[PEGI 18] FB - Lutin de perle / Sly

Mon ventre se pince quand elle arrête de me toucher, mais heureusement pour elle je gère bien la frustration charnelle, qui est un peu un sous-titre de ma vie, je dois dire.

« Vraiment ? Dans quoi ? »

Je reste intéressé par la perspective, et je me demande si la reconversion va aussi toucher l’emploi qu’elle a chez moi. Comme elle est relativement douée de sa main, le désir mêlé à la fatigue m’empêche de faire preuve d’autant de froideur directe que dans la voiture ; au-delà de ça, je ne saurais faire preuve de violence physique envers Reina.
La violence morale, c’est autre chose.

Je sursaute quand elle glisse ses mains un peu plus bas ; non pas que je ne le veux pas, non pas que je ne m’y attendais pas, mais j’ai été habitué ces derniers temps et depuis le début de nos fréquentation, à la diriger et à lui impulser des mouvements. Pas à ce qu’elle prenne des initiatives, elle qui est toujours dans la lune.

« Tu sais comment m’avoir, toi. » je commente simplement, me laissant aller encore un peu plus profondément dans l’eau pour pouvoir relever un peu les hanches et les percher au bout de ses doigts, fermant les yeux, les mains cramponnées au bord de la baignoire.

« C’est un bon début. »

L’avenir dira qu’effectivement, c’était un très bon début, et que Reina trouvera le moyen de se faufiler dans cette société merdique d’une manière plus brillante que je ne l’aurais cru au départ et que, contre toute attente, elle sera bien vivante dans dix ans, et profondément au fait de la manipulation des choses et des gens.
Et du fric, surtout du fric.

« Nous verrons ça. »

Ce qui sous-entend d’une part qu’elle va galérer d’elle-même, d’autre part que je vais difficilement la laisser me quitter avec le fric que j’arrive à me faire sur son cul. Je dépose tranquillement ma tête contre la paroi de la baignoire, papillonne des yeux juste le temps de me rappeler que putain, faut que je change ce néon, pour regarder Reina.

« Non. »

Je roule légèrement des hanches pour accueillir son doigt, souffle et me détends avec expertise pour que ce soit le moins douloureux possible.

« Pas comme tout le monde. »

Et je referme les yeux.

Je finis par grimacer bien sûr, car la fatigue n’aidant pas, la sensibilité s’agace de cette intrusion illicite. Je pousse un peu plus contre sa petite main plus adroite qu’autrefois mais toujours un peu nerveuse – c’est ce qui fait son charme – quémandeur et sachant parfaitement ce qui vient ensuite. Bientôt la salle de bains vibre d’un léger murmure mélangeant clapotis de l’eau et respiration qui s’accélère de ma part. Quiconque veille derrière la porte, et je suis sûr que c’est le cas, peut savoir ce qu’il se passe ici. Cette pensée m’amène un regain d’excitation au creux du ventre, contracte mes muscles inférieurs et rend plus difficile la progression de Reina.

« Il faut que tu arrêtes de faire la pute. » je souffle, la respiration commençant à buter contre ses mouvements. « Sinon tu vas devenir douée, parfaite, et tu vas perdre tout ton charme. »

Je cherche à écarter les jambes un peu plus mais les parois contre lesquelles je bute rendent ce rêve inaccessible. Reina touche ce qu’il faut où il faut quand il faut et je lâche un grondement grave.

« Viens là. » je grince entre mes dents.

Je me redresse et attrape sa mâchoire pour la guider vers moi sans doute un peu brusquement dans l’avidité ; parce que je m’en rends compte, ma main glisse dans sa nuque, agrippe ses cheveux courts.

Je pars dans un rire à mon tour sous le coup de la fatigue et des trucs que j’ai ingéré – il n’y a que Ophélia qui peut se prendre un braquemart à la Harley complètement sobre, arrêtez – juste avant de venir ici, lorsque j’ouvre de nouveau les yeux, et que je la considère à travers la vapeur générée par l’eau et mêlée de fumée de clope trop chère, avec ses yeux cernés qui lui donnent vingt ans de plus, et la mousse sur le bout de son nez qui lui en donne dix de moins. Et j’ai la flemme soudain, la flemme de sortir, la flemme de me lever, la flemme d’avoir froid, la flemme de baiser, de retrouver les autres, la flemme de jouir, la flemme de tout.
Je veux juste rester là.

