs, et au vu de nos infos il semblerait que ce ne soit pas qu'un sous-fifre, c'est un bon point pour nous. On va donc se rendre chez lui, à Dobrinja, où il ne s'attendra pas à nous voir vu le mal qu'il s'est donné pour garder son adresse secrète. C'était sans compter sur les talents d'Aleska, évidemment.

​Quand les chefs sortent du bureau, nous nous regroupons, abandonnant nos activités qui son café, qui sa partie de Baby-foot ou sa discussion passionnée. Je constate tout de suite que c'est Damir qui donne les ordres, en quoi je suis surpris. Je jette un regard par en dessous vers Sykes mais elle ne semble pas broncher. Je me prépare à me joindre à l'équipe qui va à Dobrinja quand Damir m'arrête. "Pas toi, Kovacs." Il ne m'appelle Kovacs que lorsqu'il m'engueule ou me donne un ordre sec, sans doute pour bien marquer que j'ai beau être le fils de mon père, je n'en suis pas moins un sous-fifre. Je déteste quand il utilise le nom de ma mère hongroise pour me stigmatiser ainsi, mais évidemment je ravale mon fiel à sujet, me contentant de protester "Quoi ? Mais pourquoi lieutenant ?" "T'es blessé, tu nous seras d'aucune utilité" "Mais ça va, Vuk m'a rafistolé et..." "Comme hier? Peut-être que si on avait eu un bon sniper ça aurait pas tourné au désastre. C'est un ordre, tu restes là Kovacs." Un bon sniper. L'insulte est flagrante et me fait pâlir et serrer les mâchoires de colère. Je lâche un juron de dépit mais je ne dis rien de plus. Chez les Tigrovi, on ne conteste pas les ordres d'un supérieur mais bon sang j'ai la haine en regardant mes camarades se préparer. Je ronge mon frein en espérant, je ne sais pas...une sorte de miracle ?

Je serre les dents et les poings quand il interpelle Slavenko pour lui interdire de nous accompagner. En temps normal, je n'aurais pas pris sa défense... Et c'est exactement la raison pour laquelle je ne peux pas me permettre de le faire, parce que personne ne comprendrait pourquoi je m'interpose. Et puis j'évite de contredire les autres lieutenants, de la même façon que je n'aimerais pas qu'ils me contredisent devant les gars. Je cille pourtant à sa répartie acerbe et très franchement injuste, parce qu'ils nous ont tendu un piège et que Slavenko n'aurait rien pu y faire.

Je détourne le regard en me préparant à mon tour, sans doute autant en colère que Drazavic parce que moi aussi je suis mise de côté, même s'il ne peut pas m'empêcher de les suivre. Les gars partent devant et quand je passe à côté de Slavenko, je souffle en effleurant très brièvement son bras : Désolée. Alors autant vous dire que je ne m'excuse pas souvent -pour ne pas dire jamais dans ce genre de contexte- et que c'est une putain de première. J'ai un regard d'excuse pour lui avant de m'éloigner pour suivre le groupe. On n'a pas besoin d'être trop nombreux, je crois, le type devrait être seul chez lui et je crois qu'on sera rentrés rapidement.

Je tourne en rond, frustré, avant d’emboîter le pas aux autres vers le garage. Je chope Nina quand elle va vers un véhicule. "Prend moi comme conducteur. Il ne veut pas que je m'expose mais je resterais dans la bagnole. Me laisse pas sur la touche." Je ne pense pas que j'aurais demandé ça s'il n'y avait pas eu cette nuit, si elle n'avait pas effleuré mon bras dans ce léger choc électrique. Ça m'en donne le courage sans doute, l'audace. Je ne m'impose pas pourtant, assez proche pour lui demander sans attirer l'attention, assez loin pour ne pas créer une intimité dérangeante ou suspecte aux yeux des autres. "Je resterais au volant. Je connais bien ma route."

Slavenko nous suit et je cille quand il m'interpelle. En temps normal j'aurais refusé, pas parce que Damir me donne des ordres mais pour ne pas créer de conflit inutile. Seulement oui, il y a eu cette nuit, et le souvenir de son corps pressé contre le mien est encore trop prégnant pour que j'aie le courage de refuser. Équipe-toi. Je finis par lâcher du bout des lèvres. Même s'il reste dans la bagnole, mieux vaut qu'il soit armé, on ne sait jamais comment les choses peuvent tourner et on n'est pas à l'abri.

