[PEGI 18] FB - Lutin de perle / Sly

« Tiens. »

Je lui tends le briquet qu’elle semble chercher avec sa clope toute tristoune pendue à des lèvres rougies par des morsures sans grâce, un petit objet rose de pétasse que je pourrais oublier dans son sac que ce serait totalement normal qu’il s’agisse du sien. Je la regarde, plus fine qu’autrefois dans son équilibre précaire, montée sur des échasses comme une œuvre d’art nouveau sur un piédestal, histoire de l’élever un peu et de faire croire à son entourage – et à elle-même sans doute – qu’elle vaut encore quelque chose.

« T’as été chouette, les images sont belles. »

Phrase hypocrite par excellence du réalisateur de cinéma qui fait croire à ses acteurs qu’ils ont un rôle à jouer dans la beauté du métrage alors que c’est sa manière de filmer et de mettre en scène qui fait tout.
Et depuis quand un porno doit être beau hein, ça on se le demande.
Enfin on se le demandera dans une dizaine d’années avec l’avènement du porno éthique, pour l’instant on se branle devant des travelos et on la ferme.

« Tu as un moyen de rentrer ? »

« J’ai vu ça oui, ça fait plaisir de te voir si investie. On sent que t’es du métier à côté, c’est pratique. Beaucoup de mes actrices aussi jeunes lâchent au bout d’une demi journée. »

Justement parce que ce ne sont que des actrices et pas ce qu’on appelle des professionnelles – il est assez rare effectivement à cette époque d’être professionnel aussi jeune, ou alors ce n’est pas très...officiel.
J’ai toujours le compliment qui faisait mouche, hein.

« Aucun problème. J’ai deux-trois choses à régler je peux te ramener d’ici dix minutes. Tu peux attendre dans mon bureau si tu veux. » Ma confiance en elle me pousse à lui fournir un trousseau de clés. « La sculpture sur le bureau n’est pas un sex-toy, je te préviens. » je rajoute dans un rire avant de repartir en sens inverse pour retourner dans la salle de tournage du studio modeste, qui n’est rien de plus qu’un appartement loué et formaté pour devenir un véritable lieu de travail sans avoir d’emmerdes.

Je règle leur compte à une bande de techniciens crevés par une journée de boulot d’une intensité extrême qui s’est éternisée pour profiter de l’énergie des acteurs qui nous est apparue aujourd’hui comme un miracle, et une fois que les lumières commencent enfin à se tamiser au son du claquement des portes des gens qui quittent le plateau puis l’appartement, je finis par me glisser dans mon bureau.
Evidemment j’y trouve une Reina fouillant dans mes affaires ; elle m’aurait déçue si je ne l’avais pas surprise en train de faire une connerie.

« Tu trouveras pas énormément de trucs compromettants. » je lance, m’annonçant ainsi dans la pièce.

Je repousse la porte derrière moi sans la fermer étant donné qu’on est censés partir juste après, regroupe une pile de papelars sur le bureau que je glisse dans une chemise trouvant son chemin dans un tiroir.

« Qu’est-ce que tu cherches au juste ? »

Quand nous pénétrons chez moi Reina est rayonnante et fait en fait preuve du plus grand talent qu’elle a réussi à cultiver ces derniers mois : faire comme si tout allait bien, même au pire des moments. Je ne l’ai plus jamais vue défaillir devant un obstacle depuis qu’elle s’est abîmée dans mes bras devant tout le monde ce soir là après que ses parents l’aient foutue dehors, même quand les journées de tournage la réduisaient à une poupée de chiffons entre les mains de plusieurs acteurs en même temps.
Cette petite a grandi beaucoup trop vite et va disparaître beaucoup trop jeune.
C’est la vie.

Je laisse mon immense appartement froufrouter tout seul ; Apolline a laissé les clefs à mes amis présents depuis tout à l’heure avant de s’exfiltrer je ne sais où. Je retrouve sur le balcon Harley et Ophelia qui ont perdu un peu de cachet à mes yeux depuis qu’ils ne couchent pratiquement plus que tous les deux, mais je peux leur pardonner d’être une sorte de caution romantique dans ces océans de baise brutale. J’ai le temps de partager une moitié de clope avec eux, avant de me faire surprendre par un Hypérion très tactile avec qui j’échangeais des messages depuis le début de l’après-midi. Je vérifie, bâtard mais protecteur, que Reina a trouvé l’alcool qu’elle cherchait, avant de me fondre dans les ombres avec la queue du massif Pendergast contre les reins.