« J’suis bien là. » je lâche.

Je lui attrape la main cette fois-ci, l’attire contre moi jusqu’à ce qu’elle glisse dans un couinement de sa peau contre l’émail et se fracasse contre mon torse comme si j’étais la seule chose au monde qui lui tenait la tête hors de l’eau. Et je l’embrasse, la serrant contre moi, sans tenir compte du fait que je bande et que tout pourrait être réglé si vite, être si simple.
Mais ça serait moins drôle.

Je soupire, sans vraiment savoir de quoi : sans nul doute d’un trop plein de choses que je gère méticuleusement d’habitude et sur lesquelles je ne veux pas me prendre la tête maintenant. Il est beaucoup trop tard et j’ai fait beaucoup d’autres choses aujourd’hui. Avec le détachement des adultes qui savent que demain nous attendra si on fait pas trop de conneries ce soir, j’abandonne ma bite à son sort. Non pas que filmer des culs toute la journée ait un effet positif ou négatif sur ma sexualité – à force on ne voit plus grand-chose en réalité – mais il ne me semble pas que ce soit la chose la plus importante pour le moment.
Celles qui écoutent à la porte seront sans doute très déçues.

Une main posée sur la nuque de Reina pour assurer sa présence dans mon cou, je caresse les cheveux courts de sa nuque à laquelle j’ai accès puisqu’elle ne porte pas une de ses fichues perruques là. Baissant les yeux je remarque le minuscule lac que forme sa clavicule trop creusée pour que ce soit naturelle, veinée de bleu, éclatée de violet, de rouge et de jaune en nébuleuse de suçons indiscrets, et je me dis qu’il faudrait vraiment qu’elle arrête tout ça, qu’elle quitte ces boulots merdiques, cette ville merdique, et qu’elle parte recommencer sa vie ailleurs dans un environnement plus sain.

Mais quelque part, je sais avec une forme de sadisme que maintenant qu’elle m’a rencontré elle ne me lâchera plus, qu’elle me suivra au bout du monde s’il le faut tant que je peux lui donner une étincelle d’attention dans un néant d’insultes.


« Reina. »

Une éternité plus tard je la pousse du bout du nez. L’eau est presque froide et toute la mousse a disparu, ne laissant que le dessin de nos corps dans une eau un peu trouble où les sels de bain ont finit de se dissoudre.

« Tu t’es endormie trésor. Il faut sortir maintenant. »

« T’as pas assez d’heures de sommeil et si tu dors pas assez t’as gueule de merde et tu passes plus de temps au maquillage que devant ma caméra. Bouge, je dois pisser. »

Je l’embrasse furtivement, du bout des lèvres quand elle sort, ne me privant pas pour la mater avant qu’elle ne s’enroule dans une serviette à défaut de l’avoir baisée et m’apprête à sortir à mon tour quand je suis très injustement dérangé ; et Reina logiquement d’aller ouvrir, quelle emmerdeuse, putain.
Apparaît une Mimi qui part décidément bien tôt – qui part parfaitement à l’heure en fait quand je vois celle qui apparaît sous la buée du cadran au dessus du lavabo – et qui s’adresse à Reina en des termes qui ne me plaisent pas beaucoup. Mais je crois que le pire c’est le regard que Reina me lance derrière.
Soudain je suis saoulé de tout, et je me laisse glisser plus bas dans la baignoire.

« Mais va te faire fouuuuuuutre Mimi. » je soupire.

Une fois les filles sorties j’expédie ma mission dans la baignoire avant de la déboucher pour qu’elle se vide, et passe une serviette autour de mes hanches plus par commodités des mœurs que par réel besoin ou pire, pudeur. Je retrouve dans le couloir une Mimi qui semble effectivement contrariée – à raison parce qu’il se raconte qu’elle a pas toujours eu des rapports consentis mais eh, elle n’est malheureusement pas la seule ici – et devant laquelle je passe pour vérifier qui il reste encore à la maison ce soir.

Ma femme est effectivement repartie vadrouiller dans un endroit qui m’échappe jusqu’ à une heure qui m’échappe pour une raison qui m’échappe, mais il y a encore un très jeune homme avec de très longs cheveux dorés sur les genoux de Salomé qui s’exerce à maquiller cette dernière – et c’est encore pire que les débuts de Reina.
Je passe derrière un canapé dont je frappe le dossier comme on frapperait à une porte.