On ne prend que deux bagnoles et Damir est déjà monté dans la sienne avec trois autres gars, me laissant volontairement sur la touche. Il est grand temps que je montre à ce salopard que je ne suis pas un putain de pot de fleurs mais ça attendra la fin de la mission. Il n'a jamais compris que Jelenko m'ait donné le poste, je le sais, mais il va falloir qu'il arrête de s'opposer constamment à moi. Il a tenté de me foutre dans son pieu aussi et je crois qu'il a mal pris mon refus, comme si j'étais une pute, comme si j'étais tenue de dire oui ! Je monte dans une caisse et Slavenko me rejoint tout de suite après, s'installant au volant. Moi je boîte légèrement mais vu comme il m'a prise cette nuit je ne m'inquiète pas de ses blessures. Putain, rien que d'y penser j'ai brusquement chaud et quand il démarre l'habitacle s'emplit d'une tension qui n'est pas uniquement liée à la mission. Je garde les yeux rivés sur la route et je suis crispée, tendue parce que j'ai envie qu'il me touche et que mes propres désirs, dans ces circonstances, me font honte.

Je suis tellement soulagé qu'elle accepte que je bondis en oubliant totalement mes blessures. Dans les faits ça va, mon bras me gêne, je ne peux pas le lever plus que la moitié sans que ça soit douloureux - ok c'est gênant pour tirer - mais mon flanc ça va. Je peux largement conduire ! J'enfile ma veste et je m'empare d'une Kalach avant de grimper au volant. J'ai déjà Beretta et couteau, comme un Tigrovi toujours prêt à intervenir. J'enfonce un bonnet sur mon crâne, déjà parce qu'on se pèle et ensuite parce que je veux éviter que Damir ne me reconnaisse - au moins de loin. Je ne peux m'empêcher d'adresser un sourire et un regard rayonnant à Nina - le lieutenant Sykes - assise à coté de moi. Un sourire et un regard comme j'en ai très rarement. Je suis frémissant d'adrénaline et de drôles de vagues électriques me parcourent, mais je mets ça sur l'excitation de la mission et la joie de ne pas être mis e côté.

Il est facile de suivre le convoi qu'on forme, il n'y a qu'à la fin que je bifurque quand on se déploie autour de la cible. Je gare la camionnette avant de me tourner vers Nina, avec peut-être l'espoir qu'elle m'embarque avec elle même si j'ai promis de ne rien demander, d'obéir bien sur. Je ne suis là que pour exécuter les ordres.

Je secoue la tête, incapable de réprimer le sourire amusé qui fleurit sur mes lèvres face à son air enchanté. On croirait un môme auquel on file des friandises, c'est dingue quand même. Au moins son sourire fait baisser la tension d'un cran et je parviens à me détendre légèrement, encore que je suis trop focalisée sur la mission à venir pour être tout à fait sereine. Et puis le fait que Damir s'en soit octroyé les commandes me dérange aussi beaucoup, même si je suis suffisamment professionnelle pour ne pas le montrer.

On arrive à destination et je remonte tout à fait la fermeture éclair de ma veste pour me protéger du froid. Je me tourne vers lui, sourcils froncés. Attends ici. S'il te plaît. La première partie est un ordre, la seconde une sorte d'excuse dissimulée parce que je sais pertinemment qu'il a envie de venir avec nous ! Mais s'il se passe quoi que ce soit, que Slavenko soit fautif ou pas, Damir m'en tiendra pour responsable. Comme je n'attends pas de protestation de sa part -ce n'est pas parce qu'on a couché ensemble que je ne suis plus sa supérieure- je sors de la caisse en récupérant mes armes.

Du côté où nous nous sommes garés, je suis seule et je rase les murs pour ne pas me faire remarquer, même si vraiment, je doute que le type nous attende, je n'ai pas envie d'être surprise une seconde -troisième !- fois.