Je suis sorti d’une chambre d’amis les reins en miettes et partant à la recherche de ma petite pouliche j’ai été interrompu par un ami producteur dont j’ai complètement oublié le nom mais qui passe très bien niveau marketing porno, et qui a tenu à me présenter une nouvelle petite pépite insolente tout droit venue de Russie (ou de France c’était contradictoire j’ai pas tout compris). J’ai décidé que j’aimais immédiatement ce môme autant que je le détestais, et avant que j’aie pu statuer sur le fait que j’avais envie de le sauter ou non, Mimi apparemment libérée de ses obligations a débarqué pour lui sauter au cou. L’étroitesse de ce monde me surprend en même temps qu’elle me contente, dans tous les sens du terme, un peu plus chaque jour.

Une Scarlet suspendue au dernier étage de la tour de l’ébriété m’est tombée dans les bras, et je l’ai portée jusqu’à une chambre libre pour qu’elle y cuve une quantité d’alcool toujours trop élevée pour son petit corps sensible. Repartant dans l’autre sens, et sentant l’odeur du sel de bain préféré d’Apolline, je vérifie si c’est bien ma femelle qui se noie dans la salle de bains, des fois que je pourrais lui faire la politesse de la saluer.
Je m’appuie sur le chambranle de la porte, à moitié à poil, pour découvrir Reina.

« Tout va bien ? »

Je sais qu’elle va me mentir, quelque soit la réponse, mais il s’agit de m’annoncer, et de la tirer de cet espèce de silence étrange dans lequel elle se mure depuis tout à l’heure, elle qui a pourtant toujours une langue si bien pendue à la queue des autres.

« Je vois si quelqu’un peut te ramener chez toi si tu veux. »

Je suis bien désolée pour elle, qu’est-ce que tu veux que je réponde à ça ?

« Elle est arrivée oui. Elle a retrouvé une étoile montante du porno apparemment, ils ont tourné plusieurs films ensemble. J’avais oublié que Mimi faisait de l’hétéro. »

Il faut dire que c’est ce qui paye encore le mieux quand on a leur âge et qu’on a pas encore trop de relations. J’ai mal au coeur en contemplant Reina, de voir qu’elle s’est amaigrie comme ça, et je ne sais pas comment j’arrive à n’en prendre conscience que maintenant alors que j’ai passé la journée avec une caméra braquée sur son cul.
Certainement parce qu’elle a toujours un cul d’enfer, et que c’est le reste qui a maigri, à commencer par son visage qui ainsi démaquillé, perd complètement de sa superbe.

« Ouais, bien sûr. »

Bianca passe derrière moi dans le couloir et je lui fais signe de faire passer le message comme quoi il ne faut pas nous déranger. Pénétrant dans la salle de bains, je ferme la porte derrière moi.
Je partage tous les culs du monde mais je la partage pas, pas elle, j’ai pas encore compris pourquoi.

Mes fringues tombent au sol et je me glisse dans le bain froufroutant surmonté de mousse créée par le robinet encore actif. Il fait une chaleur infernale dans cette baignoire et l’eau brûlante rappelle à mes hanches contrariées que je n’ai pas le talent d’Harley quand il s’agit de défoncer le cul d’Hypérion.
Mais bon.

La passivité sexuelle a toujours été un de mes grands délires d’excitation et c’est sans nul doute pour cette raison – et un peu pour ne pas gaspiller la cigarette que je fume – que je laisse un long moment Reina s’occuper eh bien, de ses affaires – donc des miennes. J’entends que son souffle change subrepticement de rythme lui aussi, sans nul doute pour accompagner le mien ou le guider davantage. Entre ses doigts, la chair se gorge, prend une proportion respectable, inhérente à l’acte. Je tire sur ma cigarette, manquant à plusieurs reprises de perdre ma cendre dans la mousse tandis qu’elle tord soudainement son poignet dans cette expérience subtile dont seules les traînées peuvent se vanter.
Mais j’ai le sexe princier.
Et même si j’ai la lucidité du fait que le temps passe, que les gens changent, j’ai toujours la nostalgie de nos premiers rapports, de ses gémissements impossibles à contenir, de ses mouvements hésitants, de ses sursauts joyeux.

Cette seule pensée m’amène un gémissement grave au fond de la gorge.

Je me redresse pour glisser la clope entre les lèvres de Reina et finis par l’attraper autant que faire se peut alors que la flotte mousseuse fait tout glisser, afin d’encastrer ses hanches entre les miennes. Je serre les genoux contre ses côtes saillantes, les cuisses un peu vibrantes de la proximité de son corps qui pourrait fusionner avec le mien d’un instant à l’autre. Elle ne porte plus rien que ses cernes violettes pendues à l’abîme de ses yeux, mais pour moi elle restera toujours la gamine abandonnée sur le bord de la route des joies cruelles de la vie.

« Le tapin ne te va pas Reina. » je souffle.