« Léonis, tu veux pas me ramener la gamine quand tu pars ? Elle a peur de rentrer seule j’crois. »

Le père Aoma en pleine fellation passive se redresse sur ses coudes le temps que l’information monte au cerveau et finis par acquiescer. De toute façon avec un môme de quatorze ans dans les pattes il va pas rester beaucoup plus tard. Je repars dans le couloir, me servant de ma serviette pour sécher des cheveux courts dont s’éparpillent des gouttes d’eau agaçantes.
Je prends Reina par derrière, mon souffle chaud s’écrasant dans son cou.

« Le père de Dee va te ramener miss, laisse-nous baiser tranquille maintenant. »

J’ouvre une porte au hasard à côté pour rentrer dans la pièce et lui ferme la porte au nez.

Elle aurait pu remplacer le Narcisse admirablement reproduit sur le tableau contre lequel je l’appuie ; blanche, cernée du regard par des tourments divins dont je n’ai pas toutes les clés, plus maigre qu’autrefois, complètement nue, telle une martyr offerte au voyeurisme des nobles. Je sens en la plaquant contre moi qu’elle pourrait défaillir à la seconde tant la fatigue froisse ses muscles et le doux fil de sa respiration. Un instant, je réfléchis, hésitant à la laisser tomber au risque de la flinguer mentalement, et à la baiser au risque de la flinguer physiquement.
C’est un gros dilemme.

« Tu sais, mais tu as autre chose en tête. » je remarque finalement.

Je la relâche avant de lui faire mal, vérifiant qu’elle ne s’écroule pas comme elle l’a fait dans la baignoire.

« Qu’est-ce qu’il y a ? »

« Ah. »

Tu veux que je dise quoi d’autre ? C’est un gamin, évidemment qu’il est perdu. J’ai fait tout ce que j’ai pu jusqu’à présent, j’ai été une espèce de mentor et que veux-tu que je sois d’autre ? Je suis son employeur, pas son père.
J’ai trop de choses dont je dois me soucier sans, en plus, devoir être à l’écoute de tous mes acteurs, attends, c’est bon, y’a pas marqué garderie ici.
Je suis très mauvais confesseur en dehors de ça, et je le démontre en reculant très simplement sans avancer davantage quand elle tend les bras comme une enfant effectivement au bord du désespoir.

« Trop tard. » je lui confie avec honnêteté. « Mais c’est pas dramatique. Je pense que tu as surtout besoin de dormir. Demain est un autre jour. »

Je récolte tour à tour un baiser, un rire, un aveu et un café, tout ça avec le sourire et sans tension apparente. Absolument rien ne renseigne sur l’état dans lequel Reina se trouvait hier, qu’il s’agisse du retour du studio ou du moment où je lui ai dit d’aller dormir quand je voyais qu’elle délirait un peu trop sur ses sentiments – c’est à dire le truc que je ne maîtrise pas du tout.

« Eh bien tu es en forme ce matin ? Tu as appris une bonne nouvelle ? »

Je la remercie du regard pour le café que je pose sur le plan de travail à mes côtés avant de tirer vers moi le battant en éventail de la fenêtre au dessus de l’évier pour pouvoir allumer une clope tranquillement – il n’y a pas grand-chose de pire que l’odeur du tabac froid quand on se lève le matin.
Trop embrumé pour avaler une banane de manière lascive afin de faire passer le message selon lequel j’ai envie de baiser de bon matin – j’ai toujours envie de baiser de bon matin – j’expédie ce qui me permet de ne pas fumer à jeun et colle les reins contre mon plan de travail, nimbé dans la fumée irisée d’une clope trop chère.

« Trop peu, comme toujours. J’aimerais dire que je suis trop vieux pour ces conneries mais j’aime beaucoup trop ça. Et ce serait m’avouer vaincu face à Bianca et ça, il en est hors de question. »

Je tire vers moi ce qui n’est pas un cendrier mais fera office de, la désignant du menton.

« Tu vas faire quoi de ton jour de congé ? »

Enfin, de congé ; on ne tourne pas aujourd’hui. Elle, je ne sais pas.