Rien n'est plus chiant que de rester sur la touche alors je suis déjà ravi d'avoir le droit de piloter la camionnette. Je ne proteste pas quand elle me dit d'attendre, j'avais quand même peu d'espoir parce qu'elle irait à l'encontre des directives de Damir. Ils ont le même statut mais ce serait presque une déclaration de guerre. Or je ne veux pas mettre Nina dans l'embarras. Je n'en vaux pas la peine, le bras de fer qui se joue entre eux n'est déjà que trop palpable et depuis hier soir j'ai brutalement choisi mon camp ! Le souvenir de la peau de Nina contre la mienne, de ses gémissements, de ses doigts s'incrustant dans ma chair est bien trop présent et surtout j'aspire à connaitre encore l'étreinte de ses bras.

Je ne reste pas inactif, je surveille les environs. D'abord la progression prudente de Nina puis je la perds de vue ce qui ne m'empêche pas de vérifier que personne ne la suit ou ne l'a repérée. Je vois un homme sortir de l'ombre et emboiter le pas à Sykes et je sais déjà qu'il n'est pas de chez nous. Je crois qu'il s'agit simplement d'une petite frappe de quartier voulant emmerder une jolie nana seule. Je sors silencieusement du véhicule pour intervenir. Je fais ça rapidement et efficacement en le prenant par surprise. Dix secondes plus tard, il git et je le traine derrière des poubelles avant de retourner dans le véhicule, la sueur me roulant dans le cou après la violence de l'effort.

Je ne me retourne pas un seul instant pour voir s'il me suit ou non. Je crois qu'une partie de moi préfère faire semblant de ne pas savoir... Je perçois les bruits de pas dans mon dos, mais très naïvement je crois que c'est lui et une nouvelle fois je garde les yeux rivés devant moi. Je suis agacée parce que j'entends Damir donner des ordres dans mon oreillette et ça me dérange vraiment qu'il ait pris les commandes. Je l'ai laissé faire, en même temps. J'aurais pu lutter, me battre, mais je crois que j'ai suffisamment de mal à me faire respecter par rapport à lui comme ça et que j'ai crains que les hommes ne le suivent. J'ai préféré me retirer que d'essuyer un refus franc, bel acte de lâcheté de ma part, j'en conviens.

Les autres sont en train de monter les escaliers, mais j'ai pris l'arrière de l'immeuble et j'approche de la porte de sortie quand celle-ci s'ouvre à la volée. Je cille, peinant à croire que le type qu'on est venus chercher est vraiment en train de s'enfuir par ici -merci Aleska et ses jolies photos qui me permettent de le reconnaître- mais j'agis vite malgré tout. Il est tellement surpris de me voir qu'il stoppe sa course, quelques secondes à peine mais c'est suffisant pour que je l'assomme d'un coup de crosse dans la gueule. Il a dû les voir arriver par la fenêtre, ou alors il a des types qui surveillent les rues et qui l'ont prévenu, j'en sais rien. Quoiqu'il en soit je suis bien contente d'avoir chopé la proie, et je préviens tout le monde avant de regagner la caisse où m'attend Drazavic.

Je suis soulagé de voir Nina revenir et dès qu'elle entre dans la voiture, je me tourne vers elle, examinant si elle va bien, si elle n'a aucune blessure. Sans le vouloir je tends même la main avant de me rendre compte de mon geste, choqué, et de la rabattre sur mon genou sans achever le chemin. Je demande précipitamment à la place, histoire que ça passe inaperçu. "ça été ?qu'est-ce qui s'est passé ? Il est mort ?"

Je démarre la voiture en regardant devant moi avant de demander "on va où ? " Je ne sais pas si elle a obtenu d'autres informations qui vont nous mener dans un autre lieu ou si on rentre au QG. Je suis curieux de savoir ce qui s'est passé non seulement lors de la mission mais aussi de ce qui c'est passé avec Damir. Tout le monde a senti la tension, moi en particulier, mais je ne veux pas poser la question même si de facto j'ai choisi un camp depuis cette nuit.

​​​Je cille, me fige quand il tend la main vers moi, retiens mon souffle en attendant que ses doigts m'effleurent mais il les retire brusquement et je cligne des yeux. Je n'en reviens toujours pas d'aspirer aussi fort à son contact, même dans les situations qui ne s'y prêtent absolument pas. Je prends deux secondes pour reprendre mes esprits avant de lui répondre. Non, je l'ai intercepté et je l'ai filé à Damir. Parce que ce connard m'a clairement fait comprendre dans l'oreillette qu'il fallait que je le lui amène. Seule, j'aurais refusé pour le ramener moi-même. Mais je ne tenais pas à attirer l'attention sur le fait que Slavenko se trouve dans la caisse avec moi, je ne sais pas si Damir et les autres l'ont remarqué et je ne veux pas lancer de guerre ouverte... En tout cas pas tant que cette guerre n'est pas finie, je ne peux pas me le permettre.

On retourne au QG pour l'interroger. Je soupire, m'enfonce dans mon siège tandis qu'il nous conduit au Pussynight. La pression ne retombe pas, moi aussi je suis bien trop consciente de la tension entre Damir et moi et ça commence à me travailler sérieusement, surtout parce que j'ai peur de ce qu'il pourrait tenter. En arrivant au QG, en revanche, je réalise surtout que j'ai raison de le craindre. Parce que nous sommes la seule voiture à nous garer, alors que les autres sont partis avant nous. Ils sont pas encore là...? Est-ce qu'ils ont fait un détour ? Est-ce qu'ils vont arriver ? Je ne sais pas pourquoi mais mon instinct me souffle que non. ​​

​​​ Je prends sans discuter la direction du QG bien que ça me semble étrange que Damir se soit chargé du prisonnier si l'opération était sous la direction de Nina. Il y a un frémissement, une contraction des muscles de la nuque, mon instinct qui me titille. On arrive au QG et les autres ne sont pas là. Je sais directement que je n'ai pas conduit assez vite pour que ce soit normal. je secoue la tête négativement. "pas normal..." Je lis dans le regard de Nina la colère et le doute mêlés. Plus de colère que de doutes d'ailleurs, c'est assez net pour que même moi je le lise clairement.

"Attend." J'ai des potes dans l'autre convoi et je ne suis pas censé être avec Nina mais ici au QG, au repos forcé. Je prends mon téléphone pour appeler un pote à moi Stan. J'essaye d'être neutre sans trahir mon impatience. Je l'interroge sur ce qui se passe, ce qu'il font, jouant le gars énervé d'être resté en arrière et curieux des opérations.

"Il a parlé, ils sont partis continuer l'OP sur Doboj en RS. Y a deux heures de route, on peut rattraper le retard. Faut prendre des renforts. Damir est taré, ils sont pas assez s'ils vont au QG de ces gars avec juste ce qu'ils ont là. "

Je sais bien que ce n'est pas normal, évidemment que je le sais, mais le simple fait de l'admettre me fait perdre la face et toute crédibilité en tant que lieutenant. Cet espèce d'enfoiré use de son ancienneté, et de la loyauté des hommes qui lui sont plus attachés qu'à moi, pour développer une hiérarchie nouvelle qui ne correspond absolument pas à celle des Tigrovi. Je crois que j'ai été trop gentille, trop désireuse de m'imposer en douceur pour faire en sorte que les choses se passent bien. J'ai dû oublier, l'espace d'un instant, que nous ne sommes pas là pour nous entendre mais pour bosser ensemble. Je crois que je ne ferais jamais réellement partie de cette grande famille qu'ils semblent tous former, et coucher avec le fils de Jelenko montre bien à quel point je me suis fourvoyée. Puisque je n'aurais pas su m'attirer sa sympathie, je m'imposerais autrement auprès de Damir, mais je n'ai aucune intention de renoncer.

J'ai beau déjà savoir que tout ça s'annonce très mal, je laisse Slavenko passer son coup de fil parce qu'il aura forcément plus d'informations que moi. J'ai l'impression d'être dans le camp ennemi alors que nous sommes tous du même côté ! J'écarquille les yeux à son annonce, mes joues rougissant sous le coup de la colère. Putain mais à quoi il joue ?! Je grogne, donne un coup dans le tableau de bord avant de gronder : Rassemble tous les mecs qu'il reste. La partie de moi qui a environ douze ans d'âge mental voudrait les laisser se démerder et se planter pour avoir raison, mais je ne laisserais pas des types crever simplement parce que Damir aura été trop prétentieux !

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​​​ Je sais à quoi il joue mais je ne réponds pas parce que la question est purement rhétorique et elle le sait aussi. Damir élimine Nina du jeu. Si elle ne reprend pas la main de l'opération, elle sera complètement discrédité et mon père n'aura d'autre choix que de lui confier des missions moins importantes, voire de la rétrograder. Je ne crois pas que la fierté de la lieutenant l'accepterait et je n'ai soudain pas du tout envie que ça arrive parce qu'alors elle quitterait les Tigrovi et je ne suis pas du tout certain alors de la revoir !

Je descends de la bagnole rapidement pour aller dans le QG. Je rassemble tous les hommes qui nous seront utiles pour la mission et je vais m'équiper directement un peu mieux que je ne le suis c'est à dire que je passe en veste lourde, pantalon kevlar, armes lourdes, grenades étourdissantes, masques et tout le toutim. On charge les camionnettes et entre dix à quinze minutes plus tard on redémarre sur les chapeaux de roues parce qu'on a du retard à rattraper. J'ai repris le volant pour que Nina puisse coordonner les équipes. Concentré sur la route, j'appuie sur le champignon avec la hantise d'arriver trop tard.

J​e ne m'explique pas le soulagement que je ressens à ce que Slavenko soit avec moi. Je crois que je deviendrais folle si j'étais réellement seule contre tous. Le fait de l'avoir à mes côtés est une mince consolation, mais une consolation quand même. Une partie de moi se doute qu'il ne serait pas là si on n'avait pas passé la nuit ensemble, mais je mets volontairement ce détail de côté pour le moment. Pendant qu'il rassemble les hommes restés au QG, je retourne chercher des armes et munitions supplémentaires. La colère commence à gronder dans mon bide et c'est un très mauvais signe... Pour Damir. Me croire gentille et inoffensive serait une terrible erreur.

On remonte en voiture très rapidement, grâce à l'efficacité de Drazavic, mais je suis quand même emmerdée. Tu as pu savoir où ils allaient exactement ? On a le nom d'une ville, c'est mignon mais ça ne sera pas suffisant pour les rejoindre et participer à l'opération. Or je ne peux pas me permettre de louper l'opération ! Heureusement pour nous, l'un des types à l'arrière de la bagnole est au courant de l'avancée des opérations, et on parvient à choper une adresse exacte. Visiblement, ils ont trouvé leur QG, une ancienne ferme réaménagée, et c'est là-bas que tout le monde se rend. Oh, vous savez qui est en voiture avec nous ? Branko, voyons ! D'ailleurs il pose une main sur mon épaule et me demande : J'ai entendu que vous étiez blessée, ça va ? Je tourne la tête, baisse les yeux sur sa main avant de le foudroyer du regard pour qu'il la retire. Ouais.
​

​​​ J'ai pris la direction de la ville, je m'apprête à réinterroger mon contact à la demande de Nina quand un de mes camarades a la réponse, ce qui m'arrange, j'aurais fini par paraitre suspect surtout que je suis censé être sagement au QG ! Mon visage se ferme brusquement quand Branko se montre familier avec Nina et même la façon dont elle le rabroue n'éteint pas la jalousie dans mes tripes parce que si j'avais eu ce geste là devant les autres elle m'aurait rabroué aussi.

Je roule pied au plancher quasiment, heureusement la plus grand partie du trajet est par autoroute sauf la fin du trajet où je suis obligé de ralentir à cause du mauvais état des routes. On arrive à découvert mais ça n'est pas grave, parce qu'on est encore à presque une borne qu'on voit déjà que la ferme est déjà prise d'assaut. D'instinct je ralentis, interrogeant Nina du regard. Soit on y va de suite pour affirmer la prise d'assaut, soit on est plus stratégique avec Damir en le laissant se faire prendre dans la nasse mais au risque de perdre des hommes qui sont sur place. Parmi eux, certains ont juste obéis comme ceux qui nous ont répondu par sms tandis que d'autres sont pro-Damir. Pour moi mon choix est fait et je me range aux cotés de Nina quelque soit le sien, c'est d'ailleurs pour ça que j'ai amorcé une décélération alors que je suis en tête du convoi de nos vans.

Branko est toujours beaucoup trop familier, c'est bien pour ça que j'ai un mal fou à le supporter. Je crois que j'ai eu tort d'avoir pitié de lui et qu'il va falloir que je finisse par lui coller une raclée pour qu'il réalise que je ne suis pas une nana avec laquelle il peut flirter. Je ne couche pas avec les Tigrovi (oui bon, je vous emmerde hein !), et surtout pas avec un mec comme lui ! Heureusement, je suis bien trop concentrée sur la mission -dont nous avons été évincés- pour m'en prendre à lui maintenant.

L'espace d'un instant, j'hésite vraiment moi aussi à laisser Damir se faire prendre. Mais la vie de mes camarades importe plus à mes yeux qu'une ridicule histoire d'ego, et le lieutenant ne serait pas le seul à tomber. Alors je secoue la tête à l'intention du conducteur. Fonce. Ce n'est selon moi pas la bonne approche, on aurait dû être plus discrets, plus malins que ça, mais ils ont déjà lancé l'assaut ; la seule chose qu'on puisse faire est de leur venir en aide. Je sors mon flingue avant qu'il ait coupé le moteur parce que ça a l'air de déjà chauffer sur place. Bordel de merde ! Je cherche Damir du regard sans le voir et je sors de la bagnole qui ralentit à peine, et je commence à canarder, parce qu'à ce stade y a pas grand chose d'autre à faire.

​​​ Personnellement j'y serais pas allé, j'aurai attendu la débâcle, et c'est sans doute pour ça que je ne serais jamais chef. J'ai trop de colère, de rage pour avoir la tête froide. Mon calme n'est qu'apparence, contrôle superficiel qui éclaterait si j'étais maître de mes choix. Donc j'obéis, parce que je suis bon pour ça et je fonce, m'abaissant pour ne pas me prendre une balle en approchant à grande vitesse. Je m'arrête dans un dérapage de fumée contre un autre véhicule à nous qui protègera notre extraction de la camionnette. Sauf qu'on se fait canarder sévèrement et que je n'arrive même pas à sortir du véhicule. Je peste en me tassant dans le siège, attendant une opportunité qui vient rapidement.

En levant les yeux, par hasard, j'aperçois que la personne qui nous tire dessus est un sniper à une fenêtre dans le bâtiment, en angle. Je tâtonne sous le siège pour prendre mon fusil et entre deux tirs, vivement, je me redresse, j'ajuste et je touche pleine tête. En voyant ça, la satisfaction m'envahit, mêlée d'adrénaline et de haine. Je sors de la voiture, tapi entre les deux véhicules et je balance une grenade fumigène avant d'ajuster mon masque et de plonger dans la nasse pour ouvrir le passage à Sykes.

J'élimine les menaces quand elles apparaissent mais deux entre elles nous donnent du fil à retordre. Un instant, je perds le lieutenant de vue. Quand je la retrouve du regard, elle est avec Luka qui parait mal en point. Je vais pour les rejoindre quand je vois Nina et Luka être soufflé par l'explosion de la poubelle. Je crie "NINA !" . Je balance une autre fumgène et j'arrose pour me couvrir afin de la rejoindre. Je la remets sur pieds avant de choper Luka par le col. Poussant Nina devant moi, la soutenant à moitié, on s'extraie de là tant bien que mal. J'ouvre le passage sans compter mes balles, changeant de chargeur entre deux, j'ai prévu de quoi. Je pousse Nina vers un mur où je lui laisse Luka. Je n'ai pas le temps de m'assurer s'il va bien ou pas, Je défonce défonce d'un coup de botte la porte en bois, entre comme un enragé, abat deux hommes qui devaient déjà être blessés. "PAR ICI !"

Je pénètre dans la maison plus avant, pour nettoyer les zones, carré après carré, en militaire aguerri. Je cherche Damir mais je l'entends seulement gueuler des ordres à l'étage. J'ai l'impression que là-haut ça chauffe, et je ne sais pas comment je vais l'extraire, grimper les escaliers seul sans personne pour me couvrir c'est tendu. Je vais avoir besoin d'un coup de main. Je gueule " DRAZAVIC ! J'ai besoin de quelqu'un ici